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 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move - Supp. N° 93,  December 2003, pp. 258-260

Belgique

Rev. Abbé Philippe Masson

Directeur National pour la Wallonie

Je voudrais souligner au début de cette intervention que bien sûr pour une telle table ronde, il n’est pas possible de donner toutes les nuances nécessaires. Je me contenterai donc de vous livrer quelques réflexions qui nécessiteraient un développement plus structuré et approfondi.

L’évangélisation des Tsiganes est notre souci pastoral premier, en Wallonie, comme ailleurs, je pense.

Bien entendu, on ne peut annoncer la Bonne Nouvelle sans accueillir très concrètement l'autre comme un frère, une sœur dans la foi. Et c’est à ce niveau qu’il est important de susciter un dialogue vrai entre les non-Tsiganes et les Tsiganes. C’est-à-dire que le langage doit circuler entre les deux parties, avec un immense respect l’un pour l’autre.

Quand on a pu approcher fraternellement les Voyageurs, on peut alors proclamer la Bonne Nouvelle. Et cela, non pas en arrivant comme des spécialistes du sujet, mais dans le respect de ce que l’autre peut m’apporter dans la découverte du mystère de Dieu. Et le dialogue sera plus riche encore si les Tsiganes peuvent apprendre à exprimer leur foi et à l’approfondir.

C’est pourquoi l'aumônerie investit beaucoup d'énergie à la formation biblique et spirituelle des familles tsiganes. Une école de la foi rassemble, une semaine par an, plusieurs familles de responsables tsiganes d'aumônerie. De plus, un groupe de partage biblique s'est constitué et se rassemble deux fois par mois. Les préparations de baptême, la catéchèse des enfants participent à cet effort d'évangélisation. L'organisation des messes de Noël, de Pâques, de l'Assomption sur les différents terrains, la préparation minutieuse et fastidieuse des pèlerinages (Beauraing, Banneux, Werpin, Walcourt …) donne vigueur à tous les efforts consentis pour une évangélisation en profondeur des Tsiganes. Car si nous n'investissons pas suffisamment à ce niveau, d’autres confessions chrétiennes occuperont tout le terrain. Il se murmure chez certains d’entre eux "que les catholiques s'occupent de la charité tandis qu'eux s'occupent de la vérité". Nous devons continuer à être très attentifs aux besoins matériels et humains de nos frères et sœurs Voyageurs, ce qui exprime concrètement notre fraternité, mais il est primordial d'investir au niveau de la formation religieuse.

En aumônerie, un gros effort est fait pour que les Voyageurs eux-mêmes puissent se prendre un maximum en charge. C’est ce qui a motivé notre évêque promoteur à donner aux Tsiganes qui s’y sont formés des lettres de mission. En voici des exemples :

1)

L’Aumônerie Catholique des Tsiganes et Voyageurs et Forains en Belgique Francophone

Confère à (nom de la personne)

La mission de

           AUXILIAIRE AU SERVICE DE L’AUMONERIE

En collaboration avec les Aumôniers, et sous la haute responsabilité de l’Evêque des Voyageurs.

Cette mission consiste à assister les Aumôniers dans l’animation en tant que responsable de la chorale.

 

2)

 

L’Aumônerie Catholique des Tsiganes et Voyageurs et Forains en Belgique Francophone

Confère à (nom de la personne)

La mission de

           CATECHISTE

En collaboration avec les Aumôniers, et sous la haute responsabilité de l’Evêque des Voyageurs.

Cette mission consiste à assister les Aumôniers dans le don des sacrements, selon les règles de la sainte Eglise ; à lire la Parole de Dieu, la faire connaître et comprendre selon l’enseignement de l’Eglise Catholique ; à favoriser et animer la prière en commun ; à témoigner de l’amour de Notre Seigneur dans un esprit de charité et de paix.

3)

L’Aumônerie Catholique des Tsiganes et Voyageurs et Forains en Belgique Francophone

Confère à(nom de la personne)

La mission de

           ANIMATEUR DE LA PRIERE COMMUNAUTAIRE

En collaboration avec les Aumôniers, et sous la haute responsabilité de l’Evêque des Voyageurs.

Cette mission consiste à assister les Aumôniers dans l’animation de la prière en commun en tant qu’animateur.

Ces lettres de mission permettent aux Tsiganes de prendre leur place dans l’Eglise. Elles sont une reconnaissance de ce que l’Eglise les envoie en mission et donc les prend au sérieux. C’est là le préalable à tous dialogues ; prendre l’autre au sérieux et l’accueillir comme un enfant de Dieu porteur de son Esprit et donc l’accueillir comme un frère, une sœur qui a quelque chose à m’apporter dans la foi.

Je voudrais maintenant éveiller l’attention du Conseil Pontifical sur une attitude pastorale de plus en plus répandue chez les curés de paroisses. En Belgique, comme ailleurs certainement, les curés de paroisses sont confrontés à des demandes de sacrements qui émanent de personnes qui, quoi que baptisées, n’entretiennent plus qu’une relation fragile avec l’Eglise et dont la foi se dilue dans un vague sentiment religieux. Ce qui amène à une inadéquation entre ce que ces personnes demandent et ce que l’Eglise propose dans les sacrements. Aussi la réaction légitime des pasteurs est de poser des exigences à la demande des sacrements (rencontres collectives de préparation au baptême, catéchèse paroissiale des parents et des enfants pour la première communion, participation à des sessions de préparation au mariage...). Evidemment ces exigences correspondent à ce que nous pouvons décemment demander à des non-Tsiganes mais, trop souvent, ce sont des contraintes impossibles à vivre pour les Tsiganes. Et là il y a souvent un grand manque de dialogue. J’entends ceci : « Oui monsieur l’Aumônier mais si j’accepte qu’ils ne viennent pas à la préparation avec les non-Tsiganes, ceux-ci vont crier à l’injustice ». Je comprends la position des curés de paroisses mais dans ces conditions la Bonne Nouvelle risque de ne plus être annoncée aux Tsiganes, du moins dans notre Eglise de Wallonie. C’est tout le sens d’un travail spécialisé en milieu tsigane mais bien souvent nous nous trouvons canoniquement affaiblis par les pouvoirs des curés locaux qui ne sont pas nécessairement prêts au dialogue pour qu’une mission réelle puisse naître au milieu des Tsiganes. Avec beaucoup de bonne volonté, certains diocèses décrètent que leur pastorale doit donner la priorité aux plus fragiles de notre société mais concrètement il est souvent bien difficile de les accueillir tel qu’ils sont avec la richesse de leur spécificité et de leur culture tsigane. Et je pense que cela est dû à une méconnaissance de la mentalité nomade. Il est donc primordial qu’un dialogue authentique s’instaure pour que la mission puisse pleinement se développer.

J’attire également votre attention sur le fait que la sédentarisation complète ou partielle de beaucoup de Tsiganes en Wallonie donne à penser aux non-Tsiganes qu’il n’y a pas besoin, pour eux, d’une pastorale spécialisée. C’est là, méconnaître la spécificité de cette minorité culturelle. Aux yeux de beaucoup, les Tsiganes apparaissent uniquement comme des marginaux. Un grand travail de l’aumônerie est de faire connaître aux non-Tsiganes toute la richesse et les valeurs véhiculées par les Voyageurs et leur faire découvrir une véritable culture nomade malgré la sédentarisation.

Permettez-moi de terminer en pensant que quand tout aura été dit, tout restera à faire sachant bien que Jésus Ressuscité est chaque jour avec nous. Aussi je prie avec les mots mêmes de Jésus : « Entre tes mains Père ».

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