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LETTRE DU PAPE PAUL VI,
SIGNÉE DU SECRÉTAIRE D’ETAT,
AU MOUVEMENT INTERNATIONAL
DES ETUDIANTS CATHOLIQUES (MIEC) ET À LA
JEUNESSE ETUDIANTE CATHOLIQUE INTERNATIONALE (JECI)

 

Messieurs,

Le Saint Père a accueilli avec joie le témoignage de fidélité et de disponibilité confiante que vous lui avez adressé, au nom du Mouvement International des Etudiants Catholiques, et de la Jeunesse Etudiante Catholique Internationale, à la veille de votre Session commune d’études sur «le rôle des étudiants dans la transformation de la société» et des Assemblées statutaires des deux mouvements.

Le Souverain Pontife m’a confié le soin de vous exprimer en retour, à vous-mêmes et aussi à tous les participants des Assemblées de Valladolid, les vœux fervents qu’il forme pour un travail efficace et fructueux dans une perspective ecclésiale et évangélisatrice. Votre étude et vos débats se poursuivent depuis quelques semaines déjà: les réflexions et les orientations que vous trouverez ici veulent vous éclairer sur l’enjeu de votre apostolat et vous affermir dans les meilleures résolutions.

Ce n’est pas en vain que récemment, à l’occasion du quinzième anniversaire de son pontificat, le Saint-Père faisait remarquer que l’un des points les plus significatifs de son programme était l’amour et l’attention avec lesquels l'Eglise s’intéresse aux sentiments, recherches, réactions et espoirs qui agitent le monde des jeunes aujourd’hui. «C’est pourquoi, disait-il, Nous tournons nos regards vers les jeunes: ils sont l’avenir de la communauté civile, l’avenir de l'Eglise» (PAULI PP. VI Allocutio diei 29 iunii 1978: «L’Osservatore Romano», 30 iunii - 1 iulii 1978, p. 2).

Et parmi ces jeunes, comment pourrait-on ignorer les secteurs de plus en plus vastes du monde étudiant - secondaires et universitaires - avec lesquels vous êtes spécialement solidaires et où vous déployez vos initiatives apostoliques? En eux se cristallisent, de façon peut-être plus manifeste, les problèmes et les défis les plus aigus dont les jeunes sont à la fois les témoins et les protagonistes, les victimes et les bénéficiaires. Leur impact sur la société tout entière est souvent considérable. C’est dire la responsabilité de vos mouvements chrétiens.

Les étudiants méritent d’abord qu’on prenne en considération, pour eux-mêmes, leurs problèmes réels et leurs souhaits. Qu’ils les expriment parfois avec enthousiasme et résolution mûrie, d’autres fois dans le tumulte ou par des réactions de désarroi, ils ont besoin d’être écoutés et admis à une participation raisonnable. De leur côté, ils doivent rester ouverts aux problèmes des autres groupes sociaux, et s’attendre à ce que les adultes leur parlent franchement, sans démagogie, et sans abdication de leur rôle de pères, d’aînés ou de Pasteurs. C’est avec l’apport respectif de chacun que doivent se construire la société et l'Eglise de demain.

Vous voulez à juste titre contribuer à transformer la société. La première condition est d’essayer de voir le plus clair possible, dans l’évaluation des faits et dans le jugement que l’on peut porter sur les aspects positifs, les déficiences, et les projets. Ce n’est pas en vain qu’en maints endroits les étudiants ressentent plus que d’autres le malaise qui s’accumule dans le corps social sous les formes les plus variées et les plus contrastantes. Ils sont sensibles aux diverses causes, voire aux injustices qui, à l’échelon national ou international, créent des inégalités insupportables au préjudice des «pauvres», réduisent pour beaucoup la possibilité d’exercer leur responsabilité, étouffent ça et là des libertés légitimes, déchaînent des violences irrationnelles, bref, font obstacle au développement de tout l’homme et de tous les hommes. Les jeunes doivent également appliquer leur lucidité et leur loyauté à reconnaître certaines réalisations de progrès civil, les fruits positifs d’heureuses concertations sociales ou de solidarité entre les peuples, le prix attaché par un nombre croissant à la dignité de la personne humaine, les réelles possibilités de vie communautaire pacifique et fraternelle. Car c’est à partir de tels éléments humains qu’il importe de poser avec réalisme les fondements de la société de demain qui commence aujourd’hui.

Puissent les jeunes étudiants chrétiens dépasser en eux-mêmes et aider leurs frères à surmonter le risque d’une fausse alternative: ou bien s’intégrer, en en prenant son parti, dans une société qui offre les attraits du lucre, de privilèges indûs, d’un hédonisme sensuel, du matérialisme pratique; ou bien se laisser prendre par les mirages idéologiques qui proposent des lendemains meilleurs selon un matérialisme athée, incapable lui aussi de résoudre à la fois les problèmes de justice et de liberté, et encore plus de donner le sens de la vie. L’œuvre à réaliser demande, pour tous les hommes de bonne volonté, plus de lucidité, de courage et de persévérance; elle exige des chrétiens un sens évangélique plus aigu et une espérance plus profonde.

L’intuition qui doit animer vos mouvements catholiques d’apostolat, c’est qu’on ne transforme valablement la société qu’en éduquant les hommes aux valeurs morales et spirituelles qui leur permettront d’apporter un souffle nouveau, aussi bien dans leurs relations que dans leurs projets sociaux. Le monde et l'Eglise ont besoin de jeunes qui soient les artisans de ce renouveau, capables de recueillir le meilleur de la tradition de leurs peuples pour tisser une nouvelle «civilisation de l’amour» comme se plaît à l’appeler Paul VI. Ils devront savoir se dégager de l’étau d’un rationalisme qui se voudrait le mesure de toute chose; se libérer d’une emprise technique qui réduirait la responsabilité des hommes; rompre avec la recherche désordonnée et artificielle des plaisirs et des biens de consommation inutiles; remettre en cause leurs propres privilèges de richesse, de classe ou de savoir, pour travailler au service des plus démunis; cesser de cultiver et de durcir les conflits sans souci de compréhension et de réconciliation; éviter l’illusion d’une justice sans charité, sans esprit fraternel; d’un progrès humain sans intériorité, fermé à l’absolu et à la paternité de Dieu.

Certains parleront d’utopie. Mais il s’agit en fait de l’idéal capable de soulever le monde et de le sauver; et le chrétien y reconnaît l’esprit des béatitudes qui inaugure le monde nouveau de l’Evangile, prémices du monde à venir. L’originalité du chrétien n’est-elle pas d’être doux et humble, pur de cœur, ennemi de l’hypocrisie, assoiffé de justice, artisan de paix, patient dans l’adversité et la persécution? Votre apostolat consiste d’abord à témoigner de ces valeurs, à en donner le goût au monde, à y éduquer la mentalité de votre milieu. Il ne vous dispensera jamais de rechercher avec d’autres les transformations concrètes qui s’inscriront dans cet esprit et correspondront au service efficace des hommes, proches ou lointains; mais votre apostolat ne se figera pas dans l’aménagement de telles ou telles structures sociales ou politiques, qui appellent d’ailleurs des responsabilités élargies. Vos mouvements catholiques visent d’abord l’évangélisation, c’est-à-dire l’annonce de l'Evangile et la transformation des personnes, dans la ligne de l'Exhortation «Evangelii Nuntiandi».

Pour réaliser ce beau programme, vous disposez d’un certain nombre de moyens que je ne puis ici qu’évoquer. Le sérieux que vous mettez d’abord dans vos études n’est-il pas déjà un test de votre engagement au service de la société? Devant la complexité croissante de celle-ci, vous devez être préparés à un plus grand discernement et à un service compétent qui ne s’improvise pas. La société, qui vous permet de poursuivre ces études, a le droit de vous demander des comptes à ce sujet. Recherchez, plus encore, la vérité, celle de la sagesse humaine et celle que la foi révèle, pour ne pas en rester à un éclectisme confus ni à un comportement grégaire. En ce temps de renouveau ecclésial, plein de promesses mais aussi marqué par des incertitudes et des crises, approfondissez votre formation chrétienne, théologique et spirituelle, pour ne pas être emportés à tout vent de doctrine. Que votre action puise dans votre union au Christ, dans votre prière et dans les sacrements, son dynamisme apostolique. Renouvelez votre joyeuse adhésion à l’Eglise, votre accueil loyal de ses enseignements, votre collaboration confiante avec ses Pasteurs, car, sans cette identité ecclésiale, vous ne témoignerez pas vraiment ni durablement de l'Evangile; et, par ailleurs, le monde a besoin de reconnaître les disciples du Christ. Que vos mouvements soient, de nom et d’esprit, vraiment catholiques! Qu’ils sachent tenir compte de la contribution des autres organismes catholiques qui se consacrent aussi à l’évangélisation des jeunes! Que le Christ, agissant parmi vous, soutienne votre espérance!

Pour sa part, le Saint-Père est certain que les membres du MIEC et de la JECI sont capables de répondre, avec la grâce de Dieu, aux exigences de réflexion et de témoignage qu’il m’a chargé de vous rappeler. Dans cet esprit, il vous adresse de tout cœur, avec ses fervents encouragements, sa Bénédiction Apostolique.

Heureux de vous transmettre ce message, je vous prie d’agréer l’assurance de mes sentiments dévoués.

J. Card. VILLOT



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