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CONSEIL PONTIFICAL POUR LA FAMILLE

FÊTE DES BIENHEUREUX LOUIS ET ZELIES MARTIN

HOMÉLIE DU CARDINAL ENNIO ANTONELLI,
PRESIDENT DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA FAMILLE

Dimanche XV du Temps Ordinaire – C

 

Je suis heureux d’être ici avec vous pour vénérer les Bienheureux Louis et Zélie Martin, les parents de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Leur famille a mis en pratique, d’une manière extraordinaire, ce qui est nécessaire pour «avoir en héritage la Vie Eternelle», selon l’Evangile de ce dimanche, et qui est une synthèse de toute la loi de Dieu: «tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, de tout ton esprit, et tu aimeras ton prochain comme toi-même». En parfait accord avec la parabole du Bon Samaritain, les époux Martin et leurs filles constituaient une famille idéale, unie et ouverte, en vivant intensément l’amour réciproque entre eux, et l’amour sincère envers tous, spécialement envers les pauvres, les malades, les pécheurs, les non-croyants. Sainte Thérèse, notamment, témoignait d’une charité passionnée pour les plus proches comme pour les plus éloignés de la foi, jusqu’à ne faire qu’un avec les impies et les sans-Dieu dans l’abîme de leur solitude et de leur angoisse.

Dans le récit de l’Evangile que nous venons d’entendre, le scribe demande à Jésus «et qui est mon prochain?». Il veut savoir jusqu’où va l’amour. Jusqu’à quel type de personnes le cercle de l’amour doit-il s’étendre? Ce cercle se limite-t-il à sa propre famille? Aux habitants de sa ville? Aux concitoyens de même nationalité? Aux personnes de même religion?

Par sa splendide parabole, Jésus répond que l’amour n’a pas de limites; il doit s’étendre à n’importe quel homme, spécialement s’il se trouve dans le besoin. «Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba au milieu de brigands qui, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent en le laissant à demi mort» (Lc 10, 30). La seule condition pour que l’amour soit concret et efficace, c’est qu’il y ait une rencontre avec la personne nécessiteuse, qu’il y ait la possibilité de la rejoindre de quelque manière, et de l’aider. «Un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui, le vit et fut pris de pitié. Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le mena à l’hôtellerie et prit soin de lui». Le Samaritain est pris de pitié, il souffre avec l’autre; il est blessé par la souffrance de l’autre comme si c’était lui qui souffrait. Puis il agit comme il peut, désintéressé: pour lui, il donne de son temps, il offre sa monture et marche à pied, il dépense de son argent. L’amour est à la fois une attitude intérieure et une action extérieure. Comme attitude il est universel; comme action concrète, il est nécessairement limité. C’est pourquoi Jésus conclut qu’il est plus important de se faire ‘proche’, que de savoir qui est le prochain. «A ton avis, qui s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands? (...) Celui qui a eu compassion de lui (...) Va, et toi aussi fais de même». L’amour doit être universel; mais il ne doit pas rester un idéal humanitaire abstrait. Il n’est authentique que si, au moment opportun, il sait se faire particulier, concret, pratique.

Le commandement de Dieu, comme le souligne le texte du Deutéronome proclamé dans la première lecture, n’est pas hors de portée de nos possibilités, «il n’est pas dans le ciel», «il n’est pas au-delà des mers»; mais «il est dans ta bouche et dans ton cœur, pour que tu le mettes en pratique»; il est dans ta capacité à parler, à comprendre et à vouloir, dans ton intelligence et dans ta liberté.

De son côté, le texte de la lettre aux Colossiens, proclamé en seconde lecture, ajoute la motivation théologique, le fondement ultime de l’ouverture universelle de l’amour. «Le Christ Jésus est l’image du Dieu invisible, le Premier-né de toute créature […]. Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose et tout subsiste en lui. Il est aussi la Tête du Corps, c’est-à-dire l’Eglise: Il est Principe, Premier-né d’entre les morts […] car Dieu s’est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude, et par lui, à réconcilier tous les êtres pour lui» (Col 1, 15-20). Le Christ est le créateur et le rédempteur universel. Toutes les créatures sont aimées de lui, lui qui les a créées et a versé son sang pour elles. Il a la primauté sur toute chose; il est le chef de tous les hommes et spécialement de l’Eglise qui est mystiquement son corps. Il se rend présent en tous les hommes; il s’est identifié à chacun d’entre eux. «En vérité je vous le dis: tout ce que vous aurez fait à un seul de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait» (Mt 25, 40). Aussi l’amour du prochain et l’amour du Christ et de Dieu sont-ils inséparables. «Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas. Oui, voilà le commandement que nous avons reçu de lui: que celui qui aime Dieu, aime aussi son frère» (1Jn 4, 20-21).

L’amour est une ouverture universelle aux autres et qui se manifeste par l’expérience et l’engagement pratique dans le concret des situations. C’est pourquoi il s’apprend surtout dans la vie de famille, qui est le cercle le plus étroit et le plus naturel où se fait l’expérience du prochain. L’enfant ressent l’amour des parents par le contact physique et chaleureux, le son de la voix, la tendresse du regard et du sourire, la caresse des mains, en étant porté dans les bras; il éprouve des sensations de bien-être; il est heureux de vivre; il se sent aimé. Alors il lui est spontané de répondre à l’amour de ses parents par son amour envers eux, par ses sourires ineffables qui les rendent heureux. Progressivement, il apprend aussi à les rendre heureux en obéissant à leur volonté, en accomplissant leurs désirs, en les imitant dans l’attention qu’ils portent préférentiellement aux malades, aux pauvres, à quiconque est dans le besoin. D’autre part, l’enfant provoque les parents à la tendresse, à l’amour entendu au sens de don gratuit, à l’harmonie du couple, parce qu’il veut être aimé d’un père et d’une mère qui s’aiment entre eux, et il souffre terriblement des situations conflictuelles et plus encore de leur éventuelle séparation.

De nombreuses qualités indispensables à la cohésion et au développement de la société se forment par l’interaction de tous les membres de la famille: la confiance, la réciprocité, la solidarité, la sincérité, la fidélité, le sens du sacrifice, le goût du travail, la coopération, l’esprit d’initiative, la sobriété, la tendance à l’épargne, et beaucoup d’autres vertus humaines et sociales.

«Qui est mon prochain?». En famille on apprend que le prochain, ce sont tous les hommes à commencer par cette personne concrète que l’on rencontre sur son chemin. Dans la famille authentiquement chrétienne on apprend que le prochain peut être même celui qui est notre propre ennemi, comme le dit cette si belle citation de Saint Augustin: «chaque homme est le prochain de tout homme. Est-il inconnu? Il est un homme. Est-il un ennemi? Il est un homme! S’il est un ami, il reste un ami. S’il est un ennemi, il devient un ami».

 

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