DISCOURS DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II
À S.Exc. M. REYNIER FLAES,
NOUVEL AMBASSADEUR DU ROYAUME DES PAYS-BAS*
Vendredi 15 décembre 1995
Monsieur l’Ambassadeur,
Je suis heureux d’accueillir Votre Excellence à l’occasion de la présentation des Lettres qui l’accréditent auprès du Siège Apostolique en qualité d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume des Pays-Bas.
Je suis sensible aux paroles cordiales que vous m’avez adressées et aux différentes questions que vous venez de présenter; elles sont aussi, comme vous le savez, des préoccupations majeures du Saint-Siège, selon la mission spécifique qui est la sienne dans la vie internationale. Je me réjouis de ces attentions communes et de la qualité des relations qui unissent le Siège Apostolique et votre pays, relations auxquelles votre prédécesseur, le Comte van Limburg Stirum, a apporté une contribution notable. Je vous remercie de m’avoir transmis le message courtois et déférent de Sa Majesté la Reine Beatrix. Je vous saurais gré de lui exprimer en retour mes vives salutations et mes vœux cordiaux pour sa haute charge.
Vous avez évoqué l’un des défis majeurs de la société de votre pays, qui comme beaucoup d’autres est confrontée aux problèmes de cohabitation entre des personnes appartenant à des races, à des cultures et à des religions différentes. Tout en conservant son organisation spécifique, ses traditions particulières et ses valeurs culturelles, morales et spirituelles essentielles pour la cohérence nationale, un Etat a le devoir de demeurer ouvert et accueillant aux hommes qui cherchent une terre où s’installer. La véritable intégration suppose la reconnaissance par les nouveaux arrivants des règles qui régissent la vie de la communauté nationale, que tous se doivent de respecter, et le dialogue entre toutes les composantes de la société. Mais il faut aussi guider avec patience ceux qui veulent s’intégrer dans la collectivité qui les reçoit, pour qu’ils acceptent avec bienveillance les contraintes inhérentes à la vie sociale, tout en conservant leur propre culture. Le sens de l’accueil et de la solidarité, en particulier à l’égard des plus défavorisés – qualités que votre peuple s’attache à développer – ne peut que contribuer à faire croître chez tous une participation active à l’édification d’une société toujours plus conviviale et respectueuse des différentes sensibilités qui la composent.
Dans le cadre social, il convient de faire une place toute particulière à la cellule qui en constitue la base, l’institution familiale. Par elle, se construisent les liens humains fondamentaux de la société. C’est l’engagement stable entre un homme et une femme qui fonde la famille, édifiée sur les valeurs de la durée et de la fidélité, nécessaires pour le développement spirituel, moral, psychologique et physique de tous ses membres. Nous devons être assurés que les relations fraternelles qui s’apprennent dans la famille, par l’éducation et l’attention affectueuse de chacun, ne peuvent qu’aider à la croissance harmonieuse et pacifiée des personnalités.
En faisant mention de ma récente visite au siège de l’Assemblée générale des Nations unies, montrant ainsi l’attention et l’estime des Autorités néerlandaises envers les interventions du Siège Apostolique dans la vie internationale, vous avez rappelé quelques-uns des principes fondamentaux de la vie sociale, au sein d’une nation et dans les rapports entre les Etats et les peuples. Avec l’éclatement des régimes totalitaires, la promotion des droits de l’homme a connu des avancées significatives dans de nombreux pays. Mais on observe toutefois chez certains peuples la tentation de se replier sur eux-mêmes, de faire parler les armes plus souvent que d’accepter le dialogue et la négociation pour régler les conflits et pour faire advenir la paix dont tous ont besoin; dans ce domaine, je salue les efforts des Etats qui se sont employés à soutenir les négociations de paix et à apporter une aide matérielle, un réconfort moral et spirituel aux populations, dans les différents points du globe où se poursuivent des luttes fratricides. Je tiens à redire toute l’estime que je porte aux Autorités de votre pays, qui a l’expérience d’une tradition de dialogue, de vie démocratique et d’accueil, et qui a participé au processus de pacification dans différents continents, promouvant ainsi les valeurs de liberté, de justice et de solidarité.
Vous savez l’attachement du Saint-Siège au plus fondamental des droits de l’homme, sur lequel reposent tous les autres droits, celui de tout être humain à voir reconnaître sa dignité. En effet, le regard que nos contemporains portent sur leurs frères passe par l’éducation des consciences au respect de toute personne, depuis sa conception jusqu’au terme naturel de sa vie. L’existence de l’homme ne peut pas être fondée seulement sur la reconnaissance sociale que lui accorderaient ou que refuseraient de lui accorder ses frères en humanité. L’avenir de l’être humain et de la société est lié au regard que nous portons sur les personnes, en particulier les plus faibles et les plus démunies, car en promouvant leur dignité et en leur témoignant de la compassion, c’est toute l’humanité que nous faisons grandir. Devant elles, la raison nous pousse à reconnaître l’être profond, l’être spirituel, au-delà de ce qui apparaît au simple regard. Dans cet esprit, je souhaite que la pensée de l’Eglise catholique soit accueillie, et que les médias aient le souci de contribuer à la faire connaître avec objectivité.
Vous venez de rappeler ma récente visite à la célèbre église romaine Saint-Michel et Saint-Magnus, « l’église des Frisons », lors de la consécration de l’autel, en soulignant le désir de la communauté catholique néerlandaise de Rome de poursuivre la tradition d’accueil de ses compatriotes et de prière dans ce temple du Seigneur. Je me réjouis que les pèlerins de votre pays puissent trouver dans cette ville un point de référence culturel et un lieu de soutien spirituel.
Ma pensée se tourne aussi vers l’ensemble de vos concitoyens. Je souhaite qu’au sein de l’Europe ils puissent développer avec leurs frères le sens du dialogue et le désir de la pacification dont ils ont souvent su faire preuve. Je veux encore mentionner les catholiques des Pays-Bas, qui ont le souci de participer activement à la vie sociale de leur pays, grâce aux relations constructives qu’ils entretiennent avec les communautés d’autres confessions religieuses, dans un esprit œcuménique et de charité fraternelle.
Au moment où commence votre mission de Représentant du Royaume des Pays-Bas, je vous offre mes vœux les meilleurs. Je puis vous assurer que mes collaborateurs seront toujours prêts à vous donner, à vous-même et aux membres de votre Ambassade, le soutien attentif et cordial dont vous pourrez avoir besoin pour exercer votre charge, dans la confiance mutuelle dont sont imprégnées les relations diplomatiques qui unissent votre pays au Saint-Siège.
Sur Votre Excellence, sur ses collaborateurs et sur sa famille, ainsi que sur le peuple néerlandais et ses dirigeants, j’invoque de grand cœur l’abondance des Bénédictions divines.
*Insegnamenti di Giovanni Paolo II, vol. XVIII, 2 p.1392-1395.
L’Osservatore Romano 16.12.1995 p.5.
L’Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.1 p.6.
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