VOYAGE APOSTOLIQUE À MEXICO ET À SAINT-LOUIS
(22-28 JANVIER 1999)
MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II
AUX MALADES DE L'HÔPITAL « A. LOPEZ MATEOS »
Chers frères et sœurs,
1. Comme lors d'autres visites pastorales dans le monde entier, au cours de ce quatrième voyage au Mexique, j'ai également voulu partager avec vous, chers malades hospitalisés dans ce centre qui porte le nom de «Adolfo López Mateos» – et par votre intermédiaire avec tous les autres malades du pays – quelques moments de prière et d'espérance. Je désire vous assurer de mon affection et, dans le même temps, je m'associe à votre prière et à celle de vos proches en demandant à Dieu, par l'intercession de la Très Sainte Vierge de Guadalupe, la légitime santé du corps et de l'âme, la complète identification de vos souffrances avec celles du Christ à la recherche des raisons qui, fondées sur la foi, nous aident à comprendre la signification de la douleur humaine.
Je me sens très proche de tous ceux qui souffrent, ainsi que des médecins et de tout le personnel de la santé qui prêtent leur service aux malades avec abnégation. Je voudrais que ma voix franchisse ces murs pour apporter la voix du Christ à tous les malades et au personnel du monde de la santé, et offrir ainsi une parole de réconfort dans la maladie et d'encouragement dans la mission d'assistance, en rappelant de façon particulière la valeur que la douleur possède dans le cadre de l'œuvre rédemptrice du Sauveur.
Rester à vos côtés, vous servir avec amour et compétence, n'est pas qu'une œuvre humanitaire et sociale, mais également et surtout une activité éminemment évangélique, car le Christ lui-même nous invite à imiter le bon samaritain, qui rencontrant sur sa route un homme qui souffrait ne «passa pas outre», mais «fut pris de pitié. Il s'approcha, banda ses plaies [...] et prit soin de lui» (Lc 10, 32-34). De nombreuses pages de l'Evangile nous décrivent la rencontre de Jésus avec des personnes affectées par diverses maladies. Ainsi, saint Matthieu nous dit que «Il parcourait toute la Galilée, enseignant dans les synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute langueur parmi le peuple. Sa renommée gagna toute la Syrie, et on lui présenta tous les malades atteints de divers maux et tourments, des démoniaques, des lunatiques, des paralytiques, et il les guérit» (Mt 4, 23-24). Saint Pierre, suivant les pas du Christ, fit marcher un impotent près de la porte du Temple appelée la Belle (cf. Ac 3, 2-5) et, lorsque le bruit de ce qui était arrivé se répandit, «on allait jusqu'à transporter les malades dans les rues et les déposer là sur des lits et des grabats, afin que tout au moins l'ombre de Pierre, à son passage, couvrit l'un d'eux» (Ibid. 5, 15-16). Dès ses origines, l'Eglise, sous la motion de l'Esprit Saint, a voulu suivre l'exemple de Jésus sur cette voie et elle considère donc un devoir et un privilège de rester aux côtés de celui qui souffre, cultivant un amour préférentiel pour les malades. C'est pourquoi, dans la Lettre apostolique Salvifici doloris, j'ai écrit: «L'Eglise, qui naît du mystère de la Rédemption dans la Croix du Christ, a le devoir de rechercher la rencontre avec l'homme d'une façon particulière sur le chemin de la souffrance. C'est dans cette rencontre que l'homme "devient la route de l'Eglise"» (n. 3).
2. L'homme est appelé à la joie et à une vie heureuse, mais il fait quotidiennement l'expérience de nombreuses formes de douleur et la maladie est l'expression la plus fréquente et la plus commune de la souffrance humaine. Face à cela, on se demande spontanément: Pourquoi souffrons-nous? Pour quelle raison souffrons-nous? La souffrance des personnes a-t-elle une signification? L'expérience de la douleur physique ou morale peut-elle être positive? Chacun de nous se sera posé, sans aucun doute, plus d'une fois ces questions, sur un lit de douleur, au cours d'une convalescence, avant de subir une intervention chirurgicale ou lorsqu'on a vu souffrir une personne chère.
Pour les chrétiens, ce sont des interrogations sans réponse. La douleur est un mystère, très souvent insondable pour la raison. Elle appartient au mystère de la personne humaine, qui ne s'éclaire qu'en Jésus-Christ, qui est Celui qui révèle à l'homme sa propre identité. Ce n'est qu'à partir de Lui que nous pourrons découvrir le sens de tout ce qui est humain. La souffrance – comme je l'ai écrit dans la Lettre apostolique Salvifici doloris – «ne peut être transformée par une grâce venant du dehors, mais par une grâce intérieure. [...] Mais un tel processus intérieur ne se développe pas toujours de la même manière. [...] Le Christ, en effet, ne répond ni directement, ni de manière abstraite à cette interrogation humaine sur le sens de la souffrance. L'homme entend sa réponse salvifique au fur et à mesure qu'il devient participant des souffrances du Christ. La réponse qui vient ainsi dans cette participation... est... un appel...: "Suis-moi"! Viens! Prends part avec ta souffrance à cette œuvre du salut du monde qui s'accomplit par ma propre souffrance! Par ma Croix!» (n. 26). C'est pourquoi, devant l'énigme de la douleur, nous chrétiens pouvons dire avec fermeté: «Mon Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux» (Mt 26, 39).
3. La grandeur et la dignité de l'homme consistent à être fils de Dieu et à être appelé à vivre en union intime avec le Christ. Cette participation à sa vie comporte le partage de la douleur. Le plus innocent des hommes – le Dieu qui s'est fait homme – a été une personne qui a profondément souffert, qui a pris sur elle nos erreurs et nos péchés. Lorsqu'Il annonce à ses disciples que le Fils de l'Homme devra beaucoup souffrir, être crucifié et ressusciter le troisième jour, il avertit également que si quelqu'un veut Le suivre, il doit se renier lui-même, prendre sa propre croix et Le suivre (cf. Lc 9, 22 et sq.). Il existe donc une relation intime entre la Croix de Jésus – symbole de la douleur suprême et prix de notre liberté véritable – et nos douleurs, les souffrances, l'affliction, les peines et les tourments qui peuvent peser sur notre âme ou s'enraciner dans notre corps. La souffrance se transforme et se transcende lorsqu'on est conscient de la proximité et de la solidarité de Dieu en ces moments. Telle est la certitude que procurent la paix intérieure et la joie spirituelle propre à l'homme qui souffre avec générosité et qui offre sa propre douleur «comme sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu» (Rm 12, 1). Celui qui souffre avec ces sentiments n'est pas un poids pour les autres, mais contribue au salut de tous à travers sa propre souffrance.
Ainsi considérés, la douleur, la maladie et les moments sombres de l'existence humaine acquièrent une dimension profonde et porteuse d'espérance. On n'est jamais seul devant le mystère de la souffrance: on est avec le Christ, qui donne un sens à toute la vie: aux moments de paix et de joie, ainsi qu'aux moments de peine et de douleur. Avec le Christ, tout possède un sens, y compris la souffrance et la mort; sans Lui, rien ne peut être pleinement expliqué, pas même les plaisirs légitimes que Dieu a associés aux divers moments de l'existence humaine.
4. La situation des malades dans le monde et dans l'Eglise n'est en aucune façon passive. A ce propos, je désire rappeler les paroles que les Pères synodaux leur adressèrent au terme de leur VIIème Assemblée générale ordinaire du Synode des Evêques: «Nous comptons sur vous pour enseigner au monde entier ce que signifie l'amour. Nous ferons tout notre possible pour trouver la place à laquelle vous avez droit dans la société et dans l'Eglise» (Per Concilii semitas ad Populum Dei Nuntius, n. 12). Comme je l'ai écrit dans mon Exhortation apostolique Christifideles laici: «A tous et à chacun s'adresse l'appel du Seigneur: les malades eux aussi sont envoyés comme des ouvriers dans sa vigne. Le poids qui fatigue les membres du corps et ébranle la sérénité de l'âme, loin de les détourner d'aller travailler à la vigne, les invite à vivre leur vocation humaine et chrétienne et à participer à la croissance du Royaume de Dieu sous des modalités nouvelles et même plus précieuses [...] beaucoup de malades peuvent devenir porteurs de la "joie de l'Esprit Saint au milieu de bien des épreuves " (1 Th 1, 6) et être des témoins de la Résurrection de Jésus» (n. 53). Dans cette optique, il est opportun d'avoir à l'esprit que ceux qui vivent une situation de maladie ne sont pas seulement appelés à unir leur douleur à la Passion du Christ, mais également à participer activement à l'annonce de l'Evangile, en témoignant, à partir de leur expérience de foi, la force de la vie nouvelle et la joie qui dérivent de la rencontre avec le Seigneur ressuscité (cf. 2 Co 4, 10-11; 1 P 4, 13; Rm 8, 18 et sq.)
A travers ces réflexions, j'ai voulu susciter en chacun de vous des sentiments qui portent à vivre les épreuves présentes avec un sens surnaturel, en sachant voir en elles une occasion pour découvrir Dieu au milieu des ténèbres et des interrogations et pour imaginer les vastes horizons que l'on aperçoit du haut de nos croix quotidiennes.
5. Je désire étendre mon salut à tous les malades du Mexique, dont beaucoup suivent cette visite à la radio ou à la télévision; à leurs proches, à leurs amis et à ceux qui les aident dans ces moments d'épreuve, au personnel médical et para-médical qui offre la contribution de son savoir et ses soins attentifs pour les surmonter ou, tout au moins, les rendre plus supportable, aux autorités civiles qui ont le souci de développer les hôpitaux et les autres centres de soin des divers Etats et de tout le pays. Je désire mentionner en particulier les personnes consacrées qui vivent leur charisme religieux dans le domaine de la santé, ainsi que les prêtres et les autres agents de pastorale qui les aident à trouver dans la foi le réconfort et l'espérance.
Je ne peux que rendre grâce pour les prières et les sacrifices que beaucoup d'entre vous offrent pour ma personne et pour mon ministère de pasteur de l'Eglise universelle.
En remettant ce Message à Mgr José Lizares Estrada, Evêque auxiliaire de Monterrey et Président de la Commission épiscopale pour la Pastorale des Services de la Santé, je vous renouvelle mon salut et mon affection dans le Seigneur et, par l'intercession de la Vierge de Guadalupe, qui dit au bienheureux Juan Diego: «Ne suis-je pas ta santé?» – se manifestant ainsi comme celle que nous, chrétiens, invoquons avec le titre de «Salus infirmorum», je vous donne de tout cœur ma Bénédiction apostolique.
Mexico, le 24 janvier 1999.
IOANNES PAULUS PP. II
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