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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE
L'ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA PRESSE SPORTIVE*

Lundi 5 novembre 1951

 

Votre visite, Messieurs, Nous est agréable et Nous vous en remercions. Vous attendez, Nous le savons, quelques mots de Notre part, connaissant par le témoignage que Nous en avons donné, en maintes circonstances, l'intérêt que Nous portons et au sport et à la presse. Or voici que vous venez à Nous au double titre du sport et de la presse, ou, plutôt, au titre unique et compréhensif de la presse sportive.

C'est que, en effet, comme journalistes, vous assumez la tâche d'informer et, ce qui est incomparablement plus important, de former l'opinion, mais, dans la sphère de votre spécialité, de l'informer et de la former en tout ce qui concerne le sport. Le bien que Nous en pensons, Nous l'avons dit expressément, en Nous adressant à des représentants de toutes les branches si diverses de la culture corporelle, marche et course, cyclisme, athlétisme etc. Nous avons insisté sur ses heureux effets physiques, moraux, intellectuels. Nous n'en avons pas non plus dissimulé les écueils et les dangers.

Pourtant, on ne saurait, de ces avis et de ces conseils, attendre des effets pratiques durables, si, sur tout l'ensemble de la question, ils n'étaient compris, apprécies et appuyés par l'opinion publique. C'est précisément à l'aiguiller dans la bonne direction que doit tendre votre effort et que se montre la dignité de votre profession. Vous ne vous considérez pas, en effet, Messieurs, Nous en sommes convaincu, comme de simples « reporters » chargés exclusivement d'annoncer les parties et les matchs, d'en marquer les points et d'en proclamer les vainqueurs, de faire, pour ainsi dire, de ce reportage superficiel, un genre littéraire sui generis par le coloris éclatant du style, par la vivacité pittoresque de la narration et de la description, par la variété quelquefois heureuse — pas toujours —, souvent audacieuse et même forcée, du vocabulaire technique, intelligible aux seuls initiés.

Vous pensez davantage à l'influence que vous pouvez exercer, que, de fait, vous exercez, et c'est en cela que vous sentez votre responsabilité engagée.

La première condition pour atteindre votre but est d'avoir au fond de vous-mêmes et de manifester publiquement, avec votre conviction persuasive, une sincère estime du sport, d'en mettre en lumière les avantages, les vrais mérites, la vraie valeur, et de le faire avec cette sobre discrétion mille fois plus éloquente et plus puissante que les raisonnements ennuyeux ou que les dithyrambes lyriques. Les occasions ne manquent pas d'une brève réflexion en introduction ou en conclusion, mieux encore, d'un simple mot qui saisit au vol un incident fugitif, un geste, une attitude. À qui sait les observer, ces incidents, plus rapides que l'éclair, découvrent un caractère, une intelligence, une âme avec leurs qualités, non seulement techniques, mais spirituelles et morales. Ils suffisent quelquefois à mettre au jour la valeur et les promesses d'avenir d'un adolescent ou d'un jeune homme. Les souligner au passage, c'est provoquer délicatement l'émulation, le désir de cultiver les dons naturels innés, tant ceux qui sont communs à tous, que ceux qui sont tout personnels : la loyauté du fair play, l'endurance, l'attention des sens et de l'esprit, la fierté, morale autant que sportive, l'esprit d'équipe, mais étendu à toute société dont on est membre: famille, profession, peuple et patrie, enfin à la société suprême ici-bas : l'Église. Manquer à son devoir de famille, de société, de religion par faiblesse, par amusement, par honte, voilà qui est antisportif au premier chef.

Et Nous voici arrivé à la seconde condition que vous avez à remplir, si vous voulez exercer correctement et exactement les devoirs de votre profession de journalistes sportifs, condition dont l'accomplissement s'impose à votre responsabilité ; Nous voulons dire : vous employer à faire que le sport, dans la vie privée comme dans la vie publique, prenne la place qui lui revient et s'en tienne à la mesure que lui assignent la dignité de l'homme, ses devoirs supérieurs et le bien commun. Nous résumons ici, dans les quatre principes qui suivent, ce que, en d'autres occasions, Nous avons traité en détail.

1. Pas plus que le soin du corps dans son ensemble, le sport ne doit être une fin en soi ; il ne doit pas dégénérer en culte de la matière. Il est au service de l'homme tout entier ; il doit donc, loin d'entraver son perfectionnement spirituel et moral, le promouvoir, l'aider et le favoriser.

2. Quant à l'activité professionnelle, travail de tête ou travail des mains, le sport a pour but de procurer un délassement pour permettre de retourner à la tâche avec une vigueur de volonté renouvelée, avec des ressorts retendus. Ce serait un non-sens, et, à la longue, le bien commun en serait victime, si, au rebours, le sport venait à prendre le première place dans les occupations personnelles, en sorte que l'exercice de la profession ou du métier finirait par donner l'impression d'une fâcheuse interruption dans l'affaire principale de la vie.

3. Le sport ne devrait pas compromettre l'intimité entre époux, ni les saintes joies de la vie de famille. Il doit d'autant moins pousser ses exigences que les dures nécessités de l'existence, en dispersant de force père, mère, fils, filles, pour le travail quotidien, ne font déjà que trop sentir leur poids. La vie de famille est tellement précieuse qu'on ne peut pas refuser de lui assurer cette protection.

4. Le même principe vaut, à plus forte raison et avec une encore plus grande importance, lorsqu'il s'agit des devoirs religieux. Dans la journée du dimanche : à Dieu la première place.

Du reste, l'Église comprend parfaitement le besoin, pour l'homme de la ville, de sortir le dimanche ; aussi sourit-elle de plaisir à la vue de la famille, parents et enfants, prenant ensemble, alors, leur récréation et leur joie dans la grande nature du bon Dieu et elle ménage volontiers en temps et lieu l'opportunité souhaitée pour le service divin. Elle ne défend pas le sport dominical et même elle le considère avec bienveillance, à condition qu'il ait égard à ce que le dimanche reste le jour du Seigneur et le jour du délassement corporel et spirituel.

Telles sont les directives que Nous désirons vous présenter, et Nous vous demandons d'en tenir compte à l'occasion. Elles ne vous paraîtront pas trop sévères, si vous gardez présents à l'esprit le devoir sacré du culte divin, l'inestimable valeur morale et sociale de la famille saine, et le bien de la jeunesse.

Comme Nous le disions jadis, dans une de Nos allocutions sur le sport (Pentecôte, 1945), vous avez, sur ce terrain, un devancier, un modèle, Nous pourrions dire un « patron », le glorieux saint Paul lui-même qui, rappelant en quelques passages de ses Lettres les règles et l'esprit du sport, s'élève de là à sa signification plus haute et spirituelle. « Ne le saviez-vous donc pas ? — écrit-il aux chrétiens de Corinthe —. Dans les jeux du stade, tous prennent part à la course, un seul emporte le prix. Courez ainsi pour le remporter. Les athlètes se soumettent à un régime fort rigoureux, et cela en vue d'une couronne vite fanée ; nous autres en vue d'une couronne impérissable. Quant à moi, je cours de mon mieux, mais pas à l'aventure ; je maîtrise sévèrement mon corps pour ne pas risquer, après avoir prêché aux autres, d'être moi-même réprouvé » (1 Co 9, 25). Nous vous laissons sur ces mots, Messieurs, priant le grand Apôtre des gentils de vous obtenir de Dieu l'art de promouvoir la magnifique fonction du sport, qui est, selon l'adage classique, de faire, des corps sains et vigoureux, l'enveloppe de belles et fortes âmes.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XIII,
Treizième année de Pontificat, 2 mars 1951 - 1er mars 1952, pp. 363-366
Typographie Polyglotte Vaticane



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