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MESSAGE DU SAINT PÈRE 
À LA VIIIème SESSION DE LA «CONFÉRENCE DES
NATIONS UNIES SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT»

 

A Monsieur K.K.S. Dadzie
Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies
sur le Commerce et le Développement

La nouvelle session de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement se propose d'examiner comment promouvoir « une économie mondiale saine, sûre et équitable ». Bien que ce thème ait été abordé maintes fois dans le passé, il convient de le reconsidérer aujourd'hui dans un esprit entièrement nouveau, car de profondes transformations ont affecté le monde depuis cinq ans.

Les bouleversements politiques qui se sont produits au cours de ces dernières années ont déjà commencé à faire sentir leurs effets dans les domaines de la production et de l'échange sur lesquels portent vos travaux. Vous vous efforcez d'en prendre toujours mieux la mesure et de les maîtriser. Les événements récents ont montré à l'évidence que le rêve de planifier l'économie au point d'étouffer l'initiative privée n'est pas réalisable car il porte préjudice à ce droit fondamental des peuples d'être « les principaux artisans et les premiers responsables de leur progrès économique et social ».1 Cependant, il ne faudrait pas voir dans l'évolution actuelle uniquement la crise du marxisme car celle-ci « n'élimine pas du monde les situations d'injustice et d'oppression que le marxisme lui-même exploitait et dont il tirait sa force ».2

La désorganisation des économies planifiées aggrave la crise générale du commerce international contre laquelle votre Conférence cherche depuis plus de 25 ans à réagir, rendant encore plus nécessaire la mise en œuvre de nouvelles solidarités. Mais un second écueil se présente ici. Les liens à instaurer ne peuvent répondre aux seuls impératifs du développement économique ni négliger le domaine social. De nombreuses tensions actuelles trouvent leur origine dans l'échec de cette époque qui n'a pas encore su comment allier les objectifs économiques et les objectifs sociaux.

Un changement important est intervenu, au cours de ces dernières années, dans la conception même du développement, de ses conditions et de ses buts. Le droit au développement devient un principe régulateur des relations internationales. Sans doute, aucune définition humaniste n'en est-elle encore acceptée par tous; mais n'est-ce pas l'une des finalités de vos rencontres que d'ouvrir de nouveaux horizons à ceux que leur profession rend d'abord attentifs aux données chiffrées du commerce international? Vous préparez ainsi les responsables à faire entrer dans leurs perspectives et leurs calculs les données sociales de l'économie.

Les obstacles qui se dressent pour intégrer les dimensions sociales aux échanges internationaux et en faire une occasion de progrès humain des populations les plus démunies doivent être levés. Une conversion profonde des mentalités est ici nécessaire, car il faut que les hommes de notre époque entrent dans une autre logique. C'est l'intérêt de tous. Et c'est une condition pour la paix. Qu'il s'agisse d'une économie nationale ou des relations économiques internationales, l'expérience montre qu'un régime qui ne se donne pas pour objectif d'inscrire dans la réalité l'amélioration du bien-être matériel des personnes en même temps que leur développement spirituel ne peut se maintenir indéfiniment. Une réunion comme celle de Carthagène doit s'attacher à convaincre les hommes politiques et l'opinion publique, devant laquelle ils sont redevables de leur action, que les intérêts des hommes et des peuples l'emportent sur ceux de l'économie, si l'on veut que le surcroît de puissance de l'univers soit mis au service de l'homme et de la paix.

La misère de certaines populations et l'insécurité qui en est la conséquence constituent des faits d'une telle gravité qu'ils appellent une réaction immédiate de la part de tous ceux qui en ont les moyens. Paul VI relevait déjà en 1967 l'existence de « situations... trop disparates et [de] libertés réelles trop inégales » entre les peuples. Et il ajoutait: « La justice sociale exige que le commerce international, pour être humain et moral, rétablisse entre partenaires au moins une certaine égalité de chances ».3 Ces problèmes ne sont pas encore résolus. Si quelques pays ont réussi à se hausser au niveau atteint par les anciens pays industriels, combien d'autres sont abandonnés à leur extrême pauvreté! Il est immoral d'ignorer la barrière de la misère qui sépare ceux qui sont bien pourvus de ceux qui sont dépourvus, car tous les hommes sont égaux en dignité; ils doivent obtenir les moyens de vivre dans la vérité, la liberté et la justice; ils ont le droit de compter sur la solidarité des autres. Il est illusoire de penser qu'il sera possible de laisser des millions d'hommes dans le désespoir comme s'ils ne devaient pas découvrir un jour la voie de la violence pour se faire entendre.

Beaucoup reste encore à faire pour arriver à plus d'équité dans les relations internationales. Mais, pour les peuples, cette marche paraîtra une nouvelle chimère s'ils ne perçoivent pas la détermination des plus riches et des plus puissants à rechercher inlassablement les voies les plus sûres de la justice et de la solidarité. C'est l'honneur de la CNUCED d'avoir touiours tenu à affirmer la dimension éthique des questions sur lesquelles ont porté ses travaux.

Bien conscient des enjeux auxquels la Conférence doit faire face, je confie vos travaux au Seigneur de l'histoire qui « jugera le monde avec justice et les peuples avec droiture ».4

Monsieur le Secrétaire général, je forme les meilleurs vœux pour l'accomplissement de votre tâche au cours de la VIIIème session de cette Conférence. Je vous serai obligé de bien vouloir assurer les délégués de nombreuses nations qui y prennent part du grand intérêt que je porte à leurs efforts pour le développement harmonieux de tous les peuples qui composent l'unique famille humaine.

Du Vatican, le 29 janvier 1992

 

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