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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX MEMBRES DES DÉLÉGATIONS DE LA COMMISSION
DU BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL*

Salle du Consistoire - Vendredi 25 mars 1949

Voyez, Messieurs, dans Notre accueil en cette période particulièrement chargée de l'année, une marque de l'intérêt que Nous portons à vos travaux. Votre désir, instamment exprimé, de venir à Nous, prouve que vous le reconnaissez et que vous l'appréciez, cet intérêt, et que vous-mêmes envisagez consciencieusement l'aspect moral de votre tâche.

D'une part, en effet, Nous avons souvent manifesté Notre préoccupation touchant le besoin urgent, angoissant, de procurer à des milliers, à des millions d'individus et de familles des logements, qui leur assurent un minimum d'hygiène et de bien-être, de dignité, de moralité. C'est dire que, à Nos yeux, l'œuvre de la construction est de toute première importance.

D'autre part, Nous n'avons pas à détailler ici les difficultés qui se dressent actuellement à l'encontre de votre tâche. Elles ne vous sont que trop connues et elles font l'objet de vos délibérations. Mais, en fin de compte, elles se ramènent au fait du déséquilibre entre peuples créanciers et peuples débiteurs. Les vicissitudes de la guerre et de l'après-guerre l'ont porté à un tel degré de gravité que, dans un prochain avenir, la plupart des nations se verront réduites à orienter suivant une direction plus ou moins exclusive leur production et, par suite, le travail, l'exploitation du sol, l'investissement des capitaux.

Qui pâtira le plus durement des conséquences de cette contrainte sinon la grande masse de la population ? Elle a besoin de se loger, comme elle a besoin de s'habiller et de se nourrir. C'est là un besoin commun à tous les hommes, sans distinction de revenu ou de rang. Il doit, de ce chef, recevoir d'une économie normale et tendue vers sa fin propre, surtout avec le concours de l'initiative privée, sa légitime satisfaction.

L'économie moderne, si vantée, si fière de produire toujours plus, toujours mieux, toujours à meilleur marché, n'en est pourtant pas précisément arrivée à satisfaire ce besoin réel de l'homme, avant tout de la famille. Besoin réel et non factice, comme on semblerait parfois l'insinuer, comme si l'on pouvait se contenter soit du taudis des primitifs et des nomades, soit du petit réduit élégant, pourvu de tout le confort moderne, mais où il n'y a pas de place pour l'enfant. Si donc l'industrie de la construction contribue à aiguiller l'économie moderne vers une production destinée à satisfaire aux besoins primordiaux de l'homme, au lieu de se laisser déterminer par l'accidentel mouvement des prix, elle aura bien mérité son titre d'œuvre sociale, car elle aura ramené l'économie elle-même des errements d'une concurrence désorientée à la voie plane de la collaboration dans un ordre vraiment social.

Assurément, dans l'état actuel de gêne, il s'en faut de beaucoup que tout soit réalisable dans la direction désirée. Quelque chose pourtant l'est déjà à présent et, en tout cas, rien n'est permis qui puisse masquer au regard le chemin vers le but poursuivi.

L'Église, dont la doctrine sociale prend fait et cause pour les intérêts de la famille, doit, par le fait même, envisager aussi la question d'une habitation convenable. Quel stimulant, en effet, que ce besoin de logement pour le progrès de l'économie et de la technique ! Une économie, une technique, qui se règlent sur les besoins primordiaux de l'homme, n'a pas lieu de se préoccuper du nombre trop grand ou trop petit des habitants.

Certainement, la question du logement n'est pas l'objet unique de votre compétence, mais elle est celui qui pousse le plus à l'action, immédiatement lié qu'il est à l'un des besoins élémentaires de l'homme. Les autres objets de votre activité, plus frappants peut-être de prime abord, tirent principalement leur valeur du fait qu'ils sont des moyens de production destinés précisément à satisfaire à ces mêmes besoins. Toutefois, l'étendue des buts de votre production ne peut que mettre en lumière l'importance de votre tâche dans le cadre général de l'économie. C'est ce qui Nous a spécialement intéressé à la lecture des publications de votre Commission.

Nous Nous sommes tout particulièrement réjoui d'y trouver la trace de votre effort assidu en vue de la consolidation interne de votre institution. Le perfectionnement de la technique et de l'organisation du travail, les relations personnelles entre les divers collaborateurs de la profession, l'éveil du sens de la responsabilité de chacun dans l'exécution de l'œuvre commune, le rendement suffisant du travail assuré à tous, la formation professionnelle, la stabilité de l'emploi, le recrutement des apprentis : voilà des questions qui, en tant qu'elles touchent  la doctrine sociale chrétienne, méritaient Notre plus bienveillante attention. Nous ne pouvons que vous féliciter de les avoir étudiées avec diligence. Aussi vous remercions-Nous chaleureusement de votre visite et, convaincu de l'ampleur et de l'importance de la tâche à laquelle vous appliquez les soins les plus sérieux, et de votre haute conscience à vous en acquitter, Nous tenons à attirer sur elle, par Nos prières, la lumière et le secours de la Providence divine.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XI,
Onzième année de pontificat, 2 mars 1949 - 1er mars 1950, pp. 19-21
Typographie Polyglotte Vaticane

L’Osservatore Romano 27.3.1949 p.1.

Documents Pontificaux 1949, p.106-111.

 La Documentation catholique n°1040, col.455-456.

 



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