Question : Doit-on considérer comme appartenant au dépôt de la foi la doctrine selon laquelle l’Église n’a pas le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale aux femmes, doctrine qui a été proposée par 
         
           la Lettre 
          apostolique  Ordinatio sacerdotalis, comme à tenir de manière définitive ?
 Réponse : Oui.
 Cette doctrine exige un assentiment définitif parce qu’elle est fondée sur 
         
           la Parole 
          de Dieu écrite, qu’elle a été constamment conservée et mise en pratique dans 
         
           la Tradition 
          de l’Église depuis l’origine et qu’elle a été proposée infailliblement par le Magistère ordinaire et universel (cf. Concile Vatican II, Constitution dogmatique  Lumen gentium, 25, 2). C’est pourquoi, dans les circonstances actuelles, le Souverain Pontife, exerçant son ministère de confirmer ses frères (cf. Lc 22, 32), a exprimé cette même doctrine par une déclaration formelle, affirmant explicitement ce qui doit toujours être tenu, partout et par tous les fidèles, en tant que cela appartient au dépôt de la foi.
 Au cours d’une Audience accordée au cardinal Préfet soussigné, le Souverain Pontife Jean-Paul II a approuvé cette réponse, élaborée durant la réunion ordinaire de 
          
            la Congrégation 
          pour 
          
            la Doctrine 
           de 
          
            la Foi 
          , et en a ordonné la publication.
 À Rome, au Siège de 
         
           la Congrégation 
          pour 
         
           la Doctrine 
         de 
         
           la Foi 
         , le 28 octobre 1995, en la fête des saints Apôtres Simon et Jude.
  Joseph Card. RATZINGER
Préfet
 Tarcisio BERTONE
Archevêque émérite de Vercelli
 Secrétaire
  (*) Textes en latin et italien pour 
        
          la 
         Réponse 
        , en italien pour l’explicitation, dans L’Osservatore Romano du 19 novembre 1995.
  Explicitation de 
         
           la Réponse 
          de 
         
           la Congrégation 
          pour 
         
           la Doctrine 
          de 
         
           la Foi 
         
  À l’occasion de la publication de 
        
          la Réponse 
         de 
        
          la Congrégation 
        pour 
        
          la Doctrine 
         de 
        
          la Foi 
         à un doute concernant le motif pour lequel on doit tenir pour définitive la doctrine exposée dans 
        
          la Lettre 
         apostolique  Ordinatio sacerdotalis, les réflexions suivantes semblent opportunes.
 L’importance ecclésiologique de cette Lettre apostolique était soulignée par la date même de sa publication : en effet, en ce 22 mai 1994, on célébrait la fête de 
        
          la Pentecôte. Mais 
        , surtout, on pouvait découvrir son importance dans les dernières phrases de 
        
          la Lettre 
        : « C’est pourquoi, afin qu’il ne subsiste aucun doute sur une question de grande importance qui concerne la constitution divine elle-même de l’Église, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères (cf. Lc 22, 32), que l’Église n’a en aucune manière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être tenue définitivement par tous les fidèles de l’Église » (n. 4).
 L’intervention du Pape avait été rendue nécessaire, non pas simplement pour réaffirmer la validité d’une discipline observée dans l’Église depuis son commencement, mais pour confirmer une doctrine (n. 4) « conservée par 
        
          la Tradition 
         constante et universelle de l’Église » et « fermement enseignée par le Magistère dans les documents les plus récents», doctrine qui « concerne la constitution divine elle-même de l’Église » (ibid.). Le Saint-Père entendait ainsi dire clairement que l’enseignement sur l’ordination sacerdotale réservée uniquement aux hommes ne pouvait pas être considéré comme une matière à « discussion », et que l’on ne pouvait pas non plus attribuer à la décision de l’Église « une valeur purement disciplinaire » (ibid.).
 La publication de cette Lettre a porté ses fruits. Bien des consciences qui, de bonne foi, s’étaient peut-être laissé troubler, plus que par le doute, par l’incertitude, ont retrouvé la sérénité grâce à l’enseignement du Saint-Père. Cependant, les perplexités n’ont pas manqué non plus, non seulement de la part de ceux qui, loin de la foi catholique, n’acceptent pas l’existence d’une autorité doctrinale dans l’Église, c’est-à-dire du Magistère revêtu sacramentellement de l’autorité du Christ (cf. Const.  Lumen gentium, 21), mais aussi de la part de certains fidèles qui continuent à estimer que l’exclusion du ministère sacerdotal représente une violence ou une discrimination à l’égard des femmes. Certains objectent qu’il ne ressort pas de 
        
          la Révélation 
        que cette exclusion ait été la volonté du Christ pour son Église, et d’autres s’interrogent sur l’assentiment dû à l’enseignement de 
        
          la Lettre. 
        
 Sûrement, on peut approfondir encore davantage les motifs pour lesquels l’Église n’a pas la faculté de conférer aux femmes l’ordination sacerdotale, motifs déjà exposés, par exemple, dans 
        
          la Déclaration 
          Inter 
         insigniores du 15 octobre 1976, de 
        
          la Congrégation 
         pour 
        
          la Doctrine 
         de 
        
          la Foi 
        , approuvée par Paul VI, et dans divers documents de Jean-Paul II (comme l’Exhort. apost.  Christifideles laici, 51 ; 
        
          la Lettre 
         apost.  Mulieris dignitatem, 26), ainsi que dans le  Catéchisme de l’Église catholique, n. 1577. Mais, en tout cas, on ne peut pas oublier que l’Église enseigne, comme vérité absolument fondamentale de l’anthropologie chrétienne, l’égale dignité personnelle entre l’homme et la femme, et le besoin de surmonter et d’éliminer « toute espèce de discrimination dans les droits fondamentaux » (Const. Gaudium et spes, 29). À la lumière de cette vérité, on peut chercher à mieux comprendre l’enseignement selon lequel la femme ne peut pas recevoir l’ordination sacerdotale. Une théologie correcte ne peut faire abstraction ni de l’un ni de l’autre enseignement, mais elle doit les tenir ensemble ; ce n’est qu’ainsi que l’on pourra approfondir les desseins de Dieu sur la femme et sur le sacerdoce et, donc, sur la mission de la femme dans l’Église. Si au contraire on devait affirmer qu’il existe une contradiction entre les deux vérités, peut-être en se laissant trop conditionner par la mode ou l’esprit du temps, on s’égarerait au lieu de progresser dans l’intelligence de la foi.
 Dans 
        
          la Lettre 
          Ordinatio 
         sacerdotalis, le Pape arrête un instant sa pensée, d’une manière paradigmatique, sur la personne de la bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu et Mère de l’Église : le fait qu’elle « n’ait reçu ni la mission spécifique des Apôtres ni le sacerdoce sacramentel montre clairement que la non-admission des femmes à l’ordination sacerdotale ne peut pas signifier qu’elles auraient une dignité moindre ni qu’elles seraient l’objet d’une discrimination ; mais c’est l’observance fidèle d’une disposition qu’il faut attribuer à la sagesse du Seigneur de l’univers » (n. 3). La différence quant à la mission ne porte pas atteinte à l’égalité dans la dignité personnelle.
 En outre, pour comprendre qu’il n’y a ni violence ni discrimination envers les femmes, il faut également considérer la nature même du sacerdoce ministériel, qui est un service et non pas une position de pouvoir humain ou de privilège par rapport aux autres. Quiconque, qu’il soit homme ou femme, conçoit le sacerdoce comme une affirmation personnelle, comme le terme ou le point de départ d’une carrière de succès humain, se trompe profondément parce qu’on ne peut trouver le vrai sens du sacerdoce chrétien, qu’il s’agisse du sacerdoce commun des fidèles ou, tout spécialement, du sacerdoce ministériel, que dans le sacrifice de son existence personnelle, en union avec le Christ, au service de nos frères. Le ministère sacerdotal ne peut constituer ni l’idéal général ni, encore moins, le but de la vie chrétienne. En ce sens, il n’est pas superflu de rappeler une fois encore que « le seul charisme supérieur que l’on peut et doit rechercher, c’est la charité » (Déclar.  Inter insigniores, VI).
 En ce qui concerne le fondement dans 
        
          la Sainte 
         Écriture et 
        
          la Tradition 
        , Jean-Paul II s’arrête sur le fait que le Seigneur Jésus, comme cela est attesté par le Nouveau Testament, n’a appelé que des hommes, et non pas des femmes, au ministère ordonné, et que les Apôtres « ont fait de même lorsqu’ils ont choisi leurs collaborateurs, qui devaient leur succéder dans le ministère » (Lettre apost.  Ordinatio sacerdotalis, 2 ; cf. 1 Tm 3, 1 et s. ; 2 Tm 1, 6 ; Tt 1, 5). Il existe des arguments valables pour soutenir que la manière d’agir du Christ n’a pas été déterminée par des motifs culturels (cf. n. 2), tout comme il y a des raisons suffisantes pour affirmer que 
        
          la Tradition 
         a interprété le choix fait par le Seigneur comme liant l’Église de tous les temps.
 Mais nous sommes déjà ici devant l’interdépendance essentielle entre l’Écriture Sainte et 
        
          la Tradition 
         ; interdépendance qui fait de ces deux modes de transmission de l’Évangile une unité que l’on ne peut séparer du Magistère, lequel fait partie intégrante de 
        
          la Tradition 
        et est l’instance d’interprétation authentique de 
        
          la Parole 
         de Dieu écrite et transmise (cf. Const.  Dei Verbum, 9 et 10). Dans le cas spécifique des ordinations sacerdotales, les successeurs des Apôtres ont toujours observé la norme de conférer l’ordination sacerdotale seulement aux hommes, et le Magistère, avec l’assistance du Saint-Esprit, nous enseigne que cela s’est fait non pas par hasard, ni par une répétition habitudinaire, ni par soumission à des conditionnements sociologiques, ni, encore moins, à cause d’une infériorité imaginaire de la femme, mais parce que « l’Église a toujours reconnu comme norme constante la manière d’agir de son Seigneur dans le choix des douze hommes dont il a fait le fondement de son Église » (Lettre apost.  Ordinatio sacerdotalis, 2).
 Comme on le sait, il y a des raisons de convenance par le moyen desquelles la théologie a cherché et cherche à comprendre le bien-fondé de la volonté du Seigneur. Ces motifs, tels qu’on les trouve exprimés par exemple dans 
        
          la Déclaration 
           Inter 
         insigniores, ont une valeur incontestable, mais ne sont pas conçus ni employés comme s’ils étaient des démonstrations logiques et persuasives découlant de principes absolus. Cependant, il est important de se souvenir que la volonté humaine du Christ non seulement n’est pas arbitraire, comme ces raisons de convenance aident en fait à le comprendre, mais qu’elle est intimement unie à la volonté divine du Fils éternel, de laquelle dépend la vérité ontologique et anthropologique de la création des deux sexes.
 Devant cet acte magistériel précis du Pontife romain, explicitement adressé à toute l’Église catholique, tous les fidèles sont tenus de donner leur assentiment à la doctrine énoncée. Et c’est à ce propos que 
        
          la Congrégation 
         pour 
        
          la Doctrine 
         de 
        
          la Foi 
        , avec l’approbation du Pape, a donné une réponse officielle quant à la nature de cet assentiment. Il s’agit d’un assentiment plénier et définitif, c’est-à-dire irrévocable, à une doctrine proposée de manière infaillible par l’Église. En effet, comme l’explique 
        
          la Réponse 
        , ce caractère définitif découle de la vérité de la doctrine elle-même, parce que, fondée sur 
        
          la Parole 
         de Dieu écrite et constamment tenue et appliquée dans 
        
          la Tradition 
         de l’Église, elle a été proposée infailliblement par le Magistère ordinaire universel (cf. Const.  Lumen gentium, 25). Aussi, 
        
          la Réponse 
         précise-t-elle que cette doctrine appartient au dépôt de la foi de l’Église. Il faut donc souligner que le caractère définitif et infaillible de cet enseignement de l’Église n’est pas né avec 
        
          la Lettre 
          Ordinatio  
        sacerdotalis. Par elle, comme l’explique également 
        
          la Réponse 
         de 
        
          la Congrégation 
         pour 
        
          la Doctrine 
         de 
        
          la Foi 
        , le Pontife romain, compte tenu des circonstances actuelles, a confirmé cette même doctrine par une Déclaration formelle, énonçant à nouveau « quod semper, quod ubique et quod ab omnibus tenendum est, utpote ad fidei depositum pertinens» [Ce qui doit être tenu toujours, partout et par tous, en tant que cela appartient au dépôt delà foi]. Dans le cas présent, un acte du Magistère pontifical ordinaire, en soi non infaillible, atteste le caractère infaillible de l’enseignement d’une doctrine déjà en possession de l’Église.
 Enfin, certains commentaires de 
        
          la Lettre 
          Ordinatio 
         sacerdotalis n’ont pas manqué d’affirmer que celle-ci constituerait une difficulté de plus, et donc inopportune, sur le chemin déjà difficile du mouvement œcuménique. À cet égard, il ne faut pas oublier que selon la lettre et l’esprit du Concile Vatican II (cf. Décret  Unitatis redintegratio, 11), l’authentique engagement œcuménique, auquel l’Église catholique ne peut pas et ne veut pas faire défaut, exige une pleine sincérité et clarté dans la présentation de sa propre foi. Il faut en outre souligner que la doctrine réaffirmée par 
        
          la Lettre 
          Ordinatio  
        sacerdotalis ne peut pas ne pas être utile à la recherche de la pleine communion avec les Églises orthodoxes, lesquelles, conformément à 
        
          la Tradition 
        , ont maintenu et maintiennent avec fidélité le même enseignement.
 L’originalité singulière de l’Église et, à l’intérieur de celle-ci, du sacerdoce ministériel, requiert précision et clarté dans les critères. Concrètement, on ne doit jamais perdre de vue que l’Église ne trouve pas la source de sa foi et de sa structure constitutive dans les principes de la vie sociale de chaque époque historique. Tout en portant attention au monde dans lequel elle vit et pour le salut duquel elle travaille, l’Église a conscience qu’elle est porteuse d’une fidélité supérieure à laquelle elle est liée. Il s’agit de la fidélité radicale à 
        
          la Parole 
         de Dieu reçue par cette même Église établie par Jésus-Christ jusqu’à la fin des temps. Cette Parole de Dieu, en proclamant la valeur essentielle et le destin éternel de toute personne, manifeste le fondement ultime de la dignité de tout être humain : de toute femme et de tout homme.