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DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II
AU NOUVEL AMBASSADEUR DU BÉNIN
PRÈS LE SAINT-SIÈGE*

Vendredi, 4 janvier 1985

 

Monsieur l’Ambassadeur,

Je Vous remercie vivement des nobles propos que vous venez de tenir en présentant vos Lettres de créance. Ils permettent d’envisager avec confiance la mission que vous inaugurez aujourd’hui auprès du Saint-Siège. Et, pour ma part, j’assure Votre Excellence de l’accueil cordial qu’Elle recevra toujours dans cette maison, quand il s’agira de rechercher en commun et d’un cœur sincère le plus grand bien du peuple béninois ou d’assurer les possibilités de vie et d’action de l’Eglise au Bénin, et de contribuer au progrès des relations pacifiques et respectueuses entre les peuples.

Je remercie également Son Excellence Monsieur le Président Mathieu Kérékou des aimables pensées qu’il vous a confié le soin d’exprimer ici. Vous pourrez lui donner l’assurance du souvenir que je garde toujours de notre rencontre à Cotonou, et des vœux que je forme pour l’ensemble de ses compatriotes et pour ceux qui ont la lourde charge du bien commun de la Nation.

Oui, en visitant votre pays, il y aura bientôt trois ans, je désirais rendre hommage au peuple béninois, à ses traditions les meilleures, et exprimer, de façon spéciale, l’estime du Saint-Siège à son égard. Je tenais à apporter mes encouragements à tous ceux qui s’efforcent chez vous de contribuer au véritable progrès social et moral, dans le respect des consciences et des appartenances religieuses.

Naturellement, je voulais – et je veux aujourd’hui – encourager spécialement mes frères catholiques qui forment un groupe important au sein de la nation. Le Saint-Siège est fier de cette portion de l’Eglise universelle au Bénin où, depuis plus de cent vingt ans, la greffe de l’Evangile a fait produire de nouveaux fruits à cet arbre nourri de sève africaine, et nous voyons ces fruits béninois apporter maintenant leur saveur en d’autres pays et dans la Curie romaine elle-même. Il est normal que le Pape aide ses frères, dans le monde entier, à grandir dans la foi commune.

C’est ce que j’ai fait à Cotonou, en indiquant aussi les exigences de cette dignité chrétienne qui tournent au bénéfice de toute la société: “Simplicité de vie, droiture, pureté, justice, paix, courage et, par-dessus tout, amour”, qui doivent “imprégner les relations quotidiennes des personnes entre elles et avec Dieu, des groupes entre eux, dans les familles et la société”. Et j’ai invité mes frères à être “lucides sur le matérialisme et le souci immodéré de l’argent qui risquent non seulement de leur faire perdre leur âme, mais de détériorer les rapports sociaux, de favoriser le mensonge, de corrompre la conscience professionnelle, de faire négliger le sens du devoir . . ., de faire perdre le sens du bien commun et celui de la gratuité dans les relations humaines si chères aux Béninois”(Ioannis Pauli PP. II Homilia ad missam in urbe «Cotonou» habita, 5, die 17 febbr. 1982: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, V, 1 (1982) 522. 523)

Ce sont là des valeurs qui tiennent à cœur aux chrétiens, comme aux autres croyants en Dieu, et à tous les hommes de bonne volonté, conscients que, sans elles, la société se dégraderait. Tel est le service de l’homme que Votre Excellence a si bien souligné et qui est d’autant mieux assuré que les citoyens sont respectés et encouragés dans leur attachement aux valeurs spirituelles, conformément à leur conscience, à leur foi, à leur communauté religieuse. L’Eglise, pour sa part, considère de son devoir, non seulement d’organiser pour ses membres des réunions de prière et de culte, mais de leur transmettre la foi en s’assurant les moyens de les éduquer aux valeurs religieuses et humaines fondamentales. Je me réjouis de vous entendre affirmer que l’Etat béninois a de l’estime pour ces valeurs et tient à sauvegarder, avec les autres droits humains fondamentaux, la liberté religieuse, car elle est bien l’un des tests qui vérifient le progrès authentique de l’homme en tout régime. Dans ce contexte encore, sont particulièrement appréciées les mesures d’amnistie qui ouvrent à vos compatriotes sans distinction la possibilité de coopérer librement à la vie de la nation.

La fête de Noël, toute récente, m’a donné l’occasion de réaffirmer l’option préférentielle de l’Eglise pour les pauvres, en précisant les critères de la pauvreté et de la richesse susceptibles d’ennoblir le cœur de l’homme. Au Bénin, cet idéal me semble fidèlement vécu par beaucoup de membres des communautés religieuses qui s’emploient à soulager et à faire accéder à de dignes conditions de vie les pauvres, les malades, les lépreux, les vieillards, les enfants, bref ceux qui sont les plus démunis en soins, en ressources, en savoir, en capacités, en espérance. Cette œuvre se poursuit notamment de la part des catholiques, dans les hôpitaux, dans les dispensaires et dans la formation aux tâches de la vie familiale, que l’Eglise considère de première importance pour le bonheur de la société et la pratique des vertus sociales. Votre Excellence a noté que de tels services ne peuvent manquer d’être encouragés de la part de l’Autorité civile.

“Rechercher ce qui est vrai, bien et juste, dans un engagement résolu et efficace au service de l’homme et de la cité”, correspond, avez-vous dit, aux aspirations de votre pays. Les véritables amis du Bénin sont ceux qui recherchent avec lui et pour lui la mise en œuvre de cet idéal, et qui y éduquent ses citoyens, en fidélité à leur foi et par amour pour leur patrie. Comment douter que ces considérations ne favorisent toujours davantage, dans le respect réciproque des compétences, de justes rapports entre l’Eglise et l’Etat au Bénin, comme aussi le maintien et le progrès de relations loyales et fructueuses entre le Saint-Siège et la République populaire du Bénin?

C’est dans cet esprit que je prie le Très-Haut pour l’heureuse destinée de votre Nation, en renouvelant pour elle mes meilleurs vœux. Et à vous-même, Monsieur l’Ambassadeur, je souhaite de bien servir votre pays dans l’accomplissement de la mission diplomatique tout à fait spécifique qui vous a été confiée. 


*AAS 77 (1985), p.636-638.

Insegnamenti di Giovanni Paolo II, vol. VIII, 1 p. 19-22.

L'Attività della Santa Sede 1985 pp. 9-10.

L’Osservatore Romano 5.1.1985 p.5.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.3 p.10.

 

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