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JEAN-PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 3 mars 1999

L'expérience du Père en Jésus de Nazareth

    

Lecture: Mt 11, 25-27 

1. «Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ» (Ep 1, 3). Ces paroles de Paul nous introduisent dans la grande nouveauté de la connaissance du Père, telle qu'elle ressort du Nouveau Testament. Ici, Dieu apparaît sous son visage trinitaire. Sa paternité ne se limite plus à indiquer le rapport avec les créatures, mais exprime la relation fondamentale qui caractérise sa vie intime; il ne s'agit plus d'un trait générique de Dieu, mais d'une propriété de la première Personne en Dieu; Dans son mystère trinitaire, en effet, Dieu est le père par essence, père depuis toujours, dans la mesure où, de l'éternité, il engendre le Verbe qui lui est consubstantiel et uni à lui dans l'Esprit Saint «qui procède du Père et du Fils». A travers son incarnation rédemptrice, le Verbe devient solidaire avec nous précisément pour nous introduire à cette vie filiale qu'il possède de toute éternité. «A tous ceux qui l'ont accueilli - dit l'Evangéliste Jean - il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu» (Jn 1, 12). 

2. A la base de cette révélation spécifique du Père, se trouve l'expérience de Jésus. De ses paroles et de son comportement, il transparaît qu'Il considère son rapport avec le Père de façon tout à fait particulière. Dans les Evangiles, nous pouvons constater que Jésus distingue «sa filiation de celle de ses disciples en ne disant jamais "notre Père", sauf pour leur ordonner: "Vous donc priez ainsi: "Notre Père" (Mt 6, 9); et Il a souligné cette distinction: "Mon Père et votre Père" (Jn 20, 17)» (Catéchisme de l'Eglise catholique, n. 443). 

Tout petit déjà, à Marie et à Joseph, qui le cherchaient avec angoisse, il répond: «Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père?» (Lc 2, 48sq). Aux Juifs, qui continuaient de le persécuter car il avait accompli une guérison miraculeuse un samedi, il répond: «Mon Père est à l'œuvre jusqu'à présent et j'œuvre moi aussi» (Jn 5, 17). Sur la croix, il invoque le Père afin qu'il pardonne à ses bourreaux et accueille son esprit (Lc 23, 34.46). La distinction entre la façon dont Jésus perçoit la paternité de Dieu à son égard et celle qui concerne tous les autres êtres humains, est enracinée dans sa conscience et est répétée par lui à travers les paroles qu'il adresse à Marie de Magdala après la résurrection: «Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver les frères et dis-leur: je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu» (Jn 20, 17). 

3. Le rapport de Jésus avec le Père est unique. Il sait qu'il est toujours exaucé, il sait que le Père manifeste à travers Lui sa gloire, même lorsque les hommes peuvent en douter et ont besoin d'en être convaincus par Lui-même. Nous constatons tout cela dans l'épisode de la résurrection de Lazare: «On enleva donc la pierre. Jésus leva les yeux en haut et dit: "Père, je te rends grâce de m'avoir écouté. Je savais que tu m'écoutes toujours; mais c'est à cause de la foule qui m'entoure que j'ai parlé, afin qu'ils croient que tu m'as envoyé"» (Jn 11, 41sq). En vertu de cette entente singulière, Jésus peut se présenter comme celui qui révèle le Père, avec une conscience qui est le fruit d'une réciprocité intime et mystérieuse, comme il le souligne dans l'hymne de la joie: «Tout m'a été remis par mon Père, et nul ne connaît le Fils si ce n'est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler» (Mt 11, 27) (cf. C.E.C. n. 240). Pour sa part, le Père manifeste ce rapport singulier que le Fils entretient avec lui en l'appelant son «bien-aimé»: ainsi, lors du baptême dans le Jourdain (cf. Mc 1, 11) et lors de la Transfiguration (cf. Mc 9, 7). Jésus est également offensé en tant que fils dans un sens particulier dans la parabole des vignerons homicides qui maltraitent d'abord les deux premiers serviteurs, puis le «fils bien-aimé» du maître, envoyés pour recevoir les fruits de la vigne (cf. Mc 12, 1-11, spéc. v. 6). 

4. L'Evangile de Marc nous a conservé le terme araméen de «Abba» (cf. 14, 36) avec lequel Jésus, à l'heure douloureuse du Gethsémani, a invoqué le Père, le priant d'éloigner de lui la coupe de la passion. L'Evangile de Matthieu nous en a rapporté dans le même épisode la traduction: «Mon Père» (cf. Mt 26, 39, cf. également v. 42), tandis que Lucas utilise simplement «Père» (cf. Lc 22, 42). Le terme araméen, que nous pourrions traduire dans les langues modernes par «papa», «cher papa», exprime la tendresse affectueuse d'un fils. Jésus l'utilise de manière originale pour s'adresser à Dieu et pour indiquer, dans la pleine maturité de sa vie qui s'apprête à se conclure sur la croix, le rapport étroit qui, en cette heure dramatique également, le lie à son Père. «Abba» indique la proximité extraordinaire entre Jésus et Dieu le Père, une intimité sans précédent dans le contexte religieux biblique ou extra-biblique. En vertu de la mort et de la résurrection de Jésus, Fils unique de ce Père, nous aussi, aux dires de saint Paul, sommes élevés à la dignité de fils et nous possédons l'Esprit Saint qui nous pousse à crier: «Abba, Père!» (cf. Rm 8, 15; Ga 4, 6). Cette simple expression du langage infantile, utilisé quotidiennement dans le milieu de Jésus et chez tous les peuples, a revêtu ainsi une signification doctrinale d'une importance fondamentale pour exprimer la paternité divine particulière à l'égard de Jésus et de ses disciples. 

5. Bien qu'il se sentît uni au Père de façon si intime, Jésus a déclaré ignorer l'heure de l'avènement final et décisif du Royaume: «Quant à la date de ce jour, et à l'heure, personne ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le Fils, personne que le Père, seul» (Mt 24, 36). Cet aspect nous montre Jésus dans la condition d'abaissement propre à l'Incarnation, qui cache à son humanité la fin eschatologique du monde. De cette façon, Jésus déçoit les calculs humains pour nous inviter à la vigilance et à la confiance dans l'intervention sage du Père. D'autre part, dans la perspective des évangiles, l'intimité et le caractère absolu de son identité de «fils» ne sont pas le moins du monde diminués par ce manque de connaissance. Au contraire, c'est précisément le fait d'être si solidaire de nous qui le rend décisif pour nous face au Père: «Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est dans les cieux; mais celui qui m'aura renié devant les hommes, à mon tour je le renierai devant mon Père qui est dans les cieux» (Mt 10, 32sq.).

Reconnaître Jésus devant les hommes est indispensable pour être reconnu par lui devant le Père. En d'autres termes, notre relation filiale avec le Père céleste dépend de notre fidélité courageuse à l'égard de Jésus, Fils bien-aimé. 

                                                                     * * * 

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 3 mars 1999 se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français: 

De France: Séminaristes du diocèse du Puy; pèlerins du diocèse de Bayonne; Collège Notre-Dame, de Vaux; groupe de Champfaillis-Allonnes. 

Du Canada: Ecole «Paul Gérin-La-joie», d'Outremont. 

Chers Frères et Sœurs,

Dans son mystère trinitaire, Dieu est Père par essence. De toute éternité, en effet, il engendre le Verbe qui lui est consubstantiel et uni dans l'Esprit Saint. A la base de cette révélation, se trouve l'expérience de Jésus. Les Evangiles montrent qu'il entretient avec le Père une relation privilégiée. Sa filiation est unique. Jésus se présente comme celui qui révèle le Père, grâce à une connaissance réciproque intime et mystérieuse.

Le Père manifeste son rapport particulier avec le Fils en l'appelant son "bien-aimé"; et Jésus exprime sa tendresse affectueuse de fils et le lien étroit qu'il entretient avec son Père, en l'invoquant par le terme araméen "Abba".

Grâce à la mort et à la résurrection de Jésus, nous sommes élevés à la dignité de fils et nous possédons l'Esprit Saint, qui nous pousse à crier, nous aussi, "Abba, Père!". En même temps, nous sommes appelés à reconnaître Jésus devant les hommes pour être reconnus par lui devant le Père. Notre relation filiale au Père céleste dépend de notre fidélité courageuse à l'égard du Fils bien-aimé.

 

Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, particulièrement les Petites Sœurs de Jésus du Père de Foucauld en année de renouveau, ainsi que les séminaristes du Puy. Je leur souhaite de se préparer avec une ardeur renouvelée aux célébrations des fêtes pascales. A tous, je donne de grand cœur la Bénédiction apostolique.

   



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