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PÈLERINAGE EN TERRE SAINTE

DISCOURS DU PAPE PAUL VI
EN LA SOLENNITÉ DE L'ÉPIPHANIE À LA GROTTE DE BETHLÉEM

6 janvier 1964

  

Nous voudrions Nous adresser simplement :
d’abord au Christ, puis à l’Église, enfin au monde.
 

1. Au Christ, en cette fête de l’Épiphanie - qui revêt le double aspect de la manifestation de Dieu et de l’appel des peuples à la foi - Nous présentons d’un cœur humble et modeste, mais sincère et joyeux, l’offrande de Notre foi, de Notre espérance et de Notre amour. 

Solennellement, Nous lui adressons à Notre tour la profession de foi de Pierre : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant » (Mt 16, 16). 

Nous lui disons encore, comme Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous ? Toi seul possèdes les paroles de la Vie Éternelle» (Jn 6, 60). 

Nous faisons encore Nôtre le cri de regret et l’aveu sincère de Pierre : « Seigneur, Tu sais tout ; Tu sais que Nous t’aimons » (cf. Jn 21, 17). 

À ses pieds, comme jadis les Mages, Nous déposons ici les dons symboliques, reconnaissant en Lui le Verbe de Dieu fait chair et l’homme, fils de la très Sainte Vierge Marie, notre Mère, le premier né de l’humanité. Nous le saluons comme le Messie, le Christ, le Médiateur unique et irremplaçable entre Dieu et les hommes ; le Prêtre, le Maître, le Roi, Celui qui était, qui est et qui vient. 

C’est cette même confession que proclame aujourd’hui l’Église de Rome ; cette Église qui fut celle de Pierre et que Vous avez Vous-même fondée, Seigneur, sur cette même pierre, et qui est, de ce fait, votre Église. Et voilà pourquoi aujourd’hui encore votre Église se prolonge à travers la succession apostolique ininterrompue depuis les origines ; cette Église, Vous la suivez et la défendez, Vous la purifiez et la fortifiez ; Vous êtes sa Vie, ô Christ de l’Église de Rome ! 

Cette profession, Seigneur, est celle de toute Votre Église, que Vous voulez et rendez une, sainte, catholique et apostolique. Tous les pasteurs et les prêtres, tous les religieux et les fidèles, tous les catéchumènes de votre Église universelle vous présentent avec Nous, cette même profession de foi, d’espérance et d’amour. 

Tous, nous accueillons Votre humilité et confessons Votre grandeur; tous, nous écoutons Votre Parole et attendons Votre retour à la fin des temps. Nous Vous remercions tous, Seigneur de nous avoir sauvés, élevés à la dignité de fils de Dieu, d’avoir fait de nous Vos frères et de nous avoir comblés des dons de l’Esprit-Saint. 

Tous, nous vous promettons de vivre en chrétiens, dans un effort de docilité continuelle à Votre grâce et de renouveau dans les mœurs. 

Nous nous efforcerons tous de répandre dans le monde Votre message de salut et d’amour. 

2. Devant cette crèche, Seigneur, Nous voulons ensuite adresser Notre parole à l’Église, à la tête de laquelle Vous avez voulu choisir Notre pauvre personne comme pasteur universel. 

Cette parole, la voici, simplement : que l’Église du Christ veuille être aujourd’hui avec Nous et s’associer à l’offrande qu’en son nom aussi Nous présentons au Seigneur. En cette communion réside son efficience, sa dignité et son harmonie avec ces notes qui authentifient la véritable Église. Nous vivons l’heure historique où l'Église du Christ doit vivre son unité profonde et visible. C’est l’heure pour nous de répondre au vœu de Jésus Christ : « Qu’ils soient parfaitement un et que le monde reconnaisse que Toi, Père, Tu m’as envoyé » (Jn 17, 23). À l’unité interne de l’Église correspond à l’extérieur, sa force apologétique et missionnaire. 

Nous devons achever notre Concile Œcuménique ; nous devons assurer à la vie de l'Église une nouvelle façon de sentir, de vouloir et de se comporter ; lui faire retrouver une beauté spirituelle sous tous les aspects : dans le domaine de la pensée et de la parole, dans la prière et les méthodes d’éducation, dans l’art et la législation canonique. 

Il faudra un effort unanime auquel tous les groupements devront apporter leur collaboration. Que chacun entende l’appel que lui adresse le Christ par Notre voix. 

Ceci, Nous le disons aux catholiques qui appartiennent déjà au bercail du Christ. Mais Nous ne pouvons pas ne pas adresser la même invitation aux frères chrétiens qui ne sont pas en communion parfaite avec nous. Il apparaît désormais clairement à tous qu’on ne peut éluder le problème de l’unité ; aujourd’hui cette Volonté du Christ s’impose à nos esprits et nous impose d’entreprendre avec sagesse et amour tout ce qui est possible pour permettre à tous les chrétiens de jouir du grand bienfait et du suprême honneur de l’unité de l’Église. 

Même dans les circonstances toutes particulières où nous nous trouvons aujourd’hui, Nous devons dire qu’un tel résultat ne peut être obtenu au détriment des vérités de la foi. Nous ne pouvons pas être infidèles à ce patrimoine du Christ ; il n’est pas le nôtre mais le sien ; nous n’en sommes que les dépositaires et les interprètes. Mais, répétons-le encore, Nous sommes disposé à prendre en considération tout moyen raisonnable capable d’aplanir les voies du dialogue, dans le respect et la charité, en vue d’une rencontre à venir, - et Dieu veuille qu’elle soit proche - avec les frères chrétiens encore séparés de nous. La porte du bercail est ouverte. L’attente de tous est loyale et cordiale. Le désir est fort et patient. La place disponible est large et commode. Le pas à franchir est attendu avec toute Notre affection et peut être accompli avec honneur et dans la joie mutuelle. Nous Nous abstiendrons de solliciter des démarches qui ne seraient pas libres et pleinement convaincues, c’est-à-dire mues par l’Esprit du Seigneur, qui soufflera où et quand Il le voudra. Nous attendrons cette heure bienheureuse. Nous ne demandons pour le moment à Nos très chers Frères séparés que ce que Nous Nous proposons à Nous-même : que l’amour du Christ et de l’Église inspire toute démarche éventuelle de rapprochement et de rencontre. Nous ferons en sorte que le désir d’entente et d’union demeure vif et inaltéré; Nous mettrons Notre confiance dans la prière. Même si elle n’est pas encore commune, celle-ci peut être au moins simultanée et monter parallèlement de nos cœurs, comme de ceux des chrétiens séparés, pour se rejoindre aux pieds du Très Haut, le Dieu de l’unité. 

En attendant, Nous saluons avec beaucoup de respect et d’affection les illustres et vénérés Chefs des Églises distinctes de la Nôtre, réunis ici; Nous les remercions cordialement pour leur participation à Notre pèlerinage, Nous rendons hommage à la part qu’ils possèdent de l’authentique trésor de la tradition chrétienne et leur exprimons Notre désir d’une entente dans la foi, dans la charité et dans la discipline de l’unique Église du Christ. Nous envoyons Nos voeux de paix et de prospérité à tous les pasteurs, prêtres, religieux et fidèles de ces mêmes Églises ; sur tous Nous invoquons la lumière et la grâce du Saint-Esprit. 

Nous sommes maintenant profondément heureux que la rencontre, que Nous avons eue ici, pendant ces jours bénis, avec le Patriarche œcuménique de Constantinople se soit réalisée de la façon la plus aimable et se soit révélée pleine des meilleurs espérances. Nous en remercions le Seigneur de tout Notre cœur et Nous le prions que Lui-même qui coepit in nobis opus bonum ipse perficiat : Le Seigneur qui a commencé en Nous cette œuvre bonne de la paix et de l’union, veuille la conduire à bonne fin (cf. st Paul). 

3. Nous voulons enfin de ce lieu béni et en cette heure toute particulière adresser quelques mots au monde. Par « monde » Nous entendons désigner tous ceux qui regardent le christianisme comme du dehors, qu’ils soient ou qu’ils se sentent à son égard comme des étrangers. 

Nous voudrions avant tout nous présenter, une fois encore, à ce monde au milieu duquel nous nous trouvons. Nous sommes les représentants et les promoteurs de la religion chrétienne. Nous avons la certitude de promouvoir une cause qui vient de Dieu ; nous sommes les disciples, les apôtres, les missionnaires de Jésus, Fils de Dieu et Fils de Marie, le Messie, le Christ. Nous sommes les continuateurs de sa mission, les hérauts de son message, les ministres de sa religion, que nous savons posséder toutes les garanties divines de la vérité. Nous n’avons pas d’autre intérêt que celui d’annoncer notre foi. Nous ne demandons rien, sinon la liberté de professer et de proposer à qui veut bien, en toute liberté, l’accueillir, cette religion, ce lien nouveau instauré entre les hommes et Dieu par Jésus-Christ, notre Seigneur. 

Nous voulons ensuite ajouter un autre point que Nous prions le monde de bien vouloir considérer loyalement. Il s’agit du but immédiat de Notre mission, et qui est le suivant : Nous désirons travailler pour le bien du monde, pour son intérêt, pour son salut. Et Nous estimons même que le salut que Nous lui offrons lui est nécessaire. 

Cette affirmation en implique beaucoup d’autres. Ainsi : Nous regardons le monde avec une immense sympathie. Si le monde se sent étranger au christianisme, le christianisme ne se sent pas étranger au monde, quel que soit l’aspect sous lequel ce dernier se présente et quelle que soit l’attitude qu’il adopte à son égard. Que le monde le sache donc : les représentants et les promoteurs de la religion chrétienne ont de l’estime à son égard et ils l’aiment d’un amour supérieur et inépuisable : l’amour que la foi chrétienne met au cœur de l’Église ; celle-ci ne fait pas autre chose que de servir d’intermédiaire à l’amour immense et merveilleux de Dieu à l’égard des hommes.

Cela veut dire que la mission du christianisme est une mission d’amitié parmi les peuples de la terre, une mission de compréhension, d’encouragement, de promotion, d’élévation ; et, disons-le encore une fois, une mission de salut. Nous savons que l’homme moderne met sa fierté à faire les choses par lui-même ; il invente du nouveau et réalise des choses étonnantes. Mais toutes ces réalisations ne le rendent ni meilleur, ni plus heureux ; elles n’apportent pas aux problèmes de l’homme une solution radicale, définitive et universelle. L’homme, Nous le savons encore, lutte contre lui-même ; il connaît des doutes atroces. Nous savons que son âme est envahie de ténèbres et assiégée de souffrances. Nous avons à lui dire un message que Nous croyons libérateur. Et Nous Nous croyons d’autant plus autorisé à le proposer qu’il est pleinement humain. C’est le message de l’Homme à l’homme. 

Le Christ que Nous apportons à l’humanité est « le Fils de l’homme », comme il s’est appelé Lui-même. Il est le Premier-né, le Prototype de la nouvelle humanité; il est le Frère, il est le Compagnon, il est l’Ami par excellence. De lui seul on a pu dire en toute vérité qu’« il connaissait ce qu’il avait dans l’homme » (Jn 2, 25). Il est l’envoyé de Dieu, mais ce n’est pas pour condamner le monde, c’est pour le sauver (cf. Jn 3, 17).

Il est le bon Pasteur de l’humanité. Il n’est pas de valeur humaine qu’Il n’ait respectée, rehaussée et rachetée. Il n’est pas de souffrance humaine qu’Il n’ait comprise, partagée et valorisée. Il n’est pas de besoin humain, - exception faite de toute imperfection morale - qu’Il n’ait assumé et éprouvé en Lui-même et proposé à l’ingéniosité et au cœur des autres hommes comme objet de leur sollicitude et de leur amour, et pour ainsi dire, comme condition de leur propre salut. Même pour le mal qu’en qualité de médecin de l’humanité, Il a connu et dénoncé avec la plus énergique vigueur, Il a eu une infinie miséricorde, jusqu’à faire surgir, par le moyen de la grâce, dans le cœur de l’homme, de surprenantes sources de rédemption et de vie. 

Eh bien ! qu’on sache de par le monde comment le Christ, qui vit encore aujourd’hui dans son Église, se manifeste au monde à partir de ce lieu, de ce berceau qui marqua son apparition sur la terre. 

Que le monde qui Nous entoure daigne donc recevoir aujourd’hui, au nom de Jésus-Christ, Notre salut plein de respect et d’affection. Ce salut déférent, Nous l’adressons d’une manière particulière à quiconque professe le monothéisme et avec nous rend un culte religieux à l’unique et vrai Dieu, le Dieu vivant et suprême, le Dieu d’Abraham, le Très-Haut, celui que justement sur ce sol – en un jour lointain que rappellent la Bible et le Missel – un personnage mystérieux, dont l’Écriture ne nous a transmis ni la généalogie ni la fin, et dont le sacerdoce royal a servi à qualifier celui du Christ lui-même, Melchisédech, célébra comme « le Dieu Très-Haut, créateur du ciel et de la terre » (cf. Gn 14, 19). Nous chrétiens, instruits par la révélation, nous savons que Dieu subsiste en trois Personnes, Père, Fils et Saint-Esprit, mais toujours nous célébrons la nature divine comme étant unique, nous proclamons unique le Dieu vivant et vrai. Qu’à ces peuples adorateurs d’un Dieu unique aillent aussi Nos vœux de paix dans la justice. 

Notre salut s’adresse pareillement à tous les peuples auxquels nos Missionnaires catholiques apportent, en même temps que l’Évangile, une invitation à partager son universalisme et un ferment capable de faire monter la civilisation. 

Mais Notre salut aujourd’hui ne peut connaître de limites : il surmonte toutes les barrières et veut atteindre tous les hommes de bonne volonté, y compris les hommes qui pour le moment ne témoignent aucune bienveillance pour la religion du Christ, qui s’efforcent d’en empêcher la diffusion et d’en combattre les fidèles. Même aux persécuteurs du catholicisme et aux négateurs de Dieu et du Christ, Nous envoyons Notre souvenir triste et douloureux et sereinement Nous leur demandons : Pourquoi, pourquoi ? 

Au moment de quitter Bethléem, ce lieu de pureté et de calme où naquit, voici vingt siècles, Celui que Nous prions comme le Prince de la paix, Nous sentons l’impérieux devoir de renouveler aux chefs d’État et à tous ceux qui portent la responsabilité des peuples Notre appel pressant en faveur de la paix du monde. Que les gouvernants entendent ce cri de Notre cœur et qu’ils poursuivent généreusement leurs efforts pour assurer à l’humanité la paix à laquelle elle aspire si ardemment. Qu’ils puisent auprès du Tout-Puissant et au plus intime de leur conscience d’homme une intelligence plus claire, une volonté plus ardente et un esprit renouvelé de concorde et de générosité, afin d’éviter à tout prix au monde les angoisses et les affres d’une nouvelle guerre mondiale, dont les conséquences seraient incalculables. Qu’ils collaborent encore plus efficacement à instaurer la paix dans la vérité, dans la justice, dans la liberté et dans l’amour fraternel. Tel est le vœu que Nous n’avons cessé de présenter à Dieu dans une prière instante tout au tours de ce pèlerinage. Toutes les initiatives loyales, qui tendent à la réaliser, trouveront Notre appui et Nous les bénissons de grand cœur. 

C’est le cœur plein de ces pensées et de ces prières que de Bethléem, patrie terrestre du Christ, Nous invoquerons pour l’humanité tout entière l’abondance des faveurs divines.

    



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