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JEAN-PAUL II 

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 21 avril 1999

Témoigner de Dieu le Père dans le dialogue interreligieux 

   

Lecture: Ac 17, 22-23. 28 

1. «Un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, par tous et en tous» (Ep 4, 6). 

A la lumière de ces paroles de la Lettre de l'Apôtre Paul aux chrétiens d'Ephèse, nous voulons aujourd'hui réfléchir sur la façon de témoigner de Dieu le Père dans le dialogue avec tous les hommes de différentes confessions religieuses. 

Au cours de cette réflexion, nous aurons deux points de référence: le Concile Vatican II, avec la Déclaration Nostra ætate sur les «Relations de l'Eglise avec les religions non-chrétiennes» et l'objectif désormais proche du grand Jubilé. 

La Déclaration Nostra ætate a jeté les bases d'un nouveau style, celui du dialogue, dans la relation de l'Eglise avec les diverses religions. 

Pour sa part, le Jubilé de l'An 2000 représente une occasion privilégiée pour témoigner de ce style. Dans Tertio millennio adveniente, j'ai invité à approfondir, précisément en cette année consacrée au Père, le dialogue avec les grandes religions, également grâce à des rencontres dans des lieux significatifs (cf. n. 52-53). 

2. Dans l'Ecriture Sainte, le thème de l'unique Dieu par rapport à l'universalité des peuples qui cherchent le salut se développe progressivement, jusqu'au sommet de la pleine révélation en Christ. Le Dieu d'Israël, exprimé par le Tétragramme sacré, est le Dieu des patriarches, le Dieu apparu à Moïse dans le buisson ardent (cf. Ex 3) pour libérer Israël et le faire devenir le peuple de l'Alliance. Le livre de Josué nous rapporte le choix pour le Seigneur effectué à Sichem, où la grande assemblée du peuple choisit le Dieu qui s'est montré bienveillant et providentiel à son égard et abandonne tous les autres dieux (cf. Jos 24). 

Ce choix, dans la conscience religieuse de l'Ancien Testament, se précise toujours davantage dans le sens d'un monothéisme rigoureux et universaliste. Si le Seigneur, Dieu d'Israël, n'est pas un Dieu parmi tant d'autres, mais l'unique vrai Dieu, il en découle que c'est par lui que doivent être sauvés tous les peuples «jusqu'aux extrémités de la terre» (Is 49, 6). La volonté salvi- fique universelle transforme l'histoire humaine en un grand pèlerinage de peuples vers un seul centre, Jérusalem, sans que les différences ethnico-culturelles ne soient toutefois annulées (cf. Ap 7, 9). Le prophète Isaïe exprime de façon suggestive cette perspective à travers l'image d'une route qui relie l'Egypte à l'Assyrie, en soulignant que la bénédiction divine rassemble l'Israélien, l'Egyptien et l'Assyrien (cf. Is 19, 23-25). Chaque peuple, tout en conservant pleinement sa propre identité, est appelé à se convertir toujours plus à l'unique Dieu qui s'est révélé à Israël. 

3. Ce souffle «universaliste», présent dans l'Ancien Testament, se développe ultérieurement dans le Nouveau, qui nous révèle que Dieu «veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité» (1 Tm 2, 4). La conviction que Dieu est effectivement en train de préparer tous les hommes au salut fonde le dialogue des chrétiens avec les hommes de différentes confessions religieuses et de diverses croyances. Le Concile a ainsi défini l'attitude de l'Eglise à l'égard des religions non chrétiennes: «Elle considère avec un respect sincère ces manières d'agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoi qu'elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu'elle-même tient et propose, cependant apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. Toutefois, elle annonce, et elle est tenue d'annoncer sans cesse, le Christ qui est isla voie, la vérité et la vielt (Jn 14, 6), dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s'est réconcilié toutes choses» (NA, n. 2). 

Ces dernières années, d'aucuns ont opposé au dialogue avec les hommes de différentes confessions religieuses l'annonce, devoir primordial de la mission salvatrice de l'Eglise. En réalité, le dialogue interreligieux fait partie intégrante de la mission évangélisatrice de l'Eglise (cf. CEC, n. 856). Comme je l'ai répété plusieurs fois, il est fondamental pour l'Eglise, il exprime sa mission sal- vatrice, il est un dialogue de salut (cf. Insegnamenti VII/1 [1984], pp. 595-599). Dans le dialogue interreligieux, il ne s'agit donc pas de renoncer à l'annonce, mais de répondre à un appel divin afin que l'échange et le partage conduisent à un témoignage réciproque de la propre vision religieuse, à une connaissance approfondie des convictions respectives et à une entente sur certaines valeurs fondamentales. 

4. Le rappel de la «paternité» commune de Dieu ne semblera pas alors un vague rappel «universaliste», mais il sera vécu par les chrétiens dans la pleine conscience de ce dialogue salvifique qui passe à travers la médiation de Jésus et l'œuvre de son Esprit. Ainsi, en recueillant de certaines religions, comme par exemple de la religion musulmane, la puissante affirmation de l'Absolu personnel et transcendant par rapport au cosmos et à l'homme, nous pouvons, quant à nous, offrir le témoignage de Dieu dans l'intimité de sa vie trinitaire, en clarifiant que la Trinité de la personne n'amoindrit pas, mais confère sa qualité à l'unité divine elle-même. 

De même, à partir des itinéraires religieux qui conduisent à concevoir la réalité ultime au sens moniste, comme un «Soi» indifférencié dans lequel tout se résoud, le christianisme recueille l'appel à respecter le sens le plus profond du mystère divin, au-delà de toutes les paroles et des concepts humains. Toutefois, il n'hésite pas à témoigner de la transcendance personnelle de Dieu, alors qu'il en annonce la paternité universelle et aimante, qui se manifeste pleinement dans le mystère du Fils crucifié et ressuscité. 

Puisse le grand Jubilé constituer une occasion précieuse pour que tous les hommes de différentes confessions religieuses se connaissent davantage, afin de s'estimer et de s'aimer dans un dialogue qui constitue pour tous une rencontre de salut! 

                                                                  * * *

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 21 avril 1999, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français: 

De France: Pèlerins des diocèses de Belley-Ars; de Viviers; de Nantes; de Luçon; paroisse Saint-Nicolas, de Labenne Cap-Breton; paroisse Saint-Pierre, de Bondy; paroisse Saint-Bonaventure, de Narbonne; paroisse de Juillan; Faculté de Droit canonique de L'Insti- tut catholique de Paris; Ecole interna- tionale de Formation et d'Evangélisation, de Paray-le-Monial; Collège Stanislas, de Paris; aumônerie des lycées de l'agglomération paloise; aumônerie de l'enseignement public de Seine-et-Marne; établissement catholique «Jeanne d'Arc», de Brétigny-sur-Orge; Communauté de l'Arche-l'Olivier en Bretagne; centre de rééducation de Midi-Gascogne; Foyer Nazareth, de Perpignan; groupe de pèlerins de Nice; du Mesnille-Roy; de Paris; de Strasbourg; de Bordeaux. 

 

Chers Frères et Sœurs,

A partir de la Déclaration conciliaire Nostra ætate et dans la perspective du grand Jubilé, on peut réfléchir sur la manière de témoigner de Dieu le Père dans le dialogue interreligieux. Dans l’Écriture, le Dieu d’Israël n’est pas un dieu parmi d’autres, mais l’unique vrai Dieu et la révélation trouve son accomplissement dans le Christ. Dieu “veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité” (1 Tm 2,4). Cette conviction fonde le dialogue interreligieux. Ce dernier est partie intégrante de la mission évangélisatrice de l’Eglise, qui considère avec respect la démarche religieuse de tout homme (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 856; Nostra ætate, n. 2) ; il exprime sa mission salvatrice et il est un dialogue de salut. Ainsi, en parlant de la “paternité” de Dieu, les chrétiens doivent être conscients qu’ils ont à donner le témoignage d’un Dieu trinitaire, ce qui n’atténue pas l’unicité de Dieu.

Puisse le grand Jubilé constituer une occasion précieuse pour que tous les hommes des différentes confessions religieuses se connaissent davantage et s’estiment, dans un dialogue qui soit pour tous une rencontre de salut !

 

J’accueille avec plaisir les pèlerins francophones, en particulier les étudiants et les professeurs de la Faculté de Droit canonique de l’Institut Catholique de Paris, les membres de la Communauté de l’Arche-l’Olivier en Bretagne, et les paroissiens de Saint-Bonaventure de Narbonne. J’accorde à tous de grand cœur la Bénédiction apostolique.

  



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