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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX PARTICIPANTS À LA SIXIÈME SESSION PLÉNIÈRE
DU CONSEIL DES LAÏCS

Lundi 9 octobre 1972

 

Monsieur le Cardinal,
Chers amis,

Nous avons déjà eu plusieurs fois l’occasion d’accueillir ce Conseil depuis son institution, le 6 janvier 1967, et sa première réunion en avril de la même année. Nous avons alors exprimé l’espérance que le Saint-Siège mettait dans ce jeune organisme, et précisé abondamment les grandes lignes, encore mouvantes, de son action, de son rôle au sein de la Curie romaine, en soulignant la place essentielle des laïcs, hommes et femmes, dans l’Eglise.

Aujourd’hui, Nous n’aurons donc pas besoin d’y insister à nouveau. Mais c’est une joie particulière que Nous éprouvons à vous recevoir, au cours de cette sixième Session plénière.

D’abord, vous inaugurez une nouvelle période expérimentale de trois ans, et Nous tenons à vous manifester hautement notre satisfaction pour le travail accompli jusqu’ici, de recherche, de coordination, d’initiative, en liaison étroite avec le Saint-Siège. Et Nous avons la confiance, mieux, la conviction, que ce Conseil va s’affirmer de plus en plus comme un instrument irremplaçable et efficient pour la promotion du laïcat dans l’Eglise.

Par ailleurs, le Conseil a été en grande partie renouvelé dans sa composition. Nous sommes heureux de souhaiter la plus cordiale bienvenue aux nouveaux membres et consulteurs, aux côtés des anciens à qui Nous redisons notre estime. C’est un fait qui, espérons- le, n’échappera à personne: le visage de ce Conseil manifeste davantage les différents continents, les différentes cultures, les différents âges et sexes du Peuple de Dieu. Sans doute n’a-t-il pas été possible d’y inclure l’expression de toutes les situations et de toutes les diversités sociales de l’humanité, Nous en avons bien conscience. Mais tel qu’il est, ce Conseil doit s’efforcer de représenter l’universalité du laïcat.

Et Nous, Pasteur de l’Eglise universelle, chargé de confirmer nos Frères dans la foi, d’assurer la communion ecclésiale et d’authentifier la mission des différents membres de l’Eglise, qu’attendons-Nous de vous? Nous vous le disons très franchement et simplement: le témoignage de la foi, le souci de toute la vie de l’Eglise, une collaboration active, une réflexion approfondie.

Vous êtes d’abord des témoins du Christ, et de l’Eglise qui ne saurait en être dissociée, comme son Epouse. Un témoin vous le savez, ce n’est pas un propagandiste, le colporteur d’un message extérieur, c’est un apôtre qui doit lui-même s’efforcer de mener sa propre vie en liaison intime avec le Seigneur, comme s’il voyait l’invisible dans la trame du quotidien; il doit se nourrir de sa Parole, de son Pain de vie, entrer dans son grand dessein de salut qui demeure souvent ignoré de nos compagnons de route - et nous en souffrons - rechercher la volonté actuelle de Dieu, pour écrire, avec l’assistance de l’Esprit Saint, une nouvelle page d’histoire sainte. Cette foi, nous ne l’inventons pas, nous la recevons tous; elle est une, malgré la diversité des cultures: «un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême» (Cfr. Eph. 4, 5). C’est une Bonne Nouvelle que l’Eglise doit proposer à toutes les nations. Et si, de fait, elle a déjà retenti aujourd’hui dans tous les pays - comment ne pas saluer en passant le zèle des pionniers missionnaires! - il reste maintenant aux laïcs de tous les continents, avec l’aide de leurs évêques, de leurs prêtres, des religieux et religieuses, à en faire pénétrer le levain dans toutes les réalités temporelles, dans tous les milieux sociaux, dans le réseau, chaque jour plus complexe, des relations internationales. Voilà la foi qui doit vous animer vous-mêmes, voilà la mission que vous partagez à une place privilégiée.

L’action de l’Esprit Saint, ou son appel, se manifeste déjà dans les secteurs les plus variés de la vie de l’Eglise, et même chez les hommes qui paraissent en dehors d’elle. Vous devez donc également être ici les témoins objectifs de ces manifestations de foi ou de ces aspirations. Les populations autochtones doivent trouver en ce Conseil le lieu où s’expriment ces diversités légitimes et bénéfiques; et donc trouver en lui une constante et bienveillante attention aux événements et problèmes de leur vie. Sans doute l’appartenance à un mouvement d’apostolat apporte à cet égard ouverture et soutien. Mais, pour chacun de vos pays ou continents, vous n’êtes pas pour autant les représentants d’un seul mouvement ou d’une seule option. Aucune forme de vie ou d’action religieuse et apostolique ne doit vous laisser indifférents. Vous êtes ici, pourrait-on dire, le miroir des joies et des souffrances, des efforts, des échecs et des espérances de tous vos frères (Cfr. Gaudium et Spes, 1).

Cette écoute ne suffit pas: vous ne sauriez rester des témoins passifs. Il revient à chacun de vous de porter, dans vos divers pays et continents, la préoccupation de la mission confiée au Conseil des Laïcs. Sans prétendre bien sûr donner les directives qui relèvent de l’épiscopat, ni supplanter les initiatives locales des laïcs, vous pouvez être, dans un dialogue amical avec eux, l’intermédiaire toujours disponible pour connaître et faire connaître les besoins, les difficultés, les efforts au regard desquels le Conseil des Laïcs pourrait offrir ses services. De cette manière, ce Conseil contribuera effectivement à ce que les expressions culturelles de chaque milieu, de chaque peuple, de chaque région, leurs traditions, leurs charismes et leur génie inventif, éclairés par la lumière de l’Evangile, soient assumés vraiment dans l’unité catholique de l’Eglise (Cfr. Ad gentes divinitus, 22). Le temps est venu, dans le sillage du Concile Vatican II, de hâter cette manifestation de la vitalité multiforme de l’unique Corps du Christ. C’est le mystère de la Pentecôte, avec le rayonnement de sa diversité et la cohésion de son unité, qu’il s’agit de vivre, dans l’espérance que donne l’Esprit Saint.

Mais votre rôle, pensons-Nous, ne s’arrête pas à ce labeur apostolique vécu dans l’immédiat. Devant la gigantesque mutation que nous pressentons ou constatons déjà, de graves problèmes d’ensemble se posent sous un jour nouveau. Le Conseil des Laïcs a plus que d’autres la mission d’y réfléchir en commun. Il a déjà mis à son programme certaines questions majeures que soulèvent, au plan international, des événements significatifs. Citons, à titre d’exemple: les remises en question des jeunes, l’évolution de la cellule familiale, le respect de la vie, la participation de la femme dans la société et dans l’Eglise, l’influence grandissante et le conditionnement des mass media qui touchent la vie religieuse elle-même, dans la présentation de l’information . . . Nous n’oublions pas l’aménagement des structures sociales, économiques et politiques dont se préoccupe plus spécialement notre Commission «Justice et Paix», et qui suppose précisément une évangélisation des personnes et des mentalités collectives.

Il s’agit, fondamentalement, de préparer un humanisme ouvert sur l’absolu; tout en maintenant une autonomie légitime du temporel, on ne saurait, d’un cœur léger, négliger les moyens de référence directe au Dieu personnel dans un monde sécularisé. Ce doit être pour vous une grave préoccupation. Car la marche de l’humanité, dont vous voulez et devez être partie prenante, demeure pour nous croyants une histoire du Salut, dont l’accomplissement dépasse les perspectives de la cité terrestre. Et parfois, Nous nous posons cette question: les admirables Constitutions conciliaires Lumen gentium et Gaudium et spes, l’une et l’autre s’éclairant mutuellement, ont-elles été suffisamment lues, méditées, approfondies par les chrétiens dans toutes leurs dimensions, non seulement morales, mais théologales, disons même eschatologiques? C’est là sans doute aujourd’hui une tâche primordiale des théologiens professionnels, fidèles à la foi de l’Eglise: ils ont un éclairage particulier à vous apporter en rapport avec la Révélation transcendante de Dieu et toute la Tradition de l’Eglise; mais vous avez une place irremplaçable à leurs côtés, avec tout le laïcat chrétien, pour que la lumière évangélique saisisse vraiment le contexte temporel dans lequel vous êtes plongés par vocation. Ainsi vous contribuerez à préparer un monde qui soit inséparablement celui de frères et de fils de Dieu.

Est-ce trop dire qu’ici, à Rome où Nous vous avons appelés, le Conseil des Laïcs pourra susciter toujours davantage, au sein de la Curie corne au dehors, l’attention et la considération pour le rôle des laïcs dans l’unique service de l’Eglise? Votre loyal attachement au Siège de Pierre est un gage, n’en doutez pas, de l’authenticité et de la fécondité de cet apostolat. Soyez assurés, en retour, de l’affection et de l’espérance avec lesquelles Nous vous bénissons, vous et tous ceux que vous représentez en ce Conseil des Laïcs.

                                 



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