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MESSAGE DU SAINT PÈRE 
À LA REINE ÉLISABETH II D'ANGLETERRE*


Votre Majesté,
Votre Altesse Royale,

Dans le souvenir vivant de notre première rencontre au Vatican en 1980 et de l'accueil chaleureux que vous m'avez réservé à Londres deux ans plus tard, je suis heureux de vous saluer une fois de plus dans ce Palais apostolique, dans lequel vous n'êtes point une étrangère. Mes prédécesseurs le Pape Pie XII et le Pape Jean XXIII ont été les premiers à vous souhaiter la bienvenue ici, et je fais de même avec des sentiments plus profonds encore à l'occasion de cette Année du Jubilé, au cours de laquelle tous les chrétiens chantent les louanges de Dieu tout-puissant pour le don du Verbe fait chair, notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.

La visite de Votre Majesté rappelle instantanément à la mémoire le riche héritage du christianisme britannique, et toute la contribution de la Grande-Bretagne à l'édification de l'Europe chrétienne, ainsi qu'à l'expansion du christianisme partout dans le monde, depuis que saint Augustin de Canterbury a prêché l'Evangile sur vos terres. Tout au long de cette longue histoire, les relations entre le Royaume-Uni et le Saint-Siège n'ont jamais connu de troubles; de longues années d'héritage commun furent suivies par les tristes années de la division (cf. Discours dans la cathédrale de Canterbury, 29 mai 1982, n. 5). Mais au cours des dernières années, une entente cordiale est apparue entre nous, plus en accord avec l'harmonie des périodes précédentes et exprimant de façon plus authentique nos racines spirituelles communes. On ne peut revenir en arrière face à l'objectif oecuménique que nous nous sommes fixés en obéissance au commandement du Seigneur.

Pourtant, ce n'est pas seulement le passé qui nous incite à poursuivre le chemin d'une plus grande compréhension et, d'un point de vue religieux, d'une communion toujours plus parfaite. L'avenir exige également de nous un sens d'objectif commun. Je pense d'abord à l'Europe, qui est à un tournant de son histoire, alors qu'elle recherche une unité capable d'exclure pour toujours les types de conflits qui ont constitué une partie si importante de son passé. Vous et moi avons personnellement vécu l'une des guerres les plus terribles d'Europe, et nous voyons clairement le besoin d'édifier une unité européenne profonde et durable, solidement enracinée dans le véritable génie humain et spirituel des peuples de l'Europe. Toutefois, l'unité à laquelle aspirent les Européens ne peut être une structure sans contenu. Ce n'est qu'en préservant et en renforçant les plus hauts idéaux et les résultats de son héritage - dans le domaine de la politique, du droit, de l'art, de la culture, de la moralité et de la spiritualité - que bâtir l'Europe de demain constituera une tâche viable et digne.

De plus, à l'aube du troisième millénaire, notre regard doit aller au-delà des frontières de l'Europe, car le monde entier est devenu de plus en plus interactif et interdépendant. Le Commonwealth et l'Eglise catholique sont des institutions de type très différent, mais tous deux ont une expérience confirmée d'universalité, tous deux connaissent la riche diversité de l'unique famille humaine.

Etablir le bien commun comme objectif et centre de la pensée et de l'action humaines devient plus important que jamais à une époque où il existe des inégalités croissantes dans la façon dont les ressources du monde sont partagées. Même en voyant les forces de la mondialisation et, avec elles, la promesse d'une plus grande prospérité et cohésion, il existe un écart croissant entre les riches et les pauvres, un écart qui court le risque de s'enraciner et de devenir insoluble alors que certains bénéficient des progrès de la technologie tandis que d'autres en sont totalement exclus. Ce phénomène préoccupant a plusieurs causes, mais le problème ne sera certainement pas résolu à moins que les peuples et leurs dirigeants acceptent une solidarité et une coopération internationale, comme impératifs moraux qui incitent et mobilisent les consciences des individus et des nations. Je ne peux qu'exprimer mon appréciation à l'égard de la récente initiative de la Grande-Bretagne d'effacer totalement la dette des pays pauvres les plus endettés. Le nouveau millénaire nous appelle à oeuvrer de façon efficace pour parvenir à un monde qui ne soit pas en proie à l'avidité, à l'intérêt égoïste et à la soif de domination, mais ouvert et respectueux de la dignité humaine, des droits inaliénables et de l'égalité fondamentale de chaque membre de la famille humaine.

Votre Majesté, depuis de nombreuses années, et en des périodes de profonds changements, vous avez régné avec dignité et un sens du devoir qui ont édifié des millions de personnes dans le monde. Puisse Dieu tout-puissant accorder à Votre Majesté, à Son Altesse Royale et aux membres de la Famille royale, la lumière et la force infaillibles face aux défis et aux difficultés de votre charge. Puisse-t-il accorder aux citoyens du Royaume-Uni, bonheur et paix; au Commonwealth, les bénéfices d'un sens élevé de la solidarité et de la coopération; aux chrétiens de votre royaume, une nouvelle effusion de la grâce de Jésus-Christ, "le même hier, aujourd'hui et à jamais" (cf. Hb 13, 8).


*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n. 43 p.2.

 

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