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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AU NOUVEL AMBASSADEUR DU PÉROU PRÈS LE SAINT-SIÈGE,
S.E.M. DIOMEDES ARIAS SCHREIBER
*

Jeudi 17 juillet 1941

C’est avec la plus grande satisfaction que Nous voyons occupé aujourd’hui le poste que la disparition prématurée du regretté comte de Mimbela, après dix années de fructueuse et continuelle activité, avait laissé vacant.

Les paroles que Votre Excellence a prononcées, en Nous présentant les lettres par lesquelles Son Excellence M. le président de la République du Pérou l’accrédite comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, ont exprimé avec éloquence les sentiments et les principes qui vont lui servir d’inspiration et de guide au moment où elle assume cette honorable fonction.

Ces paroles respirent le noble et serein amour dont a fait preuve le peuple péruvien, héritier et représentant de deux civilisations qui ont inscrit dans les annales de l’humanité des pages ineffaçables. Elles traduisent l’affirmation, basée sur la gratitude, de la vocation chrétienne et catholique de ce peuple si cher à Notre cœur, affirmation qui concerne non seulement le passé, mais vise encore l’avenir comme une fière et consciente continuation des traditions dont les colons espagnols ont fait la base fondamentale du patrimoine spirituel de la nation.

Ce catholicisme traditionnel a donné de lumineuses preuves de sa force profonde et de sa vigueur indomptable, même aux époques où, par suite de l’influence d’autres courants, l’action de l’Église eut à souffrir de douloureuses restrictions. Fécondée par la sueur de ses apôtres, arrosée du sang de ses martyrs et ennoblie par les héroïques vertus de ses saints, l’Église du Pérou s’est toujours montrée, même aux temps d’épreuve, digne de son passé et, aujourd’hui encore, elle trouve dans les sentiments religieux de la nation une nouvelle impulsion pour se dévouer davantage à sa fin élevée qui est de promouvoir le progrès spirituel et culturel de ce peuple confié à ses sages et maternelles sollicitudes.

Les déclarations que vous venez de faire, Monsieur l’ambassadeur, sont pour Nous l’heureux témoignage que Son Excellence M. le président de la République et son gouvernement voient dans le maintien des relations fécondes et confiantes avec le Siège apostolique le meilleur et le plus sûr moyen de rendre efficace, au profit du bien public et privé, les principes et les valeurs de la religion catholique, montrant ainsi toujours davantage la grande utilité de l’harmonieuse concorde entre l’Église et l’État pour la réalisation des différentes tâches devant lesquelles, aujourd’hui plus que jamais, se trouvent ceux qui dirigent les destinées des peuples.

Mais plus imposant et plus vaste qu’en d’autres temps se présente aujourd’hui devant la responsabilité des gouvernements et les aspirations des masses le problème de la justice sociale, problème auquel – ainsi que Votre Excellence l’a rappelé dans de nobles paroles – Notre sage prédécesseur Léon XIII s’efforça, il y a maintenant cinquante ans, de donner une place d’honneur dans la conscience humaine et chrétienne de ses contemporains.

L’esprit de l’encyclique Rerum novarum est un esprit d’évolution pacifique, ordonnée et systématique de sentiments et de réalisations sociaux. Mais c’est aussi un esprit de décision ferme, de progrès créateur en faveur des plus pauvres parmi les pauvres, un esprit dont la détermination résolue ne peut admettre les subterfuges, les demi-mesures ou le vide silencieux. Tandis que la vie économique et sociale est sujette à des variations, l’édifice fondamental de la doctrine de l’Église demeure immuable, tels les sommets vertigineux des Cordillères qui se dressent au-dessus des flots écumeux du Pacifique. La lumière que réfléchit le message historique du grand pontife et qui brille sur tous les hommes de bonne volonté émane des collines éternelles d’où doit venir notre salut. Le sens social qui vibre en ce document est né de la contemplation du Père céleste, dont les fils doivent nécessairement faire preuve dans la pratique d’un esprit sincèrement fraternel.

Lorsque, ensuite, Monsieur l’ambassadeur, Votre Excellence a fait, en termes particulièrement émouvants, allusion à la position de votre pays et de votre peuple à l’égard du droit international qui, tout en sauvegardant la parfaite souveraineté de chaque État, pose comme postulat de la conception juridique naturelle et chrétienne, la reconnaissance du principe « la paix dans la justice », elle a mis le doigt sur une plaie vive, dont l’humanité tourmentée attend la guérison, l’âme fiévreuse et le cœur angoissé.

Le bruit tumultueux de la violence belliqueuse, dont le monde actuel est à la fois le témoin ému et l’infortunée victime, l’œuvre de destruction matérielle et morale que le recours à la violence sème sur sa route sanglante invitent à la réflexion et à la pondération ceux-là même qui pourraient se sentir portés à faire passer parfois les considérations utilitaires et intéressées avant les principes de la morale.

Aujourd’hui, la question de la moralisation du droit international, de sa préservation des déviations égoïstes, de la nécessité de l’établir une fois encore sur une base morale solide et appuyée sur le droit, apparaît comme un problème vital pour toutes les nations, et tout spécialement pour les peuples qui sont le moins pourvus des moyens extérieurs de force. Et bien qu’à l’heure actuelle il soit toujours difficile d’espérer que de telles idées, éminemment humaines, chrétiennes et sociales, puissent s’imposer dans l’ardeur de la lutte, il est cependant consolant de noter que de nombreuses voix autorisées s’expriment dans ce sens et laissent entendre que le résultat d’une victoire militaire ne peut faire abstraction du respect des principes moraux qui sont seuls capables d’assurer la stabilité et la fermeté des bases fondamentales du droit des gens.

Votre haute mission, Monsieur l’ambassadeur, commence en un moment où la terre d’Europe, et pas seulement d’Europe, tremble sous la secousse terrible de la guerre. Les conséquences économiques et spirituelles de cette dernière se font sentir toujours plus durement, jusque sur les rivages étendus, dans les vallées fécondes, parmi les gigantesques chaînes de montagne de votre lointaine patrie, à une heure où tous les membres de la grande famille humaine prennent davantage conscience de la communauté de leur destinée, dans le bonheur ou dans le malheur.

Que Votre Excellence, Monsieur l’ambassadeur, soit l’interprète auprès de Son Excellence M. le président et des membres du gouvernement de Nos vœux cordiaux pour leur bonheur personnel et pour l’efficacité de leur tâche, doublement ardue en des temps si difficiles. Qu’elle soit certaine que, dans l’accomplissement de sa mission, elle trouvera toujours en Nous cette confiance et cette aide bienveillante qui correspond à l’importance de sa charge et à ses intentions d’un idéal élevé non moins qu’à la cordialité des relations heureusement existantes entre le Saint-Siège et la République du Pérou.

Dans ces sentiments, accueillant de tout cœur la prière de Votre Excellence, Nous implorons la protection du ciel sur votre patrie bien-aimée. Nous prions pour sa prospérité et son pacifique progrès, et lui donnons, ainsi que tout particulièrement à Votre Excellence, Notre paternelle et affectueuse Bénédiction apostolique


* Actes de S.S. Pie XII, tome III, p.156-158.

Documents Pontificaux 1941, p.192-195.



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