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XXIVe SESSION ORDINAIRE DU CONSEIL
POUR LES DROITS DE L'HOMME SUR LE DROIT À LA NOURRITURE

INTERVENTION DE MGR. SILVANO TOMASI,
OBSERVATEUR PERMANENT DU SAINT-SIÈGE
AUPRÈS DU BUREAU DES NATIONS UNIES
ET DES INSTITUTIONS SPÉCIALISÉES À GENÈVE

Genève
Lundi 10 mars 2014

 

Monsieur le président,

Ma délégation apprécie l’opportunité de parler à ce Conseil sur le besoin urgent pour les gouvernements et la société mondiale de mieux respecter, protéger, faciliter et satisfaire le droit humain à la nourriture. Nous sommes profondément reconnaissants au rapporteur spécial sortant pour ses efforts significatifs à cet égard, et nous exprimons notre espérance sincère que des progrès supplémentaires seront accomplis afin d’assurer que le droit à la nourriture ne se « réduise pas à un droit à ne pas mourir de faim » et soit véritablement reconnu comme « un droit inclusif à une alimentation adéquate et à tous les éléments nutritionnels » nécessaires « pour vivre une vie saine et active, et les moyens d’y parvenir » (Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation présenté à l’Assemblée générale du Conseil des droits de l’homme, A-HRC-19-59, disponible en français sur le site www.ohchr.org).

La communauté internationale a certainement accompli des progrès dans le domaine de la sécurité alimentaire. A l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation 2013 (M. José Graziano Da Silva, directeur général, fao, « La sécurité alimentaire est le défi de l’avenir », L’Osservatore Romano, édition italienne, jeudi 19 septembre 2013), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a signalé que depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la disponibilité de nourriture par habitant a augmenté de plus de 40%. Il a toutefois précisé que la faim frappe encore plus de 840 millions de personnes, mais que cela est beaucoup moins évident parce qu’elle persiste principalement parmi les populations vivant dans les pays en voie de développement. Ce type de faim se manifeste comme une « mort lente », provoquée par la dénutrition, privant les enfants des opportunités et les empêchant d’atteindre des étapes importantes du développement telles que la croissance selon des paramètres normaux, le développement neuromoteur et les prestations scolaires, autant d’étapes considérées comme évidentes par les populations bien nourries qui vivent dans les pays à haut revenu... « ceci est un vrai scandale » (www.vatican.va, Message du Pape François pour la Journée mondiale de la paix 2014).

Monsieur le président, dans son Message pour la dernière Journée mondiale de l’alimentation, le Pape François a déclaré avec vigueur que « la faim et la dénutrition ne peuvent jamais être considérées comme un fait normal auquel s’habituer, comme si cela faisait partie du système » (www.vatican.va, Message du Pape François pour la Journée mondiale de l’alimentation 2013). Afin de briser ce cercle vicieux, il faut prendre des mesures structurelles, comme l’application de lois-cadres au niveau national et le développement de politiques alimentaires justes. Nous avons également besoin de procédures efficaces, parmi lesquelles la mise en place et le contrôle des politiques ainsi que l’allocation adéquate des ressources. Enfin, nous devons analyser attentivement les résultats et l’impact sur la base des statistiques relatives à la faim et à la dénutrition et des indicateurs concernant la disponibilité de nourriture, la présence d’un revenu suffisant et des prix abordables pour acheter une nourriture adaptée pour les familles et les membres les plus vulnérables de la société.

Monsieur le président, dans un certain sens, le Pape François a tracé une « feuille de route » visant à favoriser la pleine application du droit à la nourriture. « Quelque chose doit changer en nous-mêmes, dans notre mentalité, dans nos sociétés » a-t-il exhorté, soulignant qu’« un pas important est de renverser avec fermeté les barrières de l’individualisme, de la fermeture sur soi, de l’esclavage du profit à tout prix » (ibid.). C’est pourquoi ma délégation suggère que garantir le droit à la nourriture exige une solidarité sociale parmi tous les peuples, en plus des protections juridiques et politiques déjà établies par ce Conseil.

Au niveau national, cela exige des investissements publics et privés adéquats pour permettre aux petits agriculteurs d’augmenter la productivité, d’obtenir un surplus de gain suffisant pour améliorer les conditions dans lesquelles ils cultivent la terre et d’être en mesure de compter à long terme sur des perspectives de revenu suffisant pour soutenir leurs familles. Une attention particulière sera nécessaire pour faciliter l’autonomisation et la participation des femmes dans le domaine rural pour favoriser l’agriculture et le développement rural. En ce qui concerne le secteur privé, nous devons rechercher une distribution plus équitable des ressources, qui ne défavorise pas les petits producteurs locaux de produits alimentaires. En fournissant une assistance humaine, il faut garantir l’accès à la nourriture et aux ressources des populations frappées tant au sein des frontières qu’au-delà de celles-ci. L’assistance au développement devrait inclure les composantes agricoles, afin que le droit de produire et de commercialiser la nourriture soit assuré sans discrimination.

La solidarité au niveau international est également importante dans les efforts en vue de garantir le droit à la nourriture. L’accord atteint à Bali au cours de la ixe Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce sur la « Détention de stocks publics à des fins de sécurité alimentaire » se situe dans la même lignée et représente un exemple clair de la façon dont le multilatéralisme peut retrouver son rôle central en vue d’affronter de nouveaux problèmes, de relever de nouvelles opportunités, et, de façon plus importante, de promouvoir un commerce plus libre et plus équitable, non pas comme une fin en soi, mais comme l’une des nombreuses façons d’éradiquer la pauvreté pour tous. La mise en place de cet accord provisoire garantirait un accès plus sûr, stable et équitable à la nourriture pour les pays qui en ont besoin.

Monsieur le président, au cours de cette Année internationale de l’agriculture familiale, ma délégation voudrait exhorter ce Conseil à inclure comme élément spécial de ses efforts en vue de promouvoir et de protéger le droit humain à l’alimentation, « l’éducation à la solidarité et à un style de vie qui dépasse la “culture du rebut” et mette réellement au centre chaque personne et sa dignité, partie de la famille » (ibid.).

 

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