La Famille et les droits
de l'Homme
Présentation
Nous avons célébré récemment le 50ème anniversaire de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Cette déclaration, basée
sur la notion de dignité de la personne, et promouvant et défendant le
respect vis-à-vis des peuples et de chacun de leurs membres, a certainement
représenté une conquête pour l'humanité. Le Conseil Pontifical pour la
Famille a déjà pris ce sujet comme objet de ses réflexions en octobre 1998,
lors de la Seconde Rencontre des Hommes Politiques et Législateurs d'Europe,
au Vatican, et en août 1999, lors de la Troisième Rencontre des Hommes
Politiques et Législateurs d'Amérique, à Buenos Aires, Argentine.
Certes, cette Déclaration n'a pas empêché les nombreuses
atteintes et violations portées aux droits de l'homme au cours de ces
cinquante années. Cependant, la reconnaissance de ces principes constitue,
sans aucun doute, un stimulus notable pour l'esprit et la pratique de la
justice dans les différents pays et dans les relations entre les pays, dans
la mesure où se conserve la véritable « universalité », et où la Déclaration
n'est pas soumise à des fragmentations pouvant altérer son caractère
originel.
La Déclaration reconnaît la Famille comme « élément naturel et
fondamental de la société » (art. 16). Nous offrons la présente réflexion
sur les droits de la famille dans ce contexte de la Déclaration Universelle.
Elle a été réalisée lors d'un séminaire auquel prirent part un large groupe
de spécialistes en diverses sciences.
Nous offrons aussi dans cette même publication, pour des
raisons pratiques et pour contribuer à sa diffusion et à sa connaissance, le
texte de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme des Nations
Unies et celui de la Charte des Droits de la Famille du Saint-Siège.
La Charte représente une réflexion profonde et un développement, à la
lumière de la raison, sur ce qui est déjà indiqué dans la Déclaration. Ces
documents ne sont pas toujours à portée de main.
Le réflexion que nous offrons à l'occasion de ce 50ème anniversaire constitue un instrument pour le dialogue et l'échange
scientifique sur des thèmes qui touchent aux biens fondamentaux de la
personne et de la société.
Alfonso Cardinal López Trujillo
Président
S. E. Mgr Francisco Gil Hellίn
Secrétaire
1. Introduction
1.1. Un point de rencontre
1. Nous sommes un groupe d'experts et de personnes qui se
battent pour la cause de la famille et de la vie,(1) réuni, à
l'appel du Conseil Pontifical pour la Famille, pour réfléchir pendant trois
jours (du 14 au 16 décembre 1998) sur le thème « Droits humains et droits de
la famille ». C'est donc avec une vive espérance que nous nous associons à
la célébration du cinquantenaire de la Déclaration universelle des Droits
de l'Homme, promulguée par l'ONU le 10 décembre 1948.(2)
2. Par le présent document (qui se limite à quelques
considérations d'une importance particulière, et que nous sommes heureux
d'offrir comme piste en vue de considérations ultérieures et plus
approfondies), nous entendons non seulement reconnaître la signification et
la validité de cette Déclaration, mais aussi aller plus loin dans la
perspective d'une réelle universalité et de la nécessité de son application
intégrale. Nous reconnaissons la valeur et la capacité permanente
d'inspiration de cette Déclaration, puisque nous partageons les
éléments d'une même vérité. Partager la vérité est une condition
indispensable de la cohabitation humaine. Certes, nous n'ignorons pas les
réserves que la Déclaration peut susciter : elle peut favoriser
l'individualisme et le subjectivisme. Diverses critiques ont été formulées
en ce sens. Mais il convient de souligner la grande convergence qui
existe entre la Déclaration et l'anthropologie et l'éthique
chrétiennes,(3) en dépit du fait qu'elle ne contient aucune
référence à Dieu. Il y a, en outre, une identité conceptuelle sur certains
points qui sont reconnus comme naturels, en ce sens qu'ils font partie de la
conscience commune de l'humanité. Il ne s'agit pas, bien entendu, de droits
créés par la Déclaration, mais de droits reconnus et codifiés par
elle. « La Déclaration universelle est claire: elle reconnaît les droits
qu'elle proclame, elle ne les confère pas ».(4) En outre, par le
fait qu'elle reconnaît « la dignité inhérente » et les « droits égaux et
inaliénables de tous les membres de la famille humaine »,(5) la
Déclaration
constitue un « point de rencontre » pour la réflexion et l'action
conjointes.
3. Après les souffrances de la guerre, avec ses blessures
profondes et avec les très graves attentats contre la dignité de l'homme qui
la marquèrent, l'humanité s'unit pour affirmer « la valeur de la personne
humaine »,(6) ainsi que le respect et la protection qui lui sont
dues. Provenant de toutes parts et de toutes les cultures, les nations du
monde proclamèrent des vérités universelles, des droits universels et des
biens universels. Malgré la diversité des nations du monde, leurs délégués
écoutèrent les inspirations de l'esprit, l'appel de la raison, les leçons de
l'histoire et les inclinations du cœur.(7) Au nom des peuples du
monde, les nations se mirent d'accord pour renoncer à l'idéologie, en
dépassant l'utilitarisme, et pour reconnaître les fins enracinées dans la
nature de toutes les personnes et de chaque personne. La Déclaration
universelle des Droits de l'Homme qui en résulta contenait une dynamique
d'universalité qui a fait que, autour de la vérité de l'homme, le nombre des
nations qui ont adhéré à la Déclaration n'a cessé de croître, au
point qu'il inclura un jour — désormais proche — toutes les nations de la
terre.
4. Nous sommes conscients que la « guerre froide » fit
obstacle à l'application de la Déclaration, mais nous discernons
aussi les grandes possibilités que renferme notre époque dite de «
globalisation ». Une globalisation qui ne se limite pas aux seules questions
économiques, mais recouvre aussi d'autres réalités et d'autres dimensions,
qui doivent converger dans la reconnaissance de la dignité de la personne
humaine et passer par un corps de valeurs éthiques ayant un caractère
obligatoire. Tout ceci sera une réalité si nous découvrons la manière de
promouvoir la reconnaissance et l'application des droits humains.
5. Dans son message du 30 novembre 1998, Jean-Paul II rend
explicitement hommage à la Déclaration universelle des Droits de l'Homme,
qu'il qualifie de « l'un des documents les plus précieux et significatifs de
l'histoire du droit ».(8) Les droits énumérés dans la
Déclaration
forment un tout intégré, ayant pour base commune l'affirmation de
la dignité de chaque personne. La dérogation à l'un quelconque de ces droits
est une violation de l'humanité de la personne. Jean-Paul II a ajouté — et
c'est un avertissement d'une grande importance — qu'un usage sélectif de ses
principes met en danger « la structure organique de la Déclaration,
qui associe chaque droit à d'autres droits et à d'autres devoirs et
limitations nécessaires à un ordre social juste ».(9)
6. Pour toutes ces raisons, le présent document n'est pas
seulement une « célébration jubilaire » de celui publié en 1948, mais une
exhortation adressée à tous ceux qui reconnaissent le rôle central de
la personne humaine et de la famille comme noyau fondamental et
irremplaçable, capable de donner vie à une société qui reflète le monde
auquel nous aspirons. La construction de cette société est la tâche noble et
difficile de l'humanité.
7. Nous nous concentrerons sur deux domaines inséparables: la
famille et la vie, par rapport à la Déclaration historique. Dans ces
domaines, ce document conserve toute son importance et sa valeur, et plus
encore aujourd'hui que les attentats contre la famille, qui dans son
identité ne présente ni alternative ni solution de remplacement, se
répandent de façon alarmante, et que se multiplient les menaces contre la
vie, sous le couvert d'un discours de justice apparente qui prétend couvrir
la défiguration de la réalité et du sens de ce don sacré.
1.2. Le rôle de la famille
8. Nous considérons que la Déclaration de 1948, qui
s'inspire de valeurs anthropologiques et éthiques solidement ancrées
et qui s'appuie sur des convictions d'ordre moral objectif, bien
enracinées, conserve toute sa validité même si elle répond à des
circonstances culturelles, socioéconomiques et politiques historiquement
datées. La Déclaration garde intacte sa capacité d'établir et
d'animer un dialogue efficace et fécond avec le monde d'aujourd'hui,
avec ses questions et ses défis. Dans cette perspective, la promotion des «
droits humains » doit être renforcée, face aux multiples aspects de la crise
actuelle.
9. Un point fondamental pour la promotion des droits humains
est la reconnaissance des « droits de la famille », ce qui implique la
protection du mariage dans le cadre des « droits humains » et de la vie
familiale comme objectif de leur organisation juridique. Dans la Charte
des Droits de la Famille, présentée par le Saint-Siège, la famille est
conçue comme un sujet qui intègre l'ensemble de ses membres. La famille est
donc un tout qui ne doit pas être divisé dans son traitement, en isolant ses
composantes, pas même en invoquant des raisons de suppléance sociale,
laquelle est certainement nécessaire dans bien des cas, mais ne doit jamais
mettre le sujet famille en position marginale. La famille et le
mariage doivent être défendus et promus non seulement par l'État, mais par
la société tout entière. Ils requièrent l'engagement résolu de chaque
personne, puisque c'est à partir de la famille et du mariage qu'il est
possible de donner une réponse intégrale aux défis du présent et aux
risques de l'avenir.
10. Des défis tels que les menaces contre la survie, la «
culture de la mort », la violence, l'absence de protection, le
sous-développement, le chômage, les migrations, les distorsions des moyens
de communication, etc., ne peuvent être affrontés avec succès qu'à partir
d'une conception des droits humains qui s'exercent concrètement à travers la
famille, en transformant la société qui en elle et par elle se génère.
2. LA SOCIÉTÉ : COMMUNION DE PERSONNES
11. Nous sommes convaincus qu'il est non seulement possible,
mais nécessaire d'établir et de promouvoir un dialogue, à partir de la
raison humaine, sur la société et sur les principes et les exigences
éthiques qui doivent gouverner la cohabitation humaine.(10) Nous ne
voyons pas d'autre manière de nous acheminer sur des bases communes avec les
non-croyants. Cependant, nous souhaitons prolonger notre réflexion en une
vision dans laquelle la foi et la raison convergent. La raison s'enrichit
quand elle est éclairée par la foi, laquelle lui donne une profondeur et une
densité qui sont au service de la dignité de l'homme et des peuples.(11)
2.1. Le fondement de la fraternité
12. Depuis toujours, on cherche dans l'homme les traits
propres à son être. Dans notre siècle, on a beaucoup étudié l'homme sous
l'angle des multiples sciences humaines; pourtant, jamais on ne s'était posé
avec autant d'insistance la question de savoir qui est l'homme. On
n'a pas résolu le paradoxe suivant : si d'un côté, on n'a jamais autant parlé
de l'homme, de sa dignité, de sa liberté, de sa grandeur et de son pouvoir,
de l'autre, l'homme n'a jamais été autant vilipendé, objet de terribles
massacres, humilié par la violence, surtout celle des puissants.(12)
Les guerres mondiales, les guerres fratricides (et toute guerre l'est, puisque
« chaque homme est mon frère ») et les guerres tribales sont un chapitre
obscur de l'histoire. Et jamais non plus il n'y avait eu autant d'attentats
contre les plus faibles et innocents, une catégorie de personnes vilipendée
de tant des manières.(13) Depuis d'Antiquité, on considère que
l'homme se caractérise par sa raison. Ainsi Euripide affirma que «
l'intellect est Dieu en chacun de nous ».(14) De le même ordre
d'idées, Platon(15) et Aristote(16) indiquèrent la raison
comme étant la faculté qui distingue l'homme. À la suite de la célèbre
définition de Boèce : « Individua substantia rationalis naturae »,
saint Thomas d'Aquin, en continuant sur cette voie, reconnut que l'homme —
qui est personne, est entant que tel ce qu'il y a de plus parfait dans la
nature tout entière : perfectissimum in omni natura. L'homme est un
être subsistant, corporel et spirituel ; il est un tout structuré. Il est
distinctum subsistens in intellectuali natura.
13. Les concepts de personne et de dignité sont mutuellement
liés mais ne s'identifient pas entre eux. La personne se réfère à l'être à
son plus haut degré de perfection, sous ses trois aspects de subsistance,
spiritualité et totalité. La dignité se réfère avant tout à une qualité de
l'être, à une valeur qui peut être opposée à une anti-valeur. Chaque
personne, par le simple fait qu'elle est une personne, possède une
dignité connaturelle qui doit être reconnue et respectée.(17)
Mais l'être personnel, par le fait qu'il est libre et qu'il est en devenir,
est appelé à acquérir une autre dignité à travers le développement de ses
possibilités humaines. En ce sens, il peut posséder également une dignité
acquise, qu'il conquiert à mesure qu'il se perfectionne dans son propre
ordre humain.
14. Comme image de Dieu, l'homme a été créé par un acte
d'amour. Dieu a voulu communiquer à l'homme une nature distincte de celle de
tout l'ordre créé. L'homme émerge parmi les autres être créés ; il les
transcende. Nous participons tous à l'existence sur le mode personnel
par l'action d'un même Dieu créateur. Comme créature personnelle, dotée de
raison et de libre arbitre, appelée à la félicité éternelle, chaque être
humain reflète une part de la magnificence divine. Tel est le fondement
ultime et indispensable de notre fraternité.
15. La famille est le lieu par excellence, le plus propice et
irremplaçable, pour la reconnaissance et le développement de l'être
personnel dans son cheminement vers la pleine dignité. En elle, il entame
son développement humain. En elle il se forme, non seulement dans un utérus
maternel, mais aussi, comme l'a dit saint Thomas, dans un « utérus spirituel
».(18) C'est dans ce milieu familial et formateur que débute le
processus d'éducation et de promotion de l'être humain. Le sujet qui ne
reçoit pas cette première promotion familiale est fortement défavorisé pour
atteindre la plénitude humaine à laquelle il est appelé de par sa condition
de personne.
2.2. La famille : base de la société
16. Le respect des droits humains est nécessaire au
développement humain des personnes dans la communauté. Ces biens comprennent
la vie elle-même, la santé, la connaissance, le travail, la communauté et la
religion. Avant tout, « la famille est une communauté de personnes pour
lesquelles la vraie façon d'exister et de vivre ensemble est la communion :
communio personarum ».(19) Ces biens, qui pour elles sont
essentiels, ne peuvent se réaliser que lorsqu'un homme et une femme
s'engagent l'un envers l'autre par un don total dans le mariage, communauté
d'amour et de vie, et qu'ils sont prêts à accueillir pleinement — dans la
procréation et l'éducation — le don d'une nouvelle vie. Les parents donnent
à cette nouvelle vie un foyer dans lequel l'enfant peut croître et se
développer. Tous les droits nécessaires par nature au développement de la
personne dans sa totalité se réalisent dans la famille de la manière la plus
efficace. La famille, de par sa nature, est un sujet de droit, elle est
l'élément fondateur de la société humaine et la force la plus nécessaire
pour le développement total de la personne humaine. L'importance de la
médiation sociale de la famille est incontestable. Elle garde toute sa
valeur, malgré les changements qui ont affecté la famille dans l'histoire.
17. Puisque tous les hommes sont des personnes, le Saint-Père
a qualifié cette institution fondamentale de la société de « communio
personarum ».(20) « Plus que toute autre réalité humaine, la
famille est le milieu dans lequel l'homme peut exister "pour lui-même" par
le don désintéressé de soi. C'est pourquoi elle reste une institution
sociale qu'on ne peut pas et qu'on ne doit pas remplacer : elle est "le
sanctuaire de la vie" ».(21) En conséquence, promouvoir dans l'être
de l'homme son projet existentiel est, avant tout, reconnaître sa réalité
personnelle et la dignité qui lui est connaturelle. Pour réaliser cette
finalité, la valorisation de la famille et de chacun des membres qui la
composent s'impose avec une force croissante.
3. LA PERSONNE : SA DIGNITÉ, SES DROITS
3.1. Dignité et égalité
18. Le concept de dignité de l'être humain doit toujours être
la clé d'interprétation de la Déclaration de 1948. Il est mentionné
au premier paragraphe du préambule, reconnu à l'article premier et réaffirmé
par la suite tout au long de la Déclaration. Toutes les affirmations,
principes et droits mentionnés dans la Déclaration ont été rédigés et
doivent être interprétés à la lumière de la dignité propre à l'être humain.
19. La Déclaration recueille le fruit du patrimoine
historique de l'humanité. La conception chrétienne de l'homme donne à cette
réalité un fondement encore plus solide, puisqu'elle affirme que l'homme est
le seul être qui vaut pour lui-même, et pas seulement en raison de l'espèce.
Qui plus est, c'est un être qui a été créé à l'image et à la ressemblance
de Dieu (Gn 1,27) et qui, de ce fait, est doté d'une valeur
absolue: la créature humaine est aimée de Dieu pour elle-même, comme fin.(22)
Elle n'est donc pas un moyen, une chose manipulable.
20. La Déclaration universelle commence par affirmer
qu'elle reconnaît la dignité inhérente à tous les membres de la
famille humaine, ainsi que leurs droits égaux et inaliénables.(23)
Elle confirme ainsi que cette dignité est une réalité qui émane de ce que
l'homme est, autrement dit de sa nature. Elle est, par conséquent, le reflet
de la réalité substantielle et spirituelle de la personne humaine, et non
celui d'une création de la volonté ou d'une concession des pouvoirs publics,
ni le produit des cultures ou des circonstances historiques.
21. Dans la Déclaration, la dignité de l'être humain
est mise en relation avec la raison et la conscience dont
l'être humain est doté(24) et donc avec son libre arbitre.
C'est aussi ce que souligne expressément l'encyclique
Pacem in terris.(25)
Il est donc évident que la dignité n'est pas un concept vague, purement formel
ou vide, mais au contraire un concept riche en contenu, comme le montrent
les articles ultérieurs de la Déclaration. Il s'agit de la dignité et
de la possibilité pour chaque personne réelle de réaliser sa propre
personnalité et ses propres droits, non pas de façon abstraite, mais
concrètement, en tant que femme ou homme, épouse ou époux, enfant ou parent.
22. La Déclaration, d'un autre côté, proclame et
reconnaît la pleine égalité de toute personne,(26) d'où
l'interdiction de toute forme de discrimination ou de limitation de ses
droits pour des motifs « de race, de couleur, de sexe, de langue, de
religion, d'opinion politique,... d'origine nationale ou sociale, de
fortune, de naissance ou de toute autre situation ».(27) Cette
égalité se manifeste également en reconnaissant à toute personne des droits
à chaque stade de sa croissance et à chaque moment de sa vie.
3.2. Tout être humain
23. Cette dignité, tout être humain la possède, comme
le réaffirme à maintes reprises la Déclaration, dont la
quasi-totalité des articles commence par des expressions telles que « tous
les êtres humains », « tous les membres de la famille humaine », « tous les
individus humains sans distinction aucune », etc. L'énumération des droits
et des devoirs inclus dans la Déclaration fournit par conséquent une
orientation à la fois juridique et éthique, qui permet d'envisager les
multiples situations humaines, tant celles existantes au moment où la
Déclaration fut rédigée que celles dérivant des changements sociaux
ultérieurs et des innovations introduites par le développement de la
technologie, de l'économie et des institutions politiques à l'intérieur des
États.
24. Il est évident que tout ce qui est dit à propos de la
dignité, des droits et des devoirs de l'être humain vaut également pour
l'homme et pour la femme. La dignité commune des hommes et des femmes,
et sa réciprocité, est la base authentique qui permet d'affirmer leur pleine
dignité. La réciprocité implique, en effet, qu'entre l'homme et la femme il
n'existe ni une égalité statique et indifférenciée, ni une distinction
conflictuelle inexorable et irréconciliable.(28)
3.3. Travail et famille
25. Le travail, droit et devoir,(29)
exprime et réalise la dignité de l'être humain ; il manifeste sa capacité de
dominer le monde qui l'entoure, contribue au développement de sa
personnalité(30) et rend possible le progrès de la civilisation.
L'ensemble de la société, des organes et des politiques des États doit
concourir à mettre en place des conditions telles qu'il existe une
possibilité de travail pour tous. Il ne faut pas oublier que « le travail
est le fondement sur lequel s'édifie la vie familiale, qui est un
droit naturel et une vocation de l'homme. Ces deux sphères de valeurs –
l'une lié au travail, l'autre dérivant du caractère familial de la vie
humaine – doivent correctement s'unir et s'influencer de façon correcte. Le
travail est, d'une certaine manière, la condition qui rend possible la
fondation d'une famille, puisque celle-ci exige des moyens de subsistance
que l'homme acquiert normalement par le travail ».(31)
26. La contribution spécifique que le père et la mère
apportent, par leur travail, à la société, doit être reconnue. Celle que la
mère apporte à la famille, et par son intermédiaire, à la société, mérite la
plus grande considération et a d'ailleurs attiré l'attention de quelques-uns
des penseurs les plus éminents de notre époque. Cette contribution
spécifiquement maternelle se manifeste à l'évidence dans le domaine de
l'éducation, de la santé, de l'instruction, de la formation religieuse et de
toutes les activités qui concourent au bien-être de la famille et de ses
membres. Jean-Paul II a souligné à maintes reprises l'importance ce cette
contribution.(32) Mais l'accent mis sur la contribution de la mère
ne doit pas pour autant rejeter dans l'ombre l'importante contribution
spécifique du père ; ces deux contributions sont complémentaires.
27. Concrètement, l'homme et la femme, dans la famille, se
complètent par leur travail et concourent à la pleine réalisation de leur
vie conjugale et à l'éducation et au bien-être de leurs enfants. Eu
égard au fait que la maternité et la paternité font partie du don créatif le
plus éminent du genre humain, celui de la transmission de la vie,
l'organisation de la société et les lois de l'État doivent faire en sorte
que l'organisation et la rémunération du travail aident la femme à réaliser
sa vocation de mère, par la gestation et l'éducation des enfants.(33)
4. LE DROIT À LA VIE
4.1. La clé des autres droits
28. L'affirmation de la dignité de chaque être humain a pour
conséquence immédiate et essentielle le droit fondamental à la vie, reconnu
par l'article 3 de la Déclaration : « Tout individu a droit à la vie,
à la liberté et à la sûreté de sa personne ». Ce droit, l'être humain le
possède dès l'instant où son existence commence, c'est-à-dire dès l'instant
de la conception, et pas seulement de la naissance.(34)
29. Dès le premier instant de sa conception, l'homme reçoit de
Dieu sa réalité personnelle. La personne possède dans son être une dignité
qui lui est inhérente. Autrement dit, tant la personne que sa dignité se
situent sur le plan ontologique. Peu importent les manifestations possibles
de l'homme au cours de son évolution; dès l'instant de sa conception, il est
pour toujours une personne dont la dignité doit lui être reconnue dans
toutes les circonstances de son parcours existentiel.
30. Avant tout, l'homme a droit à la vie, fondement et
clé de tous les autres droits, comme droit inviolable, garanti et
protégé en toute circonstance, non seulement par les lois et les politiques
de l'État, mais aussi par une authentique culture de la vie, « car
aucune offense au droit à la vie, à la dignité de toute personne, n'est sans
importance ».(35) C'est un droit fondamental, au sens le plus fort
que l'on puisse donner à ce terme, puisque sans lui les autres droits
perdent leur consistance, par absence de sujet, de support. Il faut bien
distinguer entre un droit fondamental, d'une part, et sa valeur et sa
noblesse, d'autre part. D'autres droits peuvent revêtir plus d'importance et
de noblesse. Au point que, pour eux, il est digne et licite de donner ou de
risquer sa propre vie.
4.2. Protection avant et après la naissance
31. L'article 3 de la Déclaration de 1948 affirme que «
tout individu a droit à la vie... ». Ce principe a été développé dans la
Déclaration des Droits de l'Enfant, adoptée par l'Assemblée générale des
Nations Unies le 20 novembre 1959, selon laquelle « l'enfant, en raison de
son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d'une protection
spéciale et de soins spéciaux, y compris de la protection légale due tant
avant qu'après la naissance ». Cette déclaration a été ensuite incorporée
dans le « Préambule » de la Convention sur les Droits de l'Enfant
approuvée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989.
32. Elle doit être considérée comme un principe fondamental du
système international de protection des droits humains (ius cogens
(36)),
puisqu'elle fait incontestablement partie de la conscience commune des
sujets de la communauté internationale.
33. Donc, le droit international réaffirme un principe de la
tradition juridique canonique romaine, selon lequel l'individu humain, de
par sa naissance, existe en tant que personne. Les droits de l'enfant à
naître et sa condition de personne avaient déjà été affirmés, dès
l'Antiquité, par Ulpien, Justinien, Gratien et bien d'autres maîtres du
droit. Sur cette ligne de pensée, les réflexions judaïque, chrétienne et
musulmane convergent.
34. D'un autre côté, toute intention normative qui prétendrait
promouvoir le « droit » à l'avortement ou toute autre forme de négation de
la vie humaine à naître est en contradiction avec les développements de la
législation internationale. Cette législation, de façon cohérente, garantit
« le droit à venir au monde pour celui qui n'est pas encore né » ; protège «
les nouveau-nés, et en particulier les filles, du crime de l'infanticide »,
assure aux « personnes handicapées le développement de leurs possibilités,
et l'attention voulue aux malades et aux personnes âgées ».(37)
4.3. Les droits de l'enfant à naître
35. Conformément à ces orientations de la pensée juridique,
réaffirmées par la communauté internationale et par son système juridique,
nous déclarons que :
36. dès le premier instant de son existence, c'est-à-dire dès
la fécondation de l'ovule, l'être humain possède la dignité spéciale propre
à la personne et jouit des droits qui lui appartiennent selon les étapes de
son développement ;(38)
37. dès le début de son existence prénatale, l'être humain est
un sujet qui a droit à la vie et à la sûreté de sa personne ;
38. dès le début de sa vie, l'être humain a droit à la
reconnaissance de sa personnalité juridique, avec toutes les conséquences
qui découlent d'une telle reconnaissance ;
39. la personne à naître est un « enfant » au sens et avec
toutes les conséquences inscrites dans la Convention sur les Droits de
l'Enfant ;
40. l'enfant à naître a droit à ce que la législation
garantisse, dans toute la mesure du possible, sa survie et son
développement ;(39)
41. toute politique ou tout moyen concret de planification
démographique qui comporte ou implique un attentat contre la survie ou la
santé de l'enfant à naître doit être considéré comme contraire au droit à la
vie et à la dignité humaine.
42. L'enfant à naître a droit à ce que la législation le
protège contre toute expérimentation sur sa personne et contre toute
pratique médicale n'ayant pas directement pour objet la protection ou
l'amélioration de sa santé; le clonage humain et toute autre pratique qui
porte atteinte à la dignité de l'enfant à naître doivent être proscrits: «
Jamais, la vie ne peut être réduite à un simple objet ».(40)
4.4. Devoirs de la famille et de l'État vis-à-vis de
l'enfant à naître
43. La famille est l'institution première pour la protection
des droits de l'enfant. C'est pourquoi l'intérêt de l'enfant exige que sa
conception ait lieu dans le mariage et par l'acte spécifiquement humain de
l'union conjugale. « Le don de la vie humaine doit se réaliser dans le
mariage moyennant les actes spécifiques et exclusifs des époux, suivant les
lois inscrites dans leurs personnes et dans leur union ».(41)
44. En raison du lien entre mère et nouveau-conçu
et de la fonction irremplaçable du père, il est nécessaire que
l'enfant à naître soit accueilli au sein d'une famille qui lui garantisse,
dans la mesure où cela est possible et conforme au droit naturel, la
présence de la mère et du père. Le père et la mère en tant que couple, selon
les caractéristiques qui leur sont propres, procréent et éduquent l'enfant.
L'enfant a donc droit à être accueilli, aimé, reconnu au sein d'une famille.
En ce sens, la Convention sur les Droits de l'Enfant représente un
pas en avant très significatif, et doit être appliquée.
45. L'enfant à naître a droit à être identifié par le nom de
ses parents, à leur hérédité, et par conséquent à la protection de son
identité.(42)
46. L'enfant à naître a droit à un niveau de vie suffisant
pour son plein développement psychophysique, spirituel, moral et social, y
compris en cas de rupture du lien matrimonial de ses parents.(43)
47. Les parents ont la responsabilité primaire de former et
d'éduquer leurs enfants pour garantir leur développement intégral ainsi
qu'un niveau de bien-être social, spirituel, moral, physique et intellectuel
convenable pour eux. À cette fin, sont appelés à concourir tant la
législation que les services de l'État, pour donner à la famille un soutien
adéquat.(44)
48. Suivant le principe de subsidiarité, c'est uniquement
quand la famille n'est pas en condition de défendre convenablement les
intérêts de l'enfant à naître que l'État a le devoir d'appliquer des mesures
spéciales de protection en sa faveur, et notamment : l'assistance à la mère
avant et après l'accouchement, la cura ventris, l'adoption prénatale,
la tutelle. De même, l'intervention de l'État dans la vie familiale est
justifiée uniquement quand la dignité de l'enfant et ses droits fondamentaux
sont sérieusement menacés, en tenant compte exclusivement de « l'intérêt
supérieur de l'enfant », sans aucune discrimination.(45)
49. En outre, eu égard à leur condition particulière ainsi
qu'aux sévices auxquels elles sont exposées, les fillettes et les
jeunes filles nécessitent des mesures spéciales de protection.
50. Comme toutes les personnes handicapées, et à plus forte
raison encore, les enfants handicapés ont droit à la protection et à l'aide
requises par leur condition. En conséquence, l'État doit aider la famille à
accueillir les handicapés et favoriser leur intégration dans la société, en
leur accordant le bénéfice de mesures spéciales correspondant à leur
condition, de manière à ce qu'ils puissent jouir pleinement de tous les
droits fondamentaux.(46)
51. La tâche d'approfondir la signification du droit à
l'adoption est particulièrement d'actualité, en se souvenant toujours qu'il
faut que « l'intérêt supérieur de l'enfant soit la considération primordiale
»(47) et sans y mêler aucune considération d'un autre ordre,
quelque noble qu'elle puisse paraître. À la lumière de cet intérêt
supérieur, il faut que soit ratifié le refus catégorique que les « unions de
fait », et tout spécialement les unions du même sexe, puissent avancer un
droit à l'adoption. Dans ce cas, la formation intégrale de l'enfant subirait
un préjudice très grave.
5. SOLIDARITÉ ET FRATERNITÉ
5.1. Participation et liberté
52. La Déclaration universelle des Droits de l'Homme
exhorte tous les êtres humains à se comporter les uns envers les autres dans
un esprit de fraternité.(48) Par cette affirmation, le document est
en harmonie avec la pensée sociale chrétienne et avec sa défense de la
solidarité humaine. Comme membre de plein droit de la famille humaine,
chaque homme et chaque femme a le droit et la responsabilité de
participer à la vie sociale, politique et culturelle aux niveaux local,
national et international. De par sa nature, la personne humaine fait partie
de la famille humaine. Notre humanité est partagée, et le fait d'être des
personnes nous lie, de manière immédiate et irrévocable, au reste de la
communauté humaine. En vertu de ces liens de solidarité et de fraternité,
nous pouvons parler de famille humaine, de la famille des peuples.
53. Pour que cette participation prenne tout son sens, elle
doit être consciemment pratiquée et choisie. La vertu sociale de
solidarité
est la volonté de pratiquer la participation dans la recherche de la
justice sociale. Il ne faut pas oublier que « la pratique de la solidarité
à l'intérieur de toute société est pleinement valable lorsque ses
membres se reconnaissent les uns les autres comme personnes ». Ceci
implique que « ceux qui ont le plus de poids, disposant d'une part plus
grande des biens et des services communs, devraient se sentir
responsables des plus faibles et être prêts à partager avec eux ce
qu'ils possèdent. De leur côté, les plus faibles, dans la même ligne de
solidarité, ne devraient pas adopter une attitude purement passive ou
destructrice du tissu social mais, tout en défendant leurs droits
légitimes, faire ce qui leur revient pour le bien de tous ».(49) La
solidarité signifie, par conséquent, l'acceptation de notre nature sociale
et l'affirmation des liens que nous partageons avec tous nos frères et
toutes nos sœurs. La solidarité crée un milieu dans lequel le service mutuel
est favorisé. La solidarité crée les conditions sociales pour que les droits
humains soient respectés et alimentés. La capacité de reconnaître et
d'accepter toute la gamme des droits et des obligations correspondantes, qui
ont leur fondement dans notre nature sociale, peut se réaliser uniquement
dans un climat vivifié par la solidarité. Ceci vaut également à la lumière
de l'interdépendance croissante, laquelle « doit se transformer en
solidarité
fondée sur le principe que les biens de la création sont destinés à
tous ».(50)
5.2. Engagement en faveur des plus faibles
54. Notre solidarité vis-à-vis de toute la famille humaine
implique un engagement spécial en faveur des plus vulnérables et
marginalisés. Ils doivent constituer une catégorie privilégiée pour
l'amour et la sollicitude des autres. L'unité naturelle de la famille
humaine ne peut se réaliser dans sa plénitude si des peuples subissent les
tourments de la pauvreté, de la discrimination, de l'oppression et de
l'aliénation sociale qui conduisent à l'isolement et à la déconnexion de la
communauté plus vaste.
55. Cependant, pour être vertueux, notre engagement d'amour
doit être bénévole. La solidarité nous pousse en particulier à instaurer des
relations tendant vers l'égalité aux niveaux local, national et
international. Tous les membres de la communauté humaine doivent être inclus
de la manière la plus ample possible dans le cercle des relations
productives et créatrices.(51)
56. Les peuples du Tiers-Monde, en particulier, ont
subi les assauts des ennemis de la vie et méritent, de ce fait, notre
sollicitude spéciale. Les mauvaises récoltes, la situation de réfugié, la
guerre, des maladies comme le SIDA, la malaria, aggravées per la corruption,
continuent de faucher la vie de personnes innocentes dans de nombreux pays.
Ces maux entravent le plein développement et la productivité de ces peuples,
et les empêchent de s'unir au reste de la famille humaine à conditions
égales. Bien souvent, le développement productif et économique a lieu en
laissant de côté ces peuples. La solidarité exige que la communauté
internationale poursuive ses efforts pour appliquer des stratégies globales
destinées à lutter contre les maladies et contre la faim et à promouvoir un
authentique développement humain. La dimension normative de la solidarité
requiert un effort pour établir avec les pays en développement des relations
tendant à l'égalité. Dans ce processus, ceux qui jouissent des privilèges du
surplus ont une obligation correspondante: celle de donner généreusement,
afin de mettre les moins fortunés en condition d'atteindre par eux-mêmes des
niveaux de vie conformes à la dignité humaine.
57. Néanmoins, il est nécessaire de procéder avec prudence,
afin que les interventions dans les pays étrangers respectent l'intégrité
des cultures et des économies locales. Trop fréquemment, au nom de la
solidarité, l'aide étrangère afflue vers des gouvernements corrompus sans
parvenir à ses destinataires, qui sont ceux qui en auraient le plus besoin.
De plus, diverses formes d'intervention engendrent au niveau local des
distorsions qui sont de nature à créer une dépendance, de sorte que loin de
favoriser l'égalité des conditions, elles détruisent les moyens
d'autosuffisance. Les programmes d'aide au nom de la solidarité doivent être
conçus de manière à intégrer à la logique de la solidarité de solides
principes économiques, culturels et politiques. De cette façon, la
solidarité aboutira à une union significative entre les peuples, dans le
contexte de la diversité humaine.
5.3. Solidarité entre hommes et femmes
58. En tant que première communauté naturelle, la famille est
le lieu exemplaire de la solidarité. C'est dans la famille que l'être humain
prend peu à peu conscience de sa dignité, qu'il acquiert le sens des
responsabilités, qu'il apprend à être attentif aux autres. Dans la famille,
la solidarité se développe au-delà de la relation d'amour entre les époux ;
elle s'étend aux relations entre parents et enfants, aux relations entre
frères et sœurs et aux relations entre les générations.
59. La vraie communion de la solidarité inclut et se construit
sur la réciprocité des sexes. L'homme et la femme partagent à égalité
les avantages et les charges de la solidarité. Ils sont complémentaires : «
Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme
il les créa » (Gn 1,27). Pour manifester qu'il est à l'image du Dieu
trinitaire, l'être humain doit vivre son existence selon deux modalités
complémentaires : le mode masculin et le mode féminin. L'existence humaine
est donc participation à l'existence d'un Dieu qui est communion d'amour.
60. Égalité de dignité ne signifie pas uniformité
indifférenciée. Appelés par le Créateur à vivre une relation de communion,
réciprocité et solidarité, les hommes et les femmes contribuent sous une
forme originale à la famille et à la société. Une authentique « culture de
l'égalité » accueille et respecte la contribution originale tant des hommes
que des femmes.
61. En tant que personnes, les hommes et les femmes partagent
des dimensions et des valeurs communes fondamentales. Néanmoins, dans chaque
sexe, ces valeurs se diversifient par leur force, leur intérêt et leur
emphase, et cette diversité se transforme en une source d'enrichissement. En
conséquence, la solidarité se réalise plus pleinement quand les femmes et
les hommes coopèrent les uns avec les autres dans une relation de
réciprocité et de solidarité.
6. DROITS DE LA FAMILLE ET SUBSIDIARITÉ
6.1. Société civile, société politique
62. L'Église reconnaît et soutient le devoir indispensable de
l'État en matière de défense et de promotion des droits humains. Les
institutions politiques ont la responsabilité naturelle de fournir un cadre
juridique équitable pour que toutes les communautés sociales puissent
coopérer en vue du bien commun. Le principe de subsidiarité
est en soi un principe du bien commun. Un bien commun qui doit être
considéré au niveau le plus ample, comme universel. C'est pourquoi les
droits humains — et en particulier ceux de la famille — ne peuvent se
développer qu'en opérant en accord avec la subsidiarité. « La doctrine de
l'Église a élaboré le principe dit de subsidiarité. Selon ce
principe, "une société d'ordre supérieur ne doit pas intervenir dans la vie
interne d'une société d'ordre inférieur, en lui enlevant ses compétences,
mais elle doit plutôt la soutenir en cas de nécessité et l'aider à
coordonner son action avec celle des autres éléments qui composent la
société, en vue du bien commun"(52) ».(53)
63. Non seulement la Déclaration universelle reconnaît
explicitement la distinction entre société et État, mais elle
valorise également la contribution au bien commun de nombre de communautés
qui forment ce que Tocqueville a appelé la « société civile », par
opposition à la « société politique ». La société politique a pour raison
d'être l'exercice du pouvoir, en recourant, le cas échéant, à la coercition.
C'est pourquoi l'exercice du pouvoir doit être strictement contrôlé par des
règles constitutionnelles. L'État ne doit pas intervenir dans les domaines
où l'initiative des particuliers, des communautés ou des entreprises est
suffisante.
64. Cette distinction illustre le bien-fondé du principe de
subsidiarité. Tandis que la société politique recourt constamment au
pouvoir, à ses agents et à ses règlements, la société civile fait appel aux
affinités, aux alliances volontaires, aux solidarités naturelles. Cette
distinction éclaire aussi la riche réalité de la famille, qui est le noyau
central de la société civile. Elle a incontestablement une fonction
économique importante, mais ses rôles sont multiples. Elle est, avant tout,
une communauté de vie, une communauté naturelle. De plus, par le fait
qu'elle est fondée sur le mariage, elle présente une cohésion que l'on ne
rencontre pas nécessairement dans les corps intermédiaires.
65. Une chose qui a eu un impact négatif, durant ces dernières
décennies, est le fait que la famille a subi de la part de l'État les mêmes
attaques que celles qu'il a dirigées contre les autres corps intermédiaires
pour les éliminer ou tenter de les régir à sa ressemblance. Lorsque l'État
s'arroge le pouvoir de réglementer les liens familiaux et de dicter des lois
qui ne respectent pas cette communauté naturelle qui lui est antérieure,(54)
il est à craindre que l'État se serve des familles dans son propre intérêt
et qu'au lieu de les protéger et de défendre leurs droits, il les
affaiblisse ou les supprime pour mieux dominer les peuples.
66. La Déclaration universelle prévient ces déviations.
Elle reconnaît le droit de l'homme et de la femme « de se marier et de
fonder ainsi une famille ».(55) Le Pape Jean-Paul II a rappelé,
suivant la doctrine du Concile Vatican II, que la famille est la « cellule
première et vitale de la société ».(56) La Déclaration
insiste sur le fait que cette cellule « fondamentale et naturelle »(57)
a droit à la protection non seulement de l'État, mais aussi de la société.
Donc, la Déclaration promeut la présence de la famille parmi les
autres communautés, tout en soulignant le caractère unique de cette
institution naturelle.
6.2. La famille, première éducatrice
67. La Déclaration reconnaît aussi le droit à la
propriété privée non seulement individuelle, mais aussi en association.(58)
Elle reconnaît le droit à la liberté religieuse, y compris le droit
pour les croyants à s'associer en vue du culte et de l'éducation.(59)
Enfin, la Déclaration insiste sur le fait que les parents ont le droit
de décider et de diriger l'éducation de leurs enfants.(60)
68. À ce propos, il convient de rappeler que la mission
éducative de la famille trouve son complément normal dans les
institutions éducatives. Les parents « partagent leur mission éducative
avec d'autres personnes et institutions, comme l'Église et l'État ;
toutefois, ceci doit toujours se faire suivant une juste application du
principe de subsidiarité ».(61) Il ne faut pas oublier que «
toutes les autres personnes qui prennent part au processus éducatif ne
peuvent qu'agir au nom des parents, avec leur consentement et même,
dans une certaine mesure, parce qu'ils ont été chargés par eux ».(62)
69. Il est certain, comme le montrent de nombreuses études
psychopédagogiques, que les premières années de l'enfant sont décisives pour
la formation ultérieure de sa personnalité. C'est pourquoi il est dans
l'intérêt non seulement des enfants, mais aussi de la société, que les
parents puissent confier leurs enfants aux institutions éducatives de leur
choix.
70. Toutefois, comme l'illustre l'exemple de nombreux pays, y
compris parmi ceux considérés comme « développés », un moyen efficace pour
détruire la famille consiste à la priver de sa fonction éducative, sous le
prétexte fallacieux de donner à tous les enfants des chances égales. Dans ce
cas, les « droits de l'enfant » sont invoqués contre les droits de la
famille. Bien souvent, l'État envahit des domaines propres à la famille au
nom d'une démocratie qui devrait pourtant respecter le principe de
subsidiarité. Nous sommes en face d'un pouvoir politique omniprésent et
arbitraire. L'État ou les autres institutions s'arrogent le droit de parler
au nom des enfants et les soustraient au cadre familial. Comme en témoignent
tant d'expériences funestes, passées et contemporaines, l'idéal pour une
dictature serait d'avoir des enfants sans famille. Toutes les tentatives
pour remplacer la famille ont échoué.
6.3. Défendre la souveraineté de la famille
71. De nos jours, la famille requiert une protection spéciale
de la part des pouvoirs publics. Quelquefois opprimée par l'État, la famille
est également exposée aujourd'hui aux attaques provenant de groupes
privés, d'organismes non-gouvernementaux, d'entités transnationales et même
d'organisations internationales publiques. L'État a la responsabilité de
défendre la souveraineté de la famille, qui constitue le noyau
fondamental du tissu social.
72. En outre, défendre la souveraineté de la famille
contribue à sauvegarder la souveraineté des nations. Aujourd'hui, au nom
d'idéologies d'inspiration malthusienne, hédoniste ou utilitariste, la
famille est victime d'agressions qui la menacent jusque dans son existence
même. En propageant une séparation totale des significations unitive et
procréatrice de l'union conjugale,(63) les moyens de communication
banalisent les expériences sexuelles multiples pré- et para-matrimoniales,
affaiblissant ainsi l'institution familiale. Dans divers pays, l'âge moyen
du mariage a augmenté de façon significative, de même que l'âge auquel les
femmes ont leur premier enfant. La proportion des mariages qui aboutissent à
un divorce a atteint un niveau alarmant.(64) Les familles brisées
et « recomposées », qui sont pour les enfants la cause de tant de
souffrances, engendrent la pauvreté et la marginalisation. Il existe
un contraste entre le rôle primordial et décisif que l'on reconnaît à la
famille (très significatif, d'après de nombreuses enquêtes), et
l'indifférence et l'hostilité dont l'institution familiale fait l'objet,
ainsi que l'érosion dont souffre la famille dans certaines régions et
nations.
73. Le pire de tout, c'est que sous l'impulsion de certains
organismes publics internationaux, on préconise de soi-disant « nouveaux
modèles » familiaux qui comprennent les foyers monoparentaux et même les
unions homosexuelles. Certaines agences internationales, soutenues par de
puissants lobbies, cherchent à imposer aux nations souveraines de «
nouveaux droits » humains tels que les « droits à la reproduction », qui
comprennent le recours à l'avortement et à la stérilisation, le divorce
facile et un « style de vie » des jeunes qui favorise la banalisation du
sexe et l'affaiblissement de la juste autorité des parents dans l'éducation
de leurs enfants.(65)
74. Tandis qu'on exalte de la sorte un individualisme
libéral exacerbé, allié à une éthique subjectiviste qui pousse à
la recherche effrénée du plaisir, la famille souffre également de la
résurgence de nouvelles expressions du socialisme d'inspiration marxiste.
Une tendance apparue à la Conférence de Pékin (1995) prétend introduire dans
la culture des peuples l'« idéologie du genre » — «
gender » —. Cette
idéologie affirme, entre autres, que la forme d'oppression la plus grave est
celle de la femme par l'homme, et que cette oppression est
institutionnalisée dans la famille monogamique.(66) Les idéologues
en concluent que, pour mettre fin à cette oppression, il convient de mettre
fin à la famille fondée sur le mariage monogamique. Le mariage et la
famille, basés sur l'union hétérosexuelle, seraient le produit d'une culture
apparue à un certain moment historique, et doivent disparaître pour que la
femme puisse se libérer et occuper la place qui lui revient dans la société
de production.
75. Nous sommes conscients que le Saint-Père, et à sa suite le
Conseil Pontifical pour la Famille, se sont déjà prononcés à maintes
reprises sur ces idéologies qui sont non seulement anti-vie et anti-famille,
mais qui sont aussi destructrices pour les nations. À l'approche du
troisième millénaire, la pastorale de la vie, généreusement reçue et
transmise dans la famille, apparaît comme une exigence prioritaire en vue de
la célébration jubilaire. Il est « nécessaire que la préparation du Grand
Jubilé passe, d'une certaine manière, à travers chaque famille. N'est-ce pas
à travers une famille, celle de Nazareth, que le Fils de Dieu choisit
d'entrer dans l'histoire de l'homme ? ».(67)
7. CONCLUSION
76. Les divers droits des individus et des communautés sont
renforcés par une culture de la liberté dans laquelle les êtres humains
peuvent contribuer au bien commun, culture qu'ils renforcent à leur tour. De
fait, la Déclaration universelle des Droits de l'Homme affirme de
maintes manières que les êtres humains se perfectionnent à travers
l'initiative individuelle, les associations privées et l'engagement
politique au service du bien commun. La Déclaration reconnaît, par
exemple, les droits à la propriété intellectuelle,(68) en vertu
desquels l'invention, la distribution et l'exploitation du savoir ne sont
pas simplement ou uniquement le fait de l'État. Comme l'a observé Jean-Paul
II, « la principale ressource de l'homme est l'homme lui-même ».(69)
La Déclaration universelle reconnaît avec sagesse qu'une partie
essentielle de la liberté d'association (70) — qui comprend
la liberté de s'unir en syndicats (71) — réside dans le fait que
l'État ne peut pas obliger les individus à entrer dans une association.(72)
Tous ces droits dont jouissent les individus et les associations privées sont
vitaux pour le développement de la « société civile ». Ils représentent une
sauvegarde contre le totalitarisme.
77. La reconnaissance pratique des droits de l'institution de
la famille dans le cadre du développement des droits humains ne peut
ignorer les termes originaux, la finalité et l'esprit de la Déclaration
universelle des Droits de l'Homme de 1948. La Déclaration
reconnaît dans l'institution naturelle du mariage comme don mutuel d'amour
entre l'homme et la femme — constitutif d'une union stable et ouverte à la
procréation et à l'éducation de la progéniture —, le principal fondement de
la famille. Nous lançons un appel à tous les peuples et à toutes les nations
afin qu'ils appliquent scrupuleusement les normes de la Déclaration
universelle et ne renoncent pas à ses protections bénéfiques et
salutaires.
78. « L'avenir de l'humanité passe par la famille !
».(73) C'est par conséquent à travers la place que les peuples
donnent à la famille, à travers la reconnaissance de sa valeur fondamentale
et irremplaçable, ou au contraire à travers les diverses formes
d'indifférence, d'hostilité ou de harcèlement qui entravent sa mission, que
se construit l'avenir de l'humanité.
DÉCLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L'HOMME
10 décembre 1948
Préambule
Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à
tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et
inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la
paix dans le monde,
Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de
l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de
l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres
de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été
proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme,
Considérant qu'il est essentiel que les droits de l'homme
soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas
contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et
l'oppression,
Considérant qu'il est essentiel d'encourager le développement
de relations amicales entre nations,
Considérant que dans la Charte les peuples de Nations Unies
ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme,
dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des
droits des hommes et des femmes, et qu'ils se sont déclarés résolus à
favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie
dans une liberté plus grande,
Considérant que les États Membres se sont engagés à assurer,
en coopération avec l'Organisation des Nations Unies, le respect universel
et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
Considérant qu'une conception commune de ces droits et
libertés est de la plus haute importance pour remplir pleinement cet
engagement,
L'Assemblée générale
Proclame la présente Déclaration universelle des Droits de
l'Homme comme l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les
nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant
cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et
l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en
assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la
reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les
populations des Etats Membres eux-mêmes que parmi celles des territoires
placés sous leur juridiction.
Article 1
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et
en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns
envers les autres dans un esprit de fraternité.
Article 2
1. Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes
les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction
aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion,
d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou
sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
2. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le
statut politique, juridique ou international du pays ou territoire dont une
personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant,
sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de
souveraineté.
Article 3
Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de
sa personne.
Article 4
Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et
la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.
Article 5
Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Article 6
Chacun a droit à la reconnaissance en tous lieux de sa
personnalité juridique.
Article 7
Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à
une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre
toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute
provocation à une telle discrimination.
Article 8
Toute personne a droit à un recours effectif devant les
juridictions nationales contre les actes violant les droits fondamentaux qui
lui sont reconnus par la constitution ou par la loi.
Article 9
Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé.
Article 10
Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause
soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et
impartial, qui décidera soit de ses droits et obligations, soit du
bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
Article 11
1. Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée
innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours
d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui
auront été assurées.
2. Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au
moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux
d'après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé
aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'acte
délictueux a été commis.
Article 12
Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie
privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son
honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi
contre de telles immixtions ou de telles atteintes.
Article 13
1. Toute personne a le droit de circuler librement et de
choisir sa résidence à l'intérieur d'un état.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris
le sien, et de revenir dans son pays.
Article 14
1. Devant la persécution, toute personne a le droit de
chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays.
2. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites
réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements
contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.
Article 15
1. Tout individu a le droit à une nationalité.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni
du droit de changer sa nationalité.
Article 16
1. A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans aucune
restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de
se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du
mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.
2. Le mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et plein
consentement des futurs époux.
3. La famille est l'élément naturel et fondamental de la
société et a droit à la protection de la société et de l'Etat.
Article 17
1. Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a
droit à la propriété.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété.
Article 18
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience
et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de
conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction
seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les
pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.
Article 19
Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression,
ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui
de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières,
les informations et les idées par quelque moyen que ce soit.
Article 20
1. Toute personne a droit à la liberté de réunion et
d'association pacifiques.
2. Nul ne peut être obligé de faire partie d'une association.
Article 21
1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction
des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par
l'intermédiaire de représentants librement choisis.
2. Toute personne a droit à accéder, dans des conditions
d'égalité, aux fonctions publiques de son pays.
3. La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des
pouvoirs publics; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes
qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égale et au
vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du
vote.
Article 22
Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la
sécurité sociale; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits
économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre
développement de sa personnalité grâce à l'effort national et à la
coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources
de chaque pays.
Article 23
1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son
travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à une
protection contre le chômage.
2. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire
égal pour un travail égal.
3. Quiconque travaille à droit à une rémunération équitable et
satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la
dignité humaine et complétée, s'il y a lieu, par tous autres moyens de
protection sociale.
4. Toute personne a le droit de fonder avec d'autres des
syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
Article 24
Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à
une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés
périodiques.
Article 25
1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour
assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour
l'alimentation, l'habillement, les soins médicaux ainsi que pour les
services sociaux nécessaires; elle a droit à la sécurité en cas de chômage,
de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas
de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances
indépendantes de sa volonté.
2. La maternité et l'enfance ont droit à une aide et à une
assistance spéciales. Tous les enfants, qu'ils soient nés dans le mariage ou
hors mariage, jouissent de la même protection sociale.
Article 26
1. Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être
gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et
fondamental. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé;
l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en
fonction de leur mérite.
2. L'éducation doit viser au plein épanouissement de la
personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et
des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la
tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux
ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies
pour le maintien de la paix.
3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre
d'éducation à donner à leurs enfants.
Article 27
1. Toute personne a le droit de prendre part librement à la
vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au
progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.
2. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et
matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou
artistique dont il est l'auteur.
Article 28
Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et
sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés
dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet.
Article 29
1. L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle
seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible.
2. Dans l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses
libertés, chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi
exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et
libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale,
de l'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique.
3. Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s'exercer
contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies.
Article 30
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être
interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu un
droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à
la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés.
CHARTE DES DROITS DE LA FAMILLE PRÉSENTÉE PAR LE
SAINT-SIÈGE À TOUTES LES PERSONNES, INSTITUTIONS ET AUTORITÉS
INTÉRESSÉES À LA MISSION DE LA FAMILLE DANS LE MONDE D'AUJOURD'HUI
22 octobre 1983
INTRODUCTION
La « Charte des Droits de la Famille » résulte du vœu formulé
par le Synode des évêques réuni à Rome en 1980 sur le thème : « Le rôle de la
famille chrétienne dans le monde moderne » (cf. « Proposition » n. 42). Sa
Sainteté le Pape Jean-Paul II, dans l'exhortation apostolique
Familiaris
consortio (n. 46), a donné suite au vœu du Synode en engageant le
Saint-Siège à préparer une Charte des Droits de la Famille destinée à être
présentée aux organismes et autorités concernés.
Il est important de comprendre exactement la nature et le
style de la Charte telle qu'elle est ici présentée.
Ce document n'est pas un exposé de la théologie dogmatique ou
morale du mariage et de la famille, bien qu'il reflète la pensée de l'Église
en la matière. Il n'est pas non plus un code de conduite destiné aux
personnes et aux institutions concernées. La Charte diffère aussi d'une
simple déclaration des principes théoriques concernant la famille. Elle a
plutôt pour but de présenter à tous nos contemporains, chrétiens ou non, une
formulation — aussi complète et ordonnée que possible — des droits
fondamentaux propres à cette société naturelle et universelle qu'est la
famille.
Les droits énoncés dans la Charte sont imprimés dans la
conscience de l'être humain et dans les valeurs communes de toute
l'humanité. La vision chrétienne y est présente en tant que lumière de la
révélation divine qui éclaire la réalité naturelle de la famille. Ces droits
résultent, en dernière analyse, de la loi inscrite par le Créateur au cœur
de tout être humain. La société est appelée à défendre ces droits contre
toute violation, à les respecter et à les promouvoir dans l'intégralité de
leur contenu.
Les droits qui sont présentés sont à considérer selon le
caractère spécifique d'une « Charte ». Dans certains cas, ils rappellent des
normes proprement contraignantes sur le plan juridique ; dans d'autres cas,
ils expriment des postulats et des principes fondamentaux pour l'élaboration
de la législation et le développement de la politique familiale. Dans tous
les cas, ils constituent un appel prophétique en faveur de l'institution
familiale qui doit être respectée et défendue contre toute atteinte.
Presque tous ces droits sont déjà exprimés dans d'autres
documents aussi bien de l'Église que de la communauté internationale. La
présente Charte tente d'en fournir une meilleure élaboration, de les définir
avec plus de clarté et de les rassembler dans une présentation organique,
ordonnée et systématique. En annexe, on trouvera l'indication des « sources
et références » des textes auxquels certaines des formulations ont été
empruntées.
La Charte des Droits de la Famille est maintenant présentée
par le Saint-Siège, l'organe central et suprême de gouvernement de l'Église
catholique. Le document a bénéficié d'un vaste ensemble d'observations et
d'analyses réunies à la suite d'une large consultation des Conférences
épiscopales de toute l'Église comme d'experts spécialisés en la matière et
représentant des cultures diverses.
La Charte est destinée en premier lieu aux Gouvernements. En
réaffirmant, pour le bien de la société, la conscience commune des droits
essentiels de la famille, la Charte offre à tous ceux qui partagent la
responsabilité du bien commun un modèle et une référence pour élaborer une
législation et une politique familiale, et une orientation pour les
programmes d'action.
En même temps, le Saint-Siège propose avec confiance ce
document à l'attention des Organisations internationales
intergouvernementales qui, de par leur compétence et leur action pour la
défense et la promotion des droits de l'homme, ne peuvent ignorer ou
permettre les violations des droits fondamentaux de la famille.
La Charte s'adresse évidemment aussi aux familles elles-mêmes:
elle vise à encourager au sein des familles la conscience du rôle et de la
place irremplaçables de la famille; elle voudrait inciter les familles à
s'unir pour la défense et la promotion de leurs droits; elle encourage les
familles à accomplir leur devoir de telle manière que le rôle de la famille
soit plus clairement compris et reconnu dans le monde actuel.
La Charte s'adresse enfin à tous, hommes et femmes, afin
qu'ils s'engagent à tout mettre en œuvre pour faire en sorte que les droits
de la famille soient protégés et que l'institution familiale soit renforcée
pour le bien de toute l'humanité, aujourd'hui et à l'avenir.
Le Saint-Siège, en présentant cette Charte souhaitée par les
représentants de l'Episcopat mondial, adresse un appel particulier à tous
les membres et à toutes les institutions de l'Église, afin qu'ils témoignent
en chrétiens de leur ferme conviction que la mission de la famille est
irremplaçable, et travaillent à ce que les familles et les parents reçoivent
le soutien et les encouragements nécessaires à l'accomplissement de la tâche
que Dieu leur confie.
CHARTE DES DROITS DE LA FAMILLE
Préambule
Considérant que :
A. les droits de la personne, bien qu'exprimés en tant que
droits de l'individu, ont une dimension foncièrement sociale qui trouve dans
la famille son expression innée et vitale ;
B. la famille est fondée sur le mariage, cette union intime et
complémentaire d'un homme et d'une femme, qui est établie par le lien
indissoluble du mariage librement contracté et affirmé publiquement, et qui
est ouverte à la transmission de la vie ;
C. le mariage est l'institution naturelle à laquelle est
confiée exclusivement la mission de transmettre la vie humaine ;
D. la famille, société naturelle, existe antérieurement à
l'État ou à toute autre collectivité et possède des droits propres qui sont
inaliénables ;
E. la famille, bien plus qu'une simple unité juridique,
sociologique ou économique, constitue une communauté d'amour et de
solidarité, apte de façon unique à enseigner et à transmettre des valeurs
culturelles, éthiques, sociales, spirituelles et religieuses essentielles au
développement et au bien-être de ses propres membres et de la société ;
F. la famille est le lieu où plusieurs générations sont
réunies et s'aident mutuellement à croître en sagesse humaine et à
harmoniser les droits des individus avec les autres exigences de la vie
sociale;
G. la famille et la société, unies entre elles par des liens
organiques et vitaux, assument des rôles complémentaires pour défendre et
promouvoir le bien de toute l'humanité et de chaque personne;
H. l'expérience de différentes cultures au long de l'histoire
a montré, pour la société, la nécessité de reconnaître et de défendre
l'institution de la famille ;
I. la société et, de façon particulière, l'État et les
Organisations internationales, doivent protéger la famille par des mesures
politiques, économiques, sociales et juridiques, qui ont pour but de
renforcer l'unité et la stabilité de la famille, afin qu'elle puisse exercer
sa fonction spécifique ;
J. les droits, les besoins fondamentaux, le bien-être et les
valeurs de la famille, bien qu'ils soient, dans certains cas,
progressivement mieux sauvegardés, sont souvent méconnus et même menacés par
des lois, des institutions et des programmes socio-économiques ;
K. beaucoup de familles sont contraintes à vivre dans des
situations de pauvreté qui les empêchent de remplir leur rôle avec dignité ;
L. l'Église catholique, sachant que le bien de la personne, de
la société et son bien propre passent par la famille, a toujours considéré
qu'il appartient à sa mission de proclamer à tous les hommes le dessein de
Dieu, inscrit dans la nature humaine, sur le mariage et sur la famille, de
promouvoir ces deux institutions et de les défendre contre tous ceux qui
leur portent atteinte ;
M. le Synode des évêques réuni en 1980 a explicitement
recommandé qu'une Charte des droits de la famille soit rédigée et
communiquée à tous ceux qui sont concernés ;
le Saint-Siège, après avoir consulté les Conférences
épiscopales, présente maintenant cette
CHARTE DES DROITS DE LA FAMILLE
et invite instamment tous les États, les Organisations
internationales et toutes les Institutions et personnes intéressées à
promouvoir le respect de ces droits et à assurer leur reconnaissance
effective et leur mise en application.
Article 1
Toutes les personnes ont droit au libre choix de leur état de
vie, donc de se marier et de fonder une famille, ou de rester célibataires.
a) Tout homme et toute femme ayant atteint l'âge de
contracter mariage et ayant la capacité nécessaire a le droit de se marier
et de fonder une famille sans aucune discrimination ; des restrictions
légales à l'exercice de ce droit, qu'elles soient de nature permanente ou
temporaire, ne peuvent être introduites que si elles sont requises par des
exigences graves et objectives portant sur l'institution du mariage lui-même
et sa signification publique et sociale ; dans tous les cas, elles doivent
respecter la dignité et les droits fondamentaux de la personne.
b) Ceux qui veulent se marier et fonder une famille ont le
droit d'attendre de la société d'être placés dans les conditions morales,
éducatives, sociales et économiques favorables qui leur permettent d'exercer
leur droit de se marier en toute maturité et responsabilité.
c) La valeur institutionnelle du mariage doit être
soutenue par les pouvoirs publics ; la situation des couples non mariés ne
doit pas être placée sur le même plan que le mariage dûment contracté.
Article 2
Le mariage ne peut être contracté qu'avec le libre
consentement, dûment exprimé, des époux.
a) Sans méconnaître, dans certaines cultures, le rôle
traditionnel que jouent les familles pour orienter la décision de leurs
enfants, toute contrainte qui empêcherait de choisir comme conjoint une
personne déterminée doit être évitée.
b) Les futurs conjoints ont droit à leur liberté
religieuse ; par conséquent, imposer comme condition préalable au mariage un
déni de foi ou une profession de foi contraire à la conscience constitue une
violation de ce droit.
c) Les époux, dans la complémentarité naturelle de l'homme
et de la femme, ont une même dignité et des droits égaux au regard du
mariage.
Article 3
Les époux ont le droit inaliénable de fonder une famille et de
décider de l'espacement des naissances et du nombre d'enfants à mettre au
monde, en considérant pleinement leurs devoirs envers eux-mêmes, envers les
enfants déjà nés, la famille et la société, dans une juste hiérarchie des
valeurs et en accord avec l'ordre moral objectif qui exclut le recours à la
contraception, la stérilisation et l'avortement.
a) Les actes des pouvoirs publics ou d'organisations
privées qui tendent à limiter en quelque manière la liberté des époux dans
leurs décisions concernant leurs enfants constituent une grave offense à la
dignité humaine et à la justice.
b) Dans les relations internationales, l'aide économique
accordée pour le développement des peuples ne doit pas être conditionnée par
l'acceptation de programmes de contraception, de stérilisation ou
d'avortement.
c) La famille a droit à l'aide de la société pour la mise
au monde et l'éducation des enfants. Les couples mariés qui ont une famille
nombreuse ont droit à une aide appropriée, et ne doivent pas subir de
discrimination.
Article 4
La vie humaine doit être absolument respectée et protégée dès
le moment de sa conception.
a) L'avortement est une violation directe du droit
fondamental à la vie de tout être humain.
b) Le respect de la dignité de l'être humain exclut toute
manipulation expérimentale ou exploitation de l'embryon humain.
c) Toute intervention sur le patrimoine génétique de la
personne humaine qui ne vise pas à la correction d'anomalies constitue une
violation du droit à l'intégrité physique et est en contradiction avec le
bien de la famille.
d) Aussi bien avant qu'après leur naissance, les enfants
ont droit à une protection et à une assistance spéciales, de même que leur
mère durant la grossesse et pendant une période raisonnable après
l'accouchement.
e) Tous les enfants, qu'ils soient nés dans le mariage ou
hors mariage, jouissent du même droit à la protection sociale, en vue du
développement intégral de leur personne.
f) Les orphelins et les enfants privés de l'assistance de
leurs parents ou de leurs tuteurs doivent jouir d'une protection
particulière de la part de la société. Pour ce qui est des enfants qui
doivent être confiés à une famille ou adoptés, l'État doit instaurer une
législation qui facilite à des familles aptes à le faire l'accueil des
enfants ayant besoin d'être pris en charge de façon temporaire ou
permanente, et qui, en même temps, respecte les droits naturels des parents.
g) Les enfants handicapés ont le droit de trouver dans
leur foyer et à l'école un cadre adapté à leur croissance humaine.
Article 5
Parce qu'ils ont donné la vie à leurs enfants, les parents ont
le droit originel, premier et inaliénable de les éduquer ; c'est pourquoi ils
doivent être reconnus comme les premiers et principaux éducateurs de leurs
enfants.
a) Les parents ont le droit d'éduquer leurs enfants
conformément à leurs convictions morales et religieuses, en tenant compte
des traditions culturelles de la famille qui favorisent le bien et la
dignité de l'enfant, et ils doivent recevoir aussi de la société l'aide et
l'assistance nécessaires pour remplir leur rôle d'éducateurs de façon
appropriée.
b) Les parents ont le droit de choisir librement les
écoles ou autres moyens nécessaires pour éduquer leurs enfants suivant leurs
convictions. Les pouvoirs publics doivent faire en sorte que les subsides
publics soient répartis de façon telle que les parents soient véritablement
libres d'exercer ce droit sans devoir supporter des charges injustes. Les
parents ne doivent pas, directement ou indirectement, subir de charges
supplémentaires qui empêchent ou limitent indûment l'exercice de cette
liberté.
c) Les parents ont le droit d'obtenir que leurs enfants ne
soient pas contraints de suivre des enseignements qui ne sont pas en accord
avec leurs propres convictions morales et religieuses. En particulier
l'éducation sexuelle — qui est un droit fondamental des parents doit —
toujours être menée sous leur conduite attentive, que ce soit au foyer ou
dans des centres éducatifs choisis et contrôlés par eux.
d) Les droits des parents se trouvent violés quand est
imposé par l'État un système obligatoire d'éducation d'où est exclue toute
formation religieuse.
e) Le droit premier des parents d'éduquer leurs enfants
doit être garanti dans toutes les formes de collaboration entre parents,
enseignants et responsables des écoles, et particulièrement dans des formes
de participation destinées à accorder aux citoyens un rôle dans le
fonctionnement des écoles et dans la formulation et la mise en œuvre des
politiques d'éducation.
f) La famille a le droit d'attendre des moyens de
communication sociale qu'ils soient des instruments positifs pour la
construction de la société, et qu'ils soutiennent les valeurs fondamentales
de la famille. En même temps, la famille a le droit d'être protégée de façon
adéquate, en particulier en ce qui concerne ses membres les plus jeunes, des
effets négatifs ou des atteintes venant des mass media.
Article 6
La famille a le droit d'exister et de progresser en tant que
famille.
a) Les pouvoirs publics doivent respecter et promouvoir la
dignité propre de toute famille, son indépendance légitime, son intimité,
son intégrité et sa stabilité.
b) Le divorce porte atteinte à l'institution même du
mariage et de la famille.
c) Le système de la famille élargie, là où il existe, doit
être tenu en estime et être aidé à mieux remplir son rôle traditionnel de
solidarité et d'assistance mutuelle, tout en respectant en même temps les
droits de la famille nucléaire et la dignité de chacun de ses membres en
tant que personne.
Article 7
Chaque famille a le droit de vivre librement la vie religieuse
propre à son foyer, sous la direction des parents, ainsi que le droit de
professer publiquement et de propager sa foi, de participer à des actes de
culte en public et à des programmes d'instruction religieuse librement
choisis, ceci en dehors de toute discrimination.
Article 8
La famille a le droit d'exercer sa fonction sociale et
politique dans la construction de la société.
a) Les familles ont le droit de créer des associations
avec d'autres familles et institutions, afin de remplir le rôle propre de la
famille de façon appropriée et efficiente, et pour protéger les droits,
promouvoir le bien et représenter les intérêts de la famille.
b) Au plan économique, social, juridique et culturel, le
rôle légitime des familles et des associations familiales doit être reconnu
dans l'élaboration et le développement des programmes qui ont une
répercussion sur la vie familiale.
Article 9
Les familles ont le droit de pouvoir compter sur une politique
familiale adéquate de la part des pouvoirs publics dans les domaines
juridique, économique, social et fiscal, sans aucune discrimination.
a) Les familles ont le droit de bénéficier de conditions
économiques qui leur assurent un niveau de vie conforme à leur dignité et à
leur plein épanouissement. Elles ne doivent pas être empêchées d'acquérir et
de détenir des biens privés qui peuvent favoriser une vie de famille stable;
les lois de succession et de transmission de la propriété doivent respecter
les besoins et les droits des membres de la famille.
b) Les familles ont le droit de bénéficier de mesures au
plan social qui tiennent compte de leurs besoins, en particulier en cas de
décès prématuré de l'un ou des deux parents, en cas d'abandon d'un des
conjoints, en cas d'accident, de maladie ou d'invalidité, en cas de chômage,
ou encore quand la famille doit supporter pour ses membres des charges
supplémentaires liées à la vieillesse, aux handicaps physiques ou
psychiques, ou à l'éducation des enfants.
c) Les personnes âgées ont le droit de trouver, au sein de
leur propre famille, ou, si cela est impossible, dans des institutions
adaptées, le cadre où elles puissent vivre leur vieillesse dans la sérénité
en exerçant les activités compatibles avec leur âge et qui leur permettent
de participer à la vie sociale.
d) Les droits et les besoins de la famille, et en
particulier la valeur de l'unité familiale, doivent être pris en
considération dans la politique et la législation pénales, de telle sorte
qu'un détenu puisse rester en contact avec sa famille et que celle-ci
reçoive un soutien convenable durant la période de détention.
Article 10
Les familles ont droit à un ordre social et économique dans
lequel l'organisation du travail soit telle qu'elle rende possible à ses
membres de vivre ensemble, et ne pose pas d'obstacle à l'unité, au
bien-être, à la santé et à la stabilité de la famille, en offrant aussi la
possibilité de loisirs sains.
a) La rémunération du travail doit être suffisante pour
fonder et faire vivre dignement une famille, soit par un salaire adapté, dit
« familial », soit par d'autres mesures sociales telles que les allocations
familiales ou la rémunération du travail d'un des parents au foyer; elle
doit être telle que la mère de famille ne soit pas obligée de travailler
hors du foyer, au détriment de la vie familiale, en particulier de
l'éducation des enfants.
b) Le travail de la mère au foyer doit être reconnu et
respecté en raison de sa valeur pour la famille et pour la société.
Article 11
La famille a droit à un logement décent, adapté à la vie
familiale et proportionné au nombre de ses membres, dans un environnement
assurant les services de base nécessaires à la vie de la famille et de la
collectivité.
Article 12
Les familles des migrants ont droit à la même protection
sociale que celle accordée aux autres familles.
a) Les familles des immigrants ont droit au respect de
leur propre culture et au soutien et à l'assistance nécessaires à leur
intégration dans la communauté à laquelle elles apportent leur contribution.
b) Les travailleurs émigrés ont droit à voir leur famille
les rejoindre aussitôt que possible.
c) Les réfugiés ont droit à l'assistance des pouvoirs
publics et des organisations internationales pour faciliter le regroupement
de leur famille.
***
SOURCES ET RÉFÉRENCES
Préambule
A.
Rerum novarum, 9 ;
Gaudium et spes, 24.
B.
Pacem in terris, I ;
Gaudium et spes, 48 et
50 ;
Familiaris consortio, 19 ;
Codex Iuris Canonici, 1056.
C.
Gaudium et spes, 50 ;
Humanae vitae, 12 ;
Familiaris consortio 28.
D.
Rerum novarum, 9-10 ;
Familiaris consortio,
45.
E.
Familiaris consortio, 43.
F.
Gaudium et spes, 52 ;
Familiaris consortio,
21.
G.
Gaudium et spes, 52 ;
Familiaris consortio, 42
et 45.
I.
Familiaris consortio, 45.
J.
Familiaris consortio, 46.
K.
Familiaris consortio, 6 et 77.
L.
Familiaris consortio, 3 et 46.
M.
Familiaris consortio, 46.
Article 1
Rerum novarum, 9 ;
Pacem in terris, 1 ;
Gaudium et
spes, 26 ; Déclaration universelle des Droits de l'Homme, 16, 1.
a)
Codex Iuris Canonici, 1058 et 1077 ; Déclaration
universelle, 16, 1.
b)
Gaudium et spes, 52 ;
Familiaris consortio,
81.
c)
Gaudium et spes, 52 ;
Familiaris consortio,
81-82.
Article 2
Gaudium et spes, 52 ;
Codex Iuris Canonici, 1057, §
1 ; Déclaration universelle, 16, 2.
a)
Gaudium et spes, 52.
b)
Dignitatis humanae, 6.
c)
Gaudium et spes, 49 ;
Familiaris consortio, 19
et 22 ; Codex Iuris Canonici, 1135 ; Déclaration universelle,
16, 1.
Article 3
Populorum progressio,
37 ;
Gaudium et spes, 50 et
87 ;
Humanae vitae, 10 ;
Familiaris consortio, 30 et 46.
a)
Familiaris consortio, 30.
b)
Familiaris consortio, 30.
c)
Gaudium et spes, 50.
Article 4
Gaudium et spes, 51 ;
Familiaris consortio, 26.
a)
Humanae vitae, 14 ; S. Congrégation pour la Doctrine
de la Foi,
Déclaration sur l'avortement provoqué, 18 novembre 1974 ;
Familiaris consortio, 30.
b) Jean-Paul II, Discours à l'Académie pontificale des
Sciences, 23 octobre 1982.
d) Déclaration universelle, 25, 2 ; Déclaration sur
les Droits de l'Enfant, Préambule et 4.
e) Déclaration universelle, 25, 2.
f)
Familiaris consortio, 41.
g)
Familiaris consortio, 77.
Article 5
Divini illius magistri,
27-34 ;
Gravissimum educationis,
3 ;
Familiaris consortio, 36 ;
Codex Iuris Canonici, 793 et
1136.
a)
Familiaris consortio, 46.
b)
Gravissimum educationis, 7 ;
Dignitatis humanae,
5 ; Jean-Paul II, La liberté religieuse et l'Acte final d'Helsinki
(Lettre aux chefs d'État des pays signataires de l'Acte final d'Helsinki),
4b ;
Familiaris consortio, 40 ;
Codex Iuris Canonici, 797.
c)
Dignitatis humanae, 5 ;
Familiaris consortio,
37 et 40.
d)
Dignitatis humanae, 5 ;
Familiaris consortio,
40.
e)
Familiaris consortio, 40 ;
Codex Iuris Canonici,
796.
f) Paul VI,
Message pour la Troisième Journée mondiale des
Moyens de communication sociale, 1969 ;
Familiaris consortio, 76.
Article 6
Familiaris consortio,
46.
a)
Rerum novarum, 10 ;
Familiaris consortio, 46 ;
Convention internationale sur les Droits civils et politiques, 17.
b)
Gaudium et spes, 48 et 50.
Article 7
Dignitatis humanae,
5 ; La liberté religieuse et l'Acte
final d'Helsinki, 4b ; Convention internationale sur les Droits civils
et politiques, 18.
Article 8
Familiaris consortio,
44 et 48.
a)
Apostolicam actuositatem, 11 ;
Familiaris
consortio, 46 et 72.
b)
Familiaris consortio, 44-45.
Article 9
Laborem exercens, 10 et 19 ;
Familiaris consortio,
45 ;
Déclaration universelle, 16, 3 et 22 ; Convention internationale sur
les Droits économiques, sociaux et culturels, 10, 1.
a) Mater et magistra, II ;
Laborem exercens, 10 ;
Familiaris consortio, 45 ; Déclaration universelle, 22 et 25 ;
Convention internationale sur les Droits économiques, sociaux et culturels,
7, a, II.
b)
Familiaris consortio, 45-46 ; Déclaration
universelle, 25, 1 ; Convention internationale sur les Droits
économiques, sociaux et culturels, 9, 10, 1 et 10, 2.
c)
Gaudium et spes, 52 ;
Familiaris consortio, 27.
Article 10
Laborem exercens, 19 ;
Familiaris consortio, 77 ;
Déclaration universelle, 23, 3.
a)
Laborem exercens, 19 ;
Familiaris consortio,
23 et 81.
b)
Familiaris consortio, 23.
Article 11
Apostolicam actuositatem,
8 ;
Familiaris consortio,
81 ;
Convention internationale sur les Droits économiques, sociaux et culturels,
11, 1.
Article 12
Familiaris consortio,
77 ; Charte sociale européenne,
19.
(1) Nous offrons la contribution des commissions qui ont
travaillé sur divers thèmes. En raison de la méthode de travail, il est
possible que l'on trouve certaines répétitions qui, sans aucun doute,
enrichissent la réflexion. Ont collaboré également des experts de l'Acton
Institute.
(2) Le Dicastère a eu l'occasion de commémorer cet événement à
l'avance, lors de la IIème Rencontre européenne des Hommes politiques et
Législateurs, ayant pour thème « Droits humains et droits de la famille
», qui s'est tenue du 22 au 24 octobre 1998. Les conclusions ont été
publiées dans L'Osservatore Romano du 11.11.98. Nous proposons de
tenir la IIIe Rencontre des Hommes politiques et Législateurs d'Amérique à
Buenos Aires, Argentine, du 3 au 5 août 1999, sur le thème « Famille et
Vie à 50 ans de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme ».
(3) Cf. Jean XXIII, Lettre encyclique
Pacem in terris,
11.4.1963, 144.
(4) Jean-Paul II,
Message pour la
célébration de la Journée
mondiale de la Paix 1999, 8.12.1998, 3.
(5) Déclaration universelle des Droits de l'Homme,
Préambule.
(6) Cf. Charte des Nations Unies, Introduction.
(7) Même si le nombre des signataires était relativement peu
élevé.
(8) Jean-Paul II, Message à S.E. Monsieur Didier Opertti
Badàn, Président de la cinquante-troisième session de l'Assemblée générale
de l'Organisation des Nations unies, 30.11.1998.
(9)
Ibid.
(10) Cf. Jean-Paul II, Lettre encyclique
Veritatis splendor,
6.8.1993, 99.
(11) Cf. Jean-Paul II, Lettre encyclique
Fides et ratio,
29.9.1998, Préambule, 102.
(12) Cf. Jean-Paul II, Lettre encyclique
Evangelium vitae,
18.
(13) Cf. ibid., 12.
(14) Fragment 1018-Nauck.
(15) Cf. Primer Alcibíades, 133c.
(16) Cf. Éthique à Eudème, 1248 à 2830.
(17) Cf. Saint Thomas d'Aquin, ST, I, q. 29, a. 3 ; I,
q. 29, a. 3, ad 2.
(18) ST, II-II, 10, 12.
(19) Jean-Paul II, Lettre aux familles
Gratissimam sane,
2.2.1994, 7.
(20) Cf. ibid., 6.7 ; Jean-Paul II, Lettre apostolique
Mulieris dignitatem, 15.8.1988, 23.
(21)
Gratissimam sane, 11.
(22) Cf. Concile Vatican II, Constitution pastorale
Gaudium
et spes sur l'Église dans le monde actuel, 7.12.1965, 24.
(23) Cf.
Message pour la Célébration de la Journée Mondiale
de la Paix 1999, 3.
(24) Cf. Déclaration universelle des Droits de l'Homme,
art. 1.
(25) Cf.
Pacem in terris, 9.
(26) Cf. Déclaration universelle des Droits de l'Homme,
art. 1.
(27) Ibid. art. 2.
(28) Cf. Jean-Paul II,
Lettre aux femmes, 29.6.1995, 8.
(29) Cf. Déclaration universelle des Droits de l'Homme,
art. 23 ; cf. aussi
Gaudium et spes, 26.
(30) Cf. Déclaration universelle des Droits de l'Homme,
art. 22.
(31) Jean-Paul II, Lettre encyclique
Laborem exercens,
14.9.1981, 10.
(32) Cf. Jean-Paul II, Exhortation apostolique
Familiaris
consortio, 22.11.1981, 23, 25 ;
Laborem exercens, 19 ;
Message
pour la XXVIIIème Journée mondiale de la Paix 1995, 5, etc.
(33) Cf. Saint-Siège, Charte des Droits de la Famille,
24.11.1983, articles 9 et 10.
(34) Cf. ibid., art. 4.
(35)
Message pour la Célébration de la Journée Mondiale de
la Paix 1999, 4.
(36) Cf. Déclaration et Programme d'Action de Vienne.
(37)
Message pour la Célébration de la Journée Mondiale de
la Paix 1999, 4.
(38) Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi,
Instruction
Donum vitae sur le respect de la vie humaine naissante et la dignité de
la procréation, 22.2.1987, I, 1.
(39) Cf. Convention sur les Droits de l'Enfant, art. 6.
(40)
Message pour la Célébration de la Journée Mondiale de
la Paix 1999, 4 ; cf.
Donum vitae, I, 6.
(41)
Donum vitae, Introduction, 5.
(42) Cf. Convention sur les Droits de l'Enfant, art. 8.
(43) Cf. ibid., art. 27.
(44) Cf. ibid., art. 17 et 18.
(45) Cf. ibid., art. 20.
(46) Cf. ibid., art. 23.
(47) Ibid., art. 21.
(48) Cf. Déclaration universelle des Droits de l'Homme,
art. 1.
(49) Jean-Paul II, Lettre encyclique
Sollicitudo rei
socialis, 30.12. 1987, 39.
(50) Ibid., 39.
(51) Cf. Jean-Paul II, Lettre encyclique
Centesimus annus,
1.5.1991, 42.
(52)
Centesimus annus, 48.
(53)
Catéchisme de l'Église Catholique, 1883.
(54) Déjà Aristote rappelait que la famille est antérieure et
supérieure à l'État (cf. Éthique à Nicomaque, VIII, 15-20). Le
Saint-Père a introduit le concept de la « souveraineté » de la famille (cf.
Gratissimum sane, 17).
(55) Cf. Déclaration universelle des Droits de l'Homme,
16, 1.
(56) Concile Vatican II, Décret
Apostolicam actuositatem
sur l'apostolat des laïcs, 11. Cité dans
Familiaris consortio, 42.
(57) Cf. Déclaration universelle des Droits de l'Homme,
art. 16.
(58) Cf. ibid., art. 17, 1.
(59) Cf. ibid., art. 18.
(60) Cf. ibid., art. 26, 3.
(61)
Gratissimum sane, 16.
(62) Ibid.
(63) Cf. Paul VI, Lettre encyclique
Humanae vitae,
25.7.1968, 11.
(64) Dans certaines nations, cette proportion est d'un tiers.
(65) Beaucoup s'interrogent sur les « droits », par ex. des
campagnes du Fonds de la Population des Nations Unies (FNUAP) et de
certaines interventions d'organismes tels que l'UNICEF par rapport aux
droits de la famille.
(66) Selon cette idéologie, les rôles de l'homme et de la
femme dans la société seraient uniquement le produit de l'histoire et de la
culture. L'homme serait libre de choisir l'orientation sexuelle qui lui
plaît, quel que soit son sexe biologique.
(67) Jean-Paul II, Lettre apostolique
Tertio Millenio
Adveniente, 10.11.1994, 28.
(68) Cf. Déclaration universelle des Droits de l'Homme,
art. 27, 2.
(69)
Centesimus annus, 32.
(70) Cf. Déclaration universelle des Droits de l'Homme,
art. 20, 1.
(71) Cf. ibid. art. 23, 4.
(72) Cf. ibid. art. 20, 2.
(73)
Familiaris consortio, 86.
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