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VOYAGE APOSTOLIQUE
EN RÉPUBLIQUE DOMINICAINE,
AU MEXIQUE ET AUX BAHAMAS
(25 JANVIER - 1er FÉVRIER 1979)

MESSE

HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II 

Sanctuaire marial de Zapopan, Mexique
Mardi 30 janvier 1979

 

Chers frères et sœurs,

1. Nous voici aujourd’hui réunis en ce beau sanctuaire de Notre-Dame-de-l’Immaculée-Conception de Zapopan, dans le grand archidiocèse de Guadalajara. Je ne pouvais ni ne voulais manquer cette rencontre autour de l’autel de Jésus et aux pieds de la Très Sainte Vierge, avec le Peuple de Dieu qui vit en ce lieu. Ce sanctuaire de Zapopan est en effet une preuve de plus, palpable et consolatrice, de l’intense dévotion que, depuis des siècles le peuple mexicain et avec lui tout le peuple latino-américain, professe envers la Vierge immaculée.

Comme celui de Guadalupe, ce sanctuaire vient de l’époque coloniale ; et ses origines remontent également aux courageux efforts d’évangélisation des missionnaires (en ce cas les fils de saint François) parmi les Indiens, si bien disposés à recevoir le message du salut dans le Christ et à vénérer sa Très Sainte Mère, conçue sans la souillure du péché. Ainsi, ces peuples perçoivent la place unique et exceptionnelle de Marie dans la réalisation du plan de Dieu (cf. Lumen gentium, 53 et s.), son éminente sainteté et son rapport maternel avec nous. (Ibid., 61, 66.) Depuis lors, elle, l’Immaculée, représentée sur cette petite et simple image, reste liée à la piété populaire du peuple de l’archidiocèse de Guadalajara, de la nation mexicaine et de toute l’Amérique latine. Comme Marie elle-même le dit prophétiquement dans son cantique du Magnificat : « Toutes les générations m’appelleront bienheureuse. » (Lc 1, 48.)

2. Si cela est vrai du monde catholique tout entier, à combien plus forte raison du Mexique et de l’Amérique latine. On peut dire que la foi et la dévotion à Marie et à ses mystères appartiennent à l’identité propre de ces peuples et caractérisent leur piété populaire, dont parlait mon prédécesseur Paul VI dans l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi (48). Cette piété populaire n’est pas nécessairement un sentiment vague, dépourvu de solide base doctrinale, comme une forme inférieure de manifestation religieuse. Que de fois, au contraire, elle apparaît comme la véritable expression de l’âme d’un peuple, dès lors qu’elle est touchée par la grâce et forgée par l’heureuse rencontre entre l’œuvre d’évangélisation et la culture locale dont parlait également l’exhortation que je viens de citer. Ainsi guidée et soutenue, au besoin purifiée par l’action constante des pasteurs et exercée quotidiennement dans la vie du peuple, la piété populaire est vraiment la piété des « pauvres et des simples » (ibid., 48). C’est la manière dont ces préférés du Seigneur vivent et traduisent dans leurs attitudes humaines et dans toutes les dimensions de la vie, le mystère de la foi qu’ils ont reçue.

Cette piété populaire au Mexique et dans toute l’Amérique latine, est indissolublement mariale. La Très Sainte Vierge y occupe la même place prééminente qu’elle possède dans la totalité de la foi chrétienne. Elle est la mère, la reine, la protectrice et le modèle. On vient à elle pour l’honorer, pour demander son intercession, pour apprendre à l’imiter, c’est-à-dire pour apprendre à être un vrai disciple de Jésus. Car, ainsi que le Seigneur lui-même le dit : « Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère. » (Mc 3, 55.)

Loin de porter ombrage à la médiation irremplaçable et unique du Christ, cette fonction de Marie, accueillie par la piété populaire, la met en relief et « en manifeste la vertu » (Lumen gentium, 60), car tout ce qu’elle est, tout ce qu’elle a vient de la « surabondance des mérites du Christ s’appuie sur sa médiation » et conduit à lui (ibid.). Les fidèles qui viennent à ce sanctuaire le savent bien et le mettent en pratique, en disant toujours avec elle, en regardant Dieu le Père, dans son Fils bien-aimé, rendu présent parmi nous par l’Esprit : « Mon âme glorifie le Seigneur. » (Lc 1, 46.)

3. Précisément, quand les fidèles viennent à ce sanctuaire — comme j’ai voulu venir moi-même aujourd’hui, pèlerin sur cette terre mexicaine —, que font-ils d’autre que de louer et d’honorer Dieu le Père, Fils et Esprit-Saint, dans la figure de Marie, unie par des liens indissolubles aux trois personnes de la Très Sainte Trinité comme l’enseigne également le Concile Vatican II ? (Cf. Lumen gentium, 53.) Notre visite au sanctuaire de Zapopàn — la mienne aujourd’hui, la vôtre si souvent — signifie, par le fait même la volonté et l’effort de se rapprocher de Dieu et de se laisser inonder par lui, grâce à l’intercession, l’aide et le modèle de Marie.

En ces lieux de grâce, si caractéristiques de la géographie mexicaine et latino-américaine, le peuple de Dieu, convoqué en Église, avec ses pasteurs, et en cette heureuse occasion avec celui qui préside humblement dans l’Église à la charité (cf. Ignace d’Antioche, épître aux Romains ) se réunit autour de l’autel et sous le regard maternel de Marie, pour rendre témoignage de ce qui compte dans ce monde et dans la vie humaine. Autrement dit l’ouverture au don de Dieu, qui se communique en Jésus, notre Sauveur et qui nous vient par Marie. C’est cela qui donne à notre existence terrestre sa véritable dimension transcendante, celle que Dieu a voulue dès le commencement, que Jésus-Christ a restaurée par sa mort et sa résurrection, et qui resplendit dans la Très Sainte Vierge.

Elle est le refuge des pécheurs (refugium peccatorum). Le Peuple de Dieu est conscient de sa condition propre de pécheur. Pour cela, sachant qu’il a besoin d’une constante purification, « il poursuit constamment son effort de pénitence et de réconciliation » (Lumen gentium, 8). Chacun d’entre nous en a conscience. Jésus allait à la recherche des pécheurs. « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades, et je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs. » (Lc 5, 31-32.)

Il dit au paralytique, avant de le guérir : « Homme, tes péchés te sont pardonnés. » (Lc 5, 20.) Et à une pécheresse : « Va et ne pèche plus. » (Jn 8, 11.)

Si la conscience du péché nous écrase, nous cherchons instinctivement Celui qui a le pouvoir de pardonner les péchés (cf. Lc, 5, 24), et nous le cherchons par l’intermédiaire de Marie dont les sanctuaires sont des lieux de conversion, de pénitence, de réconciliation avec Dieu.

Elle éveille en nous l’espérance du progrès spirituel et de la persévérance dans le bien, alors que parfois cela semble humainement impossible.

Elle nous permet de surmonter les multiples « structures du péché », alors personnelle, familiale et sociale. Elle nous permet d’obtenir la grâce de la véritable libération, grâce à cette liberté par laquelle le Christ a libéré tout homme.

4. D’ici découle encore, comme de sa vraie source, l’engagement authentique au service des autres hommes nos frères, en particulier des plus pauvres et des plus défavorisés, et de la nécessaire transformation de la société. En effet, c’est cela que Dieu veut de nous, c’est pour cela qu’il nous envoie, avec la voix et la force de l’Évangile, en nous rendant responsables les uns des autres. Marie, comme l’enseigne mon prédécesseur Paul VI dans l’exhortation apostolique Marialis cultus (37), est aussi un modèle, elle qui a fidèlement accompli la volonté de Dieu, pour tous ceux qui n’acceptent pas passivement les conditions hostiles de la vie personnelle et sociale, qui ne sont pas victimes de l’ « aliénation », comme on dit aujourd’hui, mais qui proclament avec elle que Dieu est le « vengeur des humbles », et, le cas échéant, « jette les puissants à bas de leurs trônes », pour citer de nouveau le Magnificat (cf. Lc 1, 51-53). Car elle offre ainsi « un modèle achevé du disciple du Seigneur : artisan de la cité céleste et temporelle mais pèlerin qui se hâte vers la cité céleste et éternelle ; promoteur de la justice qui délivre l’opprimé et de la charité qui porte secours aux nécessiteux, mais par-dessus tout témoin actif de l’amour qui édifie le Christ dans les cœurs » (Marialis cultus, ibid.) (1).

Voilà ce qu’est Marie pour nous dans ce sanctuaire de Zapopan. Voilà ce que nous sommes venus apprendre d’elle, afin qu’elle soit toujours, pour ces fidèles de Guadalajara, pour la nation mexicaine, et pour toute l’Amérique latine, avec tout leur être chrétien et catholique, la vraie « étoile de l’évangélisation ».

5. Mais je ne voudrais pas achever cette allocution sans ajouter quelques mots que je considère importants dans le contexte de tout ce que je viens de dire.

Ce sanctuaire de Zapopan, de même que tant d’autres disséminés à travers le Mexique et l’Amérique latine, où accourent chaque année des millions de pèlerins avec un profond sentiment de piété, peuvent et doivent être des lieux privilégiés pour la rencontre d’une foi toujours plus purifiée, qui les conduise au Christ.

Dans ce but, il sera nécessaire d’apporter une grande attention et un grand zèle à la pastorale des sanctuaires mariaux, par le moyen d’une liturgie appropriée, d’une prédication assidue alliée à une catéchèse solide, du souci du ministère du sacrement de pénitence et de la purification prudente d’éventuelles formes de religiosité qui présenteraient des éléments moins adéquats.

Il faut profiter pastoralement de ces occasions, le cas échéant sporadiques, de la rencontre avec des âmes qui ne sont pas toujours fidèles à tout le programme d’une vie chrétienne, mais qui accourent guidées par une vision parfois incomplète de la foi, pour essayer de les conduire au centre de toute piété solide, le Christ Jésus, Fils de Dieu Sauveur.

Ainsi, la religiosité populaire ira en se perfectionnant, quand cela est nécessaire, et la dévotion mariale revêtira sa pleine signification dans une orientation trinitaire, christocentrique et ecclésiale, comme l’a enseigné si lumineusement l’exhortation apostolique Marialis cultus (25-27).

J’invite les prêtres chargés des sanctuaires et ceux qui y conduisent des pèlerinages à mûrement réfléchir au grand bien qu’ils peuvent faire aux fidèles s’ils savent mettre en œuvre un système d’évangélisation approprié.

Ne manquez aucune occasion de prêcher le Christ, d’éclairer la foi du peuple, de la rendre plus robuste, en l’aidant dans son chemin vers la Sainte Trinité. Que Marie soit ce chemin. Que la Vierge immaculée de Zapopan vous y aide. Ainsi soit-il.

 

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