LETTRE DE SA SAINTETÉ LE PAPE LÉON XIII
A S. M. WILHELMINA, REINE DES PAYS-BAS*
Majesté,
Nous ne pouvons qu'avoir pour agréable la lettre par laquelle Votre Majesté Nous faisant part de la réunion, dans la Capitale de son royaume, de la Conférence pour la paix, a eu l'attention de solliciter pour cette assemblée Notre appui moral.
Nous Nous empressons d'exprimer Nos vives sympathies, soit pour l'Auguste initiateur de la Conférence et pour Votre Majesté qui s'est empressée de donner à celle-ci une honorable hospitalité, soit pour le but éminemment moral et bienfaisant auquel tendent les travaux qui déjà y sont inaugurés.
Pour de telles entreprises Nous estimons qu' il entre tout spécialement dans Notre rôle non seulement de prêter un appui moral, mais d'y coopérer effectivement, car il s'agit d'un objet souverainement noble de sa nature, et intimement lié avec Notre Auguste ministère lequel, de par le divin Fondateur de l'Eglise, et en vertu de traditions bien de fois séculaires, possède une sorte de haute investiture comme médiateur de la paix. En effet l' autorité du Pontificat suprême dépasse les frontières des nations; elle embrasse tous les peuples, afin de les confédérer dans la vraie paix de l'Evangile; son action pour promouvoir le bien général de l'humanité s'élève au dessus des intérêts particuliers qu'ont en vue les divers chefs d'états, et mieux que personne elle sait incliner à la concorde tant de peuples au génie si divers.
L'histoire à son tour vient témoigner de tout ce qu'ont fait Nos Prédécesseurs pour adoucir par leur influence les lois malheureusement inévitables de la guerre, arrêter même, quand surgissaient des conflits entre peuples ou entre princes, tout combat sanguinaire, terminer à l'amiable les controverses les plus aiguës entre nations, soutenir courageusement le droit des faibles contre les prétentions de forts. Et Nous aussi, malgré l'anormale condition où Nous sommes réduits pour l'heure, il Nous a été donné de mettre fin à de graves différends entre des nations illustres, comme la Germanie et l'Espagne; et aujourd'hui même Nous avons la confiance de pouvoir bientôt rétablir l'harmonie entre deux nations de l'Amérique du sud, qui ont soumis à Notre arbitrage leur contestation.
Malgré les obstacles qui puissent surgir, Nous continuerons, puisque le devoir Nous en incombe, à remplir cette traditionnelle mission, sans aspirer à d'autre but que le bien public, sans convoiter d'autre gloire que celle de servir la cause sacrée de la civilisation chrétienne.
Nous prions Votre Majesté de vouloir bien agréer les sentiments de Notre particulière estime et l'expression sincère des voeux que Nous formons pour Sa prospérité et celle de Son royaume.
Du Vatican le 29 Mai 1899.
LEO PP. XIII
*ASS, vol. XXXII (1899-1900), pp. 63-68.
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