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STUDIA
CINQUANTE ANS DE PRESENCE DU SAINT-SIEGE A Conférence au Siège de lÂUNESCO, 10 décembre 2002
Monsieur le Directeur Général, Monseigneur lÂObservateur permanent du Saint-Siège auprès de lÂUnesco, Mesdames, Messieurs, et chers amis,
1. CÂest pour moi un grand honneur et une légitime fierté de prendre aujourdÂhui la parole devant cette noble assemblée dÂhommes et de femmes de culture et de science du monde entier. Vous nous faites la joie de votre présence en cette importante célébration du Cinquantième anniversaire de la présence du Saint-Siège à lÂUnesco : soyez-en très vivement remerciés. Avec vous, je voudrais reprendre à grands traits lÂhistorique de ces cinquante années de coopération étroite entre le Saint-Siège et lÂOrganisation des Nations unies pour lÂéducation, la science et la culture, et relever quelques perspectives ouvertes à la convergence de nos préoccupations communes. Et tout dÂabord, je tiens à remercier très particulièrement Monsieur Koïchro Matsuura pour son remarquable discours de bienvenue et lÂamitié dont il nous témoigne depuis quÂil exerce sa prestigieuse fonction de Directeur Général de lÂUnesco. Je vois dans ses paroles chaleureuses le signe de lÂestime en laquelle est tenue la présence discrète et efficiente du Saint-Siège au sein de lÂOrganisation, et un encouragement à continuer sur la voie tracée depuis cinquante ans déjà, lorsque le Saint-Siège désignait un observateur permanent, cÂétait le 28 mai 1952, par une lettre adressée au Directeur Général de lÂUnesco, la fameuse lettre des trois papes sur laquelle je reviendrai plus loin. Je tiens aussi à remercier Monseigneur Francesco Follo, qui exerce depuis peu la passionnante mission dÂObservateur permanent du Saint-Siège, et a organisé avec bonheur cette importante célébration du cinquantième anniversaire. Dès sa nomination, il mÂa fait la joie de sa visite au siège du Conseil Pontifical de la Culture et mÂa confirmé sa disposition à une étroite collaboration avec le Dicastère dont jÂai reçu la direction effective dès sa fondation. Monseigneur Follo le sait, le Conseil Pontifical de la Culture a reçu, voici vingt ans déjà, la mission de « suivre, selon la manière qui lui est propre  je cite la Lettre de fondation du Conseil Pontifical de la Culture par le Pape Jean-Paul II, datée du 20 mai 1982 Â, lÂaction des organismes internationaux, à commencer par lÂUnesco , qui sÂintéressent à la culture, à la philosophie des sciences, aux sciences de lÂhomme, et assurer la participation efficiente du Saint-Siège aux Congrès internationaux qui sÂoccupent de science, de la culture et dÂéducation » [1] . Je me dois de saluer aussi les représentants des Organisations Internationales Catholiques  les O.I.C.  et du Centre Catholique International auprès de lÂUnesco  le C.C.I.C. Â, avec qui jÂentretiens des rapports étroits. Ils ne sont pas les représentants du Saint-Siège, mais leur action dans les domaines de lÂéducation, la science, la culture et lÂinformation justifie amplement leur présence au sein de lÂOrganisation, et je sais que la remarquable publication Le Mois à lÂUnesco est très fortement appréciée de ceux qui partagent avec moi le souci dÂune réelle efficience de lÂUnesco à travers le monde.
2. Cinquante ans de présence du Saint-Siège à lÂUnesco, cÂest lÂhistoire. Mais il y a dÂabord la préhistoire, qui éclaire singulièrement le chemin parcouru et la route à suivre. Je ne peux que lÂévoquer à grands traits, vous le comprenez. Le premier pas remonte au lendemain de la seconde guerre mondiale, dès 1946. En effet, la terrible épreuve dÂune guerre monstrueuse, le drame des déportations et lÂodieuse révélation des camps de concentration ont provoqué un sursaut de la conscience de lÂhumanité et les Nations ont compris la nécessité de créer un Organisme international aussi large que possible dont la mission principale serait dÂassurer la paix entre les peuples. LÂéducation, la science, lÂinformation et la culture sont au service de cette mission, tant il est vrai que cÂest lÂhomme qui oriente sa vie autant quÂil est homme. Le choix de la paix est le choix dÂune humanité plus humaine, cÂest le choix de lÂéducation au bien pour tous, de la formation par la vérité sur lÂhomme et sur le monde, et pour ce faire dÂune information juste et équitable, de la culture de la beauté, de la vérité et de la vie, dÂune science au service de lÂhomme pour le progrès des peuples sans aucune distinction de langue, de culture et dÂappartenance ethnique. Ces grands secteurs dÂintérêts de lÂUnesco, lÂenseignement, lÂéducation, la culture, la science, lÂinformation, intéressent au plus haut point lÂÉglise. « Contribuer au maintien de la paix et de la sécurité en resserrant, par lÂéducation, la science et la culture, la collaboration entre les nations », « assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de lÂhomme et des libertés fondamentales de tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion », « favoriser la connaissance et la compréhension mutuelle des nations », « aider au maintien, à lÂavancement et à la diffusion du savoir » sont autant de préoccupations communes, et leur énoncé dans lÂActe constitutif de lÂUnesco pourrait tout aussi bien être relevé dans une Encyclique sociale ou une Déclaration conciliaire sur le bien commun des peuples à poursuivre. Ainsi, au lendemain de la seconde guerre mondiale, lÂÉglise, « experte en humanité » et riche désormais de deux millénaires de vie inspirée par lÂidéal des béatitudes évangéliques, a vu naître différentes Organisations internationales nouvelles dont lÂUnesco présentait pour elle un intérêt tout particulier, rejoignant lÂune de ses préoccupations principales et son « plaidoyer pour lÂhomme intégral » [2] . Certes, certains ont cru voir alors en cette nouvelle organisation une tentative dÂétablissement dÂune sorte dÂÉglise laïque, usurpant son champ dÂaction qui est celui de lÂesprit, de la connaissance et de la morale, et lÂinstitutionnalisation dÂune sorte de conscience des Nations. Mais lÂÉglise catholique sÂest au contraire réjouie de ce signe probant de la progression et de la maturité des peuples, désormais aptes à choisir dÂun commun accord les voies et les moyens de la réconciliation entre les hommes et les peuples, pourvu quÂils sÂopèrent dans le respect absolu des consciences et de leur expression religieuse. Dès la création de lÂUnesco à la Conférence de Londres, le 16 novembre 1945, et son installation à Paris le 4 novembre 1946, le Saint-Siège devait suivre avec attention, un intérêt et une sympathie croissante les activités de lÂUnesco. Officieuses en un premier temps, les relations avec lÂOrganisation devinrent officielles moins de sept ans après sa création, avec la nomination dÂun Observateur permanent du Saint-Siège auprès de lÂUnesco, en 1952.
3. Je dois à la vérité de lÂhistoire de faire mention ici dÂune figure immense qui a joué un rôle non négligeable pour la reconnaissance de la part des États membres de lÂOrganisation dÂun statut particulier au Saint-Siège. Je pense bien évidemment à Jacques Maritain  ce grand philosophe que jÂai eu le privilège de recevoir à la demande de Paul VI, alors que jÂétais son jeune collaborateur à la Secrétairerie dÂÉtat Â, et au discours pour lÂouverture de la Seconde Conférence Générale de lÂUnesco à Mexico, le 6 novembre 1947, quÂil eu lÂhonneur de prononcer en sa qualité de Président intérimaire. Il était alors ambassadeur de France auprès du Saint-Siège et avait été choisi comme chef de la Délégation française. Julian Huxley, premier Directeur Général de lÂUnesco, avait exprimé ses idées personnelles sur la « nécessité dÂune philosophie pour lÂUnesco, qui ne doit fonder sa conception de la vie sur aucune des religions qui se font concurrence dans le monde ; sur aucune des théories politico-économiques, ni sur une philosophie sectaire ou une conception philosophique trop limitée, ni encore moins sur la croyance en Âune autre vie ». La réponse de Jacques Maritain  il nÂest pas inopportun de la rappeler aujourdÂhui à certains esprits chagrins qui voudraient remettre en cause la présence du Saint-Siège dans les Organisations Internationales  cette réponse, dis-je, témoignait dÂun réalisme et dÂune hauteur de vue dÂun tout autre ordre, celle dÂun « philosophe attaché par sa vocation à examiner les choses sous leur aspect universel et à dégager du réel les principes de synthèse » ainsi quÂil le précisait lui-même dès le commencement de son discours [3] . Je lui laisse la parole : « La mission de lÂUnesco est de contribuer efficacement pour sa part ( ) à la sécurité internationale et à la paix. [ ] LÂorganisation nÂa pas été créée pour veiller aux progrès théoriques de lÂéducation, de la science et de la culture, mais bien pour les employer à lÂÂuvre concrète et positive de la paix entre les peuples. » LÂargument de Jacques Maritain se fonde donc sur ce quÂil est désormais convenu dÂappeler la finalité pratique de lÂUnesco, et les implications quÂelle comporte. Jacques Maritain poursuit : « Ce nÂest ni seulement par des idées, ni seulement par des facts and figures, cÂest par un effort de lÂesprit pour porter à la lumière les difficultés de fond et se décider à leur sujet, et qui ne saurait relever que de la méditation personnelle où chacun sÂengage, que peut sÂaccomplir dans le monde et dans la conscience humaine le travail préalable qui conditionne et prépare lÂÂuvre de la paix. [ ] Ce qui est demandé à lÂintelligence humaine, cÂest de prendre conscience du fait que nous sommes entrés dans un âge crucial de notre histoire, où, sous peine de mort, les gigantesques moyens de puissance procurés par la maîtrise scientifique de la matière devront être soumis à la raison, en surmontant les tentations irrationnelles auxquelles lÂêtre humain est sujet, surtout dans son existence collective. Et cÂest aussi de comprendre quÂil y a une hiérarchie interne et une connexion vitale entre les vertus de lÂâme humaine, et que la science a pour objet propre les moyens, mais que le domaine des fins relève de quelque chose qui nÂest pas la science, et qui est incommensurable avec elle, et qui sÂappelle la sagesse ; et quÂil nÂy aura dans le monde de demain ni paix, ni liberté, ni dignité assurées pour nous, tant que dans les structures de la civilisation et dans la conscience des hommes  et des savants eux-mêmes  la science et la sagesse ne seront pas réconciliées, et les applications de la science rigoureusement soumises au droit agir moral et aux vraies fins de la vie humaine CÂest la dignité même de la science et du savant qui est ainsi mise en jeu, et cÂest pour maintenir et sauver cette dignité, comme pour tourner au bien du monde, et non à sa destruction, les applications de la science, que les hommes ont besoin dÂun puissant renouveau des disciplines de sagesse, dÂune réintégration dans la culture des vérités éthiques, métaphysiques et religieuses, et de cette réconciliation de la science et de la sagesse dont je parlais tout à lÂheure. » Jacques Maritain est conscient du paradoxe de lÂUnesco qui a pour tâche dÂunifier en un commun accord « des hommes et des femmes dont les conceptions du monde, de la culture et de la connaissance elle-même sont différentes ou même opposées ». Face au babélisme de la pensée moderne et à lÂabsence totale dÂune base commune pour la pensée spéculative, lÂUnesco nÂa pas à sÂengager dans une voie qui nÂest pas la sienne, mais à poursuivre sa finalité qui est « pratique », fondée « non pas sur une commune pensée spéculative, mais sur une commune pensée pratique, non pas sur lÂaffirmation dÂune même conception du monde, de lÂhomme et de la connaissance, mais sur lÂaffirmation dÂun même ensemble de convictions dirigeant lÂaction. » Certes, « cela est peu sans doute, cÂest le dernier réduit de lÂaccord des esprits, constate Maritain. CÂest assez cependant pour entreprendre une grande Âuvre, et ce serait beaucoup de prendre conscience de cet ensemble de communes convictions pratiques ». Ainsi, conscient du risque de blocage qui naîtrait dÂune tentative hasardeuse de placer les débats au niveau conceptuel des convictions, Maritain invite lÂUnesco à adopter une attitude pratique qui peut rallier les meilleurs esprits. Chaque famille spirituelle, dans la fidélité aux valeurs quÂelle professe et sans quÂil ne soit aucunement nécessaire de renoncer à lÂessentiel de ses convictions, peut ainsi sÂunir au plan de lÂaction avec dÂautres mouvances, ceci pour le bien de lÂhomme, en traitant les grands problèmes de la culture, des sciences, de lÂinformation et de lÂéducation. LÂessentiel demeure le respect de la liberté de conscience et lÂacceptation dÂun dialogue franc et sincère fondé sur une bonne volonté réciproque.
4. Parallèlement à cette nouvelle « doctrine » qui est devenue, dès lors, celle de lÂUnesco, et qui a ouvert la possibilité dÂune représentation permanente du Saint-Siège en son sein, la présence des catholiques sÂest organisée. CÂest ainsi que fut créé un Comité de coordination auprès de lÂUnesco pour assurer une présence discrète mais efficiente des catholiques au sein des délégations et des commissions nationales, et dans les différents organes de lÂUnesco, au Conseil exécutif et au Secrétariat. CÂest pour la troisième Conférence générale à Beyrouth, en 1948, que lÂUnesco invita officiellement et pour la première fois le Saint-Siège. Cette invitation fut toujours renouvelée depuis lors à chacune des Conférences Générales. La multiplication des contacts entre lÂUnesco et le Saint-Siège aboutit comme naturellement à la nomination dÂun Observateur permanent dès 1952. CÂest par la Lettre vraiment historique, dite « des trois papes », du 28 mai 1952, je lÂai dit, que le Substitut de la Secrétairerie dÂÉtat, Monseigneur Giovanni Battista Montini, futur Pape Paul VI, informait le Directeur Général de lÂUnesco que le Pape Pie XII nommait Monseigneur Angelo Giuseppe Roncalli, Nonce Apostolique en France, futur Pape Jean XXIII, comme Observateur permanent auprès de lÂOrganisation. Ces « trois papes » se retrouvent encore associés dans la lettre du 5 novembre suivant qui désigne la délégation dÂobservation du Saint-Siège à la Septième Session de la Conférence Générale de lÂUnesco. Depuis lors, les relations avec lÂUnesco se sont développées selon deux directions. La première est celle des relations diplomatiques officielles du Saint-Siège, à travers lÂObservateur permanent. La seconde se développe dans une coopération technique avec les Organisations Internationales Catholiques (O.I.C.). Celles-ci ont créé un Centre de coordination auprès de lÂUnesco, pour remplacer le Comité de Coordination mentionné plus haut, dont les statuts ont été plusieurs fois remaniés depuis. Le C.C.I.C. sÂemploie à coordonner lÂaction des catholiques auprès de lÂUnesco, notamment des O.I.C., et à informer sur les activités de lÂOrganisation. Il publie lÂutile et irremplaçable revue Le Mois de lÂUnesco, et jÂai eu plaisir à recevoir de Monsieur Gilles Deliance, son actuel directeur dont je salue la présence, son premier numéro en langue arabe. Je me dois aussi en ce jour de rendre hommage à son prédécesseur, notre ami Jean Larnaud, premier Secrétaire Général du C.C.I.C., et membre du Conseil Pontifical de la Culture dès sa création par le Pape Jean-Paul II.
5. LÂélection de Giovanni Battista Montini au Siège de Pierre, en 1963, représente sans nul doute, une étape importante dans le développement des relations entre Église et Unesco. Vous le savez, jÂai eu le privilège dÂêtre un proche collaborateur de Paul VI, ce qui mÂautorise à donner le témoignage de sa passion généreuse pour lÂhomme moderne, son désir profond dÂentrer dans un dialogue de vérité avec tous les hommes, et particulièrement les hommes de culture et les hommes de paix. Dans une communication sur « LÂactivité culturelle internationale du Saint-Siège sous Paul VI », au cours des Journées dÂEtudes sur Paul VI et la Vie internationale, organisées à Aix-en-Provence, les 18 et 19 mai 1990 [4] , je soulignais ses rapports privilégiés avec lÂUnesco et son Directeur Général : « Les relations nouées entre le Saint-Siège et lÂUnesco dès 1946 connurent avec Paul VI dÂheureux développements. Dans son encyclique Populorum progressio de 1967 consacrée au développement des peuples, Paul VI avait déjà évoqué lÂUnesco (n° 35). Et il fit remettre par lÂintermédiaire de lÂObservateur permanent du Saint-Siège, un exemplaire du document pontifical au Directeur Général, René Maheu. Ce dernier souligna publiquement le point de convergence entre lÂattitude de lÂEglise et celle de lÂUnesco : Âla rencontre au service de lÂhomme dÂune Église désormais résolument ouverte au monde et dÂune institution intergouvernementale qui prend de plus en plus conscience de la dimension spirituelle de son entreprise intellectuelle et pratique [5] . » [6] QuÂil me soit permis de rappeler ici lÂaction de René Maheu, cinquième Directeur Général de lÂOrganisation, homme convaincu de la vocation éthique de lÂUnesco et lÂa orientée vers un nouvel humanisme, lÂhumanisme du développement, dont les points de convergences avec lÂEncyclique Populorum progressio sont frappantes. Les relations entre Paul VI et René Maheu devinrent progressivement plus étroites, et se concrétisèrent par des visites et de nombreux messages qui étaient autant dÂoccasions de souligner les convergences de vues entre Saint-Siège et Unesco. René Maheu, il mÂen souvient, mÂavait demandé, lors dÂune visite au Vatican, de venir présenter lÂencyclique Populorum progressio au Siège de lÂOrganisation, en mai 1968. Mais les événements que vous savez ne permirent pas la réalisation de ce projet. Parmi les faits significatifs de lÂexcellence des relations entre Saint-Siège et Unesco pendant le Pontificat de Paul VI, je relève encore lÂattribution du Prix pour la Paix « Jean XXIII » à lÂUnesco, en 1974, qui fut lÂoccasion pour le Saint-Siège de manifester publiquement sa haute considération envers lÂOrganisation. Puis en 1976, pour le XXXème anniversaire de lÂUnesco, Paul VI adressa un message personnel au nouveau Directeur Général, Amadou Mahtar MÂBow, dans lequel il exprimait lÂun de ses soucis majeurs, lÂurgence « de promouvoir efficacement pour tous les hommes lÂéducation, la science et la culture capables de procurer à leur esprit une nourriture plus substantielle, une ouverture plus universelle et une élévation digne de leur vocation spirituelle » [7] .
6. Si, comme je lÂai souligné, le Saint-Siège a entretenu des rapports excellents au sommet des deux hiérarchies, à savoir entre le Souverain Pontife et le Directeur Général, la collaboration immédiate sÂopérait tout naturellement par lÂObservateur permanent du Saint-Siège. Le premier, je lÂai dit, fut Mgr Roncalli, futur Pape Jean XXIII. Il contribua sans nul doute à instaurer dès lÂabord des rapports loyaux et confiants, empreints de grande cordialité. Parmi ceux qui lui succédèrent dans cette fonction, Mgr Benelli, dont chacun sait les liens qui lÂunissaient à Paul VI, multiplia les initiatives de collaboration. Il organisa notamment, le 21 avril 1966  il mÂen souvient Â, un colloque présidé par le Directeur Général René Maheu, sur le thème: « Rencontre des cultures à lÂUnesco sous le signe de la coopération et de la paix : le Concile Âcuménique Vatican II », avec la participation, notamment, de René Cassin et de Jacques Maritain. Dans son allocution dÂouverture, Monseigneur Benelli constatait « la convergence entre lÂUnesco, organisation intergouvernementale, et le concile Vatican II, assises religieuses, dans le service de lÂhomme, la défense de la paix et le respect des cultures Ils ont en commun les soucis majeurs du monde dÂaujourdÂhui à lÂégard du destin individuel et collectif de lÂhomme, et ils insistent tous les deux sur la nécessité dÂune coopération étroite de tous pour la promotion de lÂhumanité » [8] . Les quelque 3.000 évêques catholiques en provenance de toutes races et cultures sÂétaient, en effet, adressés dans un Message final du concile aux hommes de la pensée en ces termes : « Votre chemin est le nôtre, vos sentiers ne sont jamais étrangers aux nôtres. Nous sommes les amis de votre vocation de chercheurs, les alliés de vos fatigues, les admirateurs de vos conquêtes et, sÂil le faut, les consolateurs de vos découragements et de vos échecs » [9] . Paul VI soulignait dans le même temps que le concile « sÂétait beaucoup occupé de lÂhomme, de lÂhomme tel quÂen réalité il se présente à notre époque », parce que  continuait-il  « nous aussi nous avons le culte de lÂhomme » [10] . Les « rapports permanents » entre le Saint-Siège et lÂUnesco ne sont pas une relation de type administratif, stable, certes, mais sans grand relief. Il sÂagit de rapports personnalisés qui font intervenir des représentants diversifiés du Saint-Siège choisis en fonction de leurs compétences et de la spécificité de chaque mission. Je lÂillustrais dans mon intervention aux Journées dÂétudes sur Paul VI et la vie internationale : « Il suffit de se reporter par exemple aux onze premiers jours du mois de décembre 1971. Durant cette courte période, le Saint-Siège a participé à trois rencontres de travail avec lÂUnesco, en trois lieux différents. Les 1er et 2 décembre, Mgr Georges Leclercq représente le Saint-Siège à Strasbourg où le Conseil pour la Coopération culturelle du Conseil de lÂEurope prépare la Conférence de lÂUnesco sur les politiques culturelles. Du 6 au 15 décembre, une délégation du Saint-Siège composée de six personnes et guidée par le Nonce Apostolique, participe à Caracas à la Conférence des Ministres de lÂÉducation et des Ministres responsables de lÂapplication de la science et de la technologie, organisée par lÂUnesco. Et le 11 décembre, Paul VI reçoit en audience le président et le secrétaire exécutif de la Commission Internationale de lÂUnesco pour lÂétude des stratégies du développement de lÂéducation dans le monde. Paul VI, il mÂen souvient, mÂavait demandé de participer, avant lÂaudience pontificale, à la réunion de travail présidée par le cardinal Garrone, alors Préfet de la Congrégation pour lÂÉducation Catholique, et le Président Edgar Faure. Il devait en sortir le beau livre, au titre significatif : Apprendre à être. » [11]
7. Mais cÂest sans nul doute la visite du Pape Jean-Paul II au Siège de lÂUnesco qui représente incontestablement le sommet des relations entre le Saint-Siège et lÂOrganisation. CÂétait le 2 juin 1980, voici 22 ans déjà, ici même, place de Fontenoy. Nombre dÂentre vous, comme moi, sÂen souviennent : le discours du jeune pape, écouté dès les premiers mots avec attention et curiosité, jusquÂà ce quÂune émotion profonde sÂempare de lÂauditoire, lÂenvahisse progressivement tout entier, et éclate en applaudissements prolongés : « Je suis fils dÂune Nation que ses voisins ont condamnée à mort à plusieurs reprises, mais qui a survécu et qui est restée elle-même. Elle a conservé son identité, et elle a conservé, malgré les partitions et les occupations étrangères, sa souveraineté nationale, non en sÂappuyant sur les ressources de la force physique, mais uniquement en sÂappuyant sur sa culture. Cette culture sÂest révélée en lÂoccurrence dÂune puissance plus grande que toutes les autres forces. Ce que je dis ici concernant le droit de la nation au fondement de sa culture et de son avenir nÂest donc lÂécho dÂaucun "nationalisme" Il existe une souveraineté fondamentale de la société qui se manifeste dans la culture de la Nation Et quand je mÂexprime ainsi, je pense également, avec une émotion intérieure profonde, aux cultures de tant de peuples antiques qui nÂont pas cédé lorsquÂils se sont trouvés confrontés aux civilisations des envahisseurs. Je pense aussi avec admiration aux cultures des nouvelles sociétés, de celles qui sÂéveillent à la vie dans la communauté de la propre Nation  tout comme ma Nation sÂest éveillée à la vie il y a dix siècles  et qui luttent pour maintenir leur propre identité et leurs propres valeurs contre les influences et les pressions de modèles proposés de lÂextérieur. En mÂadressant à vous qui vous réunissez en ce lieu depuis plus de trente ans maintenant au nom de la primauté des réalités culturelles de lÂhomme, des communautés humaines, des peuples et des Nations, je vous dis : veillez sur cette souveraineté fondamentale que possède chaque Nation en vertu de sa propre culture NÂy a-t-il pas, sur la carte de lÂEurope et du monde, des Nations qui ont une merveilleuse souveraineté historique provenant de leur culture, et qui sont en même temps privées de leur pleine souveraineté ? » [12] Invité six mois plus tard, le 2 décembre 1980, par M. Amadou Mahtar-MÂBow, alors Directeur Général de lÂUnesco, à approfondir le thème majeur de lÂintervention du Saint-Père sur la culture et la nation, je nÂhésitais pas, dès le début de ce fécond pontificat, tout en soulignant la continuité de la présence du Saint-Siège dans la vie internationale, à observer le déplacement dÂaccent de lÂÉtat à la Nation, à travers la primauté de la culture. LÂÉtat nÂa de raison dÂêtre que dÂêtre au service de la Nation, communauté dÂhommes réunis dans et par une même culture. Car lÂhomme est fondamentalement un être de culture, ce qui lui permet de résister à toutes les aliénations, et même de surmonter sa disparition de la carte des pays du monde, lorsque la culture réussit à maintenir vivante dans les esprits et dans les cÂurs cette réalité humaine fondamentale quÂest la nation. Ainsi, Jean-Paul II se situe dans la pleine ligne du Pape Paul VI en proclamant que ce qui compte dÂabord et avant tout pour le Saint-Siège, cÂest lÂhomme, tout lÂhomme et tous les hommes. Et il précise que la culture est ce par quoi lÂhomme en tant quÂhomme devient davantage homme, « est » davantage, accède davantage à l « être », dans toutes les dimensions de son existence. LÂhomme est toujours le fait premier, primordial et fondamental de la culture, dans sa totalité, dans lÂensemble de sa subjectivité spirituelle et matérielle, qui sÂépanouit dans la nation. [13]
8. Deux ans après ce mémorable discours  dont je pourrais relever tant de passages aussi éclairants les uns que les autres sur la perception que le Saint-Siège se fait du rôle de lÂUnesco auprès des peuples et des Nations Â, le Pape Jean-Paul II décidait la création dÂun nouvel Organisme au sein de la Curie Romaine, le Conseil Pontifical de la Culture, dont il me confiait dès lÂabord la responsabilité, comme président exécutif, puis comme président de cet organisme spécial permanent. Comme il lÂécrit lui-même dès les premiers mots de sa Lettre autographe en la fête de lÂAscension, le 20 mai 1982, et je le cite : « Dès le début de mon pontificat, jÂai considéré que le dialogue de lÂÉglise avec les cultures de notre temps était un domaine vital dont lÂenjeu est le destin du monde en cette fin du XXème siècle. Car il existe une dimension fondamentale, capable de consolider ou de bouleverser dans leurs fondements les systèmes qui structurent lÂensemble de lÂhumanité, et de libérer lÂexistence humaine, individuelle et collective, des menaces qui pèsent sur elle. Cette dimension fondamentale, cÂest lÂhomme dans son intégralité. Or lÂhomme vit dÂune vie pleinement humaine grâce à la culture. » [14] Il précise : « LÂurgence pour lÂÉglise dÂentrer en dialogue avec les cultures nÂen est que plus grande pour permettre à lÂhomme dÂaujourdÂhui de découvrir que Dieu, bien loin dÂêtre le rival de lÂhomme, lui donne de sÂaccomplir pleinement, à son image et ressemblance Aussi la rencontre des cultures est-elle aujourdÂhui un terrain de dialogue privilégié entre des hommes également en recherche dÂun nouvel humanisme pour notre temps, par-delà les divergences qui les séparent. » Je lÂai rappelé dans mon introduction, lÂune des tâches assignée au Conseil Pontifical de la Culture est de « suivre, selon la manière qui lui est propre, lÂaction des organismes internationaux, à commencer par lÂUnesco , qui sÂintéressent à la culture, à la philosophie des sciences, aux sciences de lÂhomme, et assurer la participation efficiente du Saint-Siège aux Congrès internationaux qui sÂoccupent de science, de la culture et dÂéducation » [15] .
9. Aussi, tout naturellement, lÂune de mes premières décisions fut de me rendre en visite officielle au Siège de lÂUnesco en compagnie de lÂObservateur permanent, Monseigneur Frana  dont je salue la présence Â, pour rencontrer le Directeur Général, Monsieur Amadou Mathar MÂBow qui mÂhonorait de son amitié et avait voulu présider lui-même le Centenaire de lÂInstitut Catholique de Paris, dont jÂétais le Recteur, en 1975. Cette visite officielle prolongée par un déjeuner cordial, eut lieu le 17 février 1983. Mr MÂBow me chargeait de transmettre au Saint-Père son appréciation pour la décision prise en créant le Conseil Pontifical de la Culture. Il se félicitait de lÂunanimité des participants à la Conférence Mondiale sur les politiques culturelles de Mexico, en 1982,  à laquelle avait participé mon collaborateur, alors secrétaire du Conseil, le Révérend Père Hervé Carrier Â, unanimité dans le refus de fonder le développement sous lÂangle unique de la croissance économique, donc limité aux aspects matériels. Le Directeur Général me rappelait alors son intervention sur Europe 1, le matin de la visite du Pape à lÂUnesco, dans laquelle il affirmait que la religion est un élément fondamental qui ne peut être ignoré dans la vie des peuples et des individus, et que lÂUnesco se devait de la prendre en considération avec le plus grand respect. Je précisais alors à Mr MÂBow que le Saint-Père avait créé le Conseil Pontifical de la Culture pour développer la préoccupation des chrétiens dans le domaine de la culture à tous les niveaux, et ma conviction que lÂouverture à lÂuniversel passe par le respect des cultures locales. Je dois dire que cette rencontre a permis au Conseil dÂentrevoir plusieurs initiatives à poursuivre, et mÂa confirmé sur lÂimpact de la visite historique du Pape Jean-Paul II au Siège de lÂUnesco. Le Directeur Général accueillait avec joie la création du Conseil Pontifical de la Culture, et me témoignait de sa volonté de développer une étroite coopération avec ce Dicastère et de faciliter son travail avec tous les réseaux que possède lÂOrganisation. Dans les mois qui ont suivi, le Conseil Pontifical de la Culture a été impliqué dans les relations du Saint-Siège avec lÂUnesco où son avis était sollicité  comme il le sera régulièrement par la suite  sur la VIIème Session extraordinaire de la Conférence Générale de lÂUnesco. JÂécrivais alors au Cardinal Casaroli, Secrétaire dÂÉtat : « Nous pouvons nous demander quel est le point central qui mériterait une attention prioritaire de la part du Saint-Siège. Ce thème, semble-t-il, doit être celui de la culture Cette suggestion se justifie par le fait que lÂUnesco attache une importance de plus en plus grande, depuis une dizaine dÂannées  nous étions en 1983  aux problèmes culturels, entendus non seulement en un sens classique ou esthétique, comme au début, mais aussi selon une acception anthropologique Par ailleurs, lÂUnesco reconnaît elle-même que lÂattention au problème culturel devient de plus en plus dynamique et opérante dans lÂensemble de ses programmes En donnant priorité aux considérations proprement culturelles, entendues au sens large indiqué plus haut, le Saint-Siège adopterait donc un point de vue qui lui facilitera le dialogue sur le terrain des valeurs humaines et spirituelles ». En faisant le bilan des vingt années du Conseil Pontifical de la Culture, je constate que telle a toujours été notre ligne de conduite, et que nos rapports avec lÂOrganisation doivent leur fécondité à cette sage attitude.
10. Il ne mÂest pas possible, vous le comprenez, de reprendre le détail de tous les événements qui ont ponctué lÂétroite et heureuse coopération entre le Saint-Siège et lÂUnesco. Il serait sans nul doute très profitable de reprendre les échanges de discours à lÂoccasion des visites du Directeur Général au Souverain Pontife, dont la première date de 1953, Pie XII accueillant alors Monsieur Luther Evans. Le Vatican a pu compter sur lÂUnesco qui lui fit lÂhonneur de sa présence en de nombreuses occasions comme pour la création du Comité « Promotion humaine » de la Commission Pontificale « Justice et Paix », en 1969, à lÂinauguration de lÂexposition « Le livre de la Bible », en 1972, à la Cérémonie de remise du Prix pour la Paix « Jean XXIII » dont jÂai fait mention plus haut, en 1974, et encore au cinquantenaire de la fondation de lÂAcadémie Pontificale des sciences, en 1986. Les contacts de lÂOrganisation avec le Saint-Siège sont pluri-formes, avec la Secrétairerie dÂÉtat, les Congrégations pour lÂÉducation catholique et pour lÂÉvangélisation des peuples, les Conseils Pontificaux « Justice et Paix », pour la famille et, je lÂai souligné, naturellement de la culture. Je nÂoublie pas non plus les contacts précieux avec la Bibliothèque Vaticane et Radio Vatican. Relations de travail, échanges de points de vue, participation commune à de nombreux évènements, lÂUnesco sait se montrer aussi présent dans les moments particuliers de la vie de lÂÉglise, aux jours de joie comme aux cérémonies dÂIntronisation du Souverain Pontife, et aux jours de peine pour les cérémonies à lÂoccasion de la mort du Pape. JÂajoute enfin quÂil est devenu de tradition de remettre au Directeur Général de lÂUnesco  comme au Secrétaire de lÂO.N.U. et aux Directeurs des Organismes spécialisés  un exemplaire avec la signature autographe du Saint-Père de son Message annuel pour la Journée Mondiale de la Paix. Le Saint-Siège a adhéré à la Convention préparée par lÂUnesco sur les droits dÂauteurs, sur lÂimportance du matériel éducatif, scientifique et culturel, sur la Protection des Biens culturels en cas de conflit armé, sur la reconnaissance des études, diplômes et grades académiques entre les États dÂAmérique latine et des Caraïbes, et entre les pays de lÂEurope, et, enfin, sur la Protection et la sauvegarde du Patrimoine mondial, culturel et naturel. Avec une particulière gratitude, je souligne que Saint-Siège a obtenu lÂinscription de la Cité du Vatican sur la liste du Patrimoine Mondial de lÂHumanité, comme, par le passé, il avait obtenu son inscription sur la liste des biens culturels à protéger en cas de conflit armé.
11. Si je ne puis énumérer tous les Colloques ou Symposiums auxquels jÂai eu la joie de participer au nom du Saint-Siège à lÂUnesco, je voudrais au moins rappeler, comme particulièrement significative, la contribution des Organisations Internationales Catholiques à la Décennie mondiale du développement culturel, proclamée le 29 janvier 1987, que jÂai eu lÂhonneur de présenter au Siège de lÂUnesco, en présence du Directeur Général. Vingt deux Organisations non-gouvernementales chrétiennes se sont alors en effet engagées à lÂappel du Directeur Général de lÂUnesco, avec le soutien de la Conférence des O.I.C. et du C.C.I.C., le Centre Catholique international pour lÂUnesco, dans une contribution spécifique à cette Décennie afin de promouvoir un développement culturel authentique et intégral, à savoir, promouvoir lÂesprit, favoriser le dialogue des cultures, et ouvrir la culture à lÂaltérité, dans lÂaction sanitaire, sociale et caritative, les milieux de vie, les domaines de lÂéducation, de la jeunesse et de la communication sociale, et lÂaction spécifique pour la paix. [16] Enfin, jÂai eu lÂhonneur et la joie, comme Président du Conseil Pontifical de la Culture, de guider la Délégation dÂobservation du Saint-Siège à la XXVIIIème Session de la Conférence Générale de lÂUnesco qui sÂest tenue à Paris à la fin du mois dÂoctobre 1995 avant de sÂachever le 16 novembre par la commémoration du cinquantième anniversaire de lÂActe constitutif. Dans mon intervention, le 28 octobre, jÂai tenu à souligner que « le Saint-Siège suit les activités de lÂOrganisation avec un vif intérêt qui se veut attentif et discret, étant lÂun et lÂautre au service de lÂhomme, selon les compétences et les champs dÂaction qui leur sont propres. Si les compétences et les champs dÂaction sont spécifiques, néanmoins Unesco et Saint-Siège sÂadressent à lÂêtre humain, complexe et indivisible, dans lÂharmonie de ses composantes, de ses aspirations, de ses droits et de ses devoirs. » [17] LÂhomme est notre passion commune. Immergé dans une culture dont il est à la fois le fils et lÂauteur, lÂhomme contemporain est confronté à un certain nombre de défis qui méritent toute lÂattention de nos institutions. Je le disais : « la fin des affrontements idéologiques et la disparition des blocs antagonistes avaient donné lÂespoir dÂune ère nouvelle, de dialogue et de communion, de développement harmonieux et authentiquement humain. » Mais, voilà : « la crise des valeurs fait apparaître un vide immense ». Nous avons en commun le redoutable privilège de porter sur le monde un regard universel, et les événements du monde  le 11 septembre nÂest malheureusement que le sommet dÂun iceberg, particulièrement préoccupant, il est vrai, mais qui nÂest tristement pas seul dans la mer des dangers qui nous menacent  sÂoffrent à nos analyses comme une invitation à réagir pour le bien de lÂhomme. Aussi je peux redire aujourdÂhui ce que, déjà, je soulignais en 1995 : « Dans cette situation, lÂUnesco joue un rôle unique parmi toutes les Organisations internationales gouvernementales, car sa mission revêt un caractère éminemment éthique, son but vise la promotion de la personne humaine dans son intégralité, et son moyen privilégié dÂaction consiste dans la coopération culturelle internationale ». LÂUnesco nÂest-elle pas appelée à élever plus haut la voix encore pour engager les États à entrer dans une véritable culture du dialogue, un dialogue persévérant, éclairé par les valeurs authentiques, la très haute estime des droits de lÂhomme et des peuples, et la confiance en la capacité de tout homme à choisir le bien de la paix ? Alors que lÂhumanité entière avance au large du troisième millénaire, comment pourrions-nous accepter que tant dÂhommes et de femmes dans le monde nÂaient toujours pas accès à lÂinformation, ne peuvent recevoir une éducation digne de notre temps, sont les grands oubliés des progrès de la science et se trouvent contraints de vivre une vie inhumaine en subissant tous les effets dÂune contre-culture du mépris qui se développe dans les nations orgueilleuses de leur pouvoir, de leur avoir et de leur suffisance. Le Saint-Père, lors de sa visite au siège des Nations Unies, a proposé dÂélaborer une Charte des Droits des Nations. CÂest que le Saint-Siège entend, partout où cela est possible, prêter sa voix aux sans voix et inviter les nations « à servir lÂhomme dans sa dimension personnelle, sociale, culturelle, et à préserver le droit inaliénable des peuples à exister dans le respect de la diversité, la tolérance réciproque et la solidarité concrète, afin de promouvoir une culture de la liberté responsable, enracinée dans les exigences libératrices de la vérité » [18] . La mission de lÂÉglise dans le concert des Nations est dÂéveiller les consciences, et elle le fait en élevant la voix. Elle se réjouit chaque fois que lÂUnesco réagit avec elle pour dénoncer et guérir les blessures de lÂinjustice en matière dÂéducation, dÂaccès aux bénéfices de la science et aux développements de la communication, et que les identités culturelles propres sont étouffées.
12. Monsieur le Directeur, Mesdames et Messieurs. Plus que jamais aujourdÂhui, nous sommes appelés au courage de lÂesprit et au courage de la volonté. Nous voyons sÂouvrir devant nous, à lÂaube du troisième millénaire, un vaste océan dans lequel lÂhumanité sÂaventure. Des multitudes de cultures sÂy meuvent comme autant de courants qui sÂexpriment en des reflets tantôt argentés et bienfaisants, mais parfois aussi impérieux, voire violents. La loi des océans est telle que ceux qui naviguent sans cap sÂégarent et rarement reviennent à bon port. Les Mages de Bethléem ont été guidés par lÂétoile que lÂÉglise suit avec eux depuis vingt siècles déjà et la conduit jusquÂà un homme, fort petit puisquÂil vient de naître, et prisonnier de sa condition puisque sa Mère Marie, vraisemblablement, lÂa emmailloté selon les usages de sa culture. Si les Mages ont reconnu en ce petit dÂhomme lÂEnfant-Dieu, lÂÉglise à leur suite nÂa cessé de proposer comme archétype de lÂhomme ce Dieu qui sÂest fait homme et nous invite à respecter tout homme, comme son frère et notre frère, à lÂimage et à la ressemblance de Dieu, son père et notre père [19] . CÂest pourquoi elle ne cesse de répéter avec le Pape Paul VI : « Nous aussi, nous avons le culte de lÂhomme ». Et avec son successeur Jean-Paul II : « LÂhomme est le fait primordial et fondamental de la culture. Il faut aimer lÂhomme puisquÂil est homme, il faut revendiquer lÂamour pour lÂhomme en raison de la dignité particulière quÂil possède. Le plus important est toujours lÂhomme. » Les 3 et 4 mai 1999, je présidais en cette Maison de lÂUnesco un Colloque international organisé par le Conseil Pontifical de la Culture et le Centre Catholique International pour lÂUnesco, sous le patronage de lÂOrganisation accordé par Monsieur Federico Mayor, son Directeur Général, devenu lui aussi un ami. Le thème du colloque était : Un nouvel humanisme pour le troisième millénaire [20] . Le représentant du Directeur Général, Monsieur Jérôme Bindet le reconnaissait : « Parler de nouvel humanisme, cÂest reconnaître que lÂhumanité est condamnée à vivre ensemble, et que nos valeurs sont trop souvent en retard par rapport à cette exigence. CÂest pourquoi lÂUnesco sÂattache à renforcer le dialogue entre les civilisations, les cultures et les traditions spirituelles, pour créer un rempart solide contre les dérives identitaires, les enfermements et les clôtures, contre toutes ces intolérances qui se font jour dans plusieurs régions du monde, et aussi en Europe » [21] . Il me semble, et je le soulignais dans mon intervention dÂouverture au colloque, que ce nouvel humanisme est devenu une exigence de notre ère confronté aux conséquences dramatiques de la mystique du sur-homme. Les philosophies de la mort de Dieu proclamée par les maîtres du soupçon, Freud, Nietzsche, Sartre et bien dÂautres, ont conduit à la mort de lÂhomme comme sujet transcendant et à la crise dÂune culture privée de sa substance, le fondement de ses valeurs en une Loi naturelle qui dépasse lÂhomme mais ne lui est pas étrangère, selon le mot profond de Pascal : « LÂhomme passe infiniment lÂhomme » [22] . Monseigneur Gian Battista Montini le soulignait avec acuité dans sa Préface au volume sur Pie XII, lÂéducation, la science et la culture, publié sous le haut patronage de lÂObservateur permanent du Saint-Siège auprès de lÂUnesco : Alors que la culture moderne sÂenivre de pensée subjective et se préoccupe plus de lÂÂil que de la lumière, cÂest le propre de lÂÉglise, comme de lÂUnesco, dÂaimer lÂéducation, la science et la culture. [23] Monsieur le Directeur Général, permettez-moi, en terminant, de reprendre le vÂu que je formulais devant votre prédécesseur, au terme de mon intervention devant la Conférence générale de lÂUnesco, pour la Commémoration du 50ème anniversaire de lÂActe Constitutif : « ÂLÂavenir de lÂhomme, cÂest la cultureÂ, disait Jean-Paul II, voici 15 ans, à cette tribune unique au monde. ÂEt il nÂy a de culture que de lÂhomme, par lÂhomme et pour lÂhommeÂ. LÂUnesco a déjà parcouru un long chemin au service de lÂéducation, de la science, et de la culture. Il lui reste, au seuil du nouveau millénaire, à remplir une grande tâche au service de lÂhomme. CÂest là sa raison dÂêtre, la source de son inspiration, et sa plus haute ambition. » [24] Sur ce chemin exigeant, Monsieur le Directeur Général, lÂUnesco, demain comme hier, trouvera toujours dans le Saint-Siège un allié loyal, un partenaire sincère, et un collaborateur décidé, pour le service généreux et désintéressé de tout lÂhomme et de tous les hommes comme le Pape lÂaffirmait ici-même, le 2 juin 1980, pour que « lÂhomme devienne toujours plus homme, quÂil puisse «être» davantage et pas seulement quÂil puisse «avoir» davantage, et que par conséquent, à travers tout ce quÂil «a», tout ce quÂil «possède», il sache de plus en plus pleinement «être» homme non seulement «avec» les autres, mais aussi «pour» les autres. » [25]
Et mon dernier mot sera celui de Jean-Paul II :
« Ma parole finale est celle-ci : Ne cessez pas. Continuez. Continuez toujours » [26] .
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To mark the 50th anniversary of the Holy SeeÂs presence at Unesco, a meeting was held at which a speech was given by Cardinal Paul Poupard. After outlining briefly the history of the creation and continuing existence of Unesco, as well as the development of relations between the Church and Unesco, he dwelt on the highpoint of those relations, that is the visit of John Paul II on the 2nd of June 1980, and the consequent creation of the Pontifical Council for Culture on the 20th of May 1982.
Nel 50o anniversario di presenza della Santa Sede presso lÂUnesco, si è tenuto un importante convegno, al quale è intervenuto il cardinale Paul Poupard. Dopo aver brevemente parlato della creazione e della natura dellÂUnesco, nonché dello sviluppo dei rapporti tra la Chiesa e la suddetta organizzazione, il cardinale si è soffermato sul momento culminante delle relazioni, cioè la visita di Giovanni Paolo II allÂUnesco il 2 giugno 1980, seguita, il 20 maggio 1982, dalla creazione del Pontificio Consiglio della Cultura.
Con motivo del 50º aniversario de la presencia de la Santa Sede en la Unesco, se celebró un importante Congreso en el que participó el Card. Paul Poupard. En su intervención, tras un breve recorrido histórico sobre la fundación y vida de la Unesco, y de las relaciones entre ésta y la Iglesia Católica, el Cardenal analizó detenidamente el momento culminante que significó la visita de Juan Pablo II a la Unesco el 2 de junio de 1980, seguida, el 20 de mayo de 1982 por la creación del Consejo Pontificio de la Cultura.
[1] Jean-Paul II, Lettre autographe de fondation du Conseil Pontifical de la Culture, AAS, 74 (1983), p. 683-688. Documentation Catholique, t. LXXIX, n° 1832, p. 606. [2] Paul Poupard, Le Vatican, ch. IV : Présence internationale du Saint-Siège, Coll. « Que sais-je ? », PUF, Paris, 19942, p. 63. [3] Jacques Maritain, Discours pour lÂouverture de lÂAssemblée de lÂUnesco à Mexico, le 6 novembre 1947, La Documentation Catholique, 45 (1948), col. 138-150. [4] Paul Poupard, LÂactivité culturelle internationale du Saint-Siège sous Paul VI, in Paul VI et la vie Internationale, Pubblicazioni dellÂIstituto Paolo VI, n. 12, Brescia, 1992, pp. 136-155. [5] Insegnamenti di Paolo VI, VII (1969), p. 143. [6] Paul Poupard, in LÂactivité culturelle internationale du Saint-Siège sous Paul VI, op. cit., pp. 137-139. [7] Insegnamenti di Paolo VI, XIV (1976), p. 908. [8] Giovanni Benelli, Allocution dÂouverture, in Rencontre des Cultures à lÂUnesco sous le signe du Concile Âcuménique Vatican II, Mame, 1966, pp.7-9. [9] Message du Concile aux hommes de la pensée et de la science, 8 décembre 1965, AAS, 58 (1966), 8-18. [10] Paul VI, Discours de clôture du concile Vatican II, le 7 décembre 1965, AAS, 58 (1966), 51-59. [11] Paul Poupard, in LÂactivité culturelle internationale du Saint-Siège sous Paul VI, op. cit., pp. 137-139. [12] . Jean-Paul II, Discours à lÂoccasion de sa visite au Siège de lÂOrganisation des Nations-Unies pour lÂéducation, la science, et la culture, UNESCO, Paris, 2 juin 1980, n. 14 et 15. [13] Cf. P. Poupard, « Respecter les droits de chaque nation ». La pensée internationale de Jean-Paul II, dans Communio, t. VI, n° 3, mai-juin 1981, p. 18-26. [14] Jean-Paul II, Lettre autographe instituant le Conseil Pontifical de la Culture, 20 mai 1982, AAS, 74 (1982) 683-688. [15] Ibid., cf. note 1. [16] La culture, chemin dÂun développement solidaire, Préface du Cardinal P. Poupard, Conférence des O.I.C., 1989, éditions en langue française, anglaise et espagnole. [17] Paul Poupard, Discours à la XXVIIIème Session de la Conférence Générale de lÂUnesco, Doc. Cath., 2127 (1995), pp. 1031-1033. [18] Ibid. [19] Cf. Gaudium et spes, n. 22. [20] Un nouvel humanisme pour le troisième millénaire, Colloque international Unesco, 3 et 4 mai 1999, édité par le Conseil Pontifical de la Culture et le Centre Catholique International pour lÂUnesco, 9 rue Clerc, 75007 Paris. [21] Ibid., pp. 9-15. [22] Pascal, Pensées, éd. Brunschvicg, n° 434. [23] Pie XII, lÂéducation, la science et la culture, Préface de Mgr Montini, Fleurus, 1956. [24] D.C., op. cit., 3 déc. 1995, n° 2127, p. 1033. [25] Jean-Paul II, Discours à lÂUnesco, op. cit., n. 11. [26] Ibid., n. 23.
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