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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS AU Xe CONGRÈS
DE L'ASSOCIATION INTERNATIONALE
DE DROIT FINANCIER ET FISCAL
*

Mardi 2 octobre 1956

 

Parmi les nombreux Congrès qui se déroulent à Rome cet automne, celui de l'Association Internationale de Droit Financier et Fiscal, qui rassemble les spécialistes les plus distingués en cette matière, mérite un intérêt particulier et Nous sommes heureux, Messieurs, de vous dire combien Nous attachons d'importance à l'heureux déroulement de vos travaux. En 1948 déjà, vous avez tenu à Rome l'une de vos réunions et, depuis lors, votre Association n'a cessé de croître et de poursuivre avec succès ses activités pour intensifier la collaboration internationale dans l'étude des problèmes qui concernent les finances publiques et la fiscalité.

Dans le domaine si vaste du droit, cette matière possède ses caractéristiques propres et requiert une compétence particulière. Dès 1936, il apparut que, si les juristes avaient déjà leur association internationale, les spécialistes du droit fiscal devaient se grouper à part. Les efforts ne furent pas ménagés pour vaincre les difficultés initiales et poser les bases de la nouvelle association, que, malheureusement, la guerre contraignit bientôt à l'inaction. Dès 1947 vous repreniez la série de vos Congrès, qui n'ont cessé de susciter, dans les milieux intéressés, une vive attention, que justifie la qualité scientifique des rapports présentés et des discussions auxquelles ils furent soumis.

Cette année, vous avez voulu aborder la question des doubles taxations internationales en matière d'impôt sur les affaires, celle de l'influence réciproque de la forme juridique, de la nature et des dimensions des entreprises, d'une part, et de leur régime fiscal de l'autre, et enfin la garantie juridique des contribuables a l'égard du fisc. Sur chacun de ces thèmes, vous avez sollicité une relation approfondie reflétant les situations de divers pays, afin de tirer de cette comparaison des conclusions générales susceptibles de fournir des orientations utiles aux autorités nationales et aux institutions internationales.

Le travail que vous accomplissez dans vos Congrès se prolonge dans une organisation permanente, qui Nous parait de la plus grande utilité : le Bureau international de documentation fiscale, créé en 1938 et officiellement établi en 1940 à Amsterdam, qui se propose de rassembler et de mettre à la disposition des chercheurs une documentation étendue concernant la législation fiscale et son application dans un grand nombre de pays. Il est à peine nécessaire de souligner combien un centre de ce genre peut contribuer au progrès de la science fiscale. Si l'intention première était de fournir une base indispensable au travail purement scientifique, le Bureau fut amené peu à peu à répondre à des demandes de caractère plus pratique, en conservant d'ailleurs une indépendance et une objectivité parfaites qui sont une condition essentielle de son bon fonctionnement ; elles lui permettent en effet de trouver des sources d'information nombreuses et variées et de les compléter au besoin grâce à l'intervention de ses correspondants. Le Bureau publie deux périodiques, un bulletin de documentation fiscale internationale et un service de documentation, qui permettent une mise à jour constante dans un domaine sujet à de fréquentes modifications. L'élaboration des lois fiscales dans les États modernes n'obéit pas toujours à des critères rationnels et précis ; les nécessités du moment, les tendances politiques ou économiques des hommes au pouvoir poussent la fiscalité dans des directions divergentes. L'administration chargée d'appliquer les lois procède elle-même selon des méthodes dépourvues d'uniformité et parfois peu conformes à l'intention du législateur. Il en résulte que le système fiscal de chaque État et, plus encore, celui des différents États sur des matières analogues, comporte de notables écarts, tant dans la conception que dans le mode d'application. Non seulement on y déplore d'habitude le manque de simplicité et de cohérence, mais parfois aussi une négligence pratique des principes justes, qui doivent inspirer toute fiscalité.

Aucun doute ne subsiste sur le devoir de chaque citoyen à supporter une part des dépenses publiques. Mais l'État de son côté, en tant que chargé de protéger et de promouvoir le bien commun des citoyens, a l'obligation de ne répartir entre ceux-ci que des charges nécessaires et proportionnées à leurs ressources. L'impôt ne peut donc jamais devenir pour les pouvoirs publics un moyen commode de combler le déficit provoqué par une administration imprévoyante, de favoriser une industrie ou une branche de commerce aux dépens d'une autre également utile. L'État s'interdira tout gaspillage des deniers publics; il préviendra les abus et les injustices de la part de ses fonctionnaires, ainsi que l'évasion de ceux qui sont légitimement frappés. Les États modernes tendent aujourd'hui à multiplier leurs interventions et à assurer un nombre croissant de services ; ils exercent un contrôle plus étroit sur l'économie; interviennent davantage dans la protection sociale de plusieurs catégories de travailleurs ; aussi leurs besoins d'argent croissent dans la mesure où se gonflent leurs administrations. Souvent des impositions trop lourdes oppriment l'initiative privée, freinent le développement de l'industrie et du commerce, découragent les bonnes volontés. Aussi, en parcourant la liste des sujets traités par vos Congrès précédents, avons-Nous vu avec plaisir que vous recommandiez d'éliminer de la législation certaines dispositions nuisibles aux intérêts véritables des particuliers et des familles, comme au progrès normal du commerce et des affaires sur le plan national et international. Vous insistez en particulier sur les avantages d'une législation plus uniforme, qui évite les doubles taxations et les entraves à la circulation internationale des capitaux et des biens. Le troisième sujet abordé cette année, la garantie juridique des contribuables à l'égard du fisc, vise à consolider les systèmes de sauvegarde, indispensables non seulement au contribuable, mais à l'État lui-même, qui risque, s'il néglige ces garanties, de démoraliser ses sujets et de les encourager à la fuite de l'impôt et à la fraude.

On peut dire, en bref, que les dimensions considérables des États actuels exigent une soigneuse mise au point de la législation fiscale, encore grevée, sur plus d'un point, d'un empirisme discutable. En outre, il est capital que les principes moraux justifiant l'impôt apparaissent clairement tant aux gouvernants qu'aux administrés et soient effectivement appliqués. Que l'on poursuive avec des critères toujours plus sensibles et plus adéquats l'adaptation de l'impôt aux possibilités réelles de chacun. La fiscalité ne sera plus, alors, ressentie comme une charge toujours excessive et plus ou moins arbitraire, mais elle représentera, dans un État mieux organisé et plus apte à procurer le fonctionnement harmonieux des différents activités de la société, un aspect humble peut-être et fort matériel, mais indispensable de la solidarité civique et de l'apport de chacun au bien de tous. La sagesse des gouvernants et l'efficacité d'une administration dévouée et intègre doit démontrer à l'évidence que le sacrifice imposé correspond à un service réel et porte ses fruit,.

Votre tâche, Messieurs, est de mettre toujours mieux en lumière, à l'aide des expériences réalisées dans vos pays respectif, les bases théoriques de l'impôt et de suggérer les application les plus satisfaisantes. Nous sommes convaincu que vous rendez ainsi un service éminent à chacun de vos concitoyens et à l'ensemble des nations, qui profitent de vos efforts. En consolidant la structure de la société contemporaine, vous contribuez à libérer des valeurs plus hautes emprisonnées ou compromise par le malaise ou l'hostilité qui sépare parfois l'autorité publique des citoyens et oppose les nations les unes aux autres. L'Église, qui ne souhaite rien tant que la stabilité intérieure des peuples et la collaboration efficace sur le plan international, se réjouit de trouver dans votre travail une aide appréciable à sa mission spirituelle et de pouvoir plus aisément adresser aux hommes l'invitation à poursuivre ensemble un idéal divin de charité et de paix.

C'est pourquoi, en implorant avec ferveur la protection du Ciel sur vous-mêmes, sur vos familles, sur vos collaborateurs, Nous vous en accordons pour gage Notre Bénédiction apostolique.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XVIII,
 Dix-huitième année de Pontificat, 2 mars 1956 - 1er mars 1957, pp. 507-510
 Typographie Polyglotte Vaticane

 



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