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STUDIA
CINQUANTE ANS DE PRESENCE DU SAINT-SIEGE A Conférence au Siège de lÂÂUNESCO, 10 décembre 2002
Monsieur le Directeur Général, Monseigneur lÂÂObservateur permanent du Saint-Siège auprès de lÂÂUnesco, Mesdames, Messieurs, et chers amis,
1. CÂÂest pour moi un grand honneur et une légitime fierté de prendre aujourdÂÂhui la parole devant cette noble assemblée dÂÂhommes et de femmes de culture et de science du monde entier. Vous nous faites la joie de votre présence en cette importante célébration du Cinquantième anniversaire de la présence du Saint-Siège à lÂÂUnesco : soyez-en très vivement remerciés. Avec vous, je voudrais reprendre à grands traits lÂÂhistorique de ces cinquante années de coopération étroite entre le Saint-Siège et lÂÂOrganisation des Nations unies pour lÂÂéducation, la science et la culture, et relever quelques perspectives ouvertes à la convergence de nos préoccupations communes. Et tout dÂÂabord, je tiens à remercier très particulièrement Monsieur Koïchro Matsuura pour son remarquable discours de bienvenue et lÂÂamitié dont il nous témoigne depuis quÂÂil exerce sa prestigieuse fonction de Directeur Général de lÂÂUnesco. Je vois dans ses paroles chaleureuses le signe de lÂÂestime en laquelle est tenue la présence discrète et efficiente du Saint-Siège au sein de lÂÂOrganisation, et un encouragement à continuer sur la voie tracée depuis cinquante ans déjà, lorsque le Saint-Siège désignait un observateur permanent, cÂÂétait le 28 mai 1952, par une lettre adressée au Directeur Général de lÂÂUnesco, la fameuse lettre des trois papes sur laquelle je reviendrai plus loin. Je tiens aussi à remercier Monseigneur Francesco Follo, qui exerce depuis peu la passionnante mission dÂÂObservateur permanent du Saint-Siège, et a organisé avec bonheur cette importante célébration du cinquantième anniversaire. Dès sa nomination, il mÂÂa fait la joie de sa visite au siège du Conseil Pontifical de la Culture et mÂÂa confirmé sa disposition à une étroite collaboration avec le Dicastère dont jÂÂai reçu la direction effective dès sa fondation. Monseigneur Follo le sait, le Conseil Pontifical de la Culture a reçu, voici vingt ans déjà, la mission de « suivre, selon la manière qui lui est propreÂÂ ÂÂ je cite la Lettre de fondation du Conseil Pontifical de la Culture par le Pape Jean-Paul II, datée du 20 mai 1982 ÂÂ, lÂÂaction des organismes internationaux, à commencer par lÂÂUnescoÂÂ , qui sÂÂintéressent à la culture, à la philosophie des sciences, aux sciences de lÂÂhomme, et assurer la participation efficiente du Saint-Siège aux Congrès internationaux qui sÂÂoccupent de science, de la culture et dÂÂéducation » [1] . Je me dois de saluer aussi les représentants des Organisations Internationales Catholiques ÂÂ les O.I.C. ÂÂ et du Centre Catholique International auprès de lÂÂUnesco ÂÂ le C.C.I.C. ÂÂ, avec qui jÂÂentretiens des rapports étroits. Ils ne sont pas les représentants du Saint-Siège, mais leur action dans les domaines de lÂÂéducation, la science, la culture et lÂÂinformation justifie amplement leur présence au sein de lÂÂOrganisation, et je sais que la remarquable publication Le Mois à lÂÂUnesco est très fortement appréciée de ceux qui partagent avec moi le souci dÂÂune réelle efficience de lÂÂUnesco à travers le monde.
2. Cinquante ans de présence du Saint-Siège à lÂÂUnesco, cÂÂest lÂÂhistoire. Mais il y a dÂÂabord la préhistoire, qui éclaire singulièrement le chemin parcouru et la route à suivre. Je ne peux que lÂÂévoquer à grands traits, vous le comprenez. Le premier pas remonte au lendemain de la seconde guerre mondiale, dès 1946. En effet, la terrible épreuve dÂÂune guerre monstrueuse, le drame des déportations et lÂÂodieuse révélation des camps de concentration ont provoqué un sursaut de la conscience de lÂÂhumanité et les Nations ont compris la nécessité de créer un Organisme international aussi large que possible dont la mission principale serait dÂÂassurer la paix entre les peuples. LÂÂéducation, la science, lÂÂinformation et la culture sont au service de cette mission, tant il est vrai que cÂÂest lÂÂhomme qui oriente sa vie autant quÂÂil est homme. Le choix de la paix est le choix dÂÂune humanité plus humaine, cÂÂest le choix de lÂÂéducation au bien pour tous, de la formation par la vérité sur lÂÂhomme et sur le monde, et pour ce faire dÂÂune information juste et équitable, de la culture de la beauté, de la vérité et de la vie, dÂÂune science au service de lÂÂhomme pour le progrès des peuples sans aucune distinction de langue, de culture et dÂÂappartenance ethnique. Ces grands secteurs dÂÂintérêts de lÂÂUnesco, lÂÂenseignement, lÂÂéducation, la culture, la science, lÂÂinformation, intéressent au plus haut point lÂÂÉglise. « Contribuer au maintien de la paix et de la sécurité en resserrant, par lÂÂéducation, la science et la culture, la collaboration entre les nations », « assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de lÂÂhomme et des libertés fondamentales de tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion », « favoriser la connaissance et la compréhension mutuelle des nations », « aider au maintien, à lÂÂavancement et à la diffusion du savoir » sont autant de préoccupations communes, et leur énoncé dans lÂÂActe constitutif de lÂÂUnesco pourrait tout aussi bien être relevé dans une Encyclique sociale ou une Déclaration conciliaire sur le bien commun des peuples à poursuivre. Ainsi, au lendemain de la seconde guerre mondiale, lÂÂÉglise, « experte en humanité » et riche désormais de deux millénaires de vie inspirée par lÂÂidéal des béatitudes évangéliques, a vu naître différentes Organisations internationales nouvelles dont lÂÂUnesco présentait pour elle un intérêt tout particulier, rejoignant lÂÂune de ses préoccupations principales et son « plaidoyer pour lÂÂhomme intégral » [2] . Certes, certains ont cru voir alors en cette nouvelle organisation une tentative dÂÂétablissement dÂÂune sorte dÂÂÉglise laïque, usurpant son champ dÂÂaction qui est celui de lÂÂesprit, de la connaissance et de la morale, et lÂÂinstitutionnalisation dÂÂune sorte de conscience des Nations. Mais lÂÂÉglise catholique sÂÂest au contraire réjouie de ce signe probant de la progression et de la maturité des peuples, désormais aptes à choisir dÂÂun commun accord les voies et les moyens de la réconciliation entre les hommes et les peuples, pourvu quÂÂils sÂÂopèrent dans le respect absolu des consciences et de leur expression religieuse. Dès la création de lÂÂUnesco à la Conférence de Londres, le 16 novembre 1945, et son installation à Paris le 4 novembre 1946, le Saint-Siège devait suivre avec attention, un intérêt et une sympathie croissante les activités de lÂÂUnesco. Officieuses en un premier temps, les relations avec lÂÂOrganisation devinrent officielles moins de sept ans après sa création, avec la nomination dÂÂun Observateur permanent du Saint-Siège auprès de lÂÂUnesco, en 1952.
3. Je dois à la vérité de lÂÂhistoire de faire mention ici dÂÂune figure immense qui a joué un rôle non négligeable pour la reconnaissance de la part des États membres de lÂÂOrganisation dÂÂun statut particulier au Saint-Siège. Je pense bien évidemment à Jacques Maritain ÂÂ ce grand philosophe que jÂÂai eu le privilège de recevoir à la demande de Paul VI, alors que jÂÂétais son jeune collaborateur à la Secrétairerie dÂÂÉtat ÂÂ, et au discours pour lÂÂouverture de la Seconde Conférence Générale de lÂÂUnesco à Mexico, le 6 novembre 1947, quÂÂil eu lÂÂhonneur de prononcer en sa qualité de Président intérimaire. Il était alors ambassadeur de France auprès du Saint-Siège et avait été choisi comme chef de la Délégation française. Julian Huxley, premier Directeur Général de lÂÂUnesco, avait exprimé ses idées personnelles sur la « nécessité dÂÂune philosophie pour lÂÂUnesco, qui ne doit fonder sa conception de la vie sur aucune des religions qui se font concurrence dans le monde ; sur aucune des théories politico-économiques, ni sur une philosophie sectaire ou une conception philosophique trop limitée, ni encore moins sur la croyance en ÂÂune autre vieÂÂ ». La réponse de Jacques Maritain ÂÂ il nÂÂest pas inopportun de la rappeler aujourdÂÂhui à certains esprits chagrins qui voudraient remettre en cause la présence du Saint-Siège dans les Organisations Internationales ÂÂ cette réponse, dis-je, témoignait dÂÂun réalisme et dÂÂune hauteur de vue dÂÂun tout autre ordre, celle dÂÂun « philosophe attaché par sa vocation à examiner les choses sous leur aspect universel et à dégager du réel les principes de synthèse » ainsi quÂÂil le précisait lui-même dès le commencement de son discours [3] . Je lui laisse la parole : « La mission de lÂÂUnesco est de contribuer efficacement pour sa part (ÂÂ ) à la sécurité internationale et à la paix. [ÂÂ ] LÂÂorganisation nÂÂa pas été créée pour veiller aux progrès théoriques de lÂÂéducation, de la science et de la culture, mais bien pour les employer à lÂÂÂÂuvre concrète et positive de la paix entre les peuples. » LÂÂargument de Jacques Maritain se fonde donc sur ce quÂÂil est désormais convenu dÂÂappeler la finalité pratique de lÂÂUnesco, et les implications quÂÂelle comporte. Jacques Maritain poursuit : « Ce nÂÂest ni seulement par des idées, ni seulement par des facts and figures, cÂÂest par un effort de lÂÂesprit pour porter à la lumière les difficultés de fond et se décider à leur sujet, et qui ne saurait relever que de la méditation personnelle où chacun sÂÂengage, que peut sÂÂaccomplir dans le monde et dans la conscience humaine le travail préalable qui conditionne et prépare lÂÂÂÂuvre de la paix. [ÂÂ ] Ce qui est demandé à lÂÂintelligence humaine, cÂÂest de prendre conscience du fait que nous sommes entrés dans un âge crucial de notre histoire, où, sous peine de mort, les gigantesques moyens de puissance procurés par la maîtrise scientifique de la matière devront être soumis à la raison, en surmontant les tentations irrationnelles auxquelles lÂÂêtre humain est sujet, surtout dans son existence collective. Et cÂÂest aussi de comprendre quÂÂil y a une hiérarchie interne et une connexion vitale entre les vertus de lÂÂâme humaine, et que la science a pour objet propre les moyens, mais que le domaine des fins relève de quelque chose qui nÂÂest pas la science, et qui est incommensurable avec elle, et qui sÂÂappelle la sagesse ; et quÂÂil nÂÂy aura dans le monde de demain ni paix, ni liberté, ni dignité assurées pour nous, tant que dans les structures de la civilisation et dans la conscience des hommes ÂÂ et des savants eux-mêmes ÂÂ la science et la sagesse ne seront pas réconciliées, et les applications de la science rigoureusement soumises au droit agir moral et aux vraies fins de la vie humaineÂÂ CÂÂest la dignité même de la science et du savant qui est ainsi mise en jeu, et cÂÂest pour maintenir et sauver cette dignité, comme pour tourner au bien du monde, et non à sa destruction, les applications de la science, que les hommes ont besoin dÂÂun puissant renouveau des disciplines de sagesse, dÂÂune réintégration dans la culture des vérités éthiques, métaphysiques et religieuses, et de cette réconciliation de la science et de la sagesse dont je parlais tout à lÂÂheure. » Jacques Maritain est conscient du paradoxe de lÂÂUnesco qui a pour tâche dÂÂunifier en un commun accord « des hommes et des femmes dont les conceptions du monde, de la culture et de la connaissance elle-même sont différentes ou même opposées ». Face au babélisme de la pensée moderne et à lÂÂabsence totale dÂÂune base commune pour la pensée spéculative, lÂÂUnesco nÂÂa pas à sÂÂengager dans une voie qui nÂÂest pas la sienne, mais à poursuivre sa finalité qui est « pratique », fondée « non pas sur une commune pensée spéculative, mais sur une commune pensée pratique, non pas sur lÂÂaffirmation dÂÂune même conception du monde, de lÂÂhomme et de la connaissance, mais sur lÂÂaffirmation dÂÂun même ensemble de convictions dirigeant lÂÂaction. » Certes, « cela est peu sans doute, cÂÂest le dernier réduit de lÂÂaccord des esprits, constate Maritain. CÂÂest assez cependant pour entreprendre une grande ÂÂuvre, et ce serait beaucoup de prendre conscience de cet ensemble de communes convictions pratiques ». Ainsi, conscient du risque de blocage qui naîtrait dÂÂune tentative hasardeuse de placer les débats au niveau conceptuel des convictions, Maritain invite lÂÂUnesco à adopter une attitude pratique qui peut rallier les meilleurs esprits. Chaque famille spirituelle, dans la fidélité aux valeurs quÂÂelle professe et sans quÂÂil ne soit aucunement nécessaire de renoncer à lÂÂessentiel de ses convictions, peut ainsi sÂÂunir au plan de lÂÂaction avec dÂÂautres mouvances, ceci pour le bien de lÂÂhomme, en traitant les grands problèmes de la culture, des sciences, de lÂÂinformation et de lÂÂéducation. LÂÂessentiel demeure le respect de la liberté de conscience et lÂÂacceptation dÂÂun dialogue franc et sincère fondé sur une bonne volonté réciproque.
4. Parallèlement à cette nouvelle « doctrine » qui est devenue, dès lors, celle de lÂÂUnesco, et qui a ouvert la possibilité dÂÂune représentation permanente du Saint-Siège en son sein, la présence des catholiques sÂÂest organisée. CÂÂest ainsi que fut créé un Comité de coordination auprès de lÂÂUnesco pour assurer une présence discrète mais efficiente des catholiques au sein des délégations et des commissions nationales, et dans les différents organes de lÂÂUnesco, au Conseil exécutif et au Secrétariat. CÂÂest pour la troisième Conférence générale à Beyrouth, en 1948, que lÂÂUnesco invita officiellement et pour la première fois le Saint-Siège. Cette invitation fut toujours renouvelée depuis lors à chacune des Conférences Générales. La multiplication des contacts entre lÂÂUnesco et le Saint-Siège aboutit comme naturellement à la nomination dÂÂun Observateur permanent dès 1952. CÂÂest par la Lettre vraiment historique, dite « des trois papes », du 28 mai 1952, je lÂÂai dit, que le Substitut de la Secrétairerie dÂÂÉtat, Monseigneur Giovanni Battista Montini, futur Pape Paul VI, informait le Directeur Général de lÂÂUnesco que le Pape Pie XII nommait Monseigneur Angelo Giuseppe Roncalli, Nonce Apostolique en France, futur Pape Jean XXIII, comme Observateur permanent auprès de lÂÂOrganisation. Ces « trois papes » se retrouvent encore associés dans la lettre du 5 novembre suivant qui désigne la délégation dÂÂobservation du Saint-Siège à la Septième Session de la Conférence Générale de lÂÂUnesco. Depuis lors, les relations avec lÂÂUnesco se sont développées selon deux directions. La première est celle des relations diplomatiques officielles du Saint-Siège, à travers lÂÂObservateur permanent. La seconde se développe dans une coopération technique avec les Organisations Internationales Catholiques (O.I.C.). Celles-ci ont créé un Centre de coordination auprès de lÂÂUnesco, pour remplacer le Comité de Coordination mentionné plus haut, dont les statuts ont été plusieurs fois remaniés depuis. Le C.C.I.C. sÂÂemploie à coordonner lÂÂaction des catholiques auprès de lÂÂUnesco, notamment des O.I.C., et à informer sur les activités de lÂÂOrganisation. Il publie lÂÂutile et irremplaçable revue Le Mois de lÂÂUnesco, et jÂÂai eu plaisir à recevoir de Monsieur Gilles Deliance, son actuel directeur dont je salue la présence, son premier numéro en langue arabe. Je me dois aussi en ce jour de rendre hommage à son prédécesseur, notre ami Jean Larnaud, premier Secrétaire Général du C.C.I.C., et membre du Conseil Pontifical de la Culture dès sa création par le Pape Jean-Paul II.
5. LÂÂélection de Giovanni Battista Montini au Siège de Pierre, en 1963, représente sans nul doute, une étape importante dans le développement des relations entre Église et Unesco. Vous le savez, jÂÂai eu le privilège dÂÂêtre un proche collaborateur de Paul VI, ce qui mÂÂautorise à donner le témoignage de sa passion généreuse pour lÂÂhomme moderne, son désir profond dÂÂentrer dans un dialogue de vérité avec tous les hommes, et particulièrement les hommes de culture et les hommes de paix. Dans une communication sur « LÂÂactivité culturelle internationale du Saint-Siège sous Paul VI », au cours des Journées dÂÂEtudes sur Paul VI et la Vie internationale, organisées à Aix-en-Provence, les 18 et 19 mai 1990 [4] , je soulignais ses rapports privilégiés avec lÂÂUnesco et son Directeur Général : « Les relations nouées entre le Saint-Siège et lÂÂUnesco dès 1946 connurent avec Paul VI dÂÂheureux développements. Dans son encyclique Populorum progressio de 1967 consacrée au développement des peuples, Paul VI avait déjà évoqué lÂÂUnesco (n° 35). Et il fit remettre par lÂÂintermédiaire de lÂÂObservateur permanent du Saint-Siège, un exemplaire du document pontifical au Directeur Général, René Maheu. Ce dernier souligna publiquement le point de convergence entre lÂÂattitude de lÂÂEglise et celle de lÂÂUnesco : ÂÂla rencontre au service de lÂÂhomme dÂÂune Église désormais résolument ouverte au monde et dÂÂune institution intergouvernementale qui prend de plus en plus conscience de la dimension spirituelle de son entreprise intellectuelle et pratiqueÂÂ [5] . » [6] QuÂÂil me soit permis de rappeler ici lÂÂaction de René Maheu, cinquième Directeur Général de lÂÂOrganisation, homme convaincu de la vocation éthique de lÂÂUnesco et lÂÂa orientée vers un nouvel humanisme, lÂÂhumanisme du développement, dont les points de convergences avec lÂÂEncyclique Populorum progressio sont frappantes. Les relations entre Paul VI et René Maheu devinrent progressivement plus étroites, et se concrétisèrent par des visites et de nombreux messages qui étaient autant dÂÂoccasions de souligner les convergences de vues entre Saint-Siège et Unesco. René Maheu, il mÂÂen souvient, mÂÂavait demandé, lors dÂÂune visite au Vatican, de venir présenter lÂÂencyclique Populorum progressio au Siège de lÂÂOrganisation, en mai 1968. Mais les événements que vous savez ne permirent pas la réalisation de ce projet. Parmi les faits significatifs de lÂÂexcellence des relations entre Saint-Siège et Unesco pendant le Pontificat de Paul VI, je relève encore lÂÂattribution du Prix pour la Paix « Jean XXIII » à lÂÂUnesco, en 1974, qui fut lÂÂoccasion pour le Saint-Siège de manifester publiquement sa haute considération envers lÂÂOrganisation. Puis en 1976, pour le XXXème anniversaire de lÂÂUnesco, Paul VI adressa un message personnel au nouveau Directeur Général, Amadou Mahtar MÂÂBow, dans lequel il exprimait lÂÂun de ses soucis majeurs, lÂÂurgence « de promouvoir efficacement pour tous les hommes lÂÂéducation, la science et la culture capables de procurer à leur esprit une nourriture plus substantielle, une ouverture plus universelle et une élévation digne de leur vocation spirituelle » [7] .
6. Si, comme je lÂÂai souligné, le Saint-Siège a entretenu des rapports excellents au sommet des deux hiérarchies, à savoir entre le Souverain Pontife et le Directeur Général, la collaboration immédiate sÂÂopérait tout naturellement par lÂÂObservateur permanent du Saint-Siège. Le premier, je lÂÂai dit, fut Mgr Roncalli, futur Pape Jean XXIII. Il contribua sans nul doute à instaurer dès lÂÂabord des rapports loyaux et confiants, empreints de grande cordialité. Parmi ceux qui lui succédèrent dans cette fonction, Mgr Benelli, dont chacun sait les liens qui lÂÂunissaient à Paul VI, multiplia les initiatives de collaboration. Il organisa notamment, le 21 avril 1966 ÂÂ il mÂÂen souvient ÂÂ, un colloque présidé par le Directeur Général René Maheu, sur le thème: « Rencontre des cultures à lÂÂUnesco sous le signe de la coopération et de la paix : le Concile ÂÂcuménique Vatican II », avec la participation, notamment, de René Cassin et de Jacques Maritain. Dans son allocution dÂÂouverture, Monseigneur Benelli constatait « la convergence entre lÂÂUnesco, organisation intergouvernementale, et le concile Vatican II, assises religieuses, dans le service de lÂÂhomme, la défense de la paix et le respect des culturesÂÂ Ils ont en commun les soucis majeurs du monde dÂÂaujourdÂÂhui à lÂÂégard du destin individuel et collectif de lÂÂhomme, et ils insistent tous les deux sur la nécessité dÂÂune coopération étroite de tous pour la promotion de lÂÂhumanité » [8] . Les quelque 3.000 évêques catholiques en provenance de toutes races et cultures sÂÂétaient, en effet, adressés dans un Message final du concile aux hommes de la pensée en ces termes : « Votre chemin est le nôtre, vos sentiers ne sont jamais étrangers aux nôtres. Nous sommes les amis de votre vocation de chercheurs, les alliés de vos fatigues, les admirateurs de vos conquêtes et, sÂÂil le faut, les consolateurs de vos découragements et de vos échecs » [9] . Paul VI soulignait dans le même temps que le concile « sÂÂétait beaucoup occupé de lÂÂhomme, de lÂÂhomme tel quÂÂen réalité il se présente à notre époque », parce que ÂÂ continuait-il ÂÂ « nous aussi nous avons le culte de lÂÂhomme » [10] . Les « rapports permanents » entre le Saint-Siège et lÂÂUnesco ne sont pas une relation de type administratif, stable, certes, mais sans grand relief. Il sÂÂagit de rapports personnalisés qui font intervenir des représentants diversifiés du Saint-Siège choisis en fonction de leurs compétences et de la spécificité de chaque mission. Je lÂÂillustrais dans mon intervention aux Journées dÂÂétudes sur Paul VI et la vie internationale : « Il suffit de se reporter par exemple aux onze premiers jours du mois de décembre 1971. Durant cette courte période, le Saint-Siège a participé à trois rencontres de travail avec lÂÂUnesco, en trois lieux différents. Les 1er et 2 décembre, Mgr Georges Leclercq représente le Saint-Siège à Strasbourg où le Conseil pour la Coopération culturelle du Conseil de lÂÂEurope prépare la Conférence de lÂÂUnesco sur les politiques culturelles. Du 6 au 15 décembre, une délégation du Saint-Siège composée de six personnes et guidée par le Nonce Apostolique, participe à Caracas à la Conférence des Ministres de lÂÂÉducation et des Ministres responsables de lÂÂapplication de la science et de la technologie, organisée par lÂÂUnesco. Et le 11 décembre, Paul VI reçoit en audience le président et le secrétaire exécutif de la Commission Internationale de lÂÂUnesco pour lÂÂétude des stratégies du développement de lÂÂéducation dans le monde. Paul VI, il mÂÂen souvient, mÂÂavait demandé de participer, avant lÂÂaudience pontificale, à la réunion de travail présidée par le cardinal Garrone, alors Préfet de la Congrégation pour lÂÂÉducation Catholique, et le Président Edgar Faure. Il devait en sortir le beau livre, au titre significatif : Apprendre à être. » [11]
7. Mais cÂÂest sans nul doute la visite du Pape Jean-Paul II au Siège de lÂÂUnesco qui représente incontestablement le sommet des relations entre le Saint-Siège et lÂÂOrganisation. CÂÂétait le 2 juin 1980, voici 22 ans déjà, ici même, place de Fontenoy. Nombre dÂÂentre vous, comme moi, sÂÂen souviennent : le discours du jeune pape, écouté dès les premiers mots avec attention et curiosité, jusquÂÂà ce quÂÂune émotion profonde sÂÂempare de lÂÂauditoire, lÂÂenvahisse progressivement tout entier, et éclate en applaudissements prolongés : « Je suis fils dÂÂune NationÂÂ que ses voisins ont condamnée à mort à plusieurs reprises, mais qui a survécu et qui est restée elle-même. Elle a conservé son identité, et elle a conservé, malgré les partitions et les occupations étrangères, sa souveraineté nationale, non en sÂÂappuyant sur les ressources de la force physique, mais uniquement en sÂÂappuyant sur sa culture. Cette culture sÂÂest révélée en lÂÂoccurrence dÂÂune puissance plus grande que toutes les autres forces. Ce que je dis ici concernant le droit de la nation au fondement de sa culture et de son avenir nÂÂest donc lÂÂécho dÂÂaucun "nationalisme"ÂÂ Il existe une souveraineté fondamentale de la société qui se manifeste dans la culture de la NationÂÂ Et quand je mÂÂexprime ainsi, je pense également, avec une émotion intérieure profonde, aux cultures de tant de peuples antiques qui nÂÂont pas cédé lorsquÂÂils se sont trouvés confrontés aux civilisations des envahisseurs. Je pense aussi avec admiration aux cultures des nouvelles sociétés, de celles qui sÂÂéveillent à la vie dans la communauté de la propre Nation ÂÂ tout comme ma Nation sÂÂest éveillée à la vie il y a dix siècles ÂÂ et qui luttent pour maintenir leur propre identité et leurs propres valeurs contre les influences et les pressions de modèles proposés de lÂÂextérieur. En mÂÂadressant à vousÂÂ qui vous réunissez en ce lieu depuis plus de trente ans maintenant au nom de la primauté des réalités culturelles de lÂÂhomme, des communautés humaines, des peuples et des Nations, je vous dis : veillezÂÂ sur cette souveraineté fondamentale que possède chaque Nation en vertu de sa propre cultureÂÂ NÂÂy a-t-il pas, sur la carte de lÂÂEurope et du monde, des Nations qui ont une merveilleuse souveraineté historique provenant de leur culture, et qui sont en même temps privées de leur pleine souveraineté ? » [12] Invité six mois plus tard, le 2 décembre 1980, par M. Amadou Mahtar-MÂÂBow, alors Directeur Général de lÂÂUnesco, à approfondir le thème majeur de lÂÂintervention du Saint-Père sur la culture et la nation, je nÂÂhésitais pas, dès le début de ce fécond pontificat, tout en soulignant la continuité de la présence du Saint-Siège dans la vie internationale, à observer le déplacement dÂÂaccent de lÂÂÉtat à la Nation, à travers la primauté de la culture. LÂÂÉtat nÂÂa de raison dÂÂêtre que dÂÂêtre au service de la Nation, communauté dÂÂhommes réunis dans et par une même culture. Car lÂÂhomme est fondamentalement un être de culture, ce qui lui permet de résister à toutes les aliénations, et même de surmonter sa disparition de la carte des pays du monde, lorsque la culture réussit à maintenir vivante dans les esprits et dans les cÂÂurs cette réalité humaine fondamentale quÂÂest la nation. Ainsi, Jean-Paul II se situe dans la pleine ligne du Pape Paul VI en proclamant que ce qui compte dÂÂabord et avant tout pour le Saint-Siège, cÂÂest lÂÂhomme, tout lÂÂhomme et tous les hommes. Et il précise que la culture est ce par quoi lÂÂhomme en tant quÂÂhomme devient davantage homme, « est » davantage, accède davantage à lÂÂ « être », dans toutes les dimensions de son existence. LÂÂhomme est toujours le fait premier, primordial et fondamental de la culture, dans sa totalité, dans lÂÂensemble de sa subjectivité spirituelle et matérielle, qui sÂÂépanouit dans la nation. [13]
8. Deux ans après ce mémorable discours ÂÂ dont je pourrais relever tant de passages aussi éclairants les uns que les autres sur la perception que le Saint-Siège se fait du rôle de lÂÂUnesco auprès des peuples et des Nations ÂÂ, le Pape Jean-Paul II décidait la création dÂÂun nouvel Organisme au sein de la Curie Romaine, le Conseil Pontifical de la Culture, dont il me confiait dès lÂÂabord la responsabilité, comme président exécutif, puis comme président de cet organisme spécial permanent. Comme il lÂÂécrit lui-même dès les premiers mots de sa Lettre autographe en la fête de lÂÂAscension, le 20 mai 1982, et je le cite : « Dès le début de mon pontificat, jÂÂai considéré que le dialogue de lÂÂÉglise avec les cultures de notre temps était un domaine vital dont lÂÂenjeu est le destin du monde en cette fin du XXème siècle. Car il existe une dimension fondamentale, capable de consolider ou de bouleverser dans leurs fondements les systèmes qui structurent lÂÂensemble de lÂÂhumanité, et de libérer lÂÂexistence humaine, individuelle et collective, des menaces qui pèsent sur elle. Cette dimension fondamentale, cÂÂest lÂÂhomme dans son intégralité. Or lÂÂhomme vit dÂÂune vie pleinement humaine grâce à la culture. » [14] Il précise : « LÂÂurgence pour lÂÂÉglise dÂÂentrer en dialogue avec les cultures nÂÂen est que plus grande pour permettre à lÂÂhomme dÂÂaujourdÂÂhui de découvrir que Dieu, bien loin dÂÂêtre le rival de lÂÂhomme, lui donne de sÂÂaccomplir pleinement, à son image et ressemblanceÂÂ Aussi la rencontre des cultures est-elle aujourdÂÂhui un terrain de dialogue privilégié entre des hommes également en recherche dÂÂun nouvel humanisme pour notre temps, par-delà les divergences qui les séparent. » Je lÂÂai rappelé dans mon introduction, lÂÂune des tâches assignée au Conseil Pontifical de la Culture est de « suivre, selon la manière qui lui est propre, lÂÂaction des organismes internationaux, à commencer par lÂÂUnescoÂÂ , qui sÂÂintéressent à la culture, à la philosophie des sciences, aux sciences de lÂÂhomme, et assurer la participation efficiente du Saint-Siège aux Congrès internationaux qui sÂÂoccupent de science, de la culture et dÂÂéducation » [15] .
9. Aussi, tout naturellement, lÂÂune de mes premières décisions fut de me rendre en visite officielle au Siège de lÂÂUnesco en compagnie de lÂÂObservateur permanent, Monseigneur Frana ÂÂ dont je salue la présence ÂÂ, pour rencontrer le Directeur Général, Monsieur Amadou Mathar MÂÂBow qui mÂÂhonorait de son amitié et avait voulu présider lui-même le Centenaire de lÂÂInstitut Catholique de Paris, dont jÂÂétais le Recteur, en 1975. Cette visite officielle prolongée par un déjeuner cordial, eut lieu le 17 février 1983. Mr MÂÂBow me chargeait de transmettre au Saint-Père son appréciation pour la décision prise en créant le Conseil Pontifical de la Culture. Il se félicitait de lÂÂunanimité des participants à la Conférence Mondiale sur les politiques culturelles de Mexico, en 1982, ÂÂ à laquelle avait participé mon collaborateur, alors secrétaire du Conseil, le Révérend Père Hervé Carrier ÂÂ, unanimité dans le refus de fonder le développement sous lÂÂangle unique de la croissance économique, donc limité aux aspects matériels. Le Directeur Général me rappelait alors son intervention sur Europe 1, le matin de la visite du Pape à lÂÂUnesco, dans laquelle il affirmait que la religion est un élément fondamental qui ne peut être ignoré dans la vie des peuples et des individus, et que lÂÂUnesco se devait de la prendre en considération avec le plus grand respect. Je précisais alors à Mr MÂÂBow que le Saint-Père avait créé le Conseil Pontifical de la Culture pour développer la préoccupation des chrétiens dans le domaine de la culture à tous les niveaux, et ma conviction que lÂÂouverture à lÂÂuniversel passe par le respect des cultures locales. Je dois dire que cette rencontre a permis au Conseil dÂÂentrevoir plusieurs initiatives à poursuivre, et mÂÂa confirmé sur lÂÂimpact de la visite historique du Pape Jean-Paul II au Siège de lÂÂUnesco. Le Directeur Général accueillait avec joie la création du Conseil Pontifical de la Culture, et me témoignait de sa volonté de développer une étroite coopération avec ce Dicastère et de faciliter son travail avec tous les réseaux que possède lÂÂOrganisation. Dans les mois qui ont suivi, le Conseil Pontifical de la Culture a été impliqué dans les relations du Saint-Siège avec lÂÂUnesco où son avis était sollicité ÂÂ comme il le sera régulièrement par la suite ÂÂ sur la VIIème Session extraordinaire de la Conférence Générale de lÂÂUnesco. JÂÂécrivais alors au Cardinal Casaroli, Secrétaire dÂÂÉtat : « Nous pouvons nous demander quel est le point central qui mériterait une attention prioritaire de la part du Saint-Siège. Ce thème, semble-t-il, doit être celui de la cultureÂÂ Cette suggestion se justifie par le fait que lÂÂUnesco attache une importance de plus en plus grande, depuis une dizaine dÂÂannées ÂÂ nous étions en 1983 ÂÂ aux problèmes culturels, entendus non seulement en un sens classique ou esthétique, comme au début, mais aussi selon une acception anthropologiqueÂÂ Par ailleurs, lÂÂUnesco reconnaît elle-même que lÂÂattention au problème culturel devient de plus en plus dynamique et opérante dans lÂÂensemble de ses programmesÂÂ En donnant priorité aux considérations proprement culturelles, entendues au sens large indiqué plus haut, le Saint-Siège adopterait donc un point de vue qui lui facilitera le dialogue sur le terrain des valeurs humaines et spirituelles ». En faisant le bilan des vingt années du Conseil Pontifical de la Culture, je constate que telle a toujours été notre ligne de conduite, et que nos rapports avec lÂÂOrganisation doivent leur fécondité à cette sage attitude.
10. Il ne mÂÂest pas possible, vous le comprenez, de reprendre le détail de tous les événements qui ont ponctué lÂÂétroite et heureuse coopération entre le Saint-Siège et lÂÂUnesco. Il serait sans nul doute très profitable de reprendre les échanges de discours à lÂÂoccasion des visites du Directeur Général au Souverain Pontife, dont la première date de 1953, Pie XII accueillant alors Monsieur Luther Evans. Le Vatican a pu compter sur lÂÂUnesco qui lui fit lÂÂhonneur de sa présence en de nombreuses occasions comme pour la création du Comité « Promotion humaine » de la Commission Pontificale « Justice et Paix », en 1969, à lÂÂinauguration de lÂÂexposition « Le livre de la Bible », en 1972, à la Cérémonie de remise du Prix pour la Paix « Jean XXIII » dont jÂÂai fait mention plus haut, en 1974, et encore au cinquantenaire de la fondation de lÂÂAcadémie Pontificale des sciences, en 1986. Les contacts de lÂÂOrganisation avec le Saint-Siège sont pluri-formes, avec la Secrétairerie dÂÂÉtat, les Congrégations pour lÂÂÉducation catholique et pour lÂÂÉvangélisation des peuples, les Conseils Pontificaux « Justice et Paix », pour la famille et, je lÂÂai souligné, naturellement de la culture. Je nÂÂoublie pas non plus les contacts précieux avec la Bibliothèque Vaticane et Radio Vatican. Relations de travail, échanges de points de vue, participation commune à de nombreux évènements, lÂÂUnesco sait se montrer aussi présent dans les moments particuliers de la vie de lÂÂÉglise, aux jours de joie comme aux cérémonies dÂÂIntronisation du Souverain Pontife, et aux jours de peine pour les cérémonies à lÂÂoccasion de la mort du Pape. JÂÂajoute enfin quÂÂil est devenu de tradition de remettre au Directeur Général de lÂÂUnesco ÂÂ comme au Secrétaire de lÂÂO.N.U. et aux Directeurs des Organismes spécialisés ÂÂ un exemplaire avec la signature autographe du Saint-Père de son Message annuel pour la Journée Mondiale de la Paix. Le Saint-Siège a adhéré à la Convention préparée par lÂÂUnesco sur les droits dÂÂauteurs, sur lÂÂimportance du matériel éducatif, scientifique et culturel, sur la Protection des Biens culturels en cas de conflit armé, sur la reconnaissance des études, diplômes et grades académiques entre les États dÂÂAmérique latine et des Caraïbes, et entre les pays de lÂÂEurope, et, enfin, sur la Protection et la sauvegarde du Patrimoine mondial, culturel et naturel. Avec une particulière gratitude, je souligne que Saint-Siège a obtenu lÂÂinscription de la Cité du Vatican sur la liste du Patrimoine Mondial de lÂÂHumanité, comme, par le passé, il avait obtenu son inscription sur la liste des biens culturels à protéger en cas de conflit armé.
11. Si je ne puis énumérer tous les Colloques ou Symposiums auxquels jÂÂai eu la joie de participer au nom du Saint-Siège à lÂÂUnesco, je voudrais au moins rappeler, comme particulièrement significative, la contribution des Organisations Internationales Catholiques à la Décennie mondiale du développement culturel, proclamée le 29 janvier 1987, que jÂÂai eu lÂÂhonneur de présenter au Siège de lÂÂUnesco, en présence du Directeur Général. Vingt deux Organisations non-gouvernementales chrétiennes se sont alors en effet engagées à lÂÂappel du Directeur Général de lÂÂUnesco, avec le soutien de la Conférence des O.I.C. et du C.C.I.C., le Centre Catholique international pour lÂÂUnesco, dans une contribution spécifique à cette Décennie afin de promouvoir un développement culturel authentique et intégral, à savoir, promouvoir lÂÂesprit, favoriser le dialogue des cultures, et ouvrir la culture à lÂÂaltérité, dans lÂÂaction sanitaire, sociale et caritative, les milieux de vie, les domaines de lÂÂéducation, de la jeunesse et de la communication sociale, et lÂÂaction spécifique pour la paix. [16] Enfin, jÂÂai eu lÂÂhonneur et la joie, comme Président du Conseil Pontifical de la Culture, de guider la Délégation dÂÂobservation du Saint-Siège à la XXVIIIème Session de la Conférence Générale de lÂÂUnesco qui sÂÂest tenue à Paris à la fin du mois dÂÂoctobre 1995 avant de sÂÂachever le 16 novembre par la commémoration du cinquantième anniversaire de lÂÂActe constitutif. Dans mon intervention, le 28 octobre, jÂÂai tenu à souligner que « le Saint-Siège suit les activités de lÂÂOrganisation avec un vif intérêt qui se veut attentif et discret, étant lÂÂun et lÂÂautre au service de lÂÂhomme, selon les compétences et les champs dÂÂaction qui leur sont propres. Si les compétences et les champs dÂÂaction sont spécifiques, néanmoins Unesco et Saint-Siège sÂÂadressent à lÂÂêtre humain, complexe et indivisible, dans lÂÂharmonie de ses composantes, de ses aspirations, de ses droits et de ses devoirs. » [17] LÂÂhomme est notre passion commune. Immergé dans une culture dont il est à la fois le fils et lÂÂauteur, lÂÂhomme contemporain est confronté à un certain nombre de défis qui méritent toute lÂÂattention de nos institutions. Je le disais : « la fin des affrontements idéologiques et la disparition des blocs antagonistes avaient donné lÂÂespoir dÂÂune ère nouvelle, de dialogue et de communion, de développement harmonieux et authentiquement humain. » Mais, voilà : « la crise des valeurs fait apparaître un vide immense ». Nous avons en commun le redoutable privilège de porter sur le monde un regard universel, et les événements du monde ÂÂ le 11 septembre nÂÂest malheureusement que le sommet dÂÂun iceberg, particulièrement préoccupant, il est vrai, mais qui nÂÂest tristement pas seul dans la mer des dangers qui nous menacent ÂÂ sÂÂoffrent à nos analyses comme une invitation à réagir pour le bien de lÂÂhomme. Aussi je peux redire aujourdÂÂhui ce que, déjà, je soulignais en 1995 : « Dans cette situation, lÂÂUnesco joue un rôle unique parmi toutes les Organisations internationales gouvernementales, car sa mission revêt un caractère éminemment éthique, son but vise la promotion de la personne humaine dans son intégralité, et son moyen privilégié dÂÂaction consiste dans la coopération culturelle internationale ». LÂÂUnesco nÂÂest-elle pas appelée à élever plus haut la voix encore pour engager les États à entrer dans une véritable culture du dialogue, un dialogue persévérant, éclairé par les valeurs authentiques, la très haute estime des droits de lÂÂhomme et des peuples, et la confiance en la capacité de tout homme à choisir le bien de la paix ? Alors que lÂÂhumanité entière avance au large du troisième millénaire, comment pourrions-nous accepter que tant dÂÂhommes et de femmes dans le monde nÂÂaient toujours pas accès à lÂÂinformation, ne peuvent recevoir une éducation digne de notre temps, sont les grands oubliés des progrès de la science et se trouvent contraints de vivre une vie inhumaine en subissant tous les effets dÂÂune contre-culture du mépris qui se développe dans les nations orgueilleuses de leur pouvoir, de leur avoir et de leur suffisance. Le Saint-Père, lors de sa visite au siège des Nations Unies, a proposé dÂÂélaborer une Charte des Droits des Nations. CÂÂest que le Saint-Siège entend, partout où cela est possible, prêter sa voix aux sans voix et inviter les nations « à servir lÂÂhomme dans sa dimension personnelle, sociale, culturelle, et à préserver le droit inaliénable des peuples à exister dans le respect de la diversité, la tolérance réciproque et la solidarité concrète, afin de promouvoir une culture de la liberté responsable, enracinée dans les exigences libératrices de la vérité » [18] . La mission de lÂÂÉglise dans le concert des Nations est dÂÂéveiller les consciences, et elle le fait en élevant la voix. Elle se réjouit chaque fois que lÂÂUnesco réagit avec elle pour dénoncer et guérir les blessures de lÂÂinjustice en matière dÂÂéducation, dÂÂaccès aux bénéfices de la science et aux développements de la communication, et que les identités culturelles propres sont étouffées.
12. Monsieur le Directeur, Mesdames et Messieurs. Plus que jamais aujourdÂÂhui, nous sommes appelés au courage de lÂÂesprit et au courage de la volonté. Nous voyons sÂÂouvrir devant nous, à lÂÂaube du troisième millénaire, un vaste océan dans lequel lÂÂhumanité sÂÂaventure. Des multitudes de cultures sÂÂy meuvent comme autant de courants qui sÂÂexpriment en des reflets tantôt argentés et bienfaisants, mais parfois aussi impérieux, voire violents. La loi des océans est telle que ceux qui naviguent sans cap sÂÂégarent et rarement reviennent à bon port. Les Mages de Bethléem ont été guidés par lÂÂétoile que lÂÂÉglise suit avec eux depuis vingt siècles déjà et la conduit jusquÂÂà un homme, fort petit puisquÂÂil vient de naître, et prisonnier de sa condition puisque sa Mère Marie, vraisemblablement, lÂÂa emmailloté selon les usages de sa culture. Si les Mages ont reconnu en ce petit dÂÂhomme lÂÂEnfant-Dieu, lÂÂÉglise à leur suite nÂÂa cessé de proposer comme archétype de lÂÂhomme ce Dieu qui sÂÂest fait homme et nous invite à respecter tout homme, comme son frère et notre frère, à lÂÂimage et à la ressemblance de Dieu, son père et notre père [19] . CÂÂest pourquoi elle ne cesse de répéter avec le Pape Paul VI : « Nous aussi, nous avons le culte de lÂÂhomme ». Et avec son successeur Jean-Paul II : « LÂÂhomme est le fait primordial et fondamental de la culture. Il faut aimer lÂÂhomme puisquÂÂil est homme, il faut revendiquer lÂÂamour pour lÂÂhomme en raison de la dignité particulière quÂÂil possède. Le plus important est toujours lÂÂhomme. » Les 3 et 4 mai 1999, je présidais en cette Maison de lÂÂUnesco un Colloque international organisé par le Conseil Pontifical de la Culture et le Centre Catholique International pour lÂÂUnesco, sous le patronage de lÂÂOrganisation accordé par Monsieur Federico Mayor, son Directeur Général, devenu lui aussi un ami. Le thème du colloque était : Un nouvel humanisme pour le troisième millénaire [20] . Le représentant du Directeur Général, Monsieur Jérôme Bindet le reconnaissait : « Parler de nouvel humanisme, cÂÂest reconnaître que lÂÂhumanité est condamnée à vivre ensemble, et que nos valeurs sont trop souvent en retard par rapport à cette exigence. CÂÂest pourquoi lÂÂUnesco sÂÂattache à renforcer le dialogue entre les civilisations, les cultures et les traditions spirituelles, pour créer un rempart solide contre les dérives identitaires, les enfermements et les clôtures, contre toutes ces intolérances qui se font jour dans plusieurs régions du monde, et aussi en Europe » [21] . Il me semble, et je le soulignais dans mon intervention dÂÂouverture au colloque, que ce nouvel humanisme est devenu une exigence de notre ère confronté aux conséquences dramatiques de la mystique du sur-homme. Les philosophies de la mort de Dieu proclamée par les maîtres du soupçon, Freud, Nietzsche, Sartre et bien dÂÂautres, ont conduit à la mort de lÂÂhomme comme sujet transcendant et à la crise dÂÂune culture privée de sa substance, le fondement de ses valeurs en une Loi naturelle qui dépasse lÂÂhomme mais ne lui est pas étrangère, selon le mot profond de Pascal : « LÂÂhomme passe infiniment lÂÂhomme » [22] . Monseigneur Gian Battista Montini le soulignait avec acuité dans sa Préface au volume sur Pie XII, lÂÂéducation, la science et la culture, publié sous le haut patronage de lÂÂObservateur permanent du Saint-Siège auprès de lÂÂUnesco : Alors que la culture moderne sÂÂenivre de pensée subjective et se préoccupe plus de lÂÂÂÂil que de la lumière, cÂÂest le propre de lÂÂÉglise, comme de lÂÂUnesco, dÂÂaimer lÂÂéducation, la science et la culture. [23] Monsieur le Directeur Général, permettez-moi, en terminant, de reprendre le vÂÂu que je formulais devant votre prédécesseur, au terme de mon intervention devant la Conférence générale de lÂÂUnesco, pour la Commémoration du 50ème anniversaire de lÂÂActe Constitutif : « ÂÂLÂÂavenir de lÂÂhomme, cÂÂest la cultureÂÂ, disait Jean-Paul II, voici 15 ans, à cette tribune unique au monde. ÂÂEt il nÂÂy a de culture que de lÂÂhomme, par lÂÂhomme et pour lÂÂhommeÂÂ. LÂÂUnesco a déjà parcouru un long chemin au service de lÂÂéducation, de la science, et de la culture. Il lui reste, au seuil du nouveau millénaire, à remplir une grande tâche au service de lÂÂhomme. CÂÂest là sa raison dÂÂêtre, la source de son inspiration, et sa plus haute ambition. » [24] Sur ce chemin exigeant, Monsieur le Directeur Général, lÂÂUnesco, demain comme hier, trouvera toujours dans le Saint-Siège un allié loyal, un partenaire sincère, et un collaborateur décidé, pour le service généreux et désintéressé de tout lÂÂhomme et de tous les hommes comme le Pape lÂÂaffirmait ici-même, le 2 juin 1980, pour que « lÂÂhomme devienne toujours plus homme, quÂÂil puisse «être» davantage et pas seulement quÂÂil puisse «avoir» davantage, et que par conséquent, à travers tout ce quÂÂil «a», tout ce quÂÂil «possède», il sache de plus en plus pleinement «être» hommeÂÂ non seulement «avec» les autres, mais aussi «pour» les autres. » [25]
Et mon dernier mot sera celui de Jean-Paul II :
« Ma parole finale est celle-ci : Ne cessez pas. Continuez. Continuez toujours » [26] .
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To mark the 50th anniversary of the Holy SeeÂÂs presence at Unesco, a meeting was held at which a speech was given by Cardinal Paul Poupard. After outlining briefly the history of the creation and continuing existence of Unesco, as well as the development of relations between the Church and Unesco, he dwelt on the highpoint of those relations, that is the visit of John Paul II on the 2nd of June 1980, and the consequent creation of the Pontifical Council for Culture on the 20th of May 1982.
Nel 50o anniversario di presenza della Santa Sede presso lÂÂUnesco, si è tenuto un importante convegno, al quale è intervenuto il cardinale Paul Poupard. Dopo aver brevemente parlato della creazione e della natura dellÂÂUnesco, nonché dello sviluppo dei rapporti tra la Chiesa e la suddetta organizzazione, il cardinale si è soffermato sul momento culminante delle relazioni, cioè la visita di Giovanni Paolo II allÂÂUnesco il 2 giugno 1980, seguita, il 20 maggio 1982, dalla creazione del Pontificio Consiglio della Cultura.
Con motivo del 50º aniversario de la presencia de la Santa Sede en la Unesco, se celebró un importante Congreso en el que participó el Card. Paul Poupard. En su intervención, tras un breve recorrido histórico sobre la fundación y vida de la Unesco, y de las relaciones entre ésta y la Iglesia Católica, el Cardenal analizó detenidamente el momento culminante que significó la visita de Juan Pablo II a la Unesco el 2 de junio de 1980, seguida, el 20 de mayo de 1982 por la creación del Consejo Pontificio de la Cultura.
[1] Jean-Paul II, Lettre autographe de fondation du Conseil Pontifical de la Culture, AAS, 74 (1983), p. 683-688. Documentation Catholique, t. LXXIX, n° 1832, p. 606. [2] Paul Poupard, Le Vatican, ch. IV : Présence internationale du Saint-Siège, Coll. « Que sais-je ? », PUF, Paris, 19942, p. 63. [3] Jacques Maritain, Discours pour lÂÂouverture de lÂÂAssemblée de lÂÂUnesco à Mexico, le 6 novembre 1947, La Documentation Catholique, 45 (1948), col. 138-150. [4] Paul Poupard, LÂÂactivité culturelle internationale du Saint-Siège sous Paul VI, in Paul VI et la vie Internationale, Pubblicazioni dellÂÂIstituto Paolo VI, n. 12, Brescia, 1992, pp. 136-155. [5] Insegnamenti di Paolo VI, VII (1969), p. 143. [6] Paul Poupard, in LÂÂactivité culturelle internationale du Saint-Siège sous Paul VI, op. cit., pp. 137-139. [7] Insegnamenti di Paolo VI, XIV (1976), p. 908. [8] Giovanni Benelli, Allocution dÂÂouverture, in Rencontre des Cultures à lÂÂUnesco sous le signe du Concile ÂÂcuménique Vatican II, Mame, 1966, pp.7-9. [9] Message du Concile aux hommes de la pensée et de la science, 8 décembre 1965, AAS, 58 (1966), 8-18. [10] Paul VI, Discours de clôture du concile Vatican II, le 7 décembre 1965, AAS, 58 (1966), 51-59. [11] Paul Poupard, in LÂÂactivité culturelle internationale du Saint-Siège sous Paul VI, op. cit., pp. 137-139. [12] . Jean-Paul II, Discours à lÂÂoccasion de sa visite au Siège de lÂÂOrganisation des Nations-Unies pour lÂÂéducation, la science, et la culture, UNESCO, Paris, 2 juin 1980, n. 14 et 15. [13] Cf. P. Poupard, « Respecter les droits de chaque nation ». La pensée internationale de Jean-Paul II, dans Communio, t. VI, n° 3, mai-juin 1981, p. 18-26. [14] Jean-Paul II, Lettre autographe instituant le Conseil Pontifical de la Culture, 20 mai 1982, AAS, 74 (1982) 683-688. [15] Ibid., cf. note 1. [16] La culture, chemin dÂÂun développement solidaire, Préface du Cardinal P. Poupard, Conférence des O.I.C., 1989, éditions en langue française, anglaise et espagnole. [17] Paul Poupard, Discours à la XXVIIIème Session de la Conférence Générale de lÂÂUnesco, Doc. Cath., 2127 (1995), pp. 1031-1033. [18] Ibid. [19] Cf. Gaudium et spes, n. 22. [20] Un nouvel humanisme pour le troisième millénaire, Colloque international Unesco, 3 et 4 mai 1999, édité par le Conseil Pontifical de la Culture et le Centre Catholique International pour lÂÂUnesco, 9 rue Clerc, 75007 Paris. [21] Ibid., pp. 9-15. [22] Pascal, Pensées, éd. Brunschvicg, n° 434. [23] Pie XII, lÂÂéducation, la science et la culture, Préface de Mgr Montini, Fleurus, 1956. [24] D.C., op. cit., 3 déc. 1995, n° 2127, p. 1033. [25] Jean-Paul II, Discours à lÂÂUnesco, op. cit., n. 11. [26] Ibid., n. 23.
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