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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS AU I er CONGRÈS LATIN D'OPHTALMOLOGIE*

 Vendredi 12 juin 1953

 

Répondant au vif désir qui Nous a été exprimé, Nous sommes heureux, Messieurs, d'accueillir les membres du premier Congrès Latin d'Ophtalmologie, qui se tient actuellement à Rome. La naissance de nouveaux Organismes internationaux de recherche scientifique Nous réjouit toujours, car Nous aimons saluer et encourager la collaboration pacifique et bienfaisante de tous ceux qui se dévouent à la science et au service des hommes.

Nous voyons aujourd'hui devant Nous un groupe important d'éminents spécialistes venus non seulement des pays latins d'Europe, mais aussi de plusieurs autres des vastes régions de l'Amérique, qui aiment à s'appeler latines. Cette communauté de culture vous conviait à Rome de préférence, foyer toujours vivant d'une civilisation deux fois millénaire. Nous formons les vœux les plus sincères pour le plein succès de vos travaux, auxquels Nous portons le plus grand intérêt.

Parmi les branches de la science médicale, l'ophtalmologie est une des plus délicates et des plus complexes à cause même de son objet, l'œil humain. De tout temps le merveilleux fonctionnement de cet organe a suscité l'admiration ; mais la science médicale empirique des anciens demeurait généralement impuissante devant les infirmités de l'œil. C'est pourquoi l'on s'adressait avec plus de confiance aux dieux qu'aux hommes pour obtenir la guérison: dans l'antique temple d'Esculape à Épidaure, les inscriptions concernant les yeux étaient innombrables. D'après les Livres Saints de l'Ancien Testament et du Nouveau, la guérison des yeux malades passait pour tout à fait extraordinaire. Dans le livre de Tobie, la guérison du vieil aveugle tient une place importante et fait l'objet d'un récit fort pittoresque. De même peut-on lire dans les Évangiles plusieurs détails précis concernant l'attitude de Notre Seigneur envers les malades privés de la lumière. Les gestes de Notre Seigneur ne relevaient évidemment pas de la médecine, et s'il jugea bon de déployer une certaine mise en scène, c'était sans doute pour témoigner son affection envers les malades et souligner ainsi son rôle de médecin des âmes. On peut en effet remarquer chez lui l'habitude constante de faire passer des réalités matérielles aux réalités spirituelles, de la lumière du corps à la lumière de l'âme. Cela ne veut pas dire qu'il se désintéressait des maladies du corps; bien des fois au contraire les Évangélistes ont noté qu'il était ému de compassion devant les souffrances et que ses interventions miraculeuses avaient pour point de départ une misère à soulager.

Nous faisions allusion, il y a un instant, à la délicatesse et à la complexité de votre science. Si les organes des sens supposent en général un groupement particulièrement dense de tissus spécialisés, de vaisseaux et de nerfs, l'œil est sans doute le plus riche de tous, et d'autre part sa mobilité dans l'orbite complique extraordinairement ses relations avec le reste de l'organisme. Le nombre de condition requises simultanément pour le bon exercice de la vue multiplie les risques de perturbation, et par conséquent les maux auxquels l'ophtalmologie doit s'efforcer de remédier.

Ce sont, semble-t-il, les défauts d'accommodation, de réfraction, de convergence, qui motivent les recours les plus fréquents à l'oculiste. Grâce à Dieu, les progrès des méthodes d'observation et le perfectionnement des instruments d'optique permettent un examen toujours plus complet et plus exact de la vue et fournissent des remèdes toujours plus adéquats. Mais là ne s'arrête pas, il s'en faut, la spécialité de l'ophtalmologiste. Même si l'appareil dioptrique de l'œil fonctionne normalement, l'état des enveloppes externes peut à lui seul causer un mal profond. Ici prennent place toutes les affections de la conjonctive et de la cornée. Si les tissus intérieurs sont atteints, on se trouve devant les diverses formes d'uvéite, généralement graves et difficiles à traiter. L'hypertension oculaire constitue le glaucome aigu ou chronique, qui nécessite souvent l'intervention chirurgicale. Les déchirures et les décollements de la rétine demandent presque toujours des opérations, où la dextérité et l'ingéniosité des chirurgiens modernes s'exerce avec succès. De la chirurgie également relève l'extraction fréquemment nécessaire d'un cristallin devenue opaque. Le système lacrymal lui-même, qui pourrait sembler accessoire, est au contraire absolument nécessaire, et son mauvais état demande parfois des interventions délicates.

Devant tant de maux divers, qui risquent d'atteindre l'œil humain, on ne peut qu'admirer le fonctionnement extraordinaire de cet organe si complexe, de cet instrument d'analyse incomparable, dont l'Auteur de la lumière a doué sa créature.

Plus la science se développe, plus nombreux sont les problèmes qui se posent au spécialiste, et il suffit de parcourir un ouvrage récent d'ophtalmologie pour constater la multitude de questions discutées, d'hypothèses et de solutions provisoires. C'est pourquoi l'on ne saurait trop se féliciter de Congrès comme le vôtre, Messieurs, qui peuvent mettre en commun le résultat de recherches méthodiques encore inédites, et favoriser, par la rencontre de praticiens renommés, l'acquisition de progrès, dont l'humanité entière pourra bénéficier.

La spécialité qui vous occupe requiert non seulement une connaissance très approfondie de l'organe et des conditions de la vue, mais elle est si vaste et ses connexions avec la médecine générale si nombreuse et si étroites qu'il faut en quelque sorte être médecin deux fois pour devenir un excellent ophtalmologiste. Dans l'œil en effet le réseau vasculaire est si riche, les tissus si variés, que les affections des principaux organes s'y répercutent facilement et y suscitent des accidents souvent graves. Les maladies fonctionnelles du foie et du rein, les invasions microbiennes, héréditaires ou acquises, les infections bacillaires, créent des troubles de la vue, qu'il faut savoir rattacher à leur vraie cause. Les anomalies de la circulation sanguine, les lésions du système nerveux général ou local sont autant de causes possibles d'un désordre ophtalmique. Il semble vraiment qu'on ne puisse fixer de limites aux relations qui existent entre l'œil et l'ensemble de l'organisme. Et tel est le vaste domaine de vos recherches, le champ de vos activités cliniques, médicales et chirurgicales.

Tout se reflète dans l'œil : non seulement le monde visible, mais aussi les passions, de l'âme. Un observateur, même superficiel, y découvre l'expression des sentiments les plus variés : colère, peur, haine, affection, joie, confiance, sérénité. Le jeu des divers muscles du visage se trouve en quelque sorte concentré et résumé dans l'œil comme dans un miroir.

Mais le regard du spécialiste va plus loin. Il lui suffit parfois de la seule inspection extérieure pour déceler les maux, dont Nous parlions à l'instant : affections du foie, du cœur, des reins, de l'appareil digestif. Il dispose d'ailleurs d'instruments, qui lui permettent d'observer avec une précision extraordinaire l'intérieur même de l'œil. Depuis la découverte de Helmholtz, géniale dans sa simplicité, des lampes spéciales sont venues éclairer les régions les plus difficilement accessibles à l'examen, et il ne se passe pas d'années que la technique ne fournisse, soit pour l'observation, soit pour la médication, soit pour la chirurgie, des secours nouveaux. Il arrive même que certaines opérations plus spectaculaires défraient la chronique des journaux, par exemple la kératoplastie avec greffe de la cornée transparente sur des yeux aveugles ou presque.

Le langage populaire de tous les pays a créé un grand nombre de métaphores tirées du sens de la vue. Peut-être un oculiste en comprend-il plus aisément la profondeur, et Nous voudrions pour finir vous proposer cette pensée tirée de l'Évangile : « Si ton œil est sain, tout ton corps sera éclairé ; mais si ton œil est gâté, tout ton corps sera dans les ténèbres » (Mt 6, 22-23). De même qu'on ne peut recevoir correctement la lumière d'ici-bas, quand toutes les conditions posées par le Créateur ne sont pas réalisées, à plus forte raison la lumière d'en-haut, qui éclaire tout homme venant en ce monde (cf. Jn 1, 9), suppose-t-elle, pour être perçue, non pas un œil sain, mais un cœur pur, une intention droite. Tel est l'œil, dont parle Notre Seigneur dans la sentence, que Nous venons de citer. Elle formule en d'autre termes la sixième des huit béatitudes évangéliques : « Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » (Mt 5, 8). Ils verront Dieu dès ici-bas dans le miroir de leur conscience, si la vue de leur âme n'est troublée par aucun égoïsme, par aucune passion désordonnée. Quel homme pourrait se vanter de n'opposer aucune opacité, aucune résistance à la lumière d'en haut ? Nous avons tous besoin de répéter à Notre Seigneur, comme l'aveugle qui se tenait au bord de la route : « Seigneur, faites que je voie ! » (Lc 18, 41) : faites que je voie toujours plus clairement votre toute-puissance, votre immense sagesse, votre très sainte volonté. Tel est le souhait que Nous formons pour vous tous, Messieurs, et pour implorer du Maître des lumières son abondante réalisation, Nous vous donnons, à vous-mêmes et à tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.

A estas expresiones — oh, sefiores! pronunciadas en aquella lengua que Nos comunmente empleamos en las Audiencias de carácter internacional, querríamos añadir unas breves palabras en sonoro y robusto castellano.

Nos mueve a ello, en primer lugar, la parte principal, en cuanto al número, que en el mundo llamado latino representáis vosotros, los oftalmólogos de lengua española; pero Nos mueve también la calidad de vuestra representación, pues no hay quien no sepa que la oftalmología cuenta entre vosotros con nombres de primera línea, a quienes rinde justicia la estimación universal.

Si pudiéramos hablar así, os diríamos que vosotros sabéis perfectamente « con qué Buenos ojos » el Papa mira todo ese grau bloque de naciones que reza en castellano y que continuamente quiere distinguirse por su adhesión a la Santa Madre Iglesia, por su amor al Vicario de Cristo. En Nuestro corazón de Padre no falta nunca la justa correspondencia a tan filiales y sentidos afectos. Y cuando, como en la ocasión presente, se puede testimoniar de modo especial incluso vuestra competencia científica y profesional, vosotros sabéis con cuánto placer vuestro Padre, el Vicario de Cristo, aprovecha la oportunidad para hacerlo.

Que el Señor os bendiga en vuestros trabajos, en vuestras familias, en vuestros deseos y en todo lo que en estos momentos llevâis en la mente y en el corazôn.

Uma palabra tambèm na língua de Camões e Vieira, a quantos entre vós a falam, vindos quer das abençoadas Terras de Santa Cruz, quer do « Jardim da Europa à beira mar plantado ».

 Nâo précisais que vos digamos, quanto Nos é grata a vossa presença aqui na casa paterna, em meio deste ilustre Congresso, cuja ciência, na frase da Escritura, torna célebres aos que a possuem, e procura aos homens a saúde, para que melhor vejam e admirera as maravilhas do Criador (cfr. Eccli. 38).

Fazemos os melhores votos ao Céu, para que vos ilumine sempre nas vossas pesquisas e trabalhos científicos, e para que juntamente convosco abençoe os vossos colaboradores e amigos, as vossas famílias e a quantos neste momento tendes presentes ao vosso espírito.


* Discours et Messages-radio de S.S. Pie XII, XV,
 Quinzième année de pontificat, 2 mars 1953 - 1er mars 1954, pp. 203-207
 Typographie Polyglotte Vaticane.

 



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