Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Amen.

La paix soit avec vous.

Chers frères et sœurs, bonjour et bienvenue à tous!

Je suis heureux de m’adresser à vous en cette période où les événements actuels exigent un discernement et une responsabilité particulière, et où il est évident que les médias ont un rôle crucial dans la formation des consciences et de la pensée critique.

Il est paradoxal que, à l’ère de la communication, les agences d’information et de médias traversent une période de crise. De même, les consommateurs d’information sont également en crise, confondant souvent le faux et le vrai, l’authentique et l’artificiel. Pourtant, aujourd’hui, personne ne peut dire: «Je ne savais pas». C’est pourquoi je souhaite vous encourager dans votre travail important et recommander des opportunités de collaboration, qui vous permettent de réfléchir ensemble.

L’information est un bien public que nous devrions tous protéger. C’est pourquoi ce qui est réellement constructif est un partenariat entre citoyens et journalistes au service de la responsabilité éthique et civique. Une forme de citoyenneté active consiste à accorder de l’importance et à soutenir les professionnels et les agences qui font preuve de sérieux et de véritable liberté dans leur travail. Cela crée un cercle vertueux bénéfique à l’ensemble de la société.

Chaque jour, des reporters risquent leur vie pour que les gens sachent ce qui se passe réellement. A une époque comme la nôtre, marquée par des conflits étendus et violents, beaucoup sont morts en accomplissant leur devoir. Ce sont des victimes de la guerre et de l’idéologie de la guerre, qui voudrait empêcher les journalistes d’être présents. Nous ne devons pas les oublier! Si nous savons aujourd’hui ce qui se passe à Gaza, en Ukraine et dans toute autre terre ensanglantée par les bombes, c’est en grande partie à eux que nous le devons. Ces témoignages extraordinaires de témoins oculaires sont le point culminant des efforts quotidiens d’innombrables personnes qui veillent à ce que l’information ne soit pas manipulée à des fins contraires à la vérité et à la dignité humaine.

Comme vous le savez, lors de ma première rencontre avec les journalistes du monde entier, juste après le conclave, j’ai voulu lancer un appel pour la libération de vos confrères injustement persécutés et emprisonnés pour avoir fait leur travail. Je renouvelle aujourd’hui cette requête. Exercer le métier de journaliste ne doit jamais être considéré comme un crime, mais comme un droit à protéger.

Le libre accès à l’information est un pilier qui soutient l’édifice de nos sociétés et pour cette raison, nous sommes appelés à le défendre et le garantir.

Comme l’a souligné le Pape François, «Nous avons besoin d'entrepreneurs courageux, d'ingénieurs logiciels courageux, afin que la beauté de la communication ne soit pas corrompue» (Discours aux participants au Jubilé du monde de la communication, 25 janvier 2025). Il faut libérer la communication des opinions fausses qui la corrompent, de la concurrence déloyale, et de la pratique dégradante de que l’on appelle le piège à clics. Les agences d’information sont en première ligne et sont appelées à agir dans le contexte médiatique actuel selon des principes — malheureusement pas toujours partagés — qui unissent la durabilité économique de l’entreprise à la protection du droit à une information correcte et objective.

A leur tour, les journalistes des agences de presse sont appelés à être les premiers à arriver sur le terrain et à rendre compte des dernières nouvelles. Cela est d’autant plus vrai à l’ère de la communication en direct continue et de la numérisation croissante des médias de masse. Comme vous le savez bien, ceux qui travaillent pour une agence de presse doivent être capables d’écrire rapidement, sous pression, même dans des situations très complexes et dramatiques. Pour ces raisons, votre service exige compétence, courage et sens de l’éthique. Cela est inestimable et doit constituer un antidote à la prolifération des «junk news».

Mais nous ne sommes pas condamnés à vivre dans un monde où la vérité ne se distingue plus de la fiction. Nous devons nous poser certaines questions cruciales à ce sujet.

Les algorithmes génèrent des contenus et des données à une échelle et à une vitesse sans précédent. Mais qui les contrôle? L’intelligence artificielle transforme la façon dont nous recevons l’information et communiquons, mais qui la dirige et dans quel but? Il faut veiller à ce que la technologie ne remplace pas l’être humain, et à ce que l’information ainsi que les algorithmes qui la régissent aujourd’hui ne soient pas entre les mains d’une poignée de personnes.

Chers amis, merci pour votre travail! Je vous souhaite mes meilleurs vœux pour votre réflexion sur les défis auxquels nous faisons face.

Le monde a besoin d’une information libre, rigoureuse, et objective. A ce sujet, il convient de rappeler ici l’avertissement d’Hannah Arendt selon lequel «le sujet idéal de la domination totalitaire n’est ni le nazi convaincu ni le communiste convaincu, mais les gens pour qui la distinction entre fait et fiction et la distinction entre vrai et faux (c’est-à-dire les normes de la pensée) n’existent plus» (Les origines du totalitarisme, 474).

Par votre travail patient et rigoureux, vous pouvez être un barrage contre ceux qui, à travers l’art ancien du mensonge, cherchent à diviser pour mieux régner. Vous pouvez également être un rempart de civilisation face aux sables mouvants de l’approximation et de la post-vérité.

Le secteur de la communication ne peut et ne doit pas dissocier son travail du partage de la vérité. La transparence des sources et de la propriété, la responsabilité, la qualité et l'objectivité sont les clés pour redonner aux citoyens leur rôle de protagonistes dans le système, en les convainquant d’exiger des informations dignes de ce nom.

Je vous le demande: ne vendez jamais votre crédibilité!

Que l’Esprit de Dieu, qui est vérité et force, et qui donne douceur et courage, vous soutienne. Je vous accompagne de ma bénédiction. Merci.

______________

L'Osservatore Romano