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RENCONTRE AVEC LES PRÊTRES DU DIOCÈSE DE ROME

DISCOURS DU PAPE BENOÎT XVI

Salle des Bénédictions
Jeudi 22 février 2007

 

 

La première question a été posée par Mgr Pasquale Silla, Curé et Recteur du Sanctuaire du Divin Amour à Castel di Leva, qui a évoqué la visite de  Benoît  XVI  le 1 mai 2006 et la consigne qu'il avait laissée à la communauté paroissiale:  élever dans le Sanctuaire et depuis le Sanctuaire une fervente prière pour l'Evêque de Rome, pour ses collaborateurs, pour tout le clergé et les fidèles du diocèse. En réponse à cette requête, la communauté du Divin Amour s'est engagée à encourager le plus possible la prière sous toutes ses formes - en particulier la prière liturgique - afin qu'elle soit assidue et partagée:  l'un des fruits de cet engagement est l'adoration eucharistique perpétuelle, qui débutera à partir du 25 mars prochain dans le Sanctuaire. En ce qui concerne la charité également, le sanctuaire s'engage à élargir ses horizons, notamment dans le domaine de l'accueil des mineurs, des familles, des personnes âgées. Dans cette perspective, Mgr Silla a demandé à Benoît XVI des indications concrètes pour pouvoir accomplir de manière toujours plus efficace la mission du sanctuaire marial dans le diocèse.

Je voudrais tout d'abord dire que je suis très heureux de me sentir ici réellement l'Evêque d'un grand diocèse. Le Cardinal-Vicaire a dit que vous attendez une lumière et un réconfort. Et je dois dire que voir de si nombreux prêtres de toutes les générations est pour moi une lumière et un réconfort. Dès la première question, j'ai moi-même surtout appris quelque chose:  et cela me semble également un élément essentiel de notre rencontre. Ici, je peux entendre la voix vivante et concrète des prêtres, leurs expériences pastorales, et ainsi, je peux surtout connaître moi aussi votre situation concrète, les questions que vous vous posez, les expériences que vous faites, les difficultés. Ainsi, je peux les vivre non seulement de manière abstraite, mais dans le cadre d'un entretien concret avec la vie réelle des paroisses.

J'en viens à cette première question. Il me semble que vous avez donné pour l'essentiel la réponse au sujet de ce que peut faire ce Sanctuaire... Je sais qu'il s'agit du sanctuaire marial le plus aimé des Romains. Moi-même, en me rendant plusieurs fois dans cet antique sanctuaire, j'ai fait l'expérience de cette piété séculaire. L'on ressent la présence de la prière de générations entières, l'on touche du doigt, en quelque sorte, la présence maternelle de la Vierge. On peut réellement vivre une rencontre avec la dévotion mariale le long des siècles, avec les désirs, les besoins, les souffrances, et aussi les joies des générations dans la rencontre avec Marie. Ainsi, ce sanctuaire, où les personnes se rendent avec leurs espérances, leurs questions, leurs requêtes, leurs souffrances, est une réalité essentielle pour le diocèse de Rome. Nous voyons toujours davantage que les sanctuaires sont une source de vie et de foi dans l'Eglise universelle, de même que dans l'Eglise de Rome. Dans mon pays, j'ai fait l'expérience des pèlerinages à pied à notre sanctuaire national d'Altötting. Il s'agit d'une grande mission populaire. Ce sont surtout les jeunes qui s'y rendent et, en faisant un pèlerinage à pied de trois jours, ils vivent dans l'atmosphère de la prière, de l'examen de conscience, ils redécouvrent en quelque sorte leur conscience chrétienne de foi. Ces trois jours de pèlerinage à pied sont des jours de confession, de prière, ils sont un véritable chemin vers la Vierge, vers la famille de Dieu, puis vers l'Eucharistie. Ils marchent, ils vont vers la Vierge et ils vont, avec la Vierge, à la rencontre du Seigneur, à la rencontre eucharistique, en se préparant à travers la confession au renouveau intérieur. Ils vivent de nouveau la réalité eucharistique du Seigneur qui se donne lui-même, comme la Vierge a donné sa propre chair au Seigneur, en ouvrant ainsi la porte à l'Incarnation. La Vierge a donné sa chair pour l'Incarnation et elle a ainsi rendu possible l'Eucharistie, dans laquelle nous recevons la Chair qui est le Pain pour le monde. En allant à cette rencontre aux côtés de la Vierge, les jeunes eux-mêmes apprennent à offrir leur propre chair,  la vie de chaque jour pour qu'elle soit remise au Seigneur. Et ils apprennent à croire,  à  dire, peu à peu, "Oui" au Seigneur.

C'est pourquoi je dirais, pour en revenir à la question, que le Sanctuaire en tant que tel, en tant que lieu de prière, de confession, de célébration de l'Eucharistie, est un grand service dans l'Eglise d'aujourd'hui, pour le diocèse de Rome. Et donc, je pense que le service essentiel, dont vous avez d'ailleurs parlé de façon concrète, est justement celui de s'offrir comme un lieu de prière, de vie sacramentelle et de vie de charité réalisée. Si j'ai bien compris, vous avez parlé de quatre dimensions de la prière. La première est la dimension personnelle. Et ici, Marie nous montre la voie. Saint Luc nous dit deux fois que la Vierge "conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur" (2, 19; cf. 2, 51). Elle était une personne en dialogue avec Dieu, avec la Parole de Dieu, ainsi qu'avec les événements à travers lesquels Dieu parlait avec elle. Le "Magnificat" est un "tissu" fait de paroles de la Sainte Ecriture et il nous montre combien Marie a vécu dans un dialogue permanent avec la Parole de Dieu, et ainsi, avec Dieu lui-même. Naturellement, ensuite, dans la vie avec le Seigneur, elle a toujours été en dialogue avec le Christ, avec le Fils de Dieu et avec le Dieu trinitaire. Ainsi, nous apprenons de Marie à parler personnellement avec le Seigneur, en traduisant et en conservant dans notre vie et dans notre cœur les paroles de Dieu, afin qu'elles deviennent un aliment véritable pour chacun. Ainsi, Marie nous guide dans une école de prière, dans un contact personnel et profond avec Dieu.

La deuxième dimension dont vous avez parlé est la prière liturgique. Dans la Liturgie, le Seigneur nous enseigne à prier, d'abord en nous donnant sa Parole, puis en nous introduisant dans la Prière eucharistique à la communion avec son mystère de vie, de Croix et de Résurrection. Saint Paul a dit une fois que "nous ne savons que demander pour prier comme il faut" (Rm 8, 26):  nous ne savons pas comment prier, ni que dire à Dieu. C'est pourquoi Dieu nous a donné les paroles de la prière, que ce soit dans le Psautier, dans les grandes prières de la sainte Liturgie, ou dans la Liturgie eucharistique elle-même. Ici, il nous enseigne à prier. Nous entrons dans la prière qui s'est formée au cours des siècles sous l'inspiration de l'Esprit Saint et nous nous unissons au  dialogue  du  Christ avec le Père. Ainsi la Liturgie est surtout prière:  d'abord écoute, puis réponse, que ce soit dans le Psaume responsorial, dans la prière de l'Eglise ou dans la grande prière eucharistique. Nous la célébrons correctement si nous la célébrons dans une attitude d'"oraison", en nous unissant au mystère du Christ et à son dialogue de Fils avec le Père. Si nous célébrons l'Eucharistie de cette manière, d'abord comme écoute, puis comme réponse, et donc comme prière avec les paroles indiquées par l'Esprit Saint, nous la célébrons bien. Et les personnes sont attirées à travers notre prière commune dans le sein des enfants de Dieu.

La troisième dimension est celle de la piété populaire. Un important document de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements parle de cette piété populaire et nous indique comment la "guider". La piété populaire est l'une de nos forces, parce que ce sont des prières profondément enracinées dans le cœur des personnes. Même certaines personnes un peu éloignées de la vie de l'Eglise et qui n'ont pas une grande compréhension de la foi sont touchées au cœur par cette prière. L'on doit seulement "éclairer" ces gestes, "purifier" cette tradition afin qu'elle devienne la vie actuelle de l'Eglise.

Puis, l'adoration eucharistique. Je suis très reconnaissant parce que l'adoration eucharistique se renouvelle toujours davantage. Au cours du Synode sur l'Eucharistie, les Evêques ont beaucoup parlé de leurs expériences, de la façon dont une nouvelle vie renaît dans les communautés grâce à cette adoration, également nocturne, et de la façon dont naissent également ainsi de nouvelles vocations. Je peux dire que je signerai prochainement l'Exhortation post-synodale sur l'Eucharistie, qui sera ensuite à la disposition de l'Eglise. Il s'agit d'un Document qui s'offre véritablement à la méditation. Il apportera une aide à la fois dans la célébration liturgique, dans la réflexion personnelle, dans la préparation des homélies, et dans la célébration de l'Eucharistie. Il servira également à guider, éclairer et revitaliser la piété populaire.

Enfin, vous nous avez parlé du Sanctuaire comme d'un lieu de la caritas. Cela me semble très logique et nécessaire. J'ai relu il y a peu de temps ce que saint Augustin dit dans le Livre X des Confessions:  j'ai été tenté et à présent je comprends qu'il s'agissait d'une tentation de m'enfermer dans la vie contemplative, de rechercher la solitude avec Toi, Seigneur; mais tu m'en as empêché, tu m'as entraîné dehors et tu m'as fait entendre la parole de saint Paul:  "Le Christ est mort pour tous. Ainsi, nous devons mourir avec le Christ et vivre pour tous"; j'ai compris que je ne peux pas m'enfermer dans la contemplation; Tu es mort pour tous, par conséquent je dois, avec Toi, vivre pour tous et vivre ainsi les œuvres de la charité. La vraie contemplation se démontre dans les œuvres de la charité. Par conséquent, le signe que nous avons vraiment prié, que nous avons rencontré le Christ, est que nous sommes "pour les autres". C'est ainsi que doit être un prêtre. Et saint Augustin était un grand prêtre. Il dit:  dans ma vie, j'ai toujours voulu vivre à l'écoute de la Parole, dans la méditation, mais à présent je dois - jour après jour, heure après heure - demeurer près de la porte, où sonne toujours la cloche, où je dois consoler les affligés, aider les pauvres, réprimander les personnes agressives, créer la paix, et ainsi de suite. Saint Augustin énumère le travail d'un prêtre, parce qu'à cette époque, l'Evêque était également ce qu'est aujourd'hui le Kadi dans les pays musulmans. En ce qui concerne les questions de droit civil, disons qu'il était juge de paix:  il a dû favoriser la paix entre les personnes en litige. Il a donc vécu une existence qui pour lui, un homme contemplatif, a été très difficile. Mais il a compris cette vérité:  ainsi, je suis avec le Christ; en étant "pour les autres", je suis dans le Seigneur crucifié et ressuscité.

Cela me semble d'un grand réconfort pour les prêtres et pour les Evêques. S'il reste peu de temps pour la contemplation, en étant "pour les autres", nous sommes avec le Seigneur. Vous avez parlé des autres éléments concrets de la charité, qui sont très importants. Ils sont aussi un signe pour notre société, en particulier pour les enfants, pour les personnes âgées, pour les personnes qui souffrent. Je pense donc qu'à travers ces quatre dimensions de la vie, vous nous avez donné la réponse à la question:  que devons-nous faire dans notre Sanctuaire?

Est ensuite intervenu dom Maurizio Secondo Mirilli, Vicaire paroissial de "Santa Bernadette Soubirous" et rattaché au service pour la Pastorale des Jeunes du Diocèse, qui a souligné la tâche difficile des prêtres dans la mission de former à la foi les nouvelles générations. Dom Maurizio a demandé au Pape une parole d'orientation et de conduite sur la manière de transmettre aux jeunes la joie de la foi chrétienne, en particulier face aux défis culturels d'aujourd'hui, et il l'a prié d'indiquer les thématiques sur lesquelles investir le plus d'énergies pour aider les jeunes garçons et filles à rencontrer concrètement le Christ.

Merci pour le travail que vous accomplissez pour les adolescents. Nous savons que la jeunesse doit être réellement une priorité de notre travail pastoral, parce qu'elle vit dans un monde éloigné de Dieu. Et il est très difficile de trouver dans notre contexte culturel la rencontre avec le Christ, la vie chrétienne, la vie de la foi. Les jeunes ont besoin d'un profond accompagnement pour pouvoir réellement trouver ce chemin. Je dirais - même si malheureusement, je vis assez loin d'eux et donc que je ne peux pas donner d'indications très concrètes - que le premier élément me semble justement et surtout l'accompagnement. Ils doivent voir que l'on peut vivre la foi dans ce temps, qu'il ne s'agit pas d'une chose du passé, mais qu'il est possible de vivre aujourd'hui  en  chrétiens  et de trouver ainsi réellement le bien.

Je me souviens d'un élément autobiographique dans les écrits de saint Cyprien. J'ai vécu dans ce monde qui est le nôtre - écrit-il - totalement éloigné de Dieu, parce que les divinités étaient mortes et Dieu n'était pas visible. Et en voyant les chrétiens, j'ai pensé:  c'est une vie impossible, il ne peut en être ainsi dans notre monde! Mais par la suite, en rencontrant plusieurs d'entre eux, en entrant dans leur compagnie, en me laissant guider dans le catéchuménat, sur ce chemin de conversion vers Dieu, peu à peu, j'ai compris:  cela est possible! Et à présent, je suis heureux d'avoir trouvé la vie. J'ai compris que l'autre vie n'était pas la vie, et en vérité - confesse-t-il - je savais déjà auparavant que cela n'était pas la vraie vie.

Il me semble très important que les jeunes trouvent des personnes - aussi bien de leur âge que plus mûres - chez qui ils puissent voir que la vie chrétienne aujourd'hui est possible et qu'elle est également raisonnable et réalisable. Sur ces deux derniers éléments, il me semble que l'on nourrit de nombreux doutes:  sur son caractère réalisable, parce que les autres voies sont très éloignées du mode de vie chrétien, et sur son caractère raisonnable, parce qu'à première vue, il semble que la science nous dise des choses tout à fait différentes et donc que l'on ne puisse pas engager un parcours raisonnable vers la foi, afin de montrer que celle-ci est en harmonie avec notre époque et avec la raison.

Le premier point est donc l'expérience, qui ouvre ensuite également la porte à la connaissance. En ce sens, le "catéchuménat" vécu d'une façon nouvelle - c'est-à-dire comme un chemin commun de vie, comme une expérience commune du fait qu'il est possible de vivre ainsi - est d'une grande importance. C'est uniquement en faisant une certaine expérience que l'on peut ensuite  comprendre.  Je me souviens d'un conseil que Pascal donnait à un ami non-croyant. Il lui disait:  essaie donc de faire les choses que fait un croyant, et ensuite, grâce à cette expérience, tu constateras que tout cela est logique et vrai.

Je dirais qu'un aspect important nous est montré précisément en ce moment par le Carême. Nous ne pouvons pas penser vivre immédiatement une vie chrétienne à cent pour cent, sans doute et sans péchés. Nous devons reconnaître que nous sommes en chemin, que nous devons et que nous pouvons apprendre, que nous devons nous convertir peu à peu. Bien sûr, la conversion fondamentale est un acte qui est pour toujours. Mais parvenir à la conversion est un acte de vie, qui se réalise dans la patience d'une vie. C'est un acte dans lequel nous ne devons pas perdre la confiance et le courage du chemin. C'est précisément cela que nous devons reconnaître:  nous ne pouvons pas faire de nous-mêmes des chrétiens parfaits d'un jour à l'autre. Toutefois, il vaut la peine d'aller de l'avant, de conserver la foi dans l'option fondamentale, pour ainsi dire, et de poursuivre avec persévérance sur un chemin de conversion qui devient parfois difficile. Il peut arriver, en effet, que je me sente découragé, au point de tout vouloir abandonner et de tomber dans un état de crise. Il ne faut pas immédiatement céder, mais avec courage, il faut recommencer. Le Seigneur me guide, le Seigneur est généreux et avec son pardon je vais de l'avant, en devenant, moi  aussi, généreux avec les autres. Ainsi, nous apprenons réellement l'amour pour le prochain et la vie chrétienne, qui implique cette persévérance d'aller de l'avant.

Quant aux grands thèmes, je dirais qu'il est important de connaître Dieu. Le thème de "Dieu" est essentiel. Dans l'Epître aux Ephésiens, saint Paul dit:  "Rappelez-vous qu'en ce temps-là vous étiez sans Christ... n'ayant ni espérance ni Dieu en ce monde. Or, voici à présent que dans le Christ Jésus, vous qui jadis étiez loin, vous êtes devenus proches" (Ep 2, 12-13). Ainsi, la vie a un sens qui me guide également dans les difficultés. Il faut donc revenir à Dieu Créateur, au Dieu qui est la raison créatrice, et puis trouver le Christ, qui est le Visage vivant de Dieu. Disons qu'il y a ici une réciprocité. D'une part, la rencontre avec Jésus, avec cette figure humaine, historique, réelle, m'aide à connaître peu à peu Dieu; et d'autre part, connaître Dieu m'aide à comprendre la grandeur du mystère du Christ, qui est le Visage de Dieu. C'est uniquement si nous réussissons à comprendre que Jésus n'est pas un grand prophète, l'une des personnalités religieuses du monde, mais le Visage de Dieu, qu'il est Dieu, qu'alors nous avons découvert la grandeur du Christ et nous avons trouvé qui est Dieu. Dieu n'est pas seulement une ombre lointaine, la "Cause première", mais il a un Visage:  c'est le Visage de la miséricorde, le Visage du pardon et de l'amour, le Visage de la rencontre avec nous. Ces deux thèmes s'interpénètrent donc réciproquement et ils doivent toujours aller ensemble.

Puis, naturellement, nous devons comprendre que l'Eglise est la grande compagne sur le chemin que nous entreprenons. En elle, la Parole de Dieu demeure vivante et le Christ n'est pas seulement une figure du passé, mais il est présent. Ainsi, nous devons redécouvrir la vie sacramentelle, le pardon sacramentel, l'Eucharistie, le Baptême comme nouvelle naissance. Saint Ambroise, lors de la Nuit pascale, lors de la dernière catéchèse mystagogique, a dit:  Jusqu'à présent, nous avons parlé des choses morales, maintenant, c'est le moment de parler du Mystère. Il avait offert un guide à l'expérience morale, naturellement à la lumière de Dieu, qui s'ouvre ensuite au Mystère. Je pense qu'aujourd'hui, ces deux choses doivent aller de pair:  un chemin avec Jésus qui découvre toujours davantage la profondeur de son Mystère. Ainsi, l'on apprend à vivre de manière chrétienne, on apprend la grandeur du pardon et la grandeur du Seigneur qui se donne à nous dans l'Eucharistie.

Sur ce chemin, naturellement, les saints nous accompagnent. Ceux-ci, même avec de très nombreux problèmes, ont vécu et ont été les "interprétations" vraies et vivantes de l'Ecriture Sainte. Chacun a son saint, dont il peut apprendre ce que signifie vivre en chrétien. Ce sont notamment les saints de notre temps. Et puis naturellement, il y a toujours Marie, qui demeure la Mère de la Parole. Redécouvrir Marie nous aide à aller de l'avant en chrétiens et à connaître son Fils.

Le Père Franco Incampo, Recteur de l'Eglise "Santa Lucia del Gonfalone", a présenté l'expérience de la lecture intégrale de la Bible que sa Communauté effectue avec l'Eglise vaudoise. "Nous nous sommes mis à l'écoute de la Parole - a-t-il dit -. Il s'agit d'un vaste projet. Quelle est la valeur de  la  Parole  dans  la Communauté ecclésiale? Pourquoi connaissons-nous aussi peu la Bible? Comment promouvoir la connaissance de la Bible, afin que la Parole forme la communauté également pour suivre un chemin œcuménique?".

Vous avez certainement une expérience plus concrète dans la manière de procéder pour cela. Je peux tout d'abord dire que le prochain Synode sur la Parole de Dieu aura bientôt lieu. J'ai déjà pu voir les "Lineamenta" élaborés  par  le  Conseil du Synode et je pense que les différentes dimensions de la présence de la Parole dans l'Eglise apparaîtront clairement.

Naturellement, la Bible, dans son intégralité, est quelque chose d'immense et qu'il faut découvrir peu à peu. Car si nous prenons seulement chaque partie séparément, il peut souvent être difficile de comprendre qu'il s'agit de la Parole de Dieu:  je pense à certaines parties des Livres des Rois rapportant les récits historiques et l'extermination des peuples  existant en Terre Sainte. Beaucoup d'autres choses sont difficiles. Le Qohélet (l'Ecclésiaste) peut lui aussi être isolé et apparaître très difficile:  il semble précisément théoriser le désespoir, car rien ne demeure et, à la fin, le sage meurt lui aussi avec les sots. Nous venons d'en avoir la lecture dans le Bréviaire.

Un premier point me semble précisément celui de lire l'Ecriture Sainte dans son unité et son intégralité. Chacune des parties appartient à un chemin et ce n'est qu'en les voyant dans leur intégralité, comme un chemin unique, où une partie explique l'autre, que nous pouvons le comprendre. Continuons par exemple à étudier le Qohélet. Il y avait auparavant la Parole de la sagesse, selon laquelle celui qui est bon vit également bien. C'est-à-dire que Dieu récompense celui qui est bon. Et puis Job arrive et l'on voit qu'il n'en est rien, et que c'est précisément celui qui est bon qui souffre le plus. Il semble véritablement oublié de Dieu. Puis viennent les Psaumes de cette époque, où il est dit:  Dieu, mais que fais-tu? Les athées, les superbes vivent bien, sont florissants, se nourrissent bien et rient de nous et disent:  mais où est Dieu? Il ne s'intéresse pas à nous et nous avons été vendus comme des brebis destinées à l'abattoir. Que fais-tu de nous, pourquoi en est-il ainsi? Le moment arrive où le Qohélet dit:  mais, à la fin, toute cette sagesse, où demeure-t-elle? Il s'agit d'un Livre presque existentialiste, dans lequel on affirme que tout est vain. Ce premier chemin ne perd pas de sa valeur, mais il s'ouvre à la nouvelle perspective qui, à la fin, conduit à la croix du Christ, "le Saint de Dieu", comme le dit saint Pierre au sixième chapitre de l'Evangile de Jean. Il finit avec la Croix. C'est précisément ainsi qu'est démontrée la sagesse de Dieu, que nous décrira ensuite saint Paul.

Et ce n'est donc que si nous envisageons le tout comme un unique chemin, pas à pas, et que si nous apprenons à lire l'Ecriture dans son unité, que nous  pouvons  également  réellement accéder à la beauté et à la richesse de l'Ecriture Sainte. Donc tout lire, mais en gardant toujours présente à l'esprit la totalité de l'Ecriture Sainte, où une partie explique l'autre, un pas du chemin explique l'autre. Sur ce point, l'exégèse moderne peut également apporter beaucoup. Prenons, par exemple, le Livre d'Isaïe, lorsque les exégètes découvrirent qu'à partir du chapitre 40, l'auteur est un autre - le "Deutéro-Isaïe", comme on l'a appelé à l'époque. Il y eut pour la théologie catholique un moment  de grande terreur. Certains pensèrent que l'on détruisait ainsi Isaïe et qu'à la fin, dans le chapitre 53, la vision du serviteur de Dieu n'était plus celle de l'Isaïe qui avait vécu il y a presque 800 ans avant le Christ. Que devons-nous faire, se demanda-t-on? Nous avons à présent compris que tout le Livre est un chemin de relectures toujours nouvelles, où l'on entre toujours davantage dans le mystère proposé au début et où l'on ouvre toujours plus ce qui était initialement présent, mais encore fermé. Nous pouvons précisément comprendre dans un Livre tout le chemin de l'Ecriture Sainte, qui est une relecture permanente, une meilleure compréhension de ce qui a été dit auparavant. Pas à pas, la lumière s'allume et le chrétien peut comprendre ce que le Seigneur a dit aux disciples d'Emmaüs, en leur expliquant que tous les prophètes avaient parlé de Lui. Le Seigneur nous ouvre la dernière relecture, le Christ est la clef de tout et ce n'est qu'en s'unissant sur le chemin aux disciples d'Emmaüs, ce n'est qu'en marchant avec le Christ, en relisant tout dans sa lumière, avec Lui qui est crucifié et ressuscité, que nous entrons dans la richesse et dans la beauté de l'Ecriture Sainte.

C'est pourquoi je dirais que l'important est de ne pas diviser l'Ecriture Sainte. C'est précisément la critique moderne, comme nous le voyons à présent, qui nous a fait comprendre qu'il s'agit d'un chemin permanent. Et nous pouvons aussi voir qu'il s'agit d'un chemin qui possède une direction et que le Christ est réellement le point d'arrivée. En commençant par le Christ, nous pouvons reprendre tout le chemin et entrer dans la profondeur de la Parole.

Je dirais, pour résumer, que la lecture de l'Ecriture Sainte doit toujours être une lecture à la lumière du Christ. Ce n'est qu'ainsi que nous pouvons lire et comprendre, également dans notre contexte actuel, l'Ecriture Sainte et recevoir réellement une lumière de l'Ecriture Sainte. Nous devons comprendre cela:  l'Ecriture Sainte est un chemin qui possède une direction. Celui qui connaît le point d'arrivée peut également, encore à nouveau, accomplir tous les pas et apprendre ainsi de manière plus profonde le mystère du Christ. En comprenant cela, nous avons également compris l'aspect ecclésial de l'Ecriture Sainte, car ces chemins, ces pas du chemin, sont les pas d'un peuple. C'est le peuple de Dieu qui va de l'avant. Le véritable propriétaire de la Parole est toujours le Peuple de Dieu, guidé par l'Esprit Saint, et l'inspiration est un processus complexe:  l'Esprit Saint guide, le peuple reçoit.

C'est donc le chemin d'un peuple, du peuple de Dieu. L'Ecriture Sainte doit toujours être lue avec attention. Mais cela ne peut avoir lieu que si nous marchons au sein de ce sujet qui est le peuple de Dieu qui vit, qui est renouvelé, qui est fondé à nouveau par le Christ, mais qui conserve toujours son identité.

Je  dirais  donc qu'il existe trois dimensions  qui  sont  en relation entre elles.  La dimension historique, la dimension christologique et la dimension ecclésiologique - du peuple en marche - s'interpénètrent. Une lecture complète est celle dans laquelle les trois dimensions sont présentes. C'est pourquoi la liturgie - la lecture commune, en prière, du peuple de Dieu - reste le lieu privilégié pour la compréhension de la Parole, également car c'est précisément là que la lecture devient prière et s'unit avec la prière du Christ dans la prière eucharistique.

Je voudrais encore ajouter un élément qu'ont souligné tous les Pères de l'Eglise. Je pense surtout à un très beau texte de saint Ephrém et à un autre de saint Augustin dans lequel on dit:  si tu as peu compris, accepte-le, et ne pense pas avoir tout compris. La Parole reste toujours plus grande que ce que tu as pu comprendre. Et cela doit à présent être dit de manière critique à l'égard d'une certaine partie de l'exégèse moderne, qui pense avoir tout compris et, après l'interprétation qu'elle a élaborée, qu'on ne peut désormais rien ajouter de plus. Cela n'est pas vrai. La Parole est toujours plus grande que l'exégèse des Pères et que l'exégèse critique, car celle-ci aussi ne comprend qu'une partie, je dirais même une partie minime. La Parole est toujours plus grande, cela est d'un grand réconfort pour nous. D'une part, il est bon de savoir que l'on n'a compris qu'une petite partie. Il est bon de savoir qu'il y a encore un trésor intarissable et que chaque génération nouvelle redécouvrira de nouveaux trésors et ira de l'avant avec la grandeur de la Parole de Dieu, qui est toujours devant nous, qui nous guide et qui est toujours plus grande. C'est en étant conscient de cela que l'on doit lire l'Ecriture.

Saint Augustin a dit:  le lièvre et l'âne boivent à la fontaine. L'âne boit davantage, mais chacun boit selon ses capacités. Que nous soyons des lièvres ou des ânes, nous sommes reconnaissants que le Seigneur nous fasse boire de son eau.

Le thème des Mouvements ecclésiaux et des Communautés nouvelles, comme don providentiel pour notre époque, a été proposé par le Père Gerardo Raul Carcar, de la Communauté des Pères de Schönstatt, d'Argentine, arrivé à Rome il y a six mois, et aujourd'hui Vicaire coopérateur de la paroisse "San Girolamo a Corviale". Il s'agit de réalités qui possèdent un élan créatif, qui vivent la foi et qui cherchent de nouvelles formes de vie pour trouver leur juste place missionnaire au sein de l'Eglise. Le religieux a demandé au Pape un conseil sur la manière de s'insérer pour développer réellement un ministère d'unité dans l'Eglise universelle.

Je vois donc que je dois être plus bref. Merci pour cette question. Il me semble que vous avez cité les sources essentielles de ce que je peux dire sur les Mouvements. Dans ce sens, votre question est également une réponse.

Je voudrais immédiatement préciser que ces mois-ci, je reçois les Evêques italiens en visite "ad limina" et que je peux ainsi un peu mieux apprendre la géographie de la foi en Italie. Je vois beaucoup de belles choses, en même temps que les problèmes que nous connaissons tous. Je vois surtout que la foi est encore profondément enracinée dans le cœur italien, même si, naturellement, elle est menacée de nombreuses façons par les situations actuelles. Les Mouvements acceptent également bien ma fonction paternelle de Pasteur. D'autres sont plus critiques et disent que les Mouvements ne s'insèrent pas. Je pense que les situations sont réellement différentes, tout dépend des personnes en question.

Il me semble que nous possédons deux règles fondamentales, dont vous avez parlé. La première règle nous a été donnée par saint Paul dans la Première Lettre aux Thessaloniciens:  ne pas étouffer les charismes. Si le Seigneur nous donne de nouveaux dons, nous devons être reconnaissants, même s'ils sont parfois dérangeants. Et c'est une belle chose que, sans initiative de la hiérarchie, à partir d'une initiative d'en bas, comme on dit, mais une initiative qui est aussi réellement d'en-Haut, c'est-à-dire comme un don de l'Esprit Saint, naissent de nouvelles formes de vie dans l'Eglise, qui du reste sont nées tout au long des siècles.

Au début, elles étaient toujours dérangeantes:  même saint François était très dérangeant et pour le Pape, il était très difficile de donner une forme canonique à une réalité qui était beaucoup plus grande que les règlements juridiques. Pour saint François c'était un très grand sacrifice de se laisser encadrer dans cette structure juridique, mais à la fin est ainsi née une réalité qui vit encore aujourd'hui et qui continuera d'exister:  celle-ci donne de la force et de  nouveaux éléments à la vie de l'Eglise.

Je dirais seulement ceci:  à chaque siècle, des Mouvements sont nés. Même saint Benoît, au début, était un Mouvement. Ils s'insèrent dans la vie de l'Eglise non sans souffrances, non sans difficultés. Saint Benoît lui-même a dû corriger la direction initiale du monachisme. Et à notre époque aussi, le Seigneur, l'Esprit Saint, nous a donné de nouvelles initiatives avec de nouveaux aspects de la vie chrétienne:  étant vécues par des personnes humaines, avec leurs limites, celles-ci créent également des difficultés.

La première règle est donc de ne pas étouffer les charismes, d'être reconnaissants même s'ils sont dérangeants. La deuxième règle est la suivante:  l'Eglise est une. Si les Mouvements sont réellement des dons de l'Esprit Saint, ils s'insèrent et servent l'Eglise et, dans le dialogue patient entre pasteurs et Mouvements, naît une forme féconde où ces éléments deviennent des éléments édifiants pour l'Eglise d'aujourd'hui et de demain.

Ce dialogue se déroule à tous les niveaux. A partir du curé, de l'Evêque et du Successeur de Pierre est en cours la recherche de structures opportunes:  dans de nombreux cas, la recherche a déjà porté ses fruits. Dans d'autres, on est encore en phase d'étude. On se demande, par exemple, si après cinq ans d'expérience, on doit confirmer de façon définitive les Statuts du Chemin néocatéchuménal, s'il y a encore besoin d'un temps d'expérimentation, ou si l'on doit peut-être un peu retoucher certains éléments de cette structure.

Quoi qu'il en soit, j'ai connu les Néocatéchumènes dès le début. Le chemin a été long, pavé de nombreuses difficultés qui subsistent aujourd'hui encore, mais nous avons trouvé une forme ecclésiale qui a déjà beaucoup amélioré la relation entre le Pasteur et le Chemin. Allons de l'avant de cette façon! Cela vaut également pour les autres Mouvements.

A présent, comme synthèse des deux règles fondamentales, je dirais:  gratitude, patience et également acceptation des souffrances qui sont inévitables. Même dans un mariage, il y a toujours des souffrances et des tensions. On va cependant de l'avant et c'est ainsi que mûrit le véritable amour. La même chose a lieu dans la communauté de l'Eglise:  nous sommes patients ensemble. Les différents niveaux de la hiérarchie - du curé, à l'Evêque, au Souverain Pontife - doivent eux aussi entretenir un échange permanent d'idées, doivent promouvoir le dialogue pour trouver ensemble la meilleure voie. Les expériences des curés sont fondamentales, mais les expériences de l'Evêque et, disons, la perspective universelle du Pape trouvent elles aussi leurs lieux théologiques et pastoraux dans l'Eglise.

Cet ensemble de divers niveaux de la hiérarchie, d'une part, et l'ensemble vécu dans les paroisses, avec patience et ouverture, en obéissance au Seigneur, de l'autre, créent réellement la nouvelle vitalité de l'Eglise.

Nous sommes reconnaissants à l'Esprit Saint des dons qu'il nous a donnés. Nous sommes obéissants à la voix de l'Esprit, mais nous sommes également clairs en intégrant ces éléments dans la vie:  ce critère sert, à la fin, l'Eglise concrète et ainsi, avec patience, courage et générosité, le Seigneur nous guidera et nous aidera assurément.

Dom Angelo Mangano, Curé de "San Gelasio", paroisse confiée au soin pastoral de la Communauté "Missione Chiesa Mondo" depuis 2003, a parlé de manière significative de la pastorale en la fête de la Chaire de saint Pierre. Il a indiqué l'importance de développer une unité entre la vie spirituelle et la vie pastorale qui n'est pas une technique d'organisation mais qui coïncide avec la vie même de l'Eglise. Jésus lui-même se fait synthèse, a dit le prêtre qui a demandé au Saint-Père comment transmettre au Peuple de Dieu l'idée de la pastorale comme vie véritable de l'Eglise et comment faire pour que la pastorale se nourrisse toujours davantage de l'ecclésiologie conciliaire.

Il y a, me semble-t-il, plusieurs questions. Une question porte sur la manière d'inspirer la paroisse à travers l'ecclésiologie conciliaire, faire vivre par les fidèles cette ecclésiologie; l'autre porte sur la manière dont nous devons agir et en nous-mêmes rendre le travail pastoral  spirituel.  Commençons  par cette deuxième question. Une certaine tension entre ce que je dois absolument faire et les réserves spirituelles que je dois conserver, demeure en permanence. Je le constate toujours quant à moi chez saint Augustin, qui s'en plaint dans ses prédications. J'ai déjà cité:  j'aimerais tant vivre avec la Parole de Dieu, mais du matin au soir, je dois être avec vous. Augustin trouve toutefois cet équilibre en étant toujours à disposition, mais en se réservant également des moments de prière, de méditation de la Parole sacrée, car autrement, il ne pourrait plus rien dire. Je voudrais souligner ici en particulier ce que vous avez dit sur le fait que la pastorale ne devrait jamais être une simple stratégie, un travail administratif, mais toujours demeurer un travail spirituel. Assurément, ces autres choses ne peuvent pas non plus totalement manquer, parce que nous sommes sur cette terre et que ces problèmes existent:  comment bien  administrer les comptes, etc. Cela aussi est un domaine qui ne peut pas être totalement absent.

Mais l'accent fondamental doit être précisément celui qu'être pasteur est en soi un acte spirituel. Vous avez à juste titre évoqué l'Evangile de Jean, chap. 10, où le Seigneur se définit comme le bon Pasteur. Et comme première définition, Jésus dit que le Pasteur précède. C'est-à-dire qu'il montre le chemin, il fait en premier ce que doivent faire les autres, il prend en premier le chemin qui est le chemin pour les autres. Le Pasteur précède. Cela veut dire que lui-même vit tout d'abord la Parole de Dieu:  il est un homme de prière, il est un homme de pardon, il est un homme qui reçoit et célèbre les Sacrements comme actes de prière et de rencontre avec le Seigneur. C'est un homme de charité, vécue et réalisée. Et ainsi, tous les actes simples de dialogues, de rencontres, tout ce qu'il faut faire, tous ces actes deviennent des actes spirituels en communion avec le Christ. Son "pro omnibus" devient notre "pro meis".

Alors il précède, et il me semble que dans cette manière de précéder, on a déjà dit l'essentiel. Le chapitre 10 de saint Jean continue ensuite en rapportant que Jésus nous précède en s'offrant lui-même à la Croix. Et cela est également inévitable pour le prêtre. Cette offrande de soi-même est également une participation à la Croix du Christ et c'est grâce à cela que nous pouvons nous aussi, de manière crédible, réconforter les personnes qui souffrent, être aux côtés des pauvres, des laissés-pour-compte, etc.

Par conséquent, dans ce programme que vous avez développé, la spiritualisation du travail quotidien de la pastorale est fondamentale. Cela est plus facile à dire qu'à faire, mais nous devons essayer. Et pour pouvoir spiritualiser notre travail, à nouveau, nous devons suivre le Seigneur. Les Evangiles nous disent que le jour il travaillait, et la nuit, il était sur la montagne avec le Père et il priait. Je dois confesser ici ma faiblesse. De nuit, je ne peux pas prier, la nuit, je voudrais dormir. Mais, toutefois, un peu de temps libre pour le Seigneur est réellement nécessaire:  que ce soit pour la célébration de la Messe, pour la prière de la Liturgie des Heures, et la méditation quotidienne, même brève, en suivant la Liturgie, le Rosaire. Mais ce dialogue personnel avec la Parole de Dieu est important. Et c'est uniquement de cette manière que nous pouvons acquérir des réserves pour répondre aux exigences de la vie pastorale.

Deuxième point:  vous avez à juste titre souligné l'ecclésiologie du Concile. Il me semble que nous devons encore bien davantage intérioriser cette ecclésiologie, aussi bien celle de Lumen gentium que celle de Ad gentes, qui est également un document ecclésiologique, ainsi que celle des Documents mineurs, et enfin, celle de Dei Verbum. Et, en intériorisant cette vision, nous pouvons également attirer notre peuple vers cette vision, pour qu'il comprenne que l'Eglise n'est pas simplement une grande structure, une de ces organisations supranationales qui existent. L'Eglise, tout en étant un corps, est le corps du Christ et donc un corps spirituel, comme le dit saint Paul. Elle est une réalité spirituelle. Cela me semble très important:  que les personnes puissent voir que l'Eglise n'est pas une organisation supranationale, n'est pas un corps administratif ou de pouvoir, n'est pas une institution sociale, bien qu'elle accomplisse un travail social et supranational, mais qu'elle est un corps spirituel.

Notre prière avec le peuple, le fait d'écouter avec le peuple la Parole de Dieu, de célébrer avec le peuple de Dieu les Sacrements, d'agir avec le Christ dans la charité etc.:  il me semble que c'est surtout dans les homélies que nous devons diffuser cette vision. Il me semble, en ce sens, que l'homélie demeure une occasion merveilleuse d'être proches des personnes et de communiquer la spiritualité enseignée par le Concile. Et ainsi, il me semble que si l'homélie a grandi dans la prière, dans l'écoute de la Parole de Dieu, elle est une communication du contenu de la Parole de Dieu. Le Concile parvient réellement à notre peuple. Non ces fragments de commentaires journalistiques qui ont donné une image erronée du Concile. Mais la vraie réalité spirituelle du Concile. Et ainsi, nous devons apprendre la Parole de Dieu toujours et à nouveau avec le Concile et dans l'esprit du Concile, en intériorisant sa vision. En faisant cela nous pouvons également communiquer avec notre peuple et accomplir ainsi réellement un travail pastoral et spirituel.

Dom Alberto Pacini, Recteur de la Basilique Sainte-Anastasie, a parlé de l'adoration eucharistique perpétuelle - en particulier de la possibilité d'organiser des sessions nocturnes - et a demandé au Pape d'expliquer le sens et la valeur de la réparation eucharistique face aux vols, aux actes sacrilèges et aux sectes sataniques.

Nous ne parlons plus en général de l'adoration eucharistique, qui a réellement pénétré dans nos cœurs et qui pénètre dans le cœur du peuple. Vous avez posé cette question spécifique sur la réparation eucharistique. Il s'agit d'un discours qui est devenu difficile. Je me souviens, quand j'étais jeune, qu'à l'occasion de la fête du Sacré-Cœur, nous disions une belle prière de Léon XIII, puis une autre de Pie XI, dans laquelle la réparation occupait une place particulière, précisément en référence, déjà à cette époque, aux actes sacrilèges qui devaient être réparés.

Il me semble que nous devons aller au fond des choses, parvenir au Seigneur lui-même qui a offert la réparation pour le péché du monde, et nous efforcer de réparer:  disons qu'il faut équilibrer le surcroît de mal et le surcroît de bien. Ainsi, dans la balance du monde, nous ne devons pas laisser ce grand surcroît au négatif, mais accorder un poids au moins équivalent au bien. Cette idée fondamentale s'appuie sur ce qui a été fait par le Christ. Tel est, pour autant que je comprenne, le sens du sacrifice eucharistique. Contre ce grand poids du mal qui existe dans le monde, le Seigneur place un autre poids plus grand, celui de l'amour infini qui entre dans ce monde. Tel est le point important:  Dieu est toujours le bien absolu, mais ce bien absolu entre précisément dans le jeu de l'histoire; le Christ devient ici présent et subit jusqu'au bout les souffrances du mal, créant ainsi un contrepoids d'une valeur absolue. Le surcroît du mal, qui existe toujours si nous ne considérons de façon empirique que les proportions, est dépassé par le surcroît immense du bien, de la souffrance du Fils de Dieu.

Dans ce sens, la réparation existe, et elle est nécessaire. Il me semble qu'aujourd'hui, il est un peu difficile de comprendre ces choses. Lorsque l'on voit le poids du mal dans le monde, qui croît en permanence, qui semble exercer une domination absolue dans l'histoire, on pourrait - comme le dit saint Augustin dans une méditation - véritablement  désespérer.  Mais  l'on constate qu'il y a un surcroît encore plus grand dans le fait que Dieu lui-même est entré dans l'histoire, a participé à l'histoire et a souffert jusqu'au bout. Tel est le sens de la réparation. Ce surcroît du Seigneur est pour nous un appel à nous ranger de son côté, à entrer dans ce grand surcroît de l'amour et à le rendre présent, même avec nos faiblesses. Nous savons que pour nous aussi, ce surcroît est nécessaire, car dans notre vie aussi, le mal existe. Nous vivons toujours grâce au surcroît du Seigneur. Mais il nous fait ce don afin que, comme le dit la Lettre aux Colossiens, nous puissions nous associer à son abondance et, disons, faire croître encore plus cette abondance de façon concrète à notre époque historique.

Il me semble que la théologie devrait faire davantage pour comprendre encore mieux cette réalité de la réparation. Il y avait également de fausses idées dans l'histoire. Ces derniers jours, j'ai lu les discours théologiques de saint Grégoire de Nazianze, qui, à un certain moment, parle de cet aspect et se demande à qui le Seigneur a offert son sang. Il dit:  le Père ne voulait pas du sang du Fils, le Père n'est pas cruel, il n'est pas nécessaire d'attribuer cela à la volonté du Père; mais c'est l'histoire qui le voulait, ce sont les nécessités et les déséquilibres de l'histoire qui le voulaient. L'on devrait entrer dans ces déséquilibres et là, recréer le véritable équilibre. Cela est véritablement éclairant. Mais il me semble que nous ne disposons pas du langage nécessaire pour que nous comprenions ce fait et que nous le fassions également comprendre aux autres. Il ne faut pas offrir à un Dieu cruel le sang de Dieu. Mais Dieu lui-même, par son amour, doit entrer dans les souffrances de l'histoire pour créer non seulement un équilibre, mais un surcroît d'amour qui est plus fort que l'abondance du mal qui existe. C'est ce à quoi le Seigneur nous invite.

Cela me semble une réalité typiquement catholique. Luther dit:  nous ne pouvons rien ajouter. Et cela est vrai. Puis  il  dit:   donc,  nos  œuvres ne comptent pas. Et cela n'est pas vrai. Car la générosité du Seigneur se révèle précisément dans le fait qu'il nous invite à entrer et accorde également une valeur au fait que nous soyons avec Lui. Nous devons mieux apprendre tout cela et ressentir également la grandeur, la générosité du Seigneur et la grandeur de notre vocation. Le Seigneur veut nous associer à son grand surcroît. Si nous commençons à le comprendre, nous serons heureux que le Seigneur nous invite à cela. Ce sera la grande joie d'être pris au sérieux par l'amour du Seigneur.

La septième intervention a été celle de Dom Francesco Tedeschi, professeur à la Faculté de Missiologie de l'Université pontificale urbanienne, et qui prête son service pastoral dans la basilique Saint Bartholomée sur l'Ile Tibérine, lieu de mémoire des nouveaux martyrs du XX siècle. Plus qu'une question, Dom Tedeschi a présenté une réflexion sur l'exemple et le pouvoir d'attraction que représentent les figures des martyrs à l'égard des jeunes en particulier. Ils dévoilent la beauté de la foi chrétienne et témoignent au monde qu'il est possible de répondre au mal par le bien en fondant leur vie sur la force de l'espérance. Le Pape n'a pas voulu ajouter de commentaires à cette réflexion.

Les applaudissements que nous avons entendus montrent que vous avez vous-même déjà apporté toutes les réponses... C'est pourquoi, à votre question, je pourrais simplement répondre:  oui, il en est bien ainsi, comme vous l'avez dit. Et méditons vos paroles.

Puis le Père Krystzof Wendlik, Vicaire paroissial des Saints Urbain et Laurent à Prima Porta, a parlé du problème du relativisme dans la culture contemporaine et a demandé au Pape une parole d'explication sur le rapport entre unité de foi et pluralisme en théologie.

C'est une question importante! Lorsque j'étais encore membre de la Commission théologique internationale, nous avons étudié pendant un an ce problème. J'ai été le rapporteur, donc je m'en souviens assez bien. Et pourtant, je reconnais que je suis incapable d'expliquer la question en quelques mots. Je voudrais simplement dire que la théologie a toujours été multiple. Pensons aux Pères, au Moyen-âge l'école franciscaine, l'école dominicaine, puis à la fin du Moyen-âge, et ainsi de suite. Comme nous l'avons dit, la Parole de Dieu est toujours plus grande que nous. C'est pourquoi nous ne pouvons jamais venir à bout du rayonnement de cette Parole et c'est pourquoi diverses approches, divers types de réflexions sont nécessaires.

Je voudrais simplement dire:  il est important que le théologien, d'une part, dans sa responsabilité et dans sa capacité professionnelle, s'efforce de trouver des pistes qui répondent aux exigences et aux défis de notre temps; et,  d'autre  part,  qu'il  soit toujours conscient que tout cela est fondé sur la foi de l'Eglise et doit donc toujours retourner à la foi de l'Eglise. Je pense que si un théologien demeure personnellement et profondément dans la foi et comprend que son travail est une réflexion sur la foi, il réussira à concilier unité et pluralité.

La dernière intervention a été celle de Dom Luigi Veturi, curé de Saint Jean-Baptiste  des Florentins,  qui a consacré sa question au thème de l'art sacré, en demandant au Pape si celui-ci ne devrait pas être mieux valorisé comme moyen de communication de la foi.

La réponse pourrait être très simple:  oui! Je suis arrivé parmi vous avec un peu de retard, car je me suis rendu auparavant dans la Chapelle pauline, qui fait l'objet depuis plusieurs années de travaux de restauration. On m'a dit qu'ils dureront encore deux ans. J'ai pu voir entre les échafaudages un peu de cet art miraculeux. Et cela vaut la peine de bien la restaurer, afin qu'elle soit rendue à sa splendeur originelle et qu'elle soit une catéchèse vivante.

Avec cela, je voulais rappeler que l'Italie est particulièrement riche d'art, et l'art est un trésor de catéchèse inépuisable, incroyable. C'est également un devoir pour nous de le connaître et de mieux le comprendre. Je ne sais pas comment font parfois les historiens de l'art, pour l'interpréter uniquement de façon formelle, selon la technique artistique. Nous devons au contraire entrer dans le contenu et faire revivre le contenu qui a inspiré ce grand art. Cela me semble réellement un devoir - également dans la formation des futurs prêtres - de connaître ces trésors et d'être capables de transformer en catéchèse vivante ce qui est présent en eux et nous parle aujourd'hui. Ainsi, l'Eglise pourra elle aussi apparaître comme un organisme non pas d'oppression ou de pouvoir - comme certains voudraient le faire croire - mais d'une fécondité spirituelle unique dans l'histoire ou du moins, oserais-je dire, qui n'a pas d'égal en dehors de l'Eglise catholique. C'est également un signe de la vitalité de l'Eglise qui, avec toutes ses faiblesses et également ses péchés, est toujours restée une grande réalité spirituelle, une source d'inspiration qui nous a donné toute cette richesse.

C'est donc un devoir pour nous d'entrer dans cette richesse et d'être capables de devenir les interprètes de cet art. Cela vaut tant pour la peinture et la sculpture, que pour la musique sacrée, qui est un domaine de l'art qui mérite d'être vivifié. Je dirais que l'Evangile vécu de façon différente représente aujourd'hui encore une puissante source d'inspiration qui nous donne et qui nous donnera des œuvres d'art. Il existe également aujourd'hui surtout de très belles sculptures, qui démontrent que la fécondité de la foi et de l'Evangile ne s'est pas éteinte; il existe aujourd'hui aussi des compositions musicales... Il me semble que l'on peut souligner une situation, disons, contradictoire de l'art, une situation même un peu désespérée de l'art. Aujourd'hui aussi l'Eglise inspire, car la foi et la Parole de Dieu sont inépuisables. Et cela nous donne du courage à tous. Cela nous donne l'espérance que le monde à venir aura lui aussi une nouvelle vision de la foi, et, dans le même temps, la certitude que les deux mille ans d'art chrétien déjà écoulés sont toujours vivants et sont toujours un "aujourd'hui" de la foi.

Voilà, merci de votre patience et de votre attention. Je vous présente tous mes vœux de bon Carême!

 

 

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