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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX ÉVÊQUES DES PAYS BAS
EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Jeudi 17 novembre 1977

Frères très chers,

De tout cœur, Nous vous accueillons à l’occasion de cette visite «ad limina Apostolorum». Vous êtes venus vénérer les tombes du Prince des Apôtres et de l’Apôtre des Nations, et y puiser de nouvelles forces pour votre activité pastorale. Vous êtes venus également «voir Pierre» (Cfr. Gal. 1, 18), en la personne de son humble successeur, pour vérifier et raffermir sur le roc que le Christ a placé comme fondement de son Eglise, votre foi et celle du peuple de Dieu à la tête duquel l’Esprit Saint vous a placés.

Nous saluons aussi et recevons en esprit, en même temps que vous, vos prêtres, vos coopérateurs dans le bon accomplissement de la mission apostolique que le Christ vous a confiée (Cfr. Presbyterorum Ordinis, 2), et tout le peuple catholique de vos diocèses, dont vous êtes, ici comme partout, les représentants authentiques. Ces prêtres, ces fidèles, Nous les sentons spirituellement présents avec vous et avec Nous. A tous Nous disons: «A vous grâce et paix en abondance!» (1 Petr. 1, 2).

Laissez-Nous vous dire tout d’abord quelle joie Nous procure la visite que vous Nous faites tous ensemble cette année. Dans cette visite commune, Nous voulons voir avant tout - et les paroles que vient de prononcer notre vénéré frère le Cardinal Willebrands Nous le confirment - l’expression de votre volonté, interprète de celle de toute l’Eglise aux Pays-Bas, de fidélité au Siège Apostolique.

Ces derniers temps - qui ne le sait? - la vie de l’Eglise dans votre pays a subi de profondes perturbations - malgré les enseignements et les rappels répétés du Saint-Siège - dans le domaine de la foi et de la morale, et aussi de la discipline liturgique et ecclésiastique, tout cela s’accompagnant de nombreuses et douloureuses défections de prêtres qui n’ont pas su rester fidèles à leurs engagements. Mais aujourd’hui la forme solennelle et communautaire que prend, en cette visite, l’expression de votre fidélité est pour Nous un motif de confiance plus particulière et plus ferme. Elle Nous témoigne en effet que l’Eglise aux Pays-Bas veut rester et restera «fondée sur la solidité de la pierre apostolique» (Cfr. S. LEONE MAGNI Oratio ad Missam).

Il Nous plaît à ce propos de noter que la fidélité renouvelée à Pierre est aussi fidélité à un aspect fondamental de l’histoire même, déjà riche de foi et de charité active, de l’Eglise catholique aux Pays-Bas. Et Nous sommes certain que, comme le vigoureux attachement de vos communautés au Siège de Pierre a suscité dans le passé une magnifique floraison de vie ecclésiale, d’œuvres au service de la population, de vocations sacerdotales, religieuses et missionnaires, dont toute l’Eglise catholique a été à la fois témoin et bénéficiaire, ainsi en sera-t-il à nouveau à l’avenir.

Dans cette visite en commun, Nous aimons voir aussi l’expression des liens profonds de fraternité qui vous unissent entre vous, Pasteurs de I’Eglise aux Pays-Bas, vous nos chers fils. Les problèmes parfois lancinants et angoissants auxquels chacun de vous se trouve affronté dans son diocèse ne peuvent rester étrangers aux pasteurs des diocèses frères ni les laisser indifférents. Nous savons avec quelle sollicitude vous cherchez à les étudier ensemble pour vous conseiller mutuellement et trouver la solution répondant le mieux à la volonté du Pasteur suprême, le Christ, et au bien des âmes. La concorde entre les frères édifie la maison! Nous vous encourageons à développer cet amour fraternel, prémisse indispensable à l’édification de l’Eglise.

En vous unissant autour de la Chaire de Pierre, vous attendez aussi de Nous quelque parole qui vous soutienne et vous oriente dans votre labeur apostolique quotidien. Nous pouvons dire que Nous suivons, jour après jour, les événements de I’Eglise aux Pays-Bas, qui est spécialement présente à notre esprit et à notre cœur. Aussi répondons-Nous volontiers à votre désir. C’est d’ailleurs pour Nous un devoir précis, de par la responsabilité ordinaire et immédiate de l’ensemble du troupeau du Christ, qui Nous a été conférée par Celui auquel Nous devons rendre compte de notre journée terrestre.

Vous connaissez peut-être déjà les paroles que Nous avons adressées cette année à certains de nos Frères dans l’Episcopat d’autres régions d’Europe, venus comme vous en visite «ad limina». Sur diverses questions traitées avec eux - comme celles de la communion ecclésiale, des communautés chrétiennes, de l’évangélisation dans une société déchristianisée, de la promotion du laïcat, des vocations, avec une référence particulière au célibat sacerdotal, des célébrations dominicales sans prêtre, de la presse catholique – Nous leur avons donné des directives de fond qui peuvent certainement valoir aussi pour vos contrées. Nous vous invitons donc à en prendre une connaissance attentive et à en vérifier la mise en œuvre dans vos diocèses.

Avec vous aujourd’hui, il Nous plaît de Nous attarder sur certains aspects de la vie de l’Eglise aux Pays-Bas, sur sa réponse au dessein du Christ, sur ce qu’elle pourra être dans le proche avenir, cette Eglise pour laquelle tous, Pasteurs et fidèles, nous voulons œuvrer ensemble.

1. Nous considérons donc, avant tout, l’Eglise aux Pays-Bas qui est appelée à professer et vivre, dans sa plénitude et dans sa pureté, la foi catholique.

La foi - nous le savons bien - qualifie l’Eglise, qui, en l’acceptant, répond comme une épouse fidèle à la parole de son Seigneur. Elle qualifie aussi chacun des membres de l’Eglise, qui trouvent en elle le premier et indispensable rapport personnel avec «le chef de notre foi, qui la mène à la perfection, Jésus» (Hebr. 12, 2), et «sont véritablement devenus, dans le baptême de la foi, fils de Dieu, participants de la nature divine et, par conséquent, réellement saints» (Lumen Gentium, 40).

C’est à travers le ministère de l’Eglise que sont transmises cette foi et cette vie divine; c’est dans la communauté ecclésiale qu’elles trouvent leur soutien et leur expression liturgique; mais il s’agit en même temps d’un rapport personnel avec Dieu, d’une participation personnelle à la vie du Christ.

Toute vérité de foi est témoignage de l’amour de Dieu pour l’homme, est vérité de salut. C’est pourquoi aucune vérité révélée ne peut être niée ou soumise à des interprétations réductrices, lesquelles - sans doute - veulent permettre d’insérer plus facilement la Parole de Dieu dans l’horizon limité de la sagesse humaine, mais ne correspondent pas au dessein de Dieu, qui, dans sa transcendance même, sait être en réalité d’autant plus proche et plus intime pour l’homme.

C’est dans la foi, vécue dans sa plénitude et dans sa pureté, que l’Eglise aux Pays-Bas saura maintenir et retrouver son identité catholique : cette unité dans l’Esprit, cette union intérieure, sans lesquelles il serait illusoire de penser qu’elle puisse remplir la mission que le Christ lui a confiée et dont, plus que jamais, les hommes d’aujourd’hui ont besoin.

Evêques catholiques, vous avez certainement bien à l’esprit l’ardente exhortation que l’apôtre Paul adresse à Timothée, afin qu’il garde fidèlement le «dépôt» qui lui a été confié (1 Tim. 6, 20; 2 Tim. 1, 14), et qu’il accomplisse l’œuvre évangélisatrice active et persistante («opus fac evangelistae!») qui en découle. La responsabilité que, comme Evêques, vous avez en ce domaine, est grande et ne peut être déléguée! Autour de vous, les théologiens doivent évidemment être les premiers à assurer fidèlement le soutien et la promotion de la foi. Vos prêtres, de même, savent sûrement apprécier le fait que le Concile œcuménique Vatican II a nommé en premier, parmi les tâches presbytérales, celle d’être «ministres de la Parole»; il déclare en effet, dans le document qu’il leur consacre et qui mérite à coup sûr toute leur attention et toute leur adhésion: «Les prêtres, comme coopérateurs des Evêques, ont donc pour première fonction d’annoncer l’Evangile de Dieu à tous les hommes . . . . il s’agit pour eux d’enseigner non pas leur propre sagesse, mais la Parole de Dieu, et d’inviter tous les hommes avec insistance à la conversion et à la sainteté» (Presbyterorum Ordinis, 4). Il n’est pas différent le rôle des catéchistes qui, mandatés par leurs Evêques, deviennent comme la voix même des successeurs des Apôtres. Ils doivent en effet communiquer la Parole de Dieu, telle qu’elle a été manifestée par la Révélation divine, vécue dans la Tradition de l’Eglise et explicitée dans les énoncés du Magistère.

2. Le récent Synode des Evêques Nous a confié la préoccupation que la catéchèse ne constitue pas toujours, dans la pratique, une annonce fidèle de la vérité catholique. Parmi les propositions qu’il Nous a adressées, on peut lire en effet: «Habentur nostro tempore catechistae qui christianas veritates non integre docent. Idem dicendum de quibusdam auctoribus librorum pro catechesi. Quod iure meritoque praeoccupationem inducit. Inquietudo maior est quando conspicitur veritates essentiales tum ad fidem cum ad mores pertinentes silentio praeteriri» (SYNODI EPISCOPORUM De Catechesi hoc nostro tempore tradenda praesertim pueris atque iuvenes, «Elenchus Propositionum», 10).

Il n’est pas utile, Frères très chers, que Nous répétions combien une telle préoccupation est vive en Nous et Nous fait souffrir (Cfr. PAULI PP. VI Allocutio habita exeunte Episcoporum Synodo, die 29 mensis octobris anni 1977: AAS 69 (1977) 631; cfr. etiam «L’Osservatore Romano», die 30 octobris 1977).

Vous-mêmes la partagez. Dans votre lettre pastorale collective sur l’enseignement catholique, au chapitre consacré à la catéchèse, vous vous montrez en effet très sensibles  aux problèmes présents: «Leur mission (des catéchistes) - écrivez-vous - qui consiste d’une part à transmettre intégralement la tradition intacte de l’Eglise, et d’autre part à rejoindre le cœur des jeunes, est particulièrement difficile».

Nous nous adressons donc à vous avec confiance, en espérant que l’effort que vous avez entrepris pour rendre à la catéchèse son visage authentiquement catholique soit au plus vite couronné de succès, et que l’Eglise aux Pays-Bas puisse être donnée en exemple du renouveau dans la fidélité souhaité par le récent Synode des Evêques. Et, par votre intermédiaire, Nous nous adressons à tous les catéchistes de vos diocèses: Nous désirons leur dire notre estime pour leur engagement au service du Christ et de la vérité, et nos encouragements pour que, avec sagesse, fidélité et courage, ils exercent cette activité de Parole, de Mémoire et de Témoignage qui est la leur (Cfr. SYNODI EPISCOPORUM Ad Populum Dei nuntius).

3. Notre regard se tourne ensuite vers les communautés catholiques néerlandaises qui célèbrent, dans la foi et dans la joie, la sainte liturgie, participation et miroir de la Liturgie céleste, action sacrée et prière du Christ, de l’Eglise et de ceux qui veulent puiser aux sources de vie divine que sont les sacrements.

A ce sujet, Nous avons un double motif de particulière confiance.

Le premier vient du fait que prochaine apparaît désormais la publication du nouveau missel romain dans sa traduction en langue néerlandaise. L’Eglise aux Pays-Bas sera ainsi en possession d’un instrument adapté, permettant aux célébrations eucharistiques de retrouver la force vivifiante et le rayonnement intérieur, dont elles ont été trop souvent privées en raison d’initiatives précipitées et injustifiées (Cfr. Sacrosanctum Concilium, 22, § 3).

Le nouveau missel - l’un des fruits les plus précieux du Concile Vatican II (Cfr. Ibid. 50) -, tout en autorisant une saine variété de formes assure l’unité nécessaire et, par la richesse de ses textes, suscite la participation consciente et active des fidèles. Nous ne doutons pas que vous emploierez avec zèle à ce que chaque paroisse et chaque église de vos diocèses soit pourvue d’un nombre suffisant d’exemplaires. Veuille le Seigneur faire en sorte que l’introduction du nouveau missel romain - le seul autorisé à présent - dans sa traduction néerlandaise entraîne une floraison nouvelle de la dévotion envers la sainte Eucharistie, «sacramentum pietatis, signum unitatis, vinculum caritatis» (S. AUGUSTINI).

Le second motif de confiance, Nous le trouvons dans la lettre que vous avez adressée aux prêtres, à l’occasion de la traduction en langue néerlandaise du nouvel «Ordo Paenitentiae», en novembre 1976. Vous avez en effet souligné l’importance du sacrement de Pénitence dans le processus de conversion, de réconciliation, de libération du péché opérée par le Christ, de renouveau en somme de la vie chrétienne, et vous avez bien fait remarquer comment «sans le sacrement de la confession, une source de réconciliation et de salut ferait défaut». A la lumière de ces considérations, et conformément aux normes établies par le Siège Apostolique, vous avez confirmé la nécessité de la confession et de l’absolution personnelles, alors que la confession et l’absolution collectives restent limitées à des cas exceptionnels, étant bien entendu que même dans de tels cas, au moins ceux qui ont conscience de péchés graves doivent recourir ensuite à la confession individuelle, en temps opportun.

Nous vous exhortons à entretenir la croissance du grain que vous avez semé, en étudiant avec vos prêtres les moyens pastoraux les meilleurs pour que les fidèles, dès leur enfance, puissent facilement bénéficier de la joie, du réconfort et de l’enrichissement qui proviennent de ce sacrement, et en surmontant avec douceur et patience les difficultés qui peuvent quelquefois venir de ceux-la mêmes qui sont les ministres de ce sacrement de salut.

4. Enfin notre esprit se plaît à contempler l’Eglise bénéficiant aux Pays-Bas d’une nouvelle floraison de vocations sacerdotales et religieuses.

Serait-ce une utopie? Non! Nous avons confiance dans la puissance de l’Esprit Saint «qui souffle où il veut» (Io. 3, 8), dans le Seigneur qui n’abandonne pas son Eglise. Et dans cette perpective, Nous avons confiance dans les jeunes. Si les pasteurs savent proposer clairement aux jeunes l’idéal exigeant mais enthousiasmant du Christ, et si les jeunes arrivent à découvrir l’Eglise comme l’espace spirituel, primant sur l’aspect social, de leur rencontre personnelle avec le Christ, l’Eglise aux Pays-Bas vibrera d’une nouvelle jeunesse.

Parmi les jeunes, il en est tant qui sont purs, forts et généreux! Par amour du Christ et avec la certitude de son aide, ils ne se laisseront pas impressionner par les difficultés et les renoncements, compensés d’ailleurs par tant de richesses, qu’exige la marche à la suite du Seigneur Jésus.

C’est déjà pour Nous un réconfort, et comme un signe de renouveau, de voir que, cette année, là où, avec nos encouragements, on s’est efforcé de rétablir un séminaire selon les prescriptions du Concile Vatican II, le nombre accru des candidats au sacerdoce a permis le déroulement complet des cours. Que les jeunes qui se préparent au sacerdoce, comme les prêtres qui les assistent et les guident, sachent bien que Nous les suivons avec une paternelle affection et que Nous les encourageons.

Nous sommes certain, étant donné votre sollicitude et votre sagesse pastorales, que vous ne manquerez pas de mettre au point, sans tarder, une action adéquate, pour stimuler les vocations sacerdotales et pour aider tous ceux que le Seigneur appellera à son service et au service de l’Eglise dans le ministère ordonné, à se préparer, comme il convient, aux plans doctrinal et spirituel, aux tâches difficiles qui les attendent.

Chers Frères dans le Christ, Nous aimerions encore parler avec vous de bien d’autres problèmes, par exemple de la vie spirituelle des prêtres. A ce sujet, pouvons-Nous au moins vous exprimer notre vif désir que la version néerlandaise de la «Liturgie des Heures» voie rapidement le jour, afin de faciliter aux prêtres l’usage de ce moyen indispensable à leur ministère sacerdotal et à leur prière personnelle?

Nous aurions voulu aussi traiter avec vous des questions comme celles du sens et de la nécessité de la discipline ecclésiastique, du style de vie des religieux et des religieuses, de la formation permanente de tous ceux qui travaillent dans un service d’Eglise, de la pastorale des mariages mixtes, des moyens de communication sociale, de l’action de l’Eglise pour la justice et la paix dans le monde, etc. Sur tous ces points, comme sur d’autres, vous saurez certainement, dans un esprit de collaboration étroite et empressée avec nos Dicastères, déterminer des lignes d’action nouvelles et efficaces.

Tout ce que Nous avons voulu vous dire des problèmes qui Nous semblaient d’une urgence particulière suffit à vous faire comprendre toute la confiance que Nous portons dans notre cœur pour l’avenir de l’Eglise aux Pays-Bas et combien Nous vous demeurons proche dans votre labeur quotidien.

Que le Seigneur, qui donne la croissance (Cfr. 1 Cor. 3, 6), féconde votre travail apostolique, par l’intercession de Marie, Mère de l’Eglise! Avec notre Bénédiction Apostolique!

                                    



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