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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
en HONGRIE

(28 - 30 avril 2023)

CONFÉRENCE DE PRESSE DU SAINT-PÈRE 
AU COURS DU VOL DE RETOUR

Dimanche 30 avril 2023

[Multimédia]

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Matteo Bruni :

Bon après-midi, Votre Sainteté, merci pour vos paroles ces jours-ci dans les nombreuses rencontres avec les différentes composantes de la société hongroise, un peu dans la continuité des rencontres survenues en septembre 2021 ; et merci aussi pour cette opportunité de continuer à parler du voyage avec vous. Merci beaucoup.

Pape François :

Bonsoir et merci à vous pour votre travail, votre compagnie. Ce furent trois journées intenses mais bonnes. Vous avez maintenant la parole.

Matteo Bruni :

La première question vient d'un journaliste hongrois, Antal Hubai de la télévision hongroise :

Antal Hubai - RTL KLUB :

Bonjour, nous savons que vous avez eu, Saint-Père, plusieurs expériences personnelles avec des Hongrois tout au long de votre vie. Votre vision a-t-elle changé, et, si oui, comment, après vos rencontres en Hongrie ?

Pape François :

Oui, en effet, j'ai vécu plusieurs expériences dans les années 60, lorsque j'étudiais au Chili. De nombreux jésuites hongrois étaient arrivés là car ils avaient été expulsés de Hongrie. Ensuite, je suis resté très ami avec les sœurs hongroises de Mary Ward qui avaient une école à 20 km de Buenos Aires. Je leur rendais visite deux fois par mois et jouais un peu le rôle d'aumônier extraordinaire. Ensuite une association de laïcs hongrois de Buenos Aires qui travaillaient dans le collège hongrois. Je les connaissais assez bien. Je ne comprenais pas la langue, mais j’ai compris deux mots : gulasch et tokaj ! Ce fut une belle expérience et j'ai été frappé par la souffrance du fait d'être réfugié, de ne pas pouvoir rentrer chez soi ; et les sœurs de Mary Ward qui étaient restées là-bas étaient cachées dans des appartements pour que le régime ne les emmène pas. Ensuite, j'ai su de plus près toute l'affaire pour convaincre le bon Cardinal Mindszenty de venir à Rome. Et j'ai connu aussi l'enthousiasme de l’année 56 et la déception qui a suivi. Plus ou moins cela.

Matteo Bruni :

... si votre opinion sur les Hongrois a changé après ces deux courts voyages...

Pape François :

Non, elle n'a pas changé. Elle s'est peut-être enrichie, enrichie dans le sens où les Hongrois que j'ai rencontrés ont une grande culture, une grande culture ; même ceux qui n'appartenaient pas à une classe sociale élevée, même les plus simples avaient une culture de base très élevée. Ils parlaient généralement l'allemand ou l'anglais, car le hongrois n'est pas parlé en dehors de la Hongrie... Il n'y a qu'au paradis qu’on le parle, car on dit qu'il faut une éternité pour l'apprendre, la langue hongroise ! Non, elle n'a pas changé, au contraire : j'ai vu le style que je connaissais.

Matteo Bruni :

La deuxième question est posée par Eliana Ruggiero d'Agi.

Eliana Ruggiero - AGI

Saint-Père, vous avez lancé un appel à ouvrir - à rouvrir - les portes de notre égoïsme aux pauvres, aux migrants, à ceux qui ne sont pas en règle. Lors de votre rencontre avec le Premier ministre hongrois Orbán, lui avez-vous demandé de rouvrir les frontières de la route des Balkans qu'il a fermées ? Puis, ces derniers jours, vous avez également rencontré le Métropolite Hilarion : Hilarion et Orbán lui-même peuvent-ils devenir des canaux d'ouverture vers Moscou pour accélérer un processus de paix pour l'Ukraine, ou rendre possible une rencontre entre vous et le président Poutine ? Merci.

Pape François :

Je crois que la paix se fait toujours en ouvrant des canaux. On ne peux jamais faire une paix dans la fermeture. J'invite tout le monde à ouvrir des relations, des canaux d'amitié. Ce n'est pas facile. Le même discours que je tiens en général, je l'ai tenu avec Orbán et je l'ai tenu un peu partout.

Sur les migrations : je pense qu'elle est un problème que l'Europe doit prendre en main, parce qu'il y a cinq pays qui souffrent davantage : Chypre, la Grèce, Malte, l'Italie, l'Espagne. Ce sont les pays méditerranéens et la majorité des migrants y débarquent. Et si l'Europe ne s'occupe pas de cela, d'une répartition équitable des migrants, le problème ne concernera que ces pays. Je pense que l'Europe doit faire sentir qu'elle est "l'Union européenne" également face à cela.

Il y a un autre problème lié à l'immigration, c'est le taux de natalité. Il y a des pays comme l'Italie et l'Espagne où l’on fait peu d'enfants. L'année dernière, j'en ai parlé lors d'une rencontre des familles et j'ai constaté récemment que le gouvernement [italien] et d'autres gouvernements en parlaient. L'âge moyen en Italie est de 46 ans, en Espagne il est encore plus élevé et des petits villages sont déserts. Un programme migratoire, mais bien mené sur le modèle que certains pays ont suivi en matière d'immigration - je pense par exemple à la Suède à l'époque des dictatures latino-américaines -, peut également aider ces pays qui ont un faible taux de natalité.

Et puis, pour finir, Hilarion. Hilarion est une personne que je respecte beaucoup et nous avons toujours eu de bonnes relations. Il a eu la gentillesse de venir me voir, puis il est venu à la messe, et je l'ai aussi vu ici, à l'aéroport. Hilarion est une personne intelligente avec laquelle on peut parler. Ces relations doivent être maintenues parce que si nous parlons d'œcuménisme et que nous disons ensuite "j'aime ceci, je n'aime pas cela"... Nous devons tendre la main à tout le monde, et aussi recevoir la main des autres. Je n'ai parlé qu'une seule fois avec le Patriarche Kirill depuis le début de la guerre, 40 minutes par zoom, puis par l'intermédiaire d'Antony, qui remplace maintenant Hilarion et qui vient me voir. C'est un évêque qui a été curé à Rome et qui connaît bien le milieu, et je suis toujours en contact avec Kirill par son intermédiaire. La rencontre que nous devions avoir à Jérusalem en juillet ou juin de l'année dernière est en suspens, mais elle en suspens à cause de la guerre : il faudra la faire. Et ensuite, avec les Russes, j'ai de bons rapports avec l'Ambassadeur qui s'en va maintenant. Il a été Ambassadeur pendant sept ans au Vatican, c'est un grand homme, un homme comme il faut. C'est une personne sérieuse, cultivée, très équilibrée. Les relations avec les Russes sont principalement le fait de cet Ambassadeur. Je ne sais pas si j'ai tout dit...

Eliana Ruggiero :

Est ce qu'Hilarion et Orbán pourraient d'une certaine manière accélérer le processus de paix en Ukraine et aussi rendre possible une rencontre entre vous et Poutine, s'ils peuvent agir - entre guillemets - en tant qu'intermédiaires ?

Pape François :

Vous pouvez imaginer que lors de cette réunion, nous n'avons pas seulement parlé du Petit Chaperon Rouge, nous avons parlé de toutes ces choses. Nous en avons parlé parce que tout le monde est intéressé par le chemin de la paix. Je suis prêt, je suis prêt à faire tout ce qui doit être fait. Une mission est en cours en ce moment, mais elle n'est pas encore publique, attendons .... Lorsqu'elle sera publique, j'en parlerai.

Matteo Bruni :

La troisième question est posée par Aura Maria Vistas Miguel, qui se trouve à votre gauche.

Aura Maria Vistas Miguel - Rádio Renascença - Portugal :

Votre Sainteté, la prochaine étape est Lisbonne, alors deux choses. Comment vous sentez-vous en ce qui concerne votre santé ? Nous avons été surpris lorsque vous êtes entré à l'hôpital, certains ont dit que vous vous étiez évanoui. Vous sentez-vous suffisamment en forme pour rencontrer des milliers de jeunes pendant ces journées d'août à Lisbonne ? Et aimeriez-vous inviter aux JMJ un jeune Ukrainien et un jeune Russe en signe de paix pour les nouvelles générations ?

Pape François :

La santé d'abord. J'ai eu un fort malaise à la fin de l'audience du mercredi. Je n'avais pas envie de déjeuner, je me suis un peu allongé. Je n'ai pas perdu connaissance mais j'ai eu une forte fièvre et, à trois heures de l'après-midi, le médecin m'a immédiatement conduit à l'hôpital : forte pneumonie aiguë dans la partie inférieure des poumons. Dieu merci, je peux le dire, car l'organisme, le corps, a bien réagi au traitement. Dieu merci. Voilà ce que j’ai eu.

Ensuite, Lisbonne : la veille de mon départ, j'ai parlé avec Mgr Américo [Américo Aguiar, évêque auxiliaire de Lisbonne et président de la Fondation JMJ 2023] qui est venu voir comment allaient les choses... Oui, j'irai, j'irai, et j'espère que j'y arriverai. Vous voyez que ce n'est pas la même chose qu'il y a deux ans, mais avec la canne... Maintenant c'est mieux, pour l'instant le voyage n'est pas annulé. Ensuite il y a le voyage à Marseille, puis le voyage en Mongolie, et puis un dernier je ne me souviens plus où... Toujours est-il que le programme me fait bouger, on verra bien !

Aura Maria Vistas Miguel :

Et peut-être la rencontre avec deux jeunes, de Russie et d'Ukraine ?

Pape François :

Américo a quelque chose en tête, il prépare quelque chose, il me l'a dit... Il le prépare bien.

Matteo Bruni :

La quatrième question est celle de Nicole Winfield, Votre Sainteté, et ensuite nous verrons si avec le timing nous pouvons...

Nicole Winfield - Associated Press :

Saint-Père, je voulais vous poser une question un peu différente. Vous avez récemment fait un geste œcuménique très fort en donnant à la Grèce de trois fragments des sculptures du Parthénon des musées du Vatican. Ce geste a également eu un écho en dehors du monde orthodoxe, car de nombreux musées occidentaux discutent précisément de la restitution d'objets acquis pendant la période coloniale, comme un acte de justice à l'égard de ces peuples. Je voulais vous demander si vous seriez ouvert à d'autres actes de restitution. Je pense par exemple aux peuples et groupes autochtones du Canada qui ont demandé la restitution d'objets des collections du Vatican dans le cadre du processus de réparation des dommages subis pendant la période coloniale.

Pape François :

Avant tout, c'est le septième commandement : si tu as volé, tu dois rendre ! Mais il y a toute une histoire. Parfois, les guerres et les colonisations conduisent à ces décisions de prendre les biens de l'autre. Ce geste a été juste, il fallait le faire : le Parthénon, donner quelque chose. Et si les Égyptiens viennent demain et demandent l'obélisque, que ferons-nous ? Il faut faire un discernement, à chaque fois. Ensuite, la restitution des biens des autochtones : c'est en cours avec le Canada, au moins nous étions d'accord pour le faire. Je demanderai à présent ce qu'il en est. Mais l'expérience avec les aborigènes du Canada a été très fructueuse. Aux États-Unis, les Jésuites font aussi quelque chose, avec ce groupe autochtone à l'intérieur des États-Unis, m'a dit le Père Général l'autre jour... Mais revenons à la restitution. Dans la mesure où l'on peut restituer, ce qui est un geste nécessaire, il vaut mieux le faire. Parfois, on ne peut pas, il n'y a pas de possibilité politique ou de possibilité réelle et concrète. Mais dans la mesure où l’on peut restituer, que cela soit fait, s’il vous plait, c'est bon pour tout le monde. Pour ne pas s'habituer à mettre la main dans la poche des autres !

Matteo Bruni :

Alors, posons encore une question : Eva Fernández de Radio Cope, qui est ici...

Eva Fernández de Radio Cope :

Le Premier ministre ukrainien a demandé votre aide pour ramener les enfants emmenés de force en Russie. Pensez-vous pouvoir l'aider ? Merci.

Pape François:

Je pense que oui, parce que le Saint-Siège a servi d'intermédiaire dans certaines situations d'échange de prisonniers et, par l'intermédiaire de l'ambassade, cela s'est bien passé. Je pense que cela peut également bien se passer cette fois-ci. C'est important, le Saint-Siège est prêt à le faire parce que c'est juste, c'est une chose juste et nous devons aider, aider à ce qu'il ne s'agisse pas d'un casus belli, mais d'un cas humain. Il s'agit d'un problème d'humanité avant d'être un problème de butin de guerre ou de " déplacement " de guerre. Tous les gestes humains aident. En revanche, les gestes de cruauté n'aident pas. Nous devons faire tout ce qui est humainement possible.

Je pense aussi, et je tiens à le dire, aux femmes qui viennent dans nos pays : Italie, Espagne, Pologne, Hongrie, tant de femmes qui viennent avec des enfants et dont les maris sont morts ou combattent à la guerre. C’est vrai, il y a de l'enthousiasme en ce moment, et elles sont aidées ; mais il ne faut pas perdre l'enthousiasme, car lorsque l'enthousiasme tombe, ces femmes restent sans protection, avec le danger de tomber entre les mains des vautours qui tournent toujours autour à la recherche de... Veillons à ne pas perdre cette attention à l’aide que nous apportons aux réfugiés. Et faisons-le tous. Merci.

Merci à vous ! Bon dîner ! Mais je ne sais pas si c'est un dîner ou quelque chose pour trompe l'estomac. Merci beaucoup pour votre travail.



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