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MESSAGE POUR LA III JOURNÉE MONDIALE DES MALADES

 

1. Les gestes de salut de Jésus à l'égard de « tous ceux qui étaient prisonniers du mal » (Missel romain, Préf. com. VII) ont toujours trouvé un prolongement significatif dans la sollicitude de l'Église à l'égard des malades. À tous ceux qui souffrent, elle manifeste de multiples manières son attention : ainsi, dans le contexte actuel, l'institution de la Journée mondiale des malades revêt une grande importance. Cette initiative, qui a rencontré un large accueil auprès de ceux qui ont à coeur la condition de ceux qui souffrent, vise à donner un élan nouveau à l'action pastorale et caritative de la communauté chrétienne, pour assurer une présence de celle-ci toujours plus efficace et plus nette dans la société.

C'est là une exigence particulièrement ressentie à notre époque, qui voit des populations entières éprouvées par d'immenses souffrances, conséquences de cruels conflits dont souvent ceux qui sont les plus faibles ont dû payer le prix le plus élevé. Comment ne pas reconnaître que notre civilisation « devrait se rendre compte qu'elle est, à divers points de vue, une civilisation malade, qui provoque de profondes altérations chez l'homme? » (Lettre aux familles, 20).

Elle est malade à cause de l'égoïsme qui sévit, de l'utilitarisme individualiste souvent proposé comme modèle de vie, de la négation ou de l'indifférence que, souvent, on manifeste en ce qui concerne le destin transcendant de l'homme, de la crise des valeurs spirituelles et morales, qui préoccupe tellement l'humanité. La « pathologie » de l'esprit n'est pas moins dangereuse que la « pathologie » physique, et elles exercent une influence l'une sur l'autre.

2. Dans mon Message pour la Journée mondiale des malades en février dernier, j'ai voulu rappeler le dixième anniversaire de la publication de ma Lettre apostolique Salvifici doloris, qui traite de la signification chrétienne de la souffrance humaine. Dans les circonstances actuelles, je voudrais attirer l'attention sur le dixième anniversaire, tout proche, d'un autre événement ecclésial, particulièrement important pour la pastorale des malades. En effet, par le « motu proprio » Dolentium hominum, du 11 février 1985, j'ai institué la Commission pontificale, devenue par la suite le Conseil pontifical, pour la Pastorale des Services de la Santé qui, par de multiples initiatives, « manifeste la sollicitude de l'Église pour les malades, en apportant son aide à ceux qui assurent le service des malades et à ceux qui souffrent, afin que l'apostolat de la miséricorde auquel ils se livrent réponde toujours mieux aux nouvelles exigences » (Const. apost. Pastor Bonus, art. 152).

Le rendez-vous le plus important de la prochaine Journée mondiale des malades, que nous célébrerons le 11 février 1995, aura lieu en terre africaine, près du sanctuaire de Marie Reine de la Paix, à Yamoussoukro, en Côte-d'Ivoire. Ce sera une rencontre ecclésiale liée spirituellement à l'Assemblée spéciale pour l'Afrique du Synode des évêques; ce sera en même temps l'occasion de participer à la joie de l'Église ivoirienne, qui célèbre le centenaire de l'arrivée des premiers missionnaires.

Se retrouver pour un anniversaire si important sur le continent africain, et en particulier au sanctuaire marial de Yamoussoukro, incite à réfléchir au rapport entre souffrance et paix. Il s'agit d'un rapport très profond : quand la paix n'existe pas, la souffrance déferle et la mort élargit son pouvoir sur les hommes. Dans la communauté sociale, comme dans la communauté familiale, l'absence d'entente pacifique se traduit par la prolifération des attentats contre la vie, alors que le service de la vie, sa promotion et sa défense, y compris au prix du sacrifice personnel, constituent la prémisse indispensable d'une authentique construction de la paix individuelle et sociale.

3. Au seuil du troisième millénaire, la paix est, malheureusement, encore lointaine, et nombreux sont les symptômes d'un possible éloignement de cette paix à l'avenir. L'identification des causes et la recherche des remèdes semblent souvent difficiles. Il arrive que de sanglantes luttes fratricides se déroulent même entre chrétiens. Mais tous ceux qui se mettent à l'écoute de l'Évangile avec un coeur ouvert ne peuvent pas ne pas se souvenir et rappeler aux autres l'invitation au pardon et à la réconciliation. Sur l'autel de la prière quotidienne et implorante, ils sont appelés, avec les malades de toutes les parties du monde, à présenter l'offrande de la souffrance que le Christ a acceptée comme moyen de racheter l'humanité et la sauver.

La Croix du Christ, par laquelle nous avons tous été sauvés, est source de paix. Appelé à l'union avec le Christ (cf. Col 1, 24) et à souffrir comme le Christ (cf. Lc 9, 23; 21, 12-19; Jn 15, 18-21), le chrétien, par l'acceptation et l'offrande de la souffrance, annonce la force constructrice de la Croix. En effet, si la guerre et la division sont le fruit de la violence et du péché, la paix est le fruit de la justice et de l'amour, qui ont leur sommet dans l'offrande généreuse de la souffrance que l'on éprouve, poussée – si nécessaire – jusqu'au don de sa vie en union avec le Christ. « Plus l'homme est menacé par le péché, plus sont lourdes les structures de péché que le monde actuel porte en lui-même, et plus est éloquente la souffrance humaine en elle-même. Et plus aussi l'Église éprouve le besoin de recourir à la valeur des souffrances humaines pour le salut du monde » (Salvifici doloris, 27).

4. La valorisation de la souffrance et son offrande pour le salut du monde sont déjà en soi une action et une mission de paix, car du témoignage courageux des faibles, des malades et de ceux qui souffrent peut naître la plus haute contribution qui soit à la paix. En effet, la souffrance appelle une communion spirituelle plus profonde en favorisant, d'une part, le retour à une meilleure qualité de vie, et en promouvant, d'autre part, un engagement convaincu pour établir la paix entre les hommes.

Le croyant sait que, en s'associant aux souffrances du Christ, il devient un authentique artisan de paix. C'est là un mystère insondable, mais dont on peut constater les fruits évidents tout au long de l'histoire de l'Église et, plus particulièrement, dans la vie des saints. S'il existe une souffrance qui provoque la mort, il y a aussi, selon le plan de Dieu, une souffrance qui mène à la conversion et à la transformation du cœur de l'homme (cf. 2 Co 7, 10) : c'est la souffrance qui, en tant que complément dans sa propre chair à « ce qui manque » à la Passion du Christ (cf. Col 1, 24), devient cause et source de joie, parce qu'elle est génératrice de vie et de paix.

5. Bien chers frères et sœurs qui souffrez dans votre corps et votre esprit, je vous souhaite à tous de savoir reconnaître et accueillir l'appel de Dieu à être des artisans de paix par l'of frande de votre souffrance. Il n'est pas facile de répondre à un appel aussi exigeant. Regardez toujours avec confiance vers Jésus « Serviteur souffrant », en lui demandant la force de transformer en don l'épreuve qui vous afflige. Écoutez avec foi sa voix qui redit à chacun d'entre vous : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai » (Mt 11, 28).

Que la Vierge Marie, Mère, Notre-Dame des Douleurs et Reine de la Paix, obtienne pour tout croyant le don d'une foi solide, dont le monde a un extrême besoin. Grâce à elle, en effet, les forces du mal, de la haine et de la discorde seront désarmées par le sacrifice des faibles et des malades, unis au mystère pascal du Christ rédempteur.

6. Je m'adresse maintenant à vous, médecins, infirmier(e)s, membres d'associations et de groupes de volontariat, qui êtes au service des malades. Votre travail sera un authentique témoignage et une action concrète de paix si vous êtes disponibles pour donner un véritable amour à ceux avec qui vous êtes en contact et si, comme croyants, vous savez honorer en eux la présence du Christ lui-même. Cette invitation s'adresse d'une manière toute spéciale aux prêtres, aux religieux et aux religieuses qui, à cause du charisme de leur Institut ou par une forme particulière d'apostolat, sont directement engagés dans la pastorale de la santé.

En vous disant combien j'apprécie tout ce que vous faites avec abnégation et un don généreux de vous-mêmes, je souhaite que tous ceux qui exercent les professions médicales et paramédicales le fassent avec enthousiasme et une généreuse disponibilité, et je prie le Maître de la moisson qu'il envoie de nombreux et saints ouvriers travailler dans le vaste champ de la santé, si important pour l'annonce et le témoignage de l'Évangile.

Que Marie, Mère de ceux qui souffrent, soit aux côtés de tous ceux qui sont dans l'épreuve et qu'elle soutienne l'effort de ceux qui consacrent leur existence au service des malades.

Avec ces sentiments, je vous accorde de tout coeur, très chers malades, ainsi qu'à tous ceux qui sont à vos côtés d'une manière ou d'une autre dans vos multiples besoins matériels et spirituels, une spéciale bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 21 novembre 1994, en la dix-septième année de mon Pontificat.



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