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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS AU CONCOURS INTERNATIONAL 
POUR L'ATTRIBUTION DU PRIX DE ROME*

Salle du Consistoire - Mardi 10 mai 1955

 

Le Concours International pour l'attribution du Prix de Rome à la meilleure variété de roses a été pour vous, Messieurs, l'occasion de solliciter une audience et quelques paroles du Vicaire de Jésus-Christ. Vous n'avez pas voulu quitter la Ville Éternelle sans saluer le Père commun, et Nous sommes heureux d'accueillir votre hommage et de contenter votre filial désir.

Nous voudrions avoir l'âme et le génie de François d'Assise pour parler comme il convient de votre beau métier, pour vous faire passer à son exemple de la terre au ciel, de la créature au Créateur. L'auteur sacré de la Genèse, empruntant aux merveilleux jardins d'Orient sa description du Paradis terrestre, précise en ces termes l'intention divine : « Yahweh Dieu prit l'homme et le plaça dans le jardin d'Éden pour le cultiver et le garder » (Gen. 2, 15). Depuis lors, en effet, à travers les millénaires de son histoire, l'homme a cultivé le vaste jardin de Dieu, non seulement pour l'entretenir, mais encore pour l'améliorer. Oui vraiment, Dieu; a permis à l'homme d'améliorer son œuvre, telle est l'admirable délicatesse de notre Père des cieux, qui appelle ses enfants à entrer avec Lui en collaboration si intime. N'est-ce pas aussi votre privilège, Messieurs, vous qui cherchez à créer sans cesse de nouvelles variétés de roses, de nouvelles formes, de nouveaux coloris ?

De tout temps, les roses les plus simples de ces pays, celles dont la teinte s'harmonise de façon si heureuse avec le feuillage, dont le parfum se répand délicat et pénétrant, figurent comme l'ornement naturel des fêtes et le symbole du plaisir. Aussi les premiers chrétiens les répudièrent-ils, parce qu'elles signifiaient à leurs yeux un genre de vie qu'ils abhorraient. Mais peu à peu, quand les souvenirs païens s'effacèrent, le charme de la rose fit retour au vrai Dieu : les paradis des mosaïstes, que l'on admire encore aujourd'hui aux absides des basiliques les plus vénérables de Rome, sont émaillés de fleurs, parmi lesquelles la rose a repris son empire. La rose rouge devint aux premiers siècles de la littérature chrétienne le symbole du martyre sanglant, comme la blancheur du lis celui de la virginité. L'Église n'a-t-elle pas conservé pour la fête des saints Innocents l'hymne ravissant du poète Prudence : « Salut, fleurs des martyrs, ...roses naissantes arrachées par la fureur de l'ouragan » ? La rose figure encore sur les plus anciennes tapisseries et sur les ornements sacerdotaux ; elle rutile aux feux du soleil dans les verrières des cathédrales ; elle signifie partout la joie chrétienne et devint à ce titre l'emblème de Marie, la grande « cause de notre joie ». Le rosaire représente d'abord un jardin de roses offert à Marie, un ornement de son image, un symbole de ses grâces. La Vierge elle-même fut ensuite comparée à la rose, et maintenant les chrétiens l'invoquent par deux fois, dans les Litanies de Lorette, sous le signe de la reine des fleurs : « Rose mystique » et « Reine du très saint Rosaire ». Cette dernière appellation évoque sans doute une grande victoire de la chrétienté sur les infidèles, mais bien plus encore les conquêtes lumineuses de la foi sur le mal et l'ignorance religieuse. Lorsque Marie apparut à sainte Bernadette sur le rocher de Massabielle, où croissait l'églantier, chacun de ses pieds s'ornait d'une rose épanouie. Celle que l'Église venait de proclamer l'Immaculée manifestait ainsi, à une enfant simple et candide, la plénitude de ses perfections et la délicatesse de sa bonté.

Le développement liturgique du symbole de la rose dans le culte marial n'a rien qui doive étonner, car l'homme a choisi instinctivement la plus belle des fleurs pour l'offrir à la plus belle des créatures. Ce geste spontané se répète en de nombreuses pratiques de la piété des humbles comme des savants, et les auteurs spirituels ont maintes fois repris le thème et développé à l'envi ses significations mystiques.

Pour vous, Messieurs, Nous voulons croire que vous trouvez un encouragement dans votre travail à la seule pensée que le mois de roses est et sera toujours le mois de Marie. Ainsi, en cultivant les fleurs qui forment comme la parure d'un sol souvent ingrat et dur pour l'homme, êtes-vous portés naturellement à honorer le Créateur, à élever votre âme vers celle qui porte le beau titre de Rose mystique, l'honneur et la joie de la famille humaine. À qui mieux qu'à Elle pourrions-Nous confier les vœux, que Nous formons aujourd'hui pour vous tous ici présents, pour vos familles et vos amis, pour tous ceux enfin qui vous sont chers et que vous Nous recommandez dans votre cœur ? Par la puissante intercession de Marie, que descende et demeure sur vous Notre paternelle Bénédiction apostolique.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XVII,
 Dix-septième année de Pontificat, 2 mars 1955 - 1er mars 1956, pp. 79-80
 Typographie Polyglotte Vaticane

 



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