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DISCOURS DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II
LORS DE LA VISITE DE SA SAINTETÉ
KAREKIN I SARKISSIAN,
PATRIARCHE SUPRÊME ET CATHOLICOS
DE TOUS LES A
RMÉNIENS

Vendredi 13 décembre 1996

 

Vénéré et Bien-Aimé Frère dans le Christ,

« Là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux » [1].

1. Nous croyons profondément que le Christ est lui-même présent au milieu de nous et c'est au nom du Christ que nous vous accueillons, vous-même et les personnes éminentes qui vous accompagnent. Cette nouvelle rencontre est pour nous un motif de grande joie, de reconnaissance et de confiance. Nous rendons grâce avant tout au « Père des lumières » [2], qui nous a appelés à la communion dans son Fils; c'est de Lui que vient tout don parfait. Soyez tous les bienvenus dans cette maison et dans notre Église, car vous êtes pour nous des frères bien-aimés. Soyez assurés que votre visite est véritablement une bénédiction pour le Successeur de Pierre, pour l'Église de Rome et pour toute l'Église catholique.

La présence du Seigneur donne à notre rencontre sa signification et sa richesse véritables. La communion profonde que nous éprouvons en ce moment trouve sa source dans notre foi commune en l'unique Seigneur, foi scellée par le don du baptême.

2. En vertu de la succession apostolique, qui nous permet de reconnaître mutuellement la validité du sacerdoce ministériel et de l'épiscopat, nos Églises célèbrent les mêmes sacrements, en particulier le Baptême et l'Eucharistie. Elles peuvent ainsi, ensemble, glorifier Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, et être le signe et le sacrement du plan d'amour de Dieu qui veut rassembler dans l'unité tous ses enfants dispersés [3]. Nos Églises sont par conséquent engagées dans une même mission pour le monde d'aujourd'hui. Ainsi, nous entendons accomplir ensemble cette mission, chacun selon sa charge spécifique, dans le souci de la partie du troupeau que le Christ a confiée à chacun de ses Pasteurs, sachant que nous avons vraiment besoin les uns des autres. C'est dans cet esprit de réciprocité fraternelle que l'Église arménienne catholique, qui a les mêmes racines spirituelles et la même culture que votre Église, a aussi sa place dans la mission et qu'elle contribue à nous relier encore davantage.

3. L'Église arménienne apostolique est porteuse d'une richesse incomparable de traditions, qui remontent aux origines de notre foi. Le peuple arménien a été parmi les premiers à accueillir la Bonne Nouvelle et à lui donner un visage particulier, accordé à son identité, à sa langue et à son histoire; il est ainsi devenu une communauté chrétienne vivante, vraiment enracinée dans la réalité humaine locale et solidaire des joies et des souffrances de tout le peuple. Demeurant dans une région tourmentée, à la jonction de différentes cultures et religions, et de différentes entités politiques, l'Église arménienne a connu la persécution. Elle a scellé sa fidélité inébranlable au Christ dans le sang de ses martyrs innombrables, tout au long de son histoire. L'Église n'oublie pas cette expérience unique, qui conforme radicalement le disciple à son Maître et qui sème dans le monde la Bonne Nouvelle du Salut, reçu gratuitement par la Croix du Sauveur. Car, le sang des martyrs est la semence des chrétiens. Aujourd'hui encore, l'Église demeure une Église de martyrs et, dans tous les continents, elle paie un lourd tribut. Mais, dans la foi et l'espérance, nous reconnaissons que le témoignage rendu au Christ affermit et purifie l'Église de Dieu.

4. L'Église arménienne se trouve aujourd'hui devant une tâche nouvelle et immense. L'Église catholique désire se tenir à ses côtés, pour la soutenir et l'aider à répondre aux appels du temps présent, dans le plein respect de sa vie propre et de son identité particulière. Récemment encore, après le drame du terrible tremblement de terre qui a frappé l'Arménie en 1988, nous avons eu l'occasion de manifester notre charité fraternelle en contribuant tant soit peu à soulager les souffrances humaines et en accompagnant de nos prières ferventes votre peuple, blessé une nouvelle fois. Les besoins des chrétiens de votre terre sont nombreux. Nous devrons étudier ensemble comment une plus étroite collaboration pourra aider à la reconstruction de l'Église et fournir un soutien au peuple d'Arménie, qui doit désormais apprendre à se servir dignement de sa liberté retrouvée. Une telle coopération sera un enrichissement pour tous et la charité concrète, qui est un amour pour les frères, fera croître grandement le dialogue, afin de sur monter les obstacles qui s'opposent encore à notre pleine communion.

5. Comme je l'ai dit avec insistance dans la dernière Lettre encyclique « Ut Unum Sint », consacrée à la recherche de l'unité entre les chrétiens, la démarche œcuménique est à la fois un « dialogue de la conversion » [4] et un « échange de dons » [5]. Par le dialogue, nous devons chercher sans cesse à rendre courageusement témoignage à la vérité, pour le service du Rédempteur du monde et du Seigneur de l'histoire. De part et d'autre, nos saints et nos martyrs nous appellent à une fidélité et à une communion toujours plus profondes, par amour pour le Corps du Christ.

6. Sainteté, vous faites partie des pionniers dans le domaine d'œcuménique. Vous avez été observateur de votre Église pendant trois sessions du deuxième Concile du Vatican et vous avez pu être témoin de l'effort de ressourcement et de renouveau de l'Église catholique, ainsi que de son engagement irréversible en faveur de l'œcuménisme qui en a été un des fruits. Vous avez pareillement déployé une activité œcuménique tout à fait remarquable, tant dans le cadre du Conseil œcuménique des Églises, sur le plan mondial, que dans celui du Conseil des Églises du Moyen-Orient, sur le plan régional. Nous avons d'ailleurs déjà pu nous entretenir de cet engagement commun au service de l'unité chrétienne, lors de votre précédente visite à l'Église de Rome, en 1983, quand vous veniez d'accéder à la charge de Catholicos de la Maison de Cilicie.

Personnellement, j'espère que cette collaboration pourra se poursuivre et s'intensifier, afin que nous puissions accomplir plus fidèlement notre mission dans le monde d'aujourd'hui. Dans ce sens, nous souhaitons que des rencontres comme celle-ci puissent se renouveler et se multiplier, pour devenir peu à peu de véritables réunions de concertation et de travail commun; ainsi, nous serons unis dans la tâche évangélisatrice qui nous attend au seuil du troisième millénaire.

7. Vénéré et très cher frère dans le Christ, prions ensemble le Seigneur afin que votre pèlerinage aux tombeaux des Apôtres Pierre et Paul, siège du Successeur de Pierre, puisse raviver les liens entre l'Eglise catholique et l'Église arménienne, en les affermissant dans la foi qu'eux-mêmes ont confessée jusque dans leur martyre. Nous espérons aussi que les nombreuses rencontres que vous avez eues à Rome avec diverses personnes et institutions vous ont permis de découvrir et d'encourager plusieurs initiatives nouvelles de collaboration dans le domaine de la formation théologique et pastorale, de même que dans le témoignage et le service communs pour le bien de nos contemporains. Que notre réconciliation et notre union ouvrent aussi la voie à la paix et à l'entente fraternelle entre les peuples, dans un monde qui est encore trop souvent marqué par l'injustice, le mépris des pauvres, l'exaspération d'un nationalisme exacerbé ou la discrimination!

8. Au terme de notre entretien, permettez-moi de vous dire une fois encore notre joie profonde de pouvoir vous accueillir parmi nous. Que la grâce et la cordialité de notre rencontre deviennent « comme une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour commence à poindre et que l'astre du matin se lève dans vos cœurs » [6]! « À Celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir, à Lui la gloire, dans l'Église et le Christ Jésus, pour tous les âges et tous les siècles. Amen! » [7].


[1] Matth. 18, 20.

[2] Iac. 1, 17.

[3] Cfr. Io. 11, 52.

[4] Ioannis Pauli PP. II Ut Unum Sint, 35.

[5] Ibid. 28.

[6] 2 Petr. 1, 19.

[7] Eph. 3, 20-21.

 

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