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STUDIA
Cardinal Paul Poupard, Les idées dépressives du monde contemporain Cardinal Ivan Dias, The Missions in the Pontificate of Pope John Paul II Francisco Javier Lozano, Promouvoir le dialogue des cultures
LES IDÉES DÉPRESSIVES DU MONDE CONTEMPORAIN
XVIIIème Conférence internationale
1. CÂÂest pour moi une joie de venir partager avec vous quelques convictions du Conseil Pontifical de la Culture sur « Les idées dépressives du monde contemporain ». Mon point de vue bien sûr ne sera pas celui du médecin, du psychanalyste, ni du sociologue, mais celui de lÂÂhumaniste chrétien qui discerne, dans la culture dominante, de nombreux points de rupture où lÂÂhomme se retrouve en situation-limite et devient particulièrement vulnérable jusquÂÂà sombrer dans les symptômes divers de la dépression, où, de Prométhée en Sisyphe, la postmodernité semble sÂÂengloutir en Narcisse. Je vous salue très cordialement, Éminence, avec vos collaborateurs du Conseil Pontifical pour la Pastorale de la Santé. Le thème de « La dépression » mérite tristement la plus grande attention de la part de lÂÂÉglise, et je souhaite que les travaux de cette XVIIIème Conférence internationale y contribuent.
2. Les médecins définissent la dépression comme « un trouble pathologique de lÂÂhumeur » qui se manifeste, entre autres, par une tristesse envahissante, des idées noires, le repli sur soi et lÂÂobsession de la mort. La dépression est vécue comme une chute, lÂÂexpérience du vide qui ravage une vie et entraîne la glissade dans un gouffre. Le dépressif a le sentiment de ne plus pouvoir se battre, de se retrouver devant un abîme, dÂÂêtre emporté par une lame de fond qui déstructure, broie et noie. Puis vient la peur, jusquÂÂà devenir terreur. Dans ses yeux, la lueur hagarde de celui qui a cru voir le néant. LÂÂennui le prend. La volonté lÂÂabandonne. LÂÂindifférence le fige. Plus rien nÂÂa de sens, une nausée tenace lÂÂenvahit, jusquÂÂau désespoir et lÂÂenvie de mourir. Ce drame intérieur qui atteint de trop nombreuses personnes, hommes et femmes, jeunes et adultes, riches et pauvres, artistes et grands de ce monde, tout autant que sportifs et humbles artisans, trouve sans nul doute dans la culture contemporaine des facteurs aggravants qui se traduisent dans les chiffres et les statistiques que vous savez et qui ne manquent pas de nous inquiéter. Tout se passe comme si la culture dominante provoquait chez nos contemporains  pour emprunter une image à la géologie  des failles au plus intime de leur être, puis une fêlure, enfin une crevasse entre des plaques dÂÂidentité quÂÂelle devrait conjoindre pour lÂÂépanouissement des multiples potentialités qui nous habitent. Disjointes, ces « plaques » laissent se faufiler la dépression, porteuse de régression vers soi et dÂÂagression vers lÂÂautre, dans la dépréciation dÂÂun idéal de vie et de ses valeurs qui structurent la personnalité. Voici déjà dix ans notre ami Tony Anatrella, dans un essai roboratif, disait Non à la société dépressive, « menacée dÂÂimplosion, où lÂÂindividu, en lÂÂabsence de tout projet et de toute dimension extérieure à lui-même, se trouve ramené à sa seule subjectivité Tête à tête destructeur entre une intériorité en crise et une vie pulsionnelle qui sÂÂinstalle dans ses états premiers ; régression qui a aussi pour effet de dissoudre le lien social dans le mépris des racines de notre civilisation » [1] .
3. La personne humaine, en effet, est riche dÂÂune grande variété de dimensions, et cÂÂest de leur épanouissement que naît la culture, source de la civilisation dans ses multiples éléments : « Au sens large ÂÂ souligne le Concile Vatican II dans la Constitution pastorale sur LÂÂÉglise dans le monde de ce temps ÂÂ le mot "culture" désigne tout ce par quoi lÂÂhomme affine et développe les multiples capacités de son esprit et de son corps ; sÂÂefforce de soumettre lÂÂunivers par la connaissance et le travail ; humanise la vie sociale, aussi bien la vie familiale que lÂÂensemble de la vie civile, grâce au progrès des mÂÂurs et des institutions ; traduit, communique et conserve enfin dans ses oeuvres, au cours des temps, les grandes expériences spirituelles et les aspirations majeures de lÂÂhomme, afin quÂÂelles servent au progrès dÂÂun grand nombre et même de tout le genre humain. » (Gaudium et spes, 53). Il nÂÂest de culture que de lÂÂhomme, par lÂÂhomme et pour lÂÂhomme. Le Document du Conseil Pontifical de la Culture, Pour une pastorale de la culture, le rappelle : « La culture est si naturelle à lÂÂhomme, que sa nature nÂÂa de visage quÂÂaccomplie dans sa culture » [2] . Il importe donc de discerner ce qui, dans la culture dominante, dénature lÂÂhomme et nuit à son épanouissement, « dans son intelligence et son affectivité, sa quête de sens et sa recherche du beau, ses repères éthiques et son ouverture à la transcendance ». Les contre-valeurs qui brisent lÂÂharmonie dÂÂune culture, foyer dans lequel les hommes et les peuples cultivent leur relation avec la nature et avec leurs frères, avec eux-mêmes et avec Dieu, sont les produits dÂÂidées dépressives qui portent en germe la destruction de lÂÂhumanité de lÂÂhomme et la défigurent, au point de le rendre incapable de se reconnaître dans ce quÂÂil vit.
4. La vie humaine se réalise dans les différentes modalités de lÂÂactivité de lÂÂhomme. Exister, pour lÂÂhomme, nÂÂest pas exister « simpliciter » : il est partout et tout ensemble homo faber et homo amicus, homo politicus et homo sapiens, et ÂÂ nous en sommes tous convaincus ÂÂ homo religiosus. Selon les philosophes, lÂÂunité se prend, soit selon la forme, soit selon la fin. Nous le constatons, une personne humaine est parfaitement « unifiée » selon quÂÂelle est pleinement liée à sa fin, et non pas seulement du fait du sujet même qui agit. LÂÂunité personnelle dÂÂun être, ce par quoi il se reconnaît lui-même, conforme à ce quÂÂil tente de construire et qui fait de lui un être unique, original, différent des autres, se construit dans sa capacité à rejoindre la fin pour laquelle il sÂÂest engagé dans un projet de vie. Ce seront donc les exigences du travail, de lÂÂamitié, de la vie sociale et de lÂÂintelligence, jointes à celles de lÂÂaspiration vers la transcendance qui vont permettre à lÂÂhomme, inséré dans une culture ÂÂ à condition, bien sûr, dÂÂêtre réunies ÂÂ dÂÂunifier sa vie dans un épanouissement harmonieux des potentialités qui lÂÂhabitent. Si lÂÂunité de la personne est celle de lÂÂesprit, il va de soi que cet esprit en lÂÂhomme est incarné et ne se réalise que dans une dimension existentielle et non abstraite. Inversement, la racine de la perte de lÂÂunité personnelle se situe dans les idées dominantes de la culture actuelle qui tendent à déprécier le travail, à dénaturer les liens entre les hommes, tant dans lÂÂamitié que dans la vie sociale, à enfermer le développement de lÂÂintelligence dans une impasse, et à dérouter lÂÂhomme dans son cheminement vers Dieu. Ces idées, je les appellerai volontiers dépressives, car elles sont causes dÂÂun éclatement dans les cultures, qui risque de placer les femmes et les hommes de notre temps dans ce que le philosophe Jaspers appelle « les situations-limites », profondément déstabilisantes et facteurs dÂÂéclatement de la personnalité. Ce sont comme des murs qui se dressent devant nous sous lÂÂinfluence des idées dépressives. Il faut, pour les abattre, force, persévérance et lucidité, avec lÂÂaide de la grâce de Dieu. Mais il appartient aussi à lÂÂÉglise de proposer une alternative à ces idées, dans une véritable pastorale de la culture inspirée de lÂÂhumanisme chrétien, lui-même nourri de lÂÂÉvangile.
5. LÂÂhomme est « primitivement » homo faber. La dimension du travail, la production dÂÂÂÂuvres belles et bonnes ÂÂ kala kagata, disaient les anciens grecs ÂÂ, de tout ce qui est utile à la vie quotidienne des individus et des peuples, est fondamentale pour la vie de lÂÂhomme et constitutive de sa nature. Nous le savons, cÂÂest par le travail que lÂÂhomme entre en contact avec lÂÂunivers, quÂÂil « dialogue » avec la matière pour la connaître et la transformer, dans le respect de son ordre profond. Si lÂÂÂÂuvre produite dans le travail ne finalise pas lÂÂhomme au sens strict, nous voyons cependant que toutes les situations-limites vécues dans lÂÂordre du faire, ont les répercussions les plus grandes au niveau psychologique. CÂÂest que le travail est lÂÂactivité la plus consciente de lÂÂhomme, qui constitue un conditionnement extrêmement fort, voire envahissant, du quotidien de nos vies. Comme le souligne le Pape Paul VI dans lÂÂEncyclique Populorum progressio : « Dieu qui a doté lÂÂhomme dÂÂintelligence, dÂÂimagination et de sensibilité, lui a donné ainsi le moyen de parachever en quelque sorte son ÂÂuvre : quÂÂil soit artiste ou artisan, entrepreneur, ouvrier ou paysan, tout travailleur est un créateurÂÂ Bien plus, vécu en communion, dans lÂÂespoir, la souffrance, lÂÂambition et la joie partagés, le travail unit les volontés, rapproche les esprits et soude les cÂÂurs : en lÂÂaccomplissant les hommes se découvrent frères » [3] . Les échecs dans ce domaine auront, par conséquent, des répercussions importantes sur lÂÂéquilibre psychologique. Il sÂÂagit donc de démasquer les idées dépressives de la culture dominante en ce domaine, qui conduisent à lÂÂimpasse et dénaturent la dimension humaine de lÂÂactivité artistique et du travail de lÂÂhomme. Dans le domaine des arts proprement dits, il va de soi quÂÂune certaine conception dÂÂun art sans valeur idéale, la promotion dÂÂÂÂuvres qui nÂÂont de sens que pour un public dont elles nourrissent lÂÂimagination morbide en proposant à son regard lÂÂexposition des zones les plus troubles de la psychologie dÂÂhommes et de femmes désorbités, offrent un terrain favorable à la dépression. Dans sa Lettre aux artistes de Pâques 1999 que jÂÂavais le joie de présenter à la presse internationale, le Pape Jean-Paul II, citant son compatriote Cyprian Norwid, affirme à sa suite : « La beauté est pour susciter lÂÂenthousiasme dans le travail, le travail est pour renaître ». Il ne fait aucun doute quÂÂune symphonie de Beethoven, la Pietà de Michel-Ange et les Madones de Botticelli introduisent par la beauté dans un monde de sens. Mais à lÂÂinverse, les ÂÂuvres contemporaines expressives dÂÂune laideur qui salit, donnent à penser dans leur provocation quÂÂil nÂÂy aurait de sens à rien et que lÂÂabîme serait le principe et la fin de toutes choses. Ces déviances de lÂÂart contemporain trouvent en partie leur origine dans la conception nietzschéenne du Sur-homme, idée dépressive sÂÂil en est, car elle introduit dans le sentiment dÂÂune identité créatrice absolue totalement illusoire. Il nÂÂest, en effet, rien de plus déstabilisant que lÂÂillusion insurmontable, source dÂÂenfermement, et la tentation du sur-moi ouvre un abîme qui, tôt ou tard, provoque le vertige de qui a la naïveté de se croire dieu dans lÂÂexaltation de se découvrir créateur.
6. LÂÂactivité du facere a aussi pour finalité lÂÂamélioration des conditions de vie de lÂÂhomme. Le développement de lÂÂindustrie, conséquence des progrès de la technique, la mondialisation du commerce et de la finance internationale, la standardisation des produits portée par la capacité singulière des médias à répandre partout dans le vaste monde des modèles uniques qui nÂÂont souvent dÂÂautre valeur que celle dÂÂêtre rentables, sont autant de conséquences dÂÂune conception dépressive de la société. Ce monde industrialisé promu par les ambitions économiques de quelques « puissants » au mépris des idées plus nobles du développement ÂÂ « le nouveau nom de la paix », pour le dire avec Paul VI dans lÂÂEncyclique Populorum progressio citée plus haut ÂÂ et de la justice distributive ÂÂ qui demande la répartition des richesses ÂÂ, est la conséquence dÂÂidées dépressives largement répandues dans la société moderne. Le Pape Jean-Paul II ne dit pas autre chose lorsquÂÂil dénonce les « structures de péché » : il sÂÂagit bien du développement, voulu par certains, de structures gigantesques génératrices de « profits » gigantesques, au mépris total de la dignité humaine, qui nÂÂont dÂÂautres conséquences que la déstructuration de la personne humaine, et ouvrent de véritables foyers de dépression. CÂÂest tout le thème de lÂÂEncyclique Laborem exercens déjà citée, où le Pape traite du « travail, clé de la question sociale » et offre une puissante analyse des idées dépressives du monde contemporain dans le domaine du travail humain, dénaturé dans son essence profonde par les « divers courants de la pensée matérialiste et économiste » (n. 7). Un nouveau défi est apparu ces dernières années, que je me dois de relever. LÂÂartisan, lorsquÂÂil produit son ÂÂuvre, travaille une matière dont il apprend un certain réalisme : il découvre le devenir inhérent aux « choses », lÂÂordre de la nature dont il nÂÂest ni lÂÂauteur ni le maître, et ce contact lÂÂennoblit tout en lÂÂengageant dans la voie de lÂÂhumilité. Or nous le constatons avec une profonde tristesse, aujourdÂÂhui un nombre non négligeable de scientifiques entend intervenir sur la vie, au mépris de lÂÂordre fondamental inscrit dans la nature, à tous les niveaux de ses différentes manifestations. Le but avoué est de « produire » des êtres humains par la technique du clonage. NÂÂy a-t-il pas là lÂÂune des idées dépressives les plus effrayantes que lÂÂhumanité ait jamais pu imaginer ? La tentation dÂÂun surmoi absolu qui sÂÂexprimerait pour le scientifique dans sa capacité à « fabriquer » lÂÂêtre le plus parfait de lÂÂunivers, relève sans nul doute de lÂÂordre de la méta-tentation et ne peut, à long terme, que plonger lÂÂhumanité elle-même dans une dépression terrifiante : la vie ne serait plus le fruit dÂÂun amour partagé et dÂÂune liberté responsable. Que deviendrait la liberté de concevoir ÂÂ qui est souvent la seule véritable richesse des plus pauvres ÂÂ devant le « travail » de scientifiques préoccupés de « fabriquer » une race supérieure ? Il faudrait alors légiférer, limiter, et par conséquence attenter à cette liberté ? Plus que vers une impasse, cÂÂest au bord dÂÂun gouffre effrayant quÂÂune science dévoyée risque dÂÂentraîner lÂÂhumanité.
7. LÂÂhomme est homo amicus. Capable dÂÂentrer en relation avec son semblable, il découvre en lui une personne capable de partager avec lui « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses » de sa vie quotidienne. LÂÂamitié se réalise dans un don personnel réciproque, basé sur le respect, la confiance et la fidélité. Elle permet lÂÂéchange de « secrets » dont le partage manifeste la communion entre deux êtres et scelle lÂÂharmonie de leurs volontés. La mort de lÂÂamitié ÂÂ et la trahison du secret en est une ÂÂ, lÂÂincapacité de se faire des amis, qui enferme dans la solitude, les déviances des regards qui ne considèrent plus lÂÂautre que comme objet de désir, toutes les maladies du non-amour qui se développent dans la culture dominante ne peuvent pas ne pas entraîner des conséquences dramatiques sur lÂÂéquilibre des personnes dont elles favorisent la dépression, les privant de cette amitié qui les finalise au sens propre. Là encore, nous pourrions nous référer aux Encycliques du Saint-Père : je pense plus particulièrement à Veritatis splendor, mais aussi à Evangelium vitae et à Fides et ratio, qui offrent des analyses approfondies des idées dépressives dans les différents domaines de la morale, de la conception de lÂÂêtre humain et de la vie, de lÂÂorientation de lÂÂintelligence vers le vrai et de la volonté vers le bien. La culture, ce milieu dans lequel nous nous développons comme personne humaine, conditionne inévitablement notre manière de percevoir lÂÂautre. Le raffinement dÂÂune éducation qui sÂÂest développée au cours des siècles dans toute une société irriguée par les humanités gréco-latines et inspirée par lÂÂÉvangile, a produit des fruits remarquables dans la régulation des modes de vivre en société. LÂÂéducation à la vertu, la présentation de modèles de courage et de fidélité ÂÂ je pense à lÂÂidéal grec dÂÂHomère proposé aux jeunes générations à travers les personnages mythiques dÂÂUlysse et Antigone ÂÂ et la conscience du bien à poursuivre et du mal à repousser sans faiblesse, donnent aux hommes et aux femmes de vivre dans une juste harmonie et dÂÂentretenir des liens dÂÂamour et dÂÂamitié durables. Au rebours, la philosophie sartrienne de « lÂÂenfer, cÂÂest lÂÂautre », la vision psychanalytique freudienne qui réduit lÂÂhomme à ses pulsions, lÂÂorchestration de campagnes de publicité qui exaltent le corps féminin dans un esthétisme trompeur artificiellement retouché, lÂÂinvitation pesante à la sexualité ÂÂ souvent inavouée ÂÂ dès un âge très précoce, alors que la personnalité du jeune nÂÂest pas encore construite, sont autant dÂÂidées dépressives de la culture du monde contemporain. Les ravages de feuilletons populaires qui se déversent à bas prix sur les chaînes de télévision, jusque dans les régions les plus reculées du vaste monde, sont bien le produit dÂÂidées dépressives où le but recherché est de faire de lÂÂargent au mépris total des valeurs qui donnent à lÂÂhomme de sÂÂépanouir comme image et ressemblance de son Créateur et Père. LÂÂaudimat obstinément poursuivi se traduit par une exaltation exacerbée des sens. Le but avoué est dÂÂexciter les concupiscences en poussant à lÂÂextrême les limites que la société tolère, mais ne cesse de reculer sans cesse, lÂÂintolérable de naguère devenant le banal aujourdÂÂhui. Les effets sont dramatiques, vous les connaissez, je ne mÂÂattarde pas à les décrire. Je veux toutefois mettre en évidence les effets destructeurs de cette culture médiatique envahissante sur la famille, noyau fondamental de la société. Nous le constatons : la culture du monde contemporain est porteuse dÂÂidées sur la famille qui conduisent à son éclatement, voire à sa destruction, ce qui nÂÂest pas sans incidences sur la société. La double finalité du mariage, lÂÂamour réciproque des époux et la procréation qui en est le fruit, est gravement remise en question par le développement de lÂÂidéologie du « tout est permis » et dÂÂune recherche « à tout prix » de lÂÂépanouissement personnel. Selon les idées répandues, une femme ne trouvera son épanouissement que dans lÂÂautonomie ÂÂ en réalité illusoire ÂÂ que lui donnera un métier poursuivi hors du foyer, et non dans lÂÂémerveillement dÂÂune maternité épanouie en famille et la passionnante éducation de « la chair de sa chair ». Nous le constatons : lÂÂidée que seul le préservatif préserve efficacement du sida, non seulement est un raccourci honteux qui trompe sur la nature même de la sexualité humaine, mais empêche de poser la question fondamentale pour le plein épanouissement de lÂÂhomme : quel genre de relation introduit-il entre les personnes ? Une réflexion approfondie sur ce sujet ne manquerait pas dÂÂy trouver une des idées dépressives les plus déstabilisantes de la culture dominante. Pour ce qui concerne les idées dépressives du monde contemporain qui mettent en péril le mariage et la famille, je me permets de vous renvoyer à un autre important document du Saint-Père, lÂÂExhortation apostolique Familiaris consortio, fruit du Synode des Évêques de 1980.
8. LÂÂhomo politicus est, lui aussi, sujet à des conceptions dépressives véhiculées par la culture moderne. Ce nÂÂest pas le lieu dÂÂaborder ici le vaste sujet de lÂÂhomme et la politique, mais chacun sait, de par le vaste monde, quelles situations dÂÂinjustice et de non-droit engendrent les idées machiavéliques qui règlent les systèmes politiques de nombreuses nations. Parmi les idées dépressives qui sont véhiculées dans le monde contemporain, certaines trouvent leur origine dans la manière dont sont traitées les personnes dans la société moderne. Il nÂÂest pas sans signification que le Pape Jean-Paul II ait éprouvé le besoin dÂÂécrire différentes Lettres adressées à des groupes de personnes qui sont sujettes, en raison des idées dépressives largement répandues, à des situations dÂÂinjustice et de non-respect de leur dignité. Ainsi, la Lettre aux familles du 2 février 1994, la Lettre aux enfants du 13 décembre 1994, la Lettre aux femmes du 29 juin 1995, la Lettre aux artistes du 4 avril 1999, et la Lettre aux personnes âgées du 1er octobre 1999. Je nÂÂoublie pas non plus la Lettre aux prêtres du Jeudi Saint de cette année : les prêtres, comme lÂÂensemble des personnes consacrées, sont continuellement confrontés aux défis des idées dépressives, et les communautés chrétiennes doivent porter le souci de les aider à sÂÂen protéger, au sein de nos sociétés individualisées.
9. LÂÂhomme est aussi homo scientificus. LÂÂéclatement du savoir scientifique, la perte dÂÂune Sagesse qui unifie les savoirs et les ordonne à lÂÂhomme, centre et sommet de la création, les tentations que jÂÂai relevées du sur-homme nietzschéen qui, à travers les progrès de la technique dans le domaine des sciences de la vie, ouvre des horizons lourds dÂÂincertitude pour lÂÂhumanité, sont autant de situations génératrices dÂÂidées dépressives. Dans le même temps, le drame de la séparation entre la foi et la raison engendre, dans ses conséquences néfastes, nombre dÂÂidées dépressives particulièrement tenaces. « Le nihilisme a pris corps comme une conséquence de la crise du rationalisme. Philosophie du néant, il réussit à exercer sa fascination sur nos contemporainsÂÂ Dans lÂÂinterprétation nihiliste, lÂÂexistence nÂÂest quÂÂune occasion pour éprouver des sensations et faire des expériences dans lesquelles le primat revient à lÂÂéphémère » (Fides et ratio, 46). Le Concile Vatican II a réaffirmé la légitime autonomie des sciences dans le champ de la recherche qui leur est propre, et il a refusé à quiconque le droit de dicter de lÂÂextérieur comment mener la recherche. LÂÂunique limite est celle de la dignité de lÂÂhomme. En effet, les progrès des sciences contribuent à un progrès spectaculaire des techniques et donnent à lÂÂhomme un pouvoir dont lÂÂusage ne va pas sans poser de graves questions. Comment en effet ne pas constater que le progrès dans nombre de nos connaissances est loin de sÂÂaccompagner toujours dÂÂun égal progrès des valeurs morales. La science a une limite, mais elle ne lui est pas extérieure, bien au contraire, car il y va de la dignité de lÂÂhomme, lÂÂhomme qui est le sujet et la fin de toutes ses connaissances. La science perd sa dignité de savoir humain lorsque ses progrès sont payés au prix du viol de la dignité humaine. Inverser la relation du savoir à lÂÂhomme, du savoir pour lÂÂhomme, signifierait retourner à la sombre et inhumaine expérience dÂÂAuschwitz, où les médecins menaient des expérimentations sur des déportés, considérés dans la logique nazie comme des êtres inférieurs, et non plus comme des personnes. Devant la tentation des récents développements de la recherche biogénétique et les expérimentations de clonage dÂÂembryons humains considérés comme de simples objets, il faut le redire : jamais ne pourra être reconnu véritable progrès ce qui réduit lÂÂhomme à un objet. La culture de la vérité est sans nul doute lÂÂanti-dépresseur de lÂÂintelligence qui, pour être elle-même, se doit de retrouver son orientation fondamentale vers la vérité. CÂÂest ce que développe le Saint-Père dans son Encyclique magistrale, Fides et ratio, tout en offrant une réflexion sur les racines mêmes des idées dépressives qui dénaturent et obscurcissent la raison. « Il ne faut pas oublier que dans la culture moderne, constate Jean-Paul II, le rôle même de la philosophie a fini par changer. De sagesse et de savoir universel quÂÂelle était, elle a été progressivement réduite à nÂÂêtre quÂÂun des nombreux domaines du savoir humain, bien plus, par certains aspects, elle a été cantonnée dans un rôle totalement marginal. Entre temps, dÂÂautres formes de rationalité se sont affirmées avec toujours plus de vigueur, mettant en évidence la marginalité du savoir philosophique. Au lieu dÂÂêtre tournées vers la contemplation de la vérité et la recherche de la fin dernière et du sens de la vie, ces formes de rationalité tendent ÂÂ ou au moins peuvent tendre ÂÂ à être "une raison fonctionnelle" au service de fins utilitaristes, de possession ou de pouvoir. » Et se référant à sa première encyclique, Redemptor hominis du 4 mars 1979, le pape-philosophe fait remarquer les conséquences dÂÂune telle déviance de la raison dans le domaine du travail : « LÂÂhomme dÂÂaujourdÂÂhui semble toujours menacé par ce quÂÂil fabrique, cÂÂest-à-dire par le résultat du travail de ses mains, et plus encore du travail de son intelligence, des tendances de sa volonté. DÂÂune manière trop rapide et souvent imprévisible, les fruits de cette activité multiforme de lÂÂhomme ne sont pas seulement et pas tant objet dÂÂ"aliénation", cÂÂest-à-dire purement et simplement enlevés à celui qui les a produits ; mais, partiellement au moins, dans la ligne, même indirecte, de leurs effets, ces fruits se retournent contre lÂÂhomme lui-même ; ils sont dirigés ou peuvent être dirigés contre lui. CÂÂest en cela que semble consister le chapitre principal du drame de lÂÂexistence humaine aujourdÂÂhui, dans sa dimension la plus large et la plus universelle. LÂÂhomme, par conséquent, vit toujours davantage dans la peur. Il craint que ses productions, pas toutes naturellement ni dans leur majeure partie, mais quelques-unes et précisément celles qui contiennent une part spéciale de son génie et de sa créativité, puissent être retournées radicalement contre lui-même » (Fides et ratio, 47). Nous sommes bien là au fondement des idées dépressives du monde contemporain, où le cri nietzschéen de « la mort de Dieu » pose la question tragique de « la mort de lÂÂhomme ». LÂÂanthropologie postmoderne creuse un abîme dépressif sans précédent, de Michel Foucault à Claude Lévi-Strauss. Le premier propose dÂÂacheminer lÂÂhomme vers un « sommeil anthropologique », qui, grâce à lÂÂeuthanasie structuraliste, pourrait devenir véritable « mort de lÂÂhomme » [4] . Et le second conclut sa tétralogie mythologique, non point, dit-il, comme Wagner, par le crépuscule des dieux, mais par le « crépuscule des hommes », avec le mot « rien » [5] .
10. Vous le savez, lÂÂétude de la non-croyance et de lÂÂindifférence religieuse est une des tâches principales confiées par le Saint-Père au Conseil Pontifical de la Culture. CÂÂest précisément sur ce thème que porteront les travaux de la prochaine Plenaria de ce Dicastère, en mars prochain. Nous le constatons, il nÂÂest plus aujourdÂÂhui de géographie précise de la non-croyance, comme le Mur de Berlin, de triste mémoire. Mais si les 300 réponses reçues à notre enquête préparatoire nous montrent lÂÂathéisme militant en perte de vitesse et sans grande influence, elles soulignent aussi que se développe, surtout dans les cultures de tradition chrétienne, une attitude de mépris, dÂÂhostilité et de dérision vis-à-vis de la religion ÂÂ et surtout de la religion chrétienne ÂÂ que véhiculent sans vergogne les puissants médias modernes. Nous sommes aujourdÂÂhui confrontés à une dilution du sentiment religieux dans une culture faussement aseptisée. Le Saint-Père, dans son Exhortation apostolique Ecclesia in Europa, met en garde le continent européen contre la tentation de « lÂÂobscurcissement de lÂÂespérance » en ces temps qui lui apparaissent comme « une époque dÂÂégarement » (n. 7). Parmi les idées dépressives qui se présentent comme un défi à lÂÂespérance chrétienne, comment ne pas sÂÂinterroger sur cette étrange faculté qui apparaît aujourdÂÂhui en plein jour dÂÂune totale amnésie des racines chrétiennes qui nÂÂont cessé et continuent de donner vie à une culture dÂÂune prodigieuse fécondité, et lÂÂaphasie dramatique dÂÂintellectuels et de décideurs qui se réclament de lÂÂhumanisme, mais mutilent lÂÂhomme gravement, dans lÂÂoubli de son origine et de son terme. Une addition de scepticismes ne peut structurer une existence. Et la culture qui rejette lÂÂabsolu en vient à absolutiser le relatif, tant il est vrai quÂÂune société dÂÂincroyants ne peut se passer de croire. Le siècle passé a ainsi tragiquement idolâtré avec des conséquences mortifères la race, la classe, lÂÂethnie, la science. La culture dominante exacerbe la pulsion des désirs, la recherche des plaisirs, la poursuite de lÂÂavoir, du savoir et du pouvoir. Mais privé de son ancrage en Dieu, lÂÂhomme créé à son image et ressemblance ne sait plus retrouver son visage en un miroir brisé. Chacun de ses éclats ne renvoie plus quÂÂune parcelle dÂÂimage. Les fragments sont pris pour le tout, dont la cohérence a volé en éclats. QuÂÂil sÂÂagisse de lÂÂéconomie, de la politique, de la famille et de la vie sociale, des médias, lÂÂimage incomplète que reflète chacun des fragments est réduite et comme blessée, ce qui entraîne un manque croissant de confiance de lÂÂêtre humain à lÂÂégard de sa propre humanité. La personne se fragilise, le tissu social se démaille, la nation se défait. Nous voyons dépérir des peuples qui regorgent de bien-être, mais qui nÂÂont plus dÂÂêtre. La surévaluation du plaisir du sexe les prive de la joie irremplaçable de la paternité et de la maternité. Cette dissociation mortelle sur laquelle le Pape Paul VI a vainement essayé dÂÂattirer lÂÂattention distraite de la culture dominante, voici plus de 35 ans déjà, dans son Encyclique Humanae vitae, est sans doute la menace dépressive la plus dramatique de la culture hégémonique des pays nantis : « lÂÂamour » sans enfants et des enfants sans amour. Nombre dÂÂenfants aujourdÂÂhui se meurent dÂÂêtre orphelins. Ils ont désespérément besoin dÂÂêtre aimés. Et ils sÂÂimmergent dans un océan dÂÂimages dont lÂÂabondance dévastatrice les déstructure, en cette autre dissociation mortellement dépressive entre lÂÂhypertrophie des moyens dont nous disposons et lÂÂatrophie des fins que nous poursuivons.
11. LÂÂhomo religiosus. Chers Amis, les idées dépressives de la culture dans le monde contemporain sont légion, et elles se présentent à nous sous des aspects multiformes qui mettent en défi lÂÂhumanité de lÂÂhomme. Face au vide existentiel dans lequel ces idées introduisent, et pour affronter tous les conditionnements sans en être la victime, Viktor Frankl, le neurologue de Vienne, professeur à Harvard, Stanford, Pittsburgh et Dallas, mort à 92 ans en 1997, revendique, dans son livre trop oublié Le dieu inconscient, « le pouvoir de contestation de lÂÂesprit ». Il part du principe que « lÂÂexigence fondamentale de lÂÂhomme nÂÂest ni lÂÂépanouissement sexuel ni la valorisation de soi, mais la plénitude de sens » [6] . En cette affirmation lapidaire qui met à mal la philosophie dépressive de lÂÂécole freudienne, apparaît le problème de « la volonté de sens ». Les névroses qui hantent les recherches de certains psychologues et psychiatres et qui ouvrent si facilement le chemin de la dépression, sont avant tout lÂÂexpression dÂÂun être frustré de sens et donc enclin au vertige du vide existentiel. LÂÂhomme moderne, en proie aux idées dépressives du monde contemporain, est touché au plus profond de lui-même en ses raisons de vivre. CÂÂest là, au cÂÂur de ses désirs, et jusquÂÂen ses détresses et ses frustrations existentielles, quÂÂil nous faut le rejoindre. Pour ce faire, le chemin de lÂÂÉvangile nous est offert, créateur de culture parce que porteur de la Vérité de lÂÂhomme, et de la Vérité sur lÂÂhomme, révélée par ce Dieu qui a pris visage dÂÂhomme en Jésus-Christ, fils de la Vierge Marie, pour nous partager lÂÂamour du Père. LÂÂantidote aux idées dépressives de notre temps est la foi en Celui qui nous a dit : « Je suis le chemin, la vérité, la vie ». LÂÂÉvangile nous partage le secret de la joie que nous a apportée le Christ et qui nous donne de vivre les jours de la semaine avec un cÂÂur endimanché. La joie est le don de Dieu dont lÂÂÉglise est porteuse pour nos cultures dépressives. « JÂÂaime les prêtres, confie Julien Green dans son Journal, qui me viennent du Nouveau Testament avec la Bonne Nouvelle dans les yeux ». « La joie, écrivait Paul Claudel, cÂÂest le premier et le dernier mot de lÂÂÉvangile » [7] .
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The XVIII International Conference organised by the Pontifical Council for the Pastoral Assistance to Health Care Workers was held on the 13th of November 2003 in the New Hall of the Synod of Bishops. Cardinal Paul Poupard spoke on the theme Depressive Ideas in the Contemporary World, examining the major weaknesses of the dominant culture which trouble man in his different dimensions as homo faber, homo amicus, homo politicus, homo sapiens e homo religiosus. He concluded with the antidote to depressive ideas: He who is the way, the truth and the life. Si è tenuto, il 13 novembre 2003, nellÂÂAula Nuova del Sinodo dei Vescovi la XVIII Conferenza Internazionale organizzata dal Pontificio Consiglio per la Pastorale degli Operatori Sanitari. EÂÂ intervenuto il Cardinale Paul Poupard con una relazione su Le idee depressive del mondo contemporaneo, analizzando le grandi crepe della cultura dominante che rendono fragile lÂÂuomo nella sua personalità: homo faber, homo amicus, homo politicus, homo sapiens e homo religiosus. Il Cardinale ha concluso che lÂÂantidoto alle idee depressive dei nostri tempi si trova in Colui chi è la via, la verità e la vita. El 13 de noviembre de 2003 se celebró en el Aula Nueva del Sínodo de los Obispos la 18ª Conferencia Internacional, organizada por el Consejo Pontificio para la Pastoral de los Agentes Sanitarios. En ella intervino el Cardenal Paul Poupard con una relación sobre Las ideas depresivas del mundo contemporáneo. En ella, pasa revista a las grandes fracturas de la cultura dominante que debilitan al hombre en las diferentes dimensiones de su personalidad, como homo faber, homo amicus, homo politicus, homo sapiens y homo religiosus. Concluye afirmando que el antídoto a las ideas depresivas de nuestro tiempo se halla en Aquel que es el camino, la verdad y la vida.
[1] Flammarion, 1993. [2] Conseil Pontifical de la Culture, Pour une pastorale de la culture, Pentecôte 1999, n. 2. [3] Paul VI, Populorum progressio, Pâques 1967, n. 27; cf. Jean-Paul II, Laborem Exercens, 14 septembre 1981, n. 4-10. [4] Michel Foucault, Les mots et les choses, Gallimard, 1966. [5] Claude Lévi-Strauss, LÂÂhomme nu, Plon, 1971. [6] Viktor Frankl, Le dieu inconscient, Coll. Religion et sciences de lÂÂhomme, Éditions du Centurion, 1975, p. 92-93. [7] Cf. Paul Poupard, Le christianisme à lÂÂaube du IIIème millénaire, III : LÂÂavenir est à lÂÂespérance, Plon-Mame, 1999, p. 248.
THE MISSIONS IN THE PONTIFICATE OF POPE JOHN PAUL II
Meeting organised by the College of Cardinals Ivan Card. DIAS
[ÂÂ ] Inculturation is the continuation of the mystery of the Incarnation, whereby ÂÂthe Word became flesh and dwelt among usÂÂ.1 Genuine inculturation makes the Gospel ÂÂtake fleshÂÂ in diverse cultures, so that the Christian faith can be expressed in and through them. It is a challenge for the Church to evangelize cultures and to inculturate the Gospel, being aware that ÂÂthe presence and activity of the Holy Spirit, who is the prime agent of evangelization, affect not only individuals, but also society and history, peoples, cultures and religionsÂÂ It is the Spirit who sows the seeds of the Word present in various customs and cultures, preparing them for full maturity in ChristÂÂ.2 This is an important observation which echoes what Jesus asserted very solemnly: ÂÂI have come not to abolish (the law and the prophets) but to bring them to fulfilmentÂÂ3, i.e. to full maturity. Pope John Paul II has often insisted on this theme in his magisterium and during his pastoral visits, because he considers inculturation ÂÂan urgent priority in the life of the particular ChurchesÂÂ.4 He spoke of it in the encyclical Slavorum Apostoli5 where Saints Cyril and Methodius were hailed as the pioneers of a well conducted inculturation among the Slav peoples. He touched on it in the post-synodal exhortations Ecclesia in Africa6, Ecclesia in Asia7 and Ecclesia in Oceania8 and clearly outlined the concept of inculturation as a continuation of the mystery of the Incarnation and Redemption. For the Gospel to ÂÂtake fleshÂÂ in various cultures the Church has a two-fold approach: ÂÂIt transmits to them its own values, at the same time it takes the good elements which already exist in them and renews them from withinÂÂ.9 Like in the parable of the sower, the Gospel seed puts deep roots in a given culture after absorbing elements agreable to its nature from the soil where it is planted, and then puts out shoots, branches and leaves, and finally produces fruit depending to the quality of the soil and the favourable or adverse conditions which surround it.10 The Pope encourages theologians to ÂÂdevelop an inculturated theology, specially in the area of ChristologyÂÂ in faithfulness to the Scriptures and to the ChurchÂÂs Tradition, in sincere adherence to the Magisterium and with an awareness of pastoral realitiesÂÂ with a view to strengthening peopleÂÂs faith. The test of true inculturation is whether people become more committed to their Christian faith because they perceive it more clearly with the eyes of their own cultureÂÂ.11 Inculturation thus becomes a faith expression of a given culture, and a cultural expression of the Christian faith. Inculturation is a very useful and necessary instrument for evangelization, especially in countries receiving the first Gospel proclamation, in order to avoid the risk that Christianity there be reduced to a sort of stunted ÂÂbonsaiÂÂ and be considered alien or even an intruder to the local culture. The Church enriches itself everytime the Gospel ÂÂtakes fleshÂÂ in a given culture and absorbs its wholesome values. It becomes indeed a ÂÂsponsa ornata monilibus suisÂÂ a ÂÂspouse bedecked with her precious jewelsÂÂ.12 [ÂÂ ] * * * Dans son ample intervention au Congrès organisé par le Collège des Cardinaux pour le 25ème anniversaire du Pontificat de Jean-Paul II, le 18 octobre 2003, le Cardinal Ivan Dias, Archevêque de Bombay, en Inde, Membre du Conseil Pontifical de la Culture, consacre un chapitre à lÂÂinculturation. PuisquÂÂil sÂÂagit de la continuation du mystère de lÂÂIncarnation, lÂÂinculturation de lÂÂÉvangile et lÂÂévangélisation des cultures sont une priorité dans la mission de lÂÂÉglise. Nel suo ampio intervento al Convegno promosso dal Collegio Cardinalizio per il XXV del Pontificato del Santo Padre, il 18 ottobre 2003, il Cardinale Ivan Dias, Arcivescovo di Bombay, India, Membro del Pontifico Consiglio della Cultura, dedica un capitolo allÂÂinculturazione. Poiché si tratta della continuazione del mistero dellÂÂIncarnazione, lÂÂinculturazione del Vangelo e lÂÂevangelizzazione delle culture rappresentano una priorità nella missione della Chiesa. En su amplia intervención en el Congreso promovido por el Colegio Cardenalicio con motivo del XXV aniversario del Pontificado del Santo Padre, el pasado 18 de octubre de 2003, el Cardenal Ivan Dias, Arzobispo de Bombay, India, y Miembro del Consejo Pontificio de la Cultura, dedica un capítulo a la inculturación. Puesto que se trata de la continuación del misterio de la Encarnación, la inculturación del Evangelio y la evangelización de las culturas representan una prioridad para la misión de la Iglesia.
1 Jn 1:14. 2 Redemptoris Missio, 28. 3 Mt 5:17. 4 Ecclesia in Africa, 49. 5 n. 9-13. 6 n. 55-67. 7 n. 20-22. 8 n. 16. 9 Redemptoris Missio, 52; Ecclesia in Africa, 50. 10 Mt 13:3-23. 11 Ecclesia in Asia, 21. 12 Cfr. Is 61,10.
PROMOUVOIR LE DIALOGUE DES CULTURES
Conseil de lÂÂEurope ÂÂ Intervention à la Conférence Francisco Javier LOZANO Nonce apostolique en Croatie
Nous sommes ici réunis parce que nous croyons à lÂÂimportance des réalités culturelles de lÂÂhomme, des communautés humaines, des peuples et des Nations. Les convictions qui nous rassemblent sont notre foi en lÂÂhomme, dont le propre est dÂÂexprimer le meilleur de lui-même dans une culture et de participer ainsi à la construction dÂÂun monde plus juste et plus vrai, parce que plus humain. Nous croyons au dialogue des cultures et nous sommes convaincus de son importance : en effet, cÂÂest lÂÂhomme ÂÂ tout homme et tous les hommes ÂÂ qui se trouve enrichi quand il sÂÂouvre à la rencontre des autres et de leurs différences, et quÂÂil accueille des expressions culturelles autres que celles de sa culture dÂÂorigine. Le tragique commencement du nouveau millénaire nous montre à lÂÂévidence les dangers des replis identitaires, et il invite les ministres en charge des affaires culturelles ÂÂ cÂÂest le grand mérite du projet que nous discutons ÂÂ à développer une culture du dialogue entre les civilisations, dans tous les domaines de la culture. Comme vous le savez, le Pape Jean-Paul II ne cesse, depuis le début de son Pontificat, de parcourir le monde en invitant les hommes au dialogue et à la paix, au respect de la liberté de conscience et au partage des richesses de lÂÂesprit. Sa remarquable initiative des Rencontres interreligieuses pour la paix, qui se sont déroulées à Assise, manifeste bien le rôle des religions au sein de la société civile pour lÂÂédification dÂÂun monde meilleur, monde de paix, de justice et de concorde entre les peuples. A la suite du Pape Jean-Paul II et de son Exhortation apostolique post-synodale sur lÂÂEurope, ma délégation voudrait redire devant cette noble assemblée la conviction du Saint-Siège : « Un bon ordonnancement de la société doit sÂÂenraciner dans dÂÂauthentiques valeurs éthiques et civiques, partagées le plus possible par les citoyens, en notant que de telles valeurs constituent avant tout le patrimoine des divers corps sociaux. Il est important que les Institutions et les États reconnaissent que, parmi ces corps sociaux, il y a aussi les Églises et Communautés ecclésiales, ainsi que les autres organisations religieuses. A plus forte raison, quand elles existent déjà avant la fondation des nations européennes, elles ne sont pas réductibles à de simples entités privées, mais elles agissent avec un poids institutionnel spécifique, qui mérite dÂÂêtre sérieusement pris en considération. Dans le déroulement de leurs activités, les différentes Institutions étatiques ou européennes doivent agir en sachant que leurs systèmes juridiques ne seront pleinement respectueux de la démocratie que sÂÂils prévoient des formes de saine collaboration avec les Églises et les Organisations religieuses » (Ecclesia in Europa, 114). La Déclaration que nous sommes sur le point dÂÂadopter sÂÂintéressant justement au dialogue interculturel et à sa dimension religieuse, je voudrais attirer lÂÂattention de lÂÂassemblée sur le nécessaire dialogue entre les institutions civiles et les différentes religions. En particulier, le Saint-Siège souhaiterait vivement que soit maintenue une nécessaire collaboration avec les représentants des religions pour une présentation juste et équilibrée de celles-ci dans les programmes dÂÂéducation. On peut imaginer quels seraient, sur les jeunes générations, les effets nocifs dÂÂune présentation orientée ou dévalorisante des religions, Le Saint-Siège, par les multiples activités éducatives et culturelles de lÂÂÉglise catholique, est heureux de collaborer avec les États membres de la Convention culturelle européenne et toujours prêt à le faire pour la réussite dÂÂune convivialité respectueuse des hommes et des femmes, croyants et incroyants.
* * * At the Meeting of European Ministers Charged with Cultural Affairs, held in Opatija, Croatia, from the 20th to the 22nd of October 2003, His Excellency Francisco Javier Lozano, Apostolic Nuncio to Croatia, headed the delegation of the Holy See. In his speech he underlined the importance of the cultural settings for communities, people and nations, encouraging dialogue between cultures, as there are many merits in welcoming and learning cultural expressions which are different from those of oneÂÂs own culture. AllÂÂIncontro dei Ministri europei incaricati degli Affari culturali, tenutosi a Opatija, Croazia, dal 20 al 22 ottobre 2003, è intervenuto con una relazione S.E.R. Mons. Francisco Javier Lozano, Nunzio Apostolico in Croazia, capo della delegazione della Santa Sede. Mons. Lozano ha sottolineato lÂÂimportanza della realtà culturale dellÂÂuomo, delle comunità degli uomini, dei popoli e delle nazioni, sollecitando il dialogo tra le culture, in quanto ogni persona diventa più ricca accogliendo le espressioni culturali diverse da quelle della propria cultura. En el Encuentro de Ministros Europeos Encargados de los Asuntos Culturales, celebrado en Opatija, Croacia, del 20 al 22 de octubre, S.E.R. Mons. Francisco Javier Lozano, Nuncio Apostólico en Croacia y jefe de la delegación de la Santa Sede. En su conferencia, destacó la importancia de las realidades culturales de los hombres, de los pueblos y de las naciones, invitando al diálogo entre las culturas, ya que la persona se enriquece acogiendo expresiones culturales diferentes de la propia cultura.
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