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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
À SA SAINTETÉ KHOREN I,
CATHOLICOS DE CILICIE

Mardi 3 mai 1967

 

Honneur et salut à Vous, Notre frère en Jésus-Christ, Khoren 1er, vénéré Catholicos de Cilicie, dont la visite remplit de joie Notre maison et fait exulter d’une spirituelle allégresse non seulement cette Eglise romaine des saints apôtres. Pierre et Paul, mais toute 1’Eglise catholique. Honneur et salut à Vous, illustre et très pieux patriarche de l’ancienne et sainte Eglise arménienne de Cilicie, qui Nous apportez les émouvants souvenirs d’une tradition où resplendit la foi chrétienne d’un peuple glorieux. Laissez-Nous voir à travers votre personne sacrée les saints qui ont rendu à jamais illustre une histoire séculaire: pour tous, et au premier rang, Nous vénérons dans votre ministère l’ineffaçable souvenir du premier et célèbre pasteur de l’Eglise d’Arménie au troisième siècle, saint Grégoire l’Illuminateur; après lui, aux IVème et Vème siècles, les saints Nersès le Grand, Promoteur de la culture et de l’organisation ecclésiastique de l’Eglise arménienne; Mesrop, docteur de votre Eglise, inventeur de votre alphabet et traducteur de la Bible en arménien; Sahak, qui vous donna votre liturgie, où s’alimente encore votre vie spirituelle et dans laquelle s’exprime votre prière.

Nous n’en finirions pas d’énumérer ces souvenirs sacrés s’il n’y en avait un qui domine tous les autres et Nous semble caractériser votre histoire tourmentée et glorieuse: le témoignage que, dans la douleur et dans le sang, vous, arméniens, vous avez rendu au cours des siècles, à travers tant de pénibles et tragiques vicissitudes, à la fidélité due au nom du Christ: témoignage qui est pour Nous un motif d’admiration, un exemple et une cause d’espoir pour votre destinée dans l’histoire et dans le monde.

En votre personne, Nous saluons toute l’Eglise arménienne, qu’avec le vénérable Catholicos d’Etchmiadzine, dans la grande Arménie, vous dirigez dans les sentiers de la vie chrétienne. Puisse l’heureuse rencontre de ce jour être source de nouvelles et abondantes bénédictions pour tout le peuple arménien!

Avec vous Nous rendons gloire au Dieu unique, Père, Fils, et Saint Esprit; avec vous Nous acclamons Jésus-Christ, Fils de Dieu, Verbe Incarné, notre Rédempteur, le fondateur et le chef de la sainte Eglise, son corps mystique. Avec vous, Nous invoquons les saints apôtres Pierre et Paul, qui, après avoir annoncé l’Evangile du salut en Orient, le confièrent à cette ville de Rome avec le sceau de leur martyre.

Le cœur rempli de ces sentiments, Nous considérons comme un événement très heureux et plein d’espérance la visite que Nous fait Votre Sainteté, et Nous en évoquons le motif avec émotion. Vous l’avez mentionné à l’instant: c’est le mouvement œcuménique - suscité par le récent Concile dans l’Eglise catholique - qui vous a inspiré l’idée de Nous rendre visite. Et ainsi, c’est la grande question de la recomposition de tous les chrétiens dans l’Eglise unique voulue par le Christ qui surgit à nouveau entre nous, et pour trouver enfin - Dieu le veuille! - sa solution tant désirée.

Nous vous devons un remerciement spécial pour avoir envoyé au Concile que Nous venons de mentionner de très dignes Observateurs de l’Eglise que Votre Sainteté représente et gouverne et dont le siège, longtemps en Cilicie, est actuellement dans le Liban religieux et hospitalier.

C’est un flot de souvenirs qui remonte à Notre esprit, à la pensée des cordiales relations qu’entretinrent, pendant des siècles, le Royaume Arménien de Cilicie et son Catholicossat avec ce Siège Apostolique.

Pouvons-Nous oublier, par exemple, que des dignitaires de l’Eglise Arménienne étaient présents au Concile de Florence (1439), où Notre prédécesseur Eugène IV eut la joie de proclamer ce célèbre «Décret aux Arméniens» (22 novembre 1439), qui est encore pour nous aujourd’hui un texte porteur de sûre doctrine?

Comment ne pas rappeler aussi la décision prise par un autre de Nos prédécesseurs, Grégoire XIII, par la Bulle «Romana Ecclesia» (13 octobre 1584), de fonder à Rome un Collège arménien: décision que réalisa ensuite le Pape Léon XIII, en érigeant l’actuelle et hospitalière demeure qui Nous est si chère?

Et pourrions-Nous passer sous silence le nom du Serviteur de Dieu Mechitar (le Consolateur), qui est à l’origine, au XVIIIème siècle, des moines de Saint Antoine Abbé, et qui repose à Venise, dans le Monastère qui a pris de lui son nom et qui maintient vivante et florissante la tradition arménienne dans l’Eglise catholique?

Que cette trop brève évocation suffise à témoigner du respect qui anime l’Eglise catholique envers les nobles traditions et les richesses spirituelles et culturelles de l’Eglise arménienne.

Votre Sainteté Nous permettra bien aussi de mentionner cet autre lien vivant avec l’Arménie chrétienne qu’est la personne du patriarche Ignace Pierre Ratanian, qui, dans notre communion catholique, a eu comme prédécesseur Notre fils aimé et vénéré, le Cardinal Pierre Grégoire Agagianian, ici présent, au zèle et à la sagesse duquel tout l’apostolat missionnaire catholique est confié, en sa qualité de Préfet de la Sacrée Congrégation «de Propaganda Fide».

Ces souvenirs sont, pour les uns comme pour les autres, une réalité précieuse. Ils sont riches à la fois de promesses et de leçons. Riches de promesses, d’abord: car il ravivent en nos cœurs le désir et le souhait de voir se rétablir entre nous de manière stable et durable, quand Dieu le voudra, une pleine communion dans la charité vécue et dans la foi professée.

Non seulement la volonté du Christ nous impose de tendre à rétablir cette parfaite communion, mais encore, oserons-Nous dire, la sainte Eucharistie que nous célébrons l’exige de nous. Saint Paul nous l’enseigne: «La coupe que nous bénissons n’est-elle pas communion au sang du Christ? Le pain que nous rompons n’est-il pas communion au Corps du Christ? Puisqu’il n’y a qu’un pain, à nous tous nous ne formons qu’un corps, car tous nous avons part à ce pain unique» (1 Cor. 10, 16-17). Comment alors pourrions-nous ne pas tendre de tous nos efforts à écarter les obstacles et à résoudre les différends qui empêchent encore que notre célébration ne devienne une concélébration?

Ces souvenirs sont aussi une leçon, car ils doivent nous instruire et nous aider à éviter ce qui a fait que les tentatives du passé n’ont pas complètement atteint le but qu’elles s’étaient proposé. Le récent Concile du Vatican a donné à ce sujet une norme précieuse dans son Décret sur l’Œcuménisme: «Pour rétablir ou garder la communion et l’unité, il ne faut rien imposer qui ne soit nécessaire» (Unitatis dintegratio, n. 18). Le nécessaire, c’est une charité sans feinte, c’est l’identité de foi, c’est la soumission à l’ordre essentiel voulu par le Christ pour son Eglise.

L’Esprit qui nous a mis en mouvement les uns vers les autres saura mener à son terme l’œuvre qu’il a commencée, si notre constante prière nous maintient attentifs et dociles à ses inspirations. Telle est Notre attente, telle est Notre espérance, en ce jour où le Seigneur Nous donne de vous recevoir ici pour la première fois. A Lui soient l’honneur et la gloire, dans les siècles des siècles. Amen.

                                   



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