Index   Back Top Print

[ FR ]

DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX PARTICIPANTS À LA CONFÉRENCE
D’ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE

Samedi 20 novembre 1971

 

Monsieur le Président,
Messieurs,

C’est avec un grand respect que Nous vous accueillons au terme de votre rassemblement européen tenu pour la première fois à Rome «pour la sécurité, l’amitié, et la paix». Nous vous remercions de cette démarche confiante qui vous a guidés jusqu’ici, comme des paroles délicates que vous venez de Nous adresser. Comment resterions-Nous insensible aux sentiments généreux qui vous animent, comme aux vœux pacifiques que vous formulez? Oui, Nous comprenons profondément vos aspirations, et de tout cœur Nous vous exprimons notre encouragement.

Vous appartenez à plus de cinquante groupements d’anciens combattants, de résistants, de déportés, de prisonniers, de victimes de guerre. Non seulement vous venez de dix-huit pays d’Europe, souvent très divers, mais surtout vous avez surmonté les antagonismes qui, il y a trente ans, vous opposaient sur des fronts ou dans des camps adverses. C’est dire combien votre assemblée Nous apparaît significative des forces qui doivent contribuer à construire aujourd’hui un monde nouveau. Car vous ne vous contentez pas d’évoquer les souvenirs émouvants de ce passé qui a si profondément marqué votre destin, celui de vos proches, celui de votre patrie; ni même d’apporter le soutien et le réconfort nécessaires aux survivants de cette histoire dramatique qui laissait derrière elle tant de millions de victimes. Ce serait déjà une noble tâche. Mais cette malheureuse et tragique expérience vous incite à vous tourner vers les nouvelles générations pour promouvoir résolument avec elles un avenir pacifique.

La Paix! Qui ne la désirerait sincèrement? Qui oserait aujourd’hui ne pas plaider éloquemment pour elle? Mais quelle inconscience subsiste parfois au cœur même de certaines manifestations qui se veulent pacifistes! Et que de mensonges ou de manœuvres dominatrices se cachent derrière certaines prétentions de paix! Votre témoignage est d’un tout autre poids moral. Vous nourrissez pour vos patries un attachement que vous avez scellé de votre engagement, de vos souffrances, souvent au risque de votre vie; et en même temps, vous prônez les voies de la réconciliation, de la négociation, de la coopération active, le respect des autres frontières et des autres patries. Votre appel solennel, lancé à vos frères européens, et particulièrement aux responsables des peuples, doit être entendu.

Les objectifs que vous mettez en avant, comme conditions de la sécurité et de la paix, se rencontrent en grande partie, Nous le relevons volontiers, avec ceux que Nous inspirent notre souci évangélique de la justice et de la paix, et notre désir de servir l’humanité avec l’amour même de Notre Seigneur Jésus-Christ: le droit des personnes et des peuples à être considérés dans leur dignité, leur originalité, leur souveraineté, et par conséquent l’élimination du recours à la force offensive, la renonciation à l’escalade ruineuse des armements de plus en plus meurtriers, l’éloignement de la haine et des discriminations de toute sorte. Nous pensons, Nous aussi, que ce sont là, entre autres, les chemins obligés qui éviteront à l’humanité, et d’abord à l’Europe, les horreurs qu’elle a connues.

Mais il ne suffit pas d’éliminer les concentrations explosives, d’écarter les méthodes périlleuses. Selon la formule retenue pour la prochaine journée mondiale de la paix: «Si tu veux la paix, agis pour la justice». La pierre de touche d’un monde juste et fraternel, et sa garantie, n’est-ce pas d’abord, comme le disaient déjà les prophètes, le respect des faibles e des petits? (Cfr. Is. 11, 4) Ne faut-il pas aussi inlassablement tisser des liens toujours plus étroits entre les peuples, et cela à tous les niveaux, pour mettre en œuvre la solidarité humaine de façon concrète et quotidienne, en créant par delà les frontières un climat d’amitié? Un projet aussi ambitieux ne suppose rien moins que de libérer les cœurs de leur étroitesse et de leur suffisance, de leur orgueil et de leur appétit de domination, parfois aussi de la peur et du désespoir. Nous avons besoin d’un surcroît d’amour, de cet amour dont le Père Maximilien Kolbe a témoigné dans des circonstances que connaissent si bien nombre d’entre vous.

En terminant, comment ne pas tourner avec vous nos regards vers les jeunes générations ? Vous savez la générosité d’un grand nombre de ces jeunes, vous mesurez aussi leur désarroi et leur impatience devant un monde qui ne peut guère les satisfaire. Par le dialogue que vous entretenez avec eux, à partir du précieux témoignage qu’il vous appartient de donner, de par votre douloureuse expérience, vous saurez orienter avec réalisme leurs forces vives, vers ces nobles buts qui vous tiennent si légitimement à cœur: la justice entre les peuples, la sécurité, l’amitié, la paix!

C’est dans ces sentiments que Nous vous assurons, chers Messieurs, de notre estime, de notre espérance et de notre réconfort dans l’action que vous projetez d’accomplir. De tout cœur, Nous prions le Seigneur de faire fructifier en fruits de paix les sacrifices que vous avez su assumer, et dont certains portent encore la marque douloureuse dans leur chair. Et Nous implorons sa Bénédiction sur chacun d’entre vous, sur les anciens combattants et victimes de guerre que vous représentez ici, comme sur tous ceux qui vous sont chers.

                                     



Copyright © Dicastero per la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana