DISCOURS DU PAPE JEAN XXIII
AUX PARTICIPANTS À LA XIIe SESSION DU CONSEIL DU COMITÉ INTERGOUVERNEMENTAL POUR LES MIGRATIONS EUROPÉENNES*
Samedi 7 mai 1960
C’est avec plaisir que Nous vous accueillons, mesdames et messieurs, délégués à la douzième session du Conseil du Comité intergouvernemental pour les migrations européennes. Vous avez tenu à interrompre un moment vos travaux afin de venir de Naples, avec votre directeur et votre président de session, du personnel du CIME et vos familles, Nous présenter votre aimable hommage : c’est là un geste auquel Nous sommes très sensible.
L’Église catholique, en effet, « se sent obligée au plus haut point de s’intéresser à l’œuvre des migrations, comme le déclarait clairement le Pape Pie XII, de vénérée mémoire (Discours aux délégués de la Conférence internationale sur l’émigration, le 17 octobre 1951 – Discorsi e Radiomessagi, XIII. 305). Cette affirmation de Notre prédécesseur n’a rien perdu de son actualité. Aussi, en Nous réjouissant aujourd’hui avec vous du bon travail accompli par votre organisation depuis sa fondation, Nous vous exhortons de tout cœur à continuer une action si nécessaire. Car, Nous le disions Nous-même en 1953 à Nos chers diocésains de Venise à l’occasion de la « Journée de l’émigrant » : « Le monde est petit, et il n’existe et ne peut exister de barrières insurmontables pour les hommes de bonne volonté ». (Scritti e Discorsi del card. Roncalli, Giornata dell’emigrante, vol. I, p.121).
Plus qu’à toute autre époque, les vicissitudes politiques et économiques sont, de nos jours, une source permanente de nombreux mouvements de population, qui ne vont pas sans poser de très délicats problèmes.
Ces mouvements entraînent notamment, vous le savez mieux que personne, des séparations parfois bien douloureuses. Aussi, toute tentative pour renouer les liens brisés mérite-t-elle d’être hautement encouragée. Et sous ce rapport, votre organisation s’est acquis bien des mérites en développant, par son programme de réunion des familles, un aspect essentiel de l’intégration morale de l’émigrant dans son pays d’adoption.
Nous n’ignorons certes pas les difficultés que soulève, pour les gouvernements, une question aux aspects si multiples. Mais il est bien certain, par ailleurs, qu’en favorisant, comme vous vous y employez, la reconstitution du noyau familial, on facilite par là même l’insertion de l’émigrant dans la vie du pays hospitalier. Tant qu’il n’est qu’un isolé, séparé des siens, il fait figure de déraciné. Entouré de sa femme et de ses enfants, il apporte au contraire un élément positif à la vie sociale.
Non moins dignes aussi d’être soutenues et encouragées sont vos initiatives pour assurer aux émigrants la formation professionnelle normalement indispensable pour l’heureux succès de leur déplacement. La formation professionnelle, en effet, si elle permet une meilleure adaptation de l’émigrant aux conditions de la production économique, rend possible surtout un heureux épanouissement de sa personnalité, dans la pleine sauvegarde de sa dignité.
Autant de raisons, mesdames et messieurs, pour que cette rencontre internationale hâte l’instauration d’une véritable coopération à l’échelle du monde pour faciliter, dans la compréhension mutuelle, la solution des problèmes complexes posés par les migrations : recrutement, transport, accueil, placement, installation, intégration. Les tâches ne manquent pas à votre dévouement et à votre compétence au service de tous ceux que la nécessité oblige à émigrer, au service aussi des pays qui ont besoin d’un apport de main-d’œuvre étrangère. L’analyse rigoureuse des tendances économiques et la prévision raisonnable des mouvements démographiques doit permettre de plus en plus l’adaptation de votre action au noble but qu’elle s’est tracé. Nul doute que les travaux de cette douzième session de votre Comité intergouvernemental ne vous permettent d’amplifier en ce sens vos efforts. Puissent-ils contribuer toujours davantage à tisser, dans un monde trop souvent sensible au seul intérêt et tragiquement divisé, un réseau d’aides fraternelles et d’échanges pacifiques, pour le plus grand bénéfice de chacun et de la communauté humaine tout entière.
C’est en formant ce souhait que Nous appelons, mesdames et messieurs, sur vos personnes et vos travaux, et sur tous les émigrants qui en sont les bénéficiaires, les meilleures grâces célestes, en gage desquelles Nous vous accordons de grand cœur une large Bénédiction apostolique.
*L’Osservatore Romano 8.5.1960 p.1.
Discorsi, Messaggi, Colloqui del Santo Padre Giovanni XXIII, vol. II, p.332-334.
L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n°21, p.1, 4.
La Documentation catholique n°1330, col.736-738.
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