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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS AU IV e CONGRÈS
INTERNATIONAL DE LA SOIE*

Mardi 6 octobre 1953

 

Vous avez exprimé, Messieurs, le vif désir de Nous rendre visite à l'occasion des manifestations qui concluent à Rome votre 4e Congrès International de la Soie tenu ces jours-ci à Milan. Votre démarche témoigne de l'attachement que vous avez pour Nous et Nous voudrions par ces quelques mots vous dire combien elle Nous est agréable.

Pendant une semaine, vous vous êtes appliqués à l'étude des problèmes qui concernent tout les stades de la production, de la transformation et de l'utilisation de la soie. Vous espérez ainsi rendre à cette fibre textile la place d'honneur parmi toutes les autres, en augmenter la consommation et promouvoir efficacement les intérêts de tous les secteurs de cette industrie. Cette intention trouve certainement un écho chez tous ceux qui restent attachés à toutes les formes d'une beauté artistique, dans laquelle se reflète une longue tradition de labeur humain. Votre groupe, composé des représentants de vingt et une nations, prouve éloquemment quelle importance l'industrie de la soie garde encore aujourd'hui. Elle a joué dans l'histoire économique et culturelle de trois continents un rôle brillant, et vous entendez bien qu'elle continue à faire honneur à son glorieux passé. Des centaines de milliers de cultivateurs, d'ouvriers et de techniciens, en ont tiré leur subsistance ; la matière première comme les produits fabriqués donnent lieu à des échanges commerciaux, où les économies nationales sont intéressées. La soie trouve de nombreux emplois aux fins les plus diverses, pour les ornements sacrés, les tentures, la confection et même dans le domaine militaire, puisqu'on en fait des parachutes. Aussi ce n'est pas seulement la cause d'un petit nombre ou d'une classe privilégiée que vous représentez, mais celle d'une activité sociale étendue, dont le maintien et le développement préoccupent aussi les pouvoirs publics.

Il serait inexact cependant d'envisager la production de la soie et toutes ses modalités du seul point de vue économique : sans doute celui-ci attire-t-il d'abord l'attention, mais une autre perspective mérite aussi d'être considérée. Ne représentez-vous pas en effet une tradition bien antérieure à l'ère chrétienne, et dont l'histoire s'intègre nécessairement dans celle des relations entre l'Extrême-Orient et les pays occidentaux ? La Chine, pays de haute civilisation, ne fut-elle pas connue principalement comme le pays de la soie ? Pendant longtemps la Cour royale et les hauts dignitaires s'y réservèrent l'emploi des soieries. La fabrication de la soie ne devait se répandre en Europe que pendant les derniers siècles du Moyen-âge et y connaître un éclat tout spécial avec l'épanouissement de la Renaissance, dont elle servit à merveille le goût du faste. Les œuvres picturales de cette époque en ont conservé le témoignage et restituent pour une part l'éclat chatoyant des belles étoffes, qui captive le regard et provoque l'étonnement. Tout autant que le goût de la beauté chez ceux qui les utilisaient, il faut admirer le métier de l'artisan, la perfection de sa technique capable de produire une matière aussi riche et de l'utiliser avec habileté et un sens très affiné de ses ressources. Vous savez peut-être que les Papes eux-mêmes s'intéressèrent alors à l'industrie de la soie. Sixte V en particulier invita les propriétaires de terres à y cultiver le mûrier ; il fit lui-même construire quelques fabriques, dans l'intention également de fournir du travail aux pauvres.

Malgré les changements profonds que la civilisation moderne a apportés dans la façon de travailler, en particulier par une mécanisation toujours plus intense, la production de la soie continue à requérir de ceux qui y collaborent un apport personnel. Les œuvres humaines n'acquièrent-elles pas leur valeur plénière par l'effort intelligent, le souci de la perfection, la lutte continue contre les défectuosités accidentelles du produit: ne demande-t-on pas, par exemple, que les cocons du ver à soie présentent des caractéristiques physico-chimiques uniformes, tandis que l'opération du tirage doit à son tour exploiter au maximum les possibilités de la matière première, afin de fournir un fil d'un titre aussi régulier que possible. Ainsi l'expérience de l'éleveur et la dextérité professionnelle de l'ouvrier représentent le résultat de longs et méritoires efforts, dont ils ont le droit d'être fiers.

Les exigences actuelles de la production, dont il faut réduire le coût, vont à augmenter le rendement sans toutefois rien sacrifier de la qualité du fil. Le technicien peut ici déployer son ingéniosité et l'importance de sa collaboration conditionne incontestablement l'avenir de tout ce secteur industriel. Ainsi, à chaque stade d'élaboration de la soie, se posent des problèmes précis, décisifs, propres à stimuler toutes les énergies créatrices.

L'Église fait usage de la soie pour les vêtements liturgiques, destinés à rehausser de leur éclat la splendeur des cérémonies et des actes du culte. Il ne s'agit pas là d'une vaine ostentation destinée à éblouir ou à provoquer un plaisir purement esthétique. Les offices liturgiques ont pour but la louange de Dieu et sont ordonnés à la prière. Ils doivent inspirer aux fidèles l'idée de la grandeur du Roi qu'ils veulent honorer, et les inciter à adopter en sa présence l'attitude d'un profond respect et d'une humble prière. Sans doute les déploiements de l'apparat sont-ils peu de chose au regard de la majesté divine ; mais au moins l'Église laisse-t-elle pressentir ainsi à ses enfants une part des joies du ciel, auxquelles elle les convie. Les habits précieux, dont l'homme se revêt aux jours de fête, et particulièrement dans la participation au culte divin, symbolisent aussi le vêtement de l'âme, la grâce divine, qui permet à l'homme de se présenter devant son Seigneur et d'avoir part à son festin, selon la parabole de l'Évangile. Par là, les étoffes que vous avez produites, auxquelles tant de mains expertes ont travaillé, participent comme une offrande de prix à l'adoration et à la prière, que le peuple chrétien adresse sans cesse à Dieu.

Nous n'ignorons pas, Messieurs, les difficultés, auxquelles vous avez à faire face pour assurer la prospérité de vos entreprises. Depuis la guerre, l'avènement des fibres artificielles synthétiques et l'appauvrissement des populations ont provoqué dans la consommation et les échanges de la soie une réduction notable. Cependant vous avez le plaisir de noter une reprise nette qui s'accentuera, en particulier pour l'usage des tissus, au fur et à mesure de l'élévation du standard de vie. Il s'agit pour vous de concentrer vos efforts et de tirer parti le plus habilement possible des caractéristiques technologiques et esthétiques de la soie, afin qu'elle s'affirme sur le marché en regard des autres fibres textiles, dont elle se différencie nettement. Vous n'oubliez pas de veiller à l'amélioration des conditions de travail et au développement des services sociaux, qui encadrent cette indus , trie; en même temps qu'ils attireront une main d'œuvre plus abondante ou mieux qualifiée et qu'ils en assureront un meilleur rendement, tous les progrès en cette matière répondent aux exigences de justice et de charité rappelées si souvent par Nos Prédécesseurs et par Nous-mêmes. Enfin sur le plan international, vous souhaitez d'obtenir une plus grande liberté des échanges et la suppression des barrières, qui entravent l'importation des soieries.

Dans les entreprises humaines, l'obstacle est aussi un stimulant, une invitation à l'effort. Le développement croissant des sciences et de leurs applications pratiques renouvelle constamment les données des problèmes que vous affrontez; s'il en rend parfois la solution plus ardue, il apporte aussi de nouveaux éléments de succès. L'essentiel reste de ne point s'abandonner au découragement, dont la tentation menace aux heures de lassitude. Les motifs culturels et sociaux, que Nous avons effleurés tantôt, et dont vous percevez le poids beaucoup mieux que Nous n'avons pu le dire, vous incitent à continuer vers le terme que se proposait votre Congrès et qui signifie aussi votre foi au succès.

Que le Seigneur vous aide dans vos entreprises et vous accorde d'accomplir beaucoup de bien pour la gloire de son Nom. À vous-mêmes, à vos familles et à tous vos collaborateurs, Nous accordons de tout cœur Notre Bénédiction Apostolique.


* Discours et Messages-radio de S.S. Pie XII, XV,
Quinzième année de pontificat, 2 mars 1953 - 1er mars 1954, pp. 367-370
Typographie Polyglotte Vaticane.

 



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