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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS AUX RENCONTRES SUR LES PROBLÈMES
DE LA DIÉTÉTIQUE ET DU DIABÈTE DANS L'ENFANCE
*

Dimanche 25 septembre 1955

 

1. Nous avons pour la première fois, Messieurs, le plaisir de vous recevoir à l'occasion des « Journées de Diététique », que vous avez organisées cette année à Rome. Soyez les bienvenus ici et croyez bien que Nous apportons un intérêt particulier aux travaux de votre spécialité. Inaugurées en 1952, à l'Hôpital de la Pitié à Paris, ces rencontres veulent apporter aux nutritionnistes et diététiciens des pays néo-latins l'occasion d'une mise au point et d'un enrichissement de leur savoir.

Le siècle présent, qui a déjà enregistré tant de conquêtes médicales, a vu s'élaborer d'une manière systématique cette science de l'alimentation humaine, presque inexistante il y a cinquante ans. On n'ignorait pas que certaines maladies, les maladies infectives et celles de la nutrition en particulier, imposaient un régime spécial d'alimentation; mais on était encore bien loin des connaissances précises et détaillées acquises à l'heure actuelle. On sait beaucoup mieux maintenant comment le corps humain entretient et renouvelle ses forces, les aliments qu'il utilise comme source de chaleur ou d'énergie, matériel plastique ou agent catalyseur. On a découvert, entre autres, l'importance des sels métalliques et des vitamines, la nature des protides et l'existence de certains acides gras nécessaires à l'organisme, et dont il ne peut effectuer lui-même la synthèse. Connaissant, d'une part, les besoins du corps et, de l'autre, l'apport chimique exact des aliments habituels, on peut dès lors déterminer pour les cas particuliers la diète, qui convient aux différents âges, sous les divers climats, pour des maladies déterminées.

Le Congrès, que vous avez tenu à Rome, se proposait d'étudier le problème de l'alimentation en rapport avec les glandes surrénales, celui de l'enrichissement des aliments, et de l'alimentation des vieillards. Nous voulons croire que vous êtes satisfaits de ces échanges et que vous y avez trouvé d'utiles indications pour vos recherches personnelles. Nul doute qu'ils vous aideront aussi à faire valoir dans le monde médical, comme dans le grand public, l'importance de la diététique, pour le Profit des individus et de la société.

Le problème de l'alimentation est bien le premier qui se pose à l'homme. Même dans les pays d'Europe occidentale, on constate que la moitié environ de la population ne dispose pas d'une nourriture pleinement satisfaisante, soit en qualité, soit en quantité. Le remède à cette insuffisance viendra sans doute en ligne principale de mesures d'ordre économique et social; mais, si elles mettent en relief les conséquences néfastes de cet état de choses, vos études peuvent fournir un puissant stimulant à tous ceux qui ont la responsabilité du bien public. Toute carence alimentaire prolongée constitue en effet une menace pour un peuple ; elle affecte sa longévité, sa résistance aux maladies, son état de santé général, et donc sa capacité de travail.

Depuis une vingtaine d'années, on a mis en évidence le fait que le déficit alimentaire portait beaucoup moins sur les aliments énergétiques, d'un prix généralement modique, que sur les éléments protecteurs, sels minéraux et vitamines, indispensables à la santé. Sans doute, le vrai remède serait-il une large vulgarisation de l'hygiène alimentaire, qui montrerait aux masses comment se nourrir d'une manière rationnelle sans accroître leurs dépenses. Ainsi une simple modification du taux de blutage de la farine augmenterait de beaucoup son contenu en vitamines B. Mais la résistance des consommateurs, qui préfèrent le plain blanc au pain gris, amène l'adoption du processus artificiel d'enrichissement par addition de vitamines. On sait aussi l'importance de la vitamine du riz dans les pays orientaux. L'usage prolongé de riz décortiqué entraîne l'apparition d'une maladie redoutable, le Béribéri. Des expériences concluantes, conduites aux Philippines, ont démontré que la vitamination du riz détermine une baisse considérable de la mortalité provoquée par cette maladie. Mais vous avez souligné justement qu'en dehors de circonstances exceptionnelles, comme le temps de guerre, la pauvreté d'un pays, la carence d'un aliment de base en éléments protecteurs, cette méthode d'enrichissement artificiel pouvait aussi présenter des dangers, et qu'il était préférable de recourir à la méthode éducative, qui invite les producteurs à améliorer la qualité de leurs denrées et les consommateurs à se donner une alimentation judicieusement équilibrée. Nous espérons donc que l'opinion publique deviendra de plus en plus sensible à la signification de vos travaux et que leurs conclusions trouveront une large diffusion.

Vous apportez aussi une contribution intéressante à l'étude des problèmes de la vieillesse, auxquels la science n'a accordé jusqu'à présent qu'une attention trop timide. Si les progrès de la thérapeutique moderne et de l'hygiène se traduisent par une élévation de l'âge moyen des populations, la diététique a son mot à dire, elle aussi, dans le maintien des énergies physiques. On a montré en effet que, si la nutrition réussit à éviter ou à retarder l'accumulation des déchets dans les cellules des tissus, elle en prolonge la vitalité. Par ailleurs, l'alimentation des vieillards offre bon nombre de difficultés pratiques à cause des troubles histologiques et fonctionnels, qui affectent leur appareil digestif. Mais l'application des résultats de vos recherches et celle des traitements par les hormones permettra sans doute de conserver une activité utile à des organismes atteints par l'usure de l'âge.

2. À la suite des « journées de Diététique » vous avez voulu traiter du diabète infantile et examiner certaines questions concernant sa pathogénie et sa clinique, son hérédité et la manière dont différents pays d'Europe pratiquent à son est égard l'assistance sociale. Cette session organisée par le Diabetarium Pédiatrique National de la « Pontificia Opera di Assistenza », qui, depuis 1952 accueille et traite avec compétence et dévoûment une cinquantaine d'enfants diabétiques. Nous félicitons tous ceux qui collaborent à cette œuvre magnifique. Elle témoigne incontestablement d'une préoccupation sociale et scientifique digne d'être citée en exemple. Les enfants pauvres n'ont guère en effet la possibilité de recevoir dans leurs familles les soins longs et délicats, que requiert cette maladie. Celle-ci, d'ailleurs, à cause de la forme qu'elle présente chez l'enfant, demande qu'on l'étudie à part et qu'on en recherche le traitement spécifique. Le diabète est nocif pour l'adulte à cause des dommages qu'il provoque dans l'organisme et des complications qu'il entraîne. Mais tandis que ces conséquences sont pratiquement négligeables pour l'enfant, on observe chez lui par contre des alternances continues d'hyper — et d'hypoglycémie, susceptibles de déterminer des crises graves. Il s'agit donc de prévenir ces crises, puis de restaurer, autant que possible, l'équilibre de toutes les fonctions qui interviennent dans la régulation de la glycémie. Cette thérapeutique suppose une connaissance approfondie de chaque sujet, des troubles endocriniens et neuro-végétatifs, qui l'affectent et sont à l'origine de son mal. De là, la nécessité d'une assistance prolongée, possible uniquement dans un institut spécialement équipé à cet effet. Tel est le rôle du Diabetarium de Santa Marinella. Ce qui caractérise encore cet institut, c'est que l'on s'y efforce de créer un milieu aussi proche que possible de la vie courante d'un établissement d'éducation. On a remarqué que les petits malades, loin de subir à leur arrivée une dépression que ferait redouter l'éloignement de leur foyer, trouvent au bout de quelques jours une euphorie et un équilibre psychique jusqu'alors inconnus. Facteur précieux pour la régulation de la glycémie, et qui en outre facilite l'acceptation des exigences de la cure diabétique. On apprend aussi graduellement à l'enfant à se surveiller et à se soigner lui-même, pour qu'à sa sortie du Diabetarium il soit en mesure de se suffire. Ainsi pourra-t-on rendre à une vie familiale et sociale presque normale des sujets, sur lesquels pesaient un pénible sentiment d'infériorité physique et la perspective d'un avenir menacé.

3. Qu' il s'agisse du diabète infantile ou de l'alimentation, Nous nous réjouissons, Messieurs, de voir une équipe de spécialistes, comme la vôtre, s'appliquer à résoudre ces problèmes. Les progrès de la science permettent maintenant de pénétrer la complexité des mécanismes biologiques, et d'en contrôler davantage le fonctionnement. Évolution normale et bienfaisante, car les déterminismes naturels n'ont d'autre sens que de servir l'activité supérieure de l'esprit. Loin de l'entraver, ils doivent lui fournir l'instrument indispensable à son exercice. Aux imperfections et défaillances de cet instrument, c'est à l'esprit qu'il appartient de remédier dans toute la mesure du possible. Mais au pouvoir d'action plus étendu de la médecine moderne correspond aussi une responsabilité morale croissante et l'obligation de n'utiliser les acquisitions nouvelles qu'en vue d'un vrai progrès spirituel de l'humanité. Par delà le bien-être purement physique, et l'équilibre fonctionnel parfait, vous devez toujours apercevoir un objectif plus élevé, celui de mettre l'être humain plus à même de répondre à sa destinée transcendante. Plaise à Dieu que les bénéficiaires de vos efforts, comme vous-mêmes, en utilisant au mieux la nourriture terrestre, n'oublient pas qu'il en est une autre, incomparablement plus précieuse, un aliment spirituel qui, sauvant à la fois l'âme et le corps, peut seul leur conférer l'immortalité à laquelle ils aspirent.

C'est un des aspects attirants de l'idéal chrétien, qu'il ose proposer à l'humanité souffrante l'espoir ferme d'une existence impérissable, à laquelle l'Église a reçu ici-bas mission de conduire les hommes. Que cette perspective illumine votre route, et que les promesses divines vous soutiennent au milieu des difficultés. Nous prions le Dieu Tout-Puissant de guider vos pas, et vous accordons de tout cœur, en gage de ses faveurs et de Notre bienveillance, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XVII,
 Dix-septième année de Pontificat, 2 mars 1955 - 1er mars 1956, pp. 249-253
 Typographie Polyglotte Vaticane

 



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