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COMMISSION THÉOLOGIQUE INTERNATIONALE
LA RÉCIPROCITÉ ENTRE FOI ET SACREMENTS
DANS L’ÉCONOMIE SACRAMENTELLE
Note Préliminaire
1. Foi et sacrements : pertinence et actualité
1.1. L’offre divine de salut se fonde sur l’interrelation entre foi et sacrements
1.2. Crise actuelle de la réciprocité entre foi et sacrements
a) Foi et sacrements : une réciprocité en crise
b) Objet du document
2. Nature dialogique de l’économie sacramentelle du salut
2.1. Le Dieu trinitaire : source et fin de l’économie sacramentelle
a) Fondement trinitaire de la sacramentalité
b) Sacramentalité de la création et de l’histoire
c) L’incarnation : centre, sommet et clef de l’économie sacramentelle
d) L’Église et les sacrements dans l’économie sacramentelle
e) Les fondements de l’économie sacramentelle
2.2. La réciprocité entre la foi et les sacrements de la foi
a) Éclairage tiré du chemin de foi des disciples
b) Modulations de la foi
c) Réciprocité entre foi et sacrements
d) Nature dialogique des sacrements
e) L’organisme sacramentel
f) La réciprocité entre la foi et les sacrements dans l’économie sacramentelle
2.3. Conclusion : dynamismes de la foi et sacramentalité
3. La réciprocité entre foi et sacrements dans l’initiation chrétienne
3.1. Réciprocité entre foi et baptême
a) Fondement biblique
b) Foi et baptême des adultes
c) Proposition pastorale : la foi pour le baptême des adultes
d) Foi et baptême des enfants
e) Proposition pastorale : la foi pour le baptême des enfants
3.2. Réciprocité entre foi et confirmation
a) Fondement biblique et historique
b) Foi et confirmation
c) Problématique actuelle
d) Proposition pastorale : la foi pour la confirmation
3.3. Réciprocité entre foi et eucharistie
a) Fondement biblique
b) Foi et eucharistie
c) Problématique actuelle
d) Éclairage tiré de la Tradition
e) Proposition pastorale : la foi pour l’eucharistie
4. La réciprocité entre foi et mariage
4.1. Le sacrement du mariage
a) Fondement biblique
b) Éclairage tiré de la Tradition
c) Le mariage comme sacrement
d) La foi et les biens du mariage
4.2. Une quaestio dubia : la qualité sacramentelle du mariage des « baptisés
non croyants ».
a) Approche de la question
b) État et termes de la question
4.3. L’intention et la constitution du lien matrimonial en l’absence de foi
a) L’intention est nécessaire pour qu’il y ait sacrement
b) Compréhension culturelle prédominante du mariage
c) L’absence de foi peut compromettre l’intention de contracter un mariage naturel
5. Conclusion : la réciprocité entre foi et sacrements dans l’économie
sacramentelle
Note préliminaire
Au cours de son neuvième quinquennat – dont la durée a été exceptionnellement
prolongée d’un an, en raison de la célébration du 50e anniversaire de
sa fondation – la Commission théologique internationale a pu approfondir son
étude du rapport entre la foi catholique et les sacrements. La Commission
théologique internationale était présidée par le P. Gabino Uríbarri Bilbao,
S.J., et composée des membres suivants : Mgr Lajos Dolhai, P. Peter Dubovský,
S.J., Mgr Krzysztof Góźdź, P. Thomas Kollamparampil, C.M.I., Professeur Marianne
Schlosser, Rev.do Oswaldo Martínez Mendoza, Rev.do Karl-Heinz Menke, Rev.do
Terwase Henry Akaabiam, Fr. Thomas G. Weinandy, O.F.M.Cap. Les discussions sur
le sujet en question, sur la base desquelles le présent document a été rédigé,
ont eu lieu tant au cours des différentes réunions de la Sous-Commission qu’au
cours des Sessions Plénières de la même Commission, entre les années 2014-2019.
Le présent document, intitulé La réciprocité entre foi et sacrements dans
l’économie sacramentelle, a été spécifiquement approuvé par la majorité des
membres de la Commission Théologique Internationale, lors de la session plénière
de 2019, par le biais d’un vote écrit. Le document a ensuite été soumis à
l’approbation de son Président, Son Éminence le Card. Luis F. Ladaria Ferrer,
S.J., Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui, ayant reçu
l’avis favorable du Saint-Père François le 19 décembre 2019, en a autorisé la
publication.
1. Foi et sacrements : pertinence et actualité
1.1 L’offre divine de salut se fonde sur l’interrelation entre foi et
sacrements.
1. [À partir de l’Écriture]. « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et
sois guérie de ton mal » (Mc 5, 34). Au milieu de la foule qui le presse
(Mc 5, 24. 31), la femme hémorroïsse touche Jésus dans la foi et est guérie,
comme un symbole du salut que Jésus apporte à l’humanité[1]. Le cas de
l’hémorroïsse montre comment la foi naît de « la rencontre avec un événement,
avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son
orientation décisive »[2]. La foi se situe dans la sphère des relations
interpersonnelles. De nombreux malades ont essayé de toucher Jésus (cf.
Mc 3, 10 ; 6, 56), « car une force sortait de lui et les guérissait tous »
(Lc 6, 19). Cependant, à Nazareth, il n’a pas fait beaucoup de miracles « à
cause de leur manque de foi » (Mt 13, 58), et il n’a pas non plus satisfait la
curiosité d’Hérode (Lc 23, 8). L’humanité de Jésus-Christ est un canal efficace
du salut de Dieu. Mais cette efficacité n’est pas automatique, elle exige un
contact approprié avec elle : humble, suppliant, ouvert au don[3].
Toutes ces attitudes conduisent à faire de la foi le moyen le plus approprié
pour recevoir l’offre de salut. « La foi est d’abord une adhésion personnelle
de l’homme à Dieu »[4] révélé en Jésus-Christ. Les sacrements de l’Église
prolongent dans le temps les œuvres du Christ durant sa vie terrestre. En eux
s’actualise la force de guérison qui émane du corps du Christ, qui est l’Église,
pour guérir la blessure du péché et donner une vie nouvelle dans le Christ.
2. [Et de la Tradition]. Dans l’économie trinitaire du salut, la foi et
les sacrements sont richement imbriqués : « Foi et baptême, deux modes du salut,
sont liées l’une à l’autre et indivisibles. Si la foi reçoit du baptême sa
perfection, le baptême se fonde sur la foi, et c’est des mêmes Noms que l’une et
l’autre atteignent leur perfection : comme on croit dans le Père et le Fils et
le Saint-Esprit, ainsi est-on baptisé aussi dans le nom du Père et du Fils et du
Saint-Esprit. Vient d’abord la profession qui mène au salut ; mais le baptême
suit de près, comme sceau de notre assentiment »[5].
La relation personnelle avec le Dieu trinitaire se réalise à travers la foi et
les sacrements. Entre la foi et les sacrements, il y a une ordination et une
circularité mutuelles, en un mot : une réciprocité essentielle. Cependant, comme
en témoigne Basile dans le texte cité, la confession de foi précède la
célébration sacramentelle, tandis que la célébration sacramentelle renforce,
scelle, fortifie et enrichit la foi. Pourtant, aujourd’hui, dans la pratique
pastorale, cette interaction est souvent brouillée, voire ignorée.
1.2 Crise actuelle de la réciprocité entre foi et sacrements
a) Foi et sacrements : une réciprocité en crise
3. [Constat]. Déjà en 1977, la Commission Théologique Internationale, se
référant au sacrement du mariage, constatait l’existence de « baptisés non
croyants » qui demandaient le sacrement du mariage. Ce fait, disaient-ils,
soulève de « nouvelles questions »[6] de grande importance. Depuis lors, cette
réalité n’a cessé de croître et de susciter un malaise dans la célébration des
sacrements. De plus, ce problème ne se limite pas exclusivement au sacrement du
mariage, mais s’étend à l’ensemble de l’organisme sacramentel. En particulier,
dans l’initiation chrétienne, où, par sa nature même, la réciprocité de la foi
et des sacrements devrait être garantie, on constate assez souvent une
inquiétude et un malaise.
4) [Racines théologico-philosophiques]. Bien que la dissociation entre
foi et sacrements soit due à divers facteurs, en fonction des contextes sociaux
et culturels, un regard qui ne veut pas rester à un niveau superficiel doit
s’interroger sur les racines ultimes de cette fracture. En premier lieu, au-delà
d’éventuelles lacunes dans la catéchèse et de certains préjugés culturels à
l’encontre de la pensée sacramentelle, il existe un facteur philosophique
profondément enraciné qui détruit la logique sacramentelle. Un courant de pensée
très répandu, depuis le Moyen Âge (nominalisme) jusqu’à la modernité, se
caractérise par un dualisme antimétaphysique qui dissocie la pensée de l’être et
rejette catégoriquement toute forme de pensée représentative, comme c’est le cas
aujourd’hui dans la postmodernité. Cette perspective rejette l’empreinte du
Créateur dans la création, c’est-à-dire le fait que la création soit un miroir
(image sacramentelle) de la pensée même du Créateur. Ainsi, le monde n’apparaît
plus comme une réalité expressément ordonnée par Dieu, mais comme un simple
chaos de faits, que l’homme doit ordonner avec ses concepts. Si, toutefois, les
concepts humains ne sont en quelque sorte des « sacrements » du Logos divin,
mais de simples constructions humaines, alors il y a une dissociation
supplémentaire entre l’acte personnel de foi (fides qua) et toute
représentation conceptuelle partagée de son contenu (fides quae). En
bref, et c’est un aspect décisif, lorsque l’on nie la capacité de la raison à
connaître la vérité de l’être (métaphysique), on implique l’impossibilité de
connaître la vérité de Dieu[7].
5. En second lieu, le savoir scientifique et technologique, si prestigieux de
nos jours, tend à s’imposer comme modèle unique dans tous les domaines de la
connaissance et pour tous les types d’objets. Son orientation radicale vers la
certitude empirique et naturaliste s’oppose non seulement à la connaissance
métaphysique, mais aussi à la connaissance symbolique. Si la connaissance
scientifique met en évidence la capacité de la raison humaine, elle n’épuise pas
toutes les dimensions de la raison et de la connaissance, ni ne couvre tous les
besoins cognitifs d’une vie humaine épanouie. La pensée symbolique, avec sa
richesse et sa plasticité, d’une part, recueille et élabore dans une démarche
réflexive les dimensions éthiques et affectives de l’expérience ; d’autre part,
elle touche et transforme la structure spirituelle et cognitive du sujet. C’est
pourquoi, à l’instar de l’ensemble des traditions religieuses de l’humanité, la
transmission de la révélation, avec sa charge cognitive concomitante, se situe
dans le domaine symbolique, et non dans le domaine empirique et naturaliste. La
réalité sacramentelle de la participation au mystère de la grâce ne peut être
comprise que dans l’unité de cette double dimension de l’expérience symbolique :
cognitive et performative. Là où règne le paradigme scientiste, aveugle à la
pensée symbolique, la pensée sacramentelle est entravée[8].
6. En troisième lieu, il faut encore signaler un changement culturel important,
caractéristique de la nouvelle civilisation de l’image, qui pose un nouveau
problème pour la clarification théologique de la foi sacramentelle. S’il est
vrai que la modernité rationaliste a minimisé la valeur cognitive du symbole, la
postmodernité contemporaine, en revanche, exalte avec une grande intensité le
pouvoir performatif des images. Il faut donc dépasser le préjugé rationaliste
(moderne) contre la valeur cognitive du symbolique, sans tomber dans l’excès
inverse (postmoderne), qui réoriente l’efficacité du symbole vers le pouvoir
émotionnel de la représentation, vide de référence. En d’autres termes,
l’intelligence chrétienne doit préserver l’originalité du sacrement chrétien du
risque d’un double évidement. D’une part, la réduction du symbole-sacrement au
statut de simple signe cognitif, qui ne fait que reprendre plus facilement les
significations doctrinales de la foi, sans opérer aucune transformation
(élimination de la dimension performative). D’autre part, la réduction du
symbole-sacrement à la pure suggestion esthétique réalisée par sa mise en scène
rituelle, selon la logique d’une simple représentation qui remplace l’adhésion
intérieure à la réalité symbolisée du mystère (suppression de la dimension
cognitive).
7. [Distorsions de la foi]. Dans les sociétés actuelles, il existe
d’autres phénomènes qui rendent difficile le fait de croire, tel que le propose
la foi catholique. L’athéisme et la relativisation de la valeur de toutes les
religions progressent dans de nombreuses parties du monde. Le sécularisme érode
la foi, sème le doute, au lieu de favoriser la joie de croire. La montée du
paradigme technocratique[9] implante une logique contraire à la foi, laquelle
est une relation personnelle. La réduction émotionnelle de la foi produit une
croyance subjective, régulée par le sujet lui-même, qui s’éloigne de la logique
objective marquée par les contenus de la foi chrétienne. La culture scientiste
mentionnée ci-dessus tend à nier la possibilité d’une relation personnelle avec
Dieu et sa capacité d’intervenir dans la vie personnelle et dans l’histoire.
L’objectivité du credo et la stipulation de conditions pour la célébration des
sacrements sont comprises, selon une sensibilité culturelle croissante, comme
une contrainte à la liberté de croire selon sa propre conscience, traduisant une
conception insuffisante de la liberté que l’on prétend défendre. De ce type de
prémisses découle un genre de croyance ou une manière de croire qui ne
correspond pas à la conception chrétienne ni à la pratique sacramentelle
proposée par l’Église.
8. [Échecs pastoraux]. Dans la période qui a suivi Vatican II, certaines
attitudes répandues parmi les fidèles et les pasteurs ont également affaibli la
saine correspondance entre la foi et les sacrements. Ainsi, la pastorale
d’évangélisation a parfois été comprise comme si elle n’incluait pas la
pastorale sacramentelle, perdant ainsi l’équilibre entre Parole de Dieu,
évangélisation et sacrements. D’autres n’ont pas compris que la primauté de la
charité dans la vie chrétienne n’implique pas le mépris des sacrements. Certains
pasteurs ont centré leur ministère sur la construction de la communauté,
négligeant la place décisive des sacrements dans cette entreprise. Dans certains
endroits, il y a eu un manque d’appréciation théologique et d’accompagnement
pastoral de la piété catholique populaire pour l’aider à grandir dans la foi et
ainsi parvenir à une pleine initiation chrétienne et à une participation
fréquente aux sacrements. Enfin, de nombreux catholiques en sont venus à croire
que la substance de la foi réside dans le fait de vivre l’Évangile, méprisant le
rituel comme étranger au cœur de l’Évangile et, par conséquent, ignorant le fait
que les sacrements encouragent et renforcent la vie intense de l’Évangile
lui-même. Cela met donc en évidence la nécessité d’une articulation adéquate
entre martyría, leitourgía, diakonía et koinonía.
9. [Résultat]. Il n’est pas rare que les agents pastoraux reçoivent des
demandes de réception des sacrements avec de grands doutes sur la foi et
l’intention de ceux qui les demandent. Beaucoup d’autres croient pouvoir vivre
pleinement leur foi sans la pratique sacramentelle, qu’ils considèrent comme
facultative et librement disponible. Avec des accents divers mais répandus, il
existe un certain danger : soit celui d’un ritualisme vide de foi, par
manque d’intériorité ou de coutumes et de traditions sociales ; soit celui d’une
privatisation de la foi, réduite à l’espace intérieur de sa propre
conscience et de ses propres sentiments. Dans les deux cas, la réciprocité entre
foi et sacrements est violée.
b) Objet du document
10. [But du document]. Nous voulons mettre en évidence la réciprocité
essentielle entre la foi et les sacrements, en montrant l’implication mutuelle
entre la foi et les sacrements dans l’économie divine. Nous espérons ainsi
contribuer à surmonter le fossé entre foi et sacrements là où il se présente,
sous son double aspect : qu’il s’agisse d’une foi inconsciente de sa
sacramentalité essentielle ; ou d’une pratique sacramentelle réalisée sans foi
ou dont la vigueur soulève de sérieuses questions sur la foi et l’intention, en
accord avec la foi, que requiert la pratique des sacrements. Dans l’un et
l’autre cas, la pratique et la logique sacramentelles, qui trouvent leur place
au cœur de l’Église, subissent une blessure grave et préoccupante.
11. [Structure]. Nous prenons comme point de départ la nature
sacramentelle de l’économie divine[10], dans laquelle sont impliqués à la fois
la foi et les sacrements (chap. 2). Nous développons une compréhension de
l’économie qui englobe simultanément : l’économie divine en tant que telle, dans
ses dimensions trinitaire, christologique, pneumatologique, ecclésiale et
dialogique (la foi) ; la place qu’y occupent la foi et les sacrements, ainsi
compris ; et la réciprocité effective entre la foi et les sacrements qui en
découle. Cette compréhension constitue l’arrière-plan théologique à partir
duquel sera abordé le problème spécifique de l’interrelation entre foi et
sacrements dans chacun des sacrements, qui sera discuté plus loin. Ce chapitre
montre que la célébration d’un sacrement sans la foi n’a pas de sens, car elle
contredit la logique sacramentelle qui sous-tend l’économie divine, laquelle est
fondamentalement dialogique.
12. Nous examinons ensuite l’impact de la réciprocité entre foi et sacrements
sur certains des sacrements les plus affectés pastoralement par la crise de
cette réciprocité, que ce soit dans leur compréhension ou dans leur pratique,
comme les sacrements de l’initiation chrétienne (chap. 3). À la lumière de
l’élucidation doctrinale du rôle spécifique de la foi pour la validité et la
fécondité de chaque sacrement, nous proposons des critères pour clarifier quelle
foi est requise pour la célébration de chacun des sacrements d’initiation. Dans
un deuxième temps (chap. 4), nous abordons l’interrelation entre la foi et les
sacrements dans le cas du mariage. En raison de sa nature même, nous nous
arrêterons sur une question que la réciprocité entre foi et sacrements ne
pouvait laisser de côté : la possibilité de considérer comme sacrement l’union
matrimoniale entre « baptisés non croyants ». Il s’agit d’un cas particulier où
l’articulation de la réciprocité entre foi et sacrements dans l’économie est
véritablement mise à l’épreuve, comme l’affirme le deuxième chapitre. Le texte
se termine par une brève conclusion (chap. 5), dans laquelle, à un niveau plus
général, la réciprocité entre la foi et les sacrements dans l’économie
sacramentelle est reprise.
13. [Caractère doctrinal]. L’intention du document est clairement
doctrinale. Il se fonde certes sur une problématique pastorale, différenciée
pour chacun des sacrements abordés. Cependant, il n’a pas pour but d’offrir des
orientations pastorales concrètes et fondées pour chacun d’eux. Nous voulons
insister sur la place fondamentale de la foi dans la célébration de chaque
sacrement, sans omettre la précision doctrinale concernant les cas où la foi est
nécessaire pour la validité. Nous pouvons en tirer des critères généraux pour
l’action pastorale, comme nous le faisons à la fin de la présentation de chacun
des sacrements considérés, mais sans entrer dans les détails, encore moins dans
la casuistique ni nous substituer au nécessaire discernement de chaque cas
particulier.
14. [Sélection]. Nous sommes conscients que la situation pastorale
concernant d’autres sacrements, comme la pénitence et l’onction des malades,
souffre également de graves déficiences. Il n’est pas rare que la participation
complète à l’eucharistie soit vécue sans aucune conscience de la nécessité d’une
réconciliation préalable avec Dieu et avec la communauté ecclésiale, dont nous
nous sommes séparés et que nous avons abîmée dans sa réalité de Corps visible du
Christ à cause de notre péché. Il existe une dissociation entre la vie
eucharistique et la pratique de la réconciliation de la part de nombreux fidèles
et même de certains ministres ordonnés, qui ignorent dans la pratique de leur
foi chrétienne l’unité harmonieuse de tout l’organisme sacramentel de l’Église,
où il n’est pas possible de choisir subjectivement les sacrements à
« consommer » et ceux à éviter. L’onction des malades est aussi souvent vécue
entourée d’éléments magiques, comme s’il s’agissait d’une sorte d’incantation
invoquant une intervention miraculeuse de Dieu ou de l’Esprit divin, sans
relation personnelle avec le Christ, Sauveur de la personne, corps et âme. Les
limites de longueur nous obligent à nous concentrer sur les sacrements qui
constituent l’initiation chrétienne et le mariage, tous d’une importance
exceptionnelle pour l’édification et la consolidation du Corps du Christ. La
manière dont ces sacrements sont traités, ainsi que les allusions ponctuelles
aux autres et le cadre théologique général offert, nous permettront de tirer des
conséquences pour les sacrements que nous ne pouvons pas considérer de façon
monographique.
2. Nature dialogique de l’économie sacramentelle du salut
15. [Introduction : plan et finalité]. Dans ce chapitre, nous faisons une
double investigation d’ordre général pour discerner la réciprocité existant
entre la foi et les sacrements. Dans la première section, nous considérons
l’économie divine, en y découvrant une nature sacramentelle[11]. Cela nous
permet d’approfondir la sacramentalité, comme dimension constitutive de cette
économie. Le traitement de la sacramentalité en tant que telle requiert, en soi,
une exploration de la foi, soulignant ainsi l’interconnexion entre la foi et la
sacramentalité, et aussi, et plus spécifiquement, entre la foi et les
sacrements. Nous concluons cette section par une récapitulation des axes
constitutifs de l’économie sacramentelle les plus importants dans notre
présentation. Cela permet, dans un premier temps, d’éclairer la réciprocité
entre la foi et les sacrements. Dans la deuxième section, nous considérons la
foi d’une part et les sacrements de la foi en tant que tels d’autre part, mais
dans les deux cas, nous montrons le lien étroit entre la foi et les sacrements.
La foi est constitutivement prédisposée pour la célébration sacramentelle. La
nature dialogique des sacrements exige une foi adéquate dans leur célébration.
Les deux sections de ce chapitre ont une teneur complémentaire, montrant à la
fois l’ampleur et la profondeur de la réciprocité entre foi et sacrements, avec
ses diverses ramifications. Le chapitre se termine par une brève conclusion.
2.1. Le Dieu trinitaire : source et fin de l’économie sacramentelle
a) Fondement trinitaire de la sacramentalité
16. [Sacramentalité : concept]. À la logique sacramentelle appartient la
corrélation inséparable entre une réalité signifiée, avec une dimension
extérieure visible, par exemple l’humanité intégrale du Christ, et une autre
réalité signifiée de caractère surnaturel, invisible et sanctifiant, par exemple
la divinité du Christ[12]. Lorsque nous parlons de sacramentalité, nous nous
référons à cette relation inséparable, de telle sorte que le symbole sacramentel
contient et communique la réalité symbolisée. Cela présuppose que toute réalité
sacramentelle inclut en elle-même une relation inséparable avec le Christ,
source du salut, et avec l’Église, dépositaire et dispensatrice du salut du
Christ.
17. [Dieu trinitaire : racine]. Une compréhension de la logique
sacramentelle présuppose une compréhension du fonctionnement de l’économie
divine du salut, qui découle du Dieu trinitaire, communion de personnes
distinctes dans l’unité d’une seule substance divine, et de l’incarnation
rédemptrice, dans laquelle le Verbe éternel, sans porter atteinte à sa divinité
sans limites, assume notre humanité avec toutes ses conséquences. Ce cadre
affirme clairement la présence de Dieu lui-même dans l’humanité de Jésus-Christ,
le Verbe envoyé par le Père, qui s’est incarné dans la vierge Marie par l’action
de l’Esprit Saint. La rencontre avec l’humanité de Jésus-Christ, oint par
l’Esprit Saint pour sa mission publique, est, dans la foi, une rencontre avec le
Verbe incarné. Avec ces clés, nous pouvons comprendre comment il est possible
qu’une parole sensible, sacramentelle, perceptible pour nous les humains,
soit en même temps la vraie parole de Dieu. En tant qu’êtres humains,
nous ne sommes capables de percevoir, d’expérimenter et de communiquer que de
manière « humaine », y compris pour entrer en relation avec Dieu. Comment les
signes sacramentels ou les paroles sacrées de l’Écriture peuvent-ils être plus
que de simples créations humaines et contenir la présence de Dieu lui-même
? Pour qu’il y ait une véritable communication, il ne suffit pas d’envoyer un
message, il faut le recevoir. Si Dieu le Père nous avait parlé en Jésus-Christ
et que personne n’avait entendu son message (foi), la communication entre Dieu
et l’humanité n’aurait pas eu lieu. Cependant, selon le témoignage du Nouveau
Testament, quiconque entre en relation avec l’homme Jésus est en relation avec
Dieu lui-même, avec le Verbe incarné. C’est l’Esprit Saint qui agit de
telle sorte que la Parole de Dieu, enfermée dans les limites de
l’humanité de Jésus, est perçue par les croyants comme la Parole de Dieu.
Grégoire de Nazianze formule cette réalité comme suit : « de la lumière – le
Père –, nous saisissons la lumière – le Fils –, dans la lumière – l’Esprit ». Et
il ajoute : « théologie brève et simple de la Trinité »[13].
18. [La foi comme réception dialogique de la révélation sacramentelle].
Ainsi, ce n’est pas seulement l’inséparabilité de l’humanité de Jésus avec la
parole de Dieu qui entre en jeu, mais aussi la réception par les croyants (foi)
de cette parole comme divine grâce à l’intervention de l’Esprit Saint. C’est là
que réside la logique sacramentelle, selon laquelle Dieu lui-même se
donne dans les sacrements. La sacramentalité première de Jésus-Christ, la
sacramentalité de l’Église et la sacramentalité des sept sacrements sont fondées
sur la foi trinitaire. Ce n’est que si Jésus-Christ est le vrai Dieu qu’il peut
nous révéler le visage de Dieu. Mais dans ce cas, la communion sacramentelle
avec Jésus-Christ est une communion sacramentelle avec Dieu. Si l’Esprit Saint
est le vrai Dieu, alors il peut nous ouvrir à Dieu et nous introduire dans la
vie divine au moyen des signes sacramentels[14].
19. [Déploiement de la sacramentalité]. Puisque la révélation se fait de
manière sacramentelle, l’élément sacramentel doit imprégner toute l’existence
croyante et la foi elle-même. En effet, de la sacramentalité de la révélation,
de la grâce et de l’Église découle la sacramentalité de la foi, en tant
qu’acceptation et réponse à cette révélation (DV 5). La foi naît, se cultive,
grandit et s’exprime dans la sacramentalité, dans la rencontre avec le Dieu
vivant à travers les médiations par lesquelles Lui-même se donne. Ainsi, la
sacramentalité est la demeure de la foi. Mais aussi, dans cette dynamique,
la foi se manifeste comme la porte (cf. Ac 14, 27) d’accès au
sacramentel : à la rencontre et à la relation avec le Dieu chrétien dans la
création, dans l’histoire, dans l’Église, dans l’Écriture[15], dans les
sacrements. Sans la foi, les symboles de nature sacramentelle n’actualisent pas
leur signification, mais restent silencieux. La sacramentalité implique une
communication et une communion personnelle entre Dieu et le croyant par le moyen
de l’Église et des médiations sacramentelles.
20. [Corrélation de la sacramentalité avec l’anthropologie]. La personne
humaine est un esprit incarné[16]. L’être humain n’est ni une simple matière
inanimée, ni un esprit incorporel angélique. Ce qui nous définit le plus
authentiquement est cette union complémentaire entre le matériel-corporel,
visible, et le spirituel-incorporel, qui n’est pas détaché du matériel et se
fait connaître à travers lui. Le cas du visage personnel, qui est l’expression
d’un corps matériel, manifeste magnifiquement cette union entre notre être
matériel, le visage, et notre réalité spirituelle, notre état d’esprit et notre
identification personnelle. Toute la personne est exprimée dans le visage. La
structure sacramentelle de la révélation divine prend en compte notre réalité la
plus authentique[17]. Elle est adaptée à notre être le plus radical, à notre
capacité et à notre manière d’interagir dans les dimensions les plus profondes
de la communication. Les rencontres les plus profondes entre les personnes
humaines sont toujours de nature interpersonnelle. La rencontre avec Dieu
participe de cette nature : il s’agit d’une rencontre personnelle avec le Dieu
trinitaire qui se rend présent dans l’Écriture, dans l’Église, dans les signes
sacramentels.
21. [Sacramentalité de la foi]. La « sacramentalité de la foi » est
essentiellement une redondance, car toute la foi chrétienne est une foi
sacramentelle grâce à la médiation de l’Église dans notre pèlerinage vers la
patrie céleste. La foi est l’acceptation et la réponse à la révélation
sacramentelle de Dieu ; la foi s’exprime et se nourrit d’une manière
sacramentelle, et ne peut pas ne pas le faire pour être une vraie foi
chrétienne. Dans cette perspective, les sacrements se comprennent
fondamentalement comme un acte de foi ecclésiale. La foi de l’Église
précède, engendre, soutient et nourrit la foi du chrétien. La foi, pour sa
part, n’est pas étrangère au sacramentel, mais dans son essence même, elle est
constituée d’une imprégnation et d’une logique sacramentelles. Par conséquent,
dans le rapport entre foi et sacrements, deux éléments entrent en jeu, qui sont
en réciprocité intime : les sacrements, qui présupposent et nourrissent la foi
personnelle et ecclésiale, et la nécessaire expression sacramentelle de la foi.
Les sacrements se configurent donc comme une sorte de représentation
anamnétique qui actualise et rend visible la foi.
b) Sacramentalité de la création et de l’histoire
22. [Dieu créateur]. Selon le témoignage biblique, la création (par
exemple Gn 1-2) est la première étape de l’économie divine. La conception
chrétienne confirme le caractère libre de la création. Dieu ne crée pas par
besoin ou par manque de quelque chose, sinon il ne serait pas vraiment Dieu,
mais par la plénitude débordante d’amour qu’Il est Lui-même, dans le but de
distribuer ses bienfaits à des êtres capables de les recevoir et de répondre à
la logique d’amour qui préside à la création elle-même[18].
23. [Sacramentalité de la création]. Le Père accomplit le projet créateur
par le Verbe et l’Esprit. La création elle-même porte donc l’empreinte d’avoir
été façonnée par la Parole et dirigée par l’Esprit vers son achèvement en Dieu
lui-même. Puisque Dieu imprime sa marque dans la création, la théologie parle
d’une certaine « sacramentalité de la création », dans la mesure où en elle,
dans son propre être constitutif créaturel, il y a une référence à son Créateur
(cf. Sg 13, 1-9 ; Rm 1, 19-20 ; Ac 14, 15-17 ; 17, 27-28), ce qui lui permet
d’être élevée et consommée dans l’œuvre de la rédemption sans contrainte
extrinsèque. C’est en ce sens que l’on a parlé du livre de la nature[19].
24. [La personne humaine répond à Dieu]. Au sein de la création visible,
la personne humaine se distingue par le fait qu’elle a été créée à l’image et à
la ressemblance de Dieu (Gn 1, 26). Saint Paul souligne la dimension
christologique de cette image : c’est le Christ qui est l’image du Dieu
invisible (Col 1, 15 ; 2 Co 4, 4), car le premier Adam était une figure de celui
qui devait venir (cf. Rm 5, 14). Cela fait de la personne humaine un être dans
lequel le don que Dieu fait de lui-même dans la création peut trouver une
réponse personnelle et libre. En effet, à l’image de Dieu, la personne humaine
réalise d’autant plus intensément son propre être (identité) qu’elle se donne
dans une relation d’amour (altérité).
25. La riche réalité de la personne humaine en tant qu’imago Dei comprend
divers aspects dans lesquels, à travers la ressemblance divine, est mise en
évidence la capacité de répondre à Dieu, assimilant son être propre au
divin[20]. Parmi ces aspects, la communion et le service se distinguent[21]. Si
le Dieu trinitaire est essentiellement communion et relation interpersonnelle,
la personne humaine, en tant qu’image de Dieu, est créée pour vivre en communion
et en relation interpersonnelle. Cela s’exprime magnifiquement dans la
différence sexuelle : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le
créa, homme et femme il les créa » (Gn 1, 27). La personne humaine atteint donc
son être propre dans la mesure où elle déploie sa relation et sa capacité de
communion : avec les autres êtres humains, avec la création et avec Dieu. En
Jésus-Christ, l’exercice de cette dynamique de communion et de relation se
manifeste dans toute sa plénitude. La vie filiale, qui s’exprime en Lui,
manifeste la hauteur de la vocation humaine (cf. GS 10, 22, 41).
26 - En tant qu’être relationnel créé pour la communion, la personne humaine
peut être définie par le langage. Or, le langage est une réalité d’ordre
symbolique, qui vise, d’une part, à l’expression de ce qu’est la réalité en
elle-même (la création de Dieu) et, d’autre part, à la communication
interpersonnelle (la communion). En tant qu’être symbolique, créé à l’image de
Dieu, la personne atteint sa réalité la plus authentique dans la mesure où elle
inscrit la réalisation de son être dans une sphère spécifique d’expression
symbolique, dans laquelle se déploie toute la richesse de son être propre : en
tant qu’être créaturel, en tant qu’être interrelationnel et en tant qu’être
appelé à la communion avec Dieu. Les sacrements sont un moyen approprié pour
rassembler, exprimer, développer et renforcer ce riche réseau.
27. Comme signe éloquent de sa dignité et de son amitié avec Dieu, l’homme
reçoit aussi la tâche d’exercer un gouvernement par délégation sur la création
(Gn 2, 15 ; cf. 1, 28 ; Sg 9, 2), en nommant toutes les autres créatures (Gn 2,
19-20) et en prenant soin d’elles selon le plan divin [22]. L’activité humaine
dans le monde est donc orientée vers la glorification de Dieu, reconnaissant en
elle l’empreinte du Créateur (cf. GS 34). De cette façon, la personne humaine
conduit la création, par une sorte de « sacerdoce cosmique », vers sa véritable
finalité : la manifestation de la gloire de Dieu.
28. [Sacramentalité de l’histoire]. Le désir de Dieu de communiquer ses
dons ne se limite pas à laisser l’empreinte de son amour sur la création.
L’histoire du peuple d’Israël dans son ensemble peut être considérée comme une
histoire de l’amour de Dieu pour son peuple. Au sein de cette histoire, un
certain nombre d’événements particuliers se distinguent, préfigurant des aspects
essentiels qui posent les fondements de la relation sacramentelle de Dieu avec
son peuple, qui atteindra son apogée dans le Christ. Dans tous ces événements,
il y a une perception visible de la manière dont Dieu se met en relation avec
son peuple et lui fait grâce. Nous y découvrons donc une sorte de grammaire
primaire pour la constitution ultérieure du langage sacramentel stricto sensu.
Parmi ces événements dont on peut faire une lecture de nature sacramentelle, il
y a : l’élection d’Abraham, de David et des Israélites et le don de la Loi, qui
deviendra la base de tout le discours sacramentel ; les multiples alliances, à
l’intérieur de l’unique plan divin, dans lesquelles s’établit une nouvelle
relation entre Dieu et l’humanité et où la sacramentalité est particulièrement
active ; la libération d’Israël d’Égypte, l’exil et le retour à Jérusalem, dans
lesquels le salut futur du Christ est anticipé d’une manière nouvelle et la
fonction sacramentelle de l’Église est représentée en figure (typos) ; la
présence de Dieu au milieu de son peuple dans le Tabernacle et dans le Temple,
qui acquerra une densité particulière dans le Christ et dans les sacrements
chrétiens. Israël rappellera et actualisera liturgiquement cette densité de la
présence de Dieu à travers différents rites cultuels (par exemple les
sacrifices), signes sacrés (par exemple la circoncision) et fêtes (par exemple
la Pâque), toujours éclairés par la lecture de la Parole. La théologie
chrétienne désigne ces réalités comme des sacrements de l’Ancienne Loi et leur
attribue une composante salvifique en raison de leur référence au Christ[23] et
en proportion de la foi de ceux qui les célébraient (ex opere operantis).
On découvre ainsi que l’histoire du salut possède elle-même une certaine nature
sacramentelle[24]. Par des événements historiques, des signes et des paroles,
étroitement liés entre eux, Dieu lui-même s’approche de son peuple et lui
communique sa volonté, son amour, sa prédilection, tout en lui montrant le
chemin de l’amitié avec Dieu et de la vie humaine la plus véritable.
29. [Péché]. Au cours de l’histoire, de nombreux croyants de toutes les
époques ont vécu dans l’amitié avec Dieu, en accueillant son don et en répondant
généreusement à sa miséricorde et à sa fidélité. Mais il est vrai aussi que,
malgré l’insistance de Dieu, les hommes n’acceptent pas toujours cette offre
d’amour. Dès le début, la tentation est grande non seulement d’ignorer le chemin
de l’amitié avec Dieu comme le meilleur moyen de réaliser ce que signifie être
une personne humaine, mais aussi de rejeter son offre (Gn 3). L’histoire
d’Israël, et l’histoire de l’humanité, peuvent être comprises comme une quête
empressée de Dieu pour regagner l’amitié cordiale avec l’homme lorsqu’elle a été
perdue (par exemple Ez 16). On comprend dès lors pourquoi de nombreux signes
cultuels à valeur salvifique de l’Ancien Testament contiennent une signification
d’expiation ou de réconciliation avec Dieu (par exemple, les ablutions, les
sacrifices).
c) L’incarnation : centre, sommet et clef de l’économie sacramentelle
30. [Jésus-Christ : Ur-Sakrament]. Le désir de Dieu de se donner acquiert
son sommet insurpassable en Jésus-Christ (cf. DV 2). En vertu de l’union
hypostatique (cf. DH 301-302), l’humanité du Christ, homme véritable, « en tout
semblable à nous, excepté le péché » (He 4, 15), est l’humanité du Fils de Dieu,
Verbe éternel incarné « pour nous et pour notre salut » (DH 150). La théologie
récente affirme que Jésus-Christ est le sacrement primordial (Ur-Sakrament)
et la clef de la structure sacramentelle de l’histoire du salut. En bref, en
Jésus-Christ nous découvrons que l’économie divine du salut, étant
incarnée, est sacramentelle[25]. C’est pourquoi on peut affirmer en toute
vérité que « les sacrements sont au cœur du christianisme. La perte des
sacrements équivaut à la perte de l’incarnation et vice versa »[26]. En effet,
en Jésus-Christ, sommet de l’histoire et plénitude du temps du salut (Ga 4, 4),
se trouve l’unité la plus étroite possible entre un symbole créaturel, son
humanité, et le symbolisé, la présence salvatrice de Dieu en son Fils au milieu
de l’histoire. L’humanité du Christ, en tant qu’humanité inséparable de la
personne divine du Fils de Dieu, est le « symbole réel » de la personne divine.
Dans ce cas suprême, le créé communique au plus haut degré la présence de Dieu.
31. [L’humanité du Crucifié glorieux : fondement des sacrements]. Par
conséquent, l’humanité du Christ est intrinsèquement habilitée à faire de lui le
« médiateur et la plénitude de toute la révélation » (DV 2), d’une manière qui
n’est qualitativement surpassée par aucune autre réalité créaturelle, puisqu’il
s’agit de l’humanité propre au Fils de Dieu (cf. He 1, 1-2). Ce vers quoi la
création pointait inchoativement se réalise de manière éminente dans l’humanité
de Jésus-Christ. Toutes les actions et les paroles de Jésus-Christ, le Verbe
éternel incarné, oint par l’Esprit, sont qualifiées par l’incarnation. De cette
manière, par ses paroles et ses actes, et par la manifestation de toute sa
personne, il nous transmet la révélation de Dieu (cf. DV 4). Ainsi, Jésus-Christ
lui-même est le mystère de Dieu transmis et révélé aux hommes (cf. Col 2, 2-3 ;
1, 27 ; 4, 3), présent dans les différents mystères salvifiques de sa vie :
naissance, baptême, transfiguration, etc. Le déploiement du mystère du Christ
atteint son point culminant dans la mort et la résurrection glorieuse, suivies
du don de l’Esprit (cf. DV 4). Là, la révélation de l’amour de Dieu jusqu’à
l’extrême (cf. Jn 13, 1) et sa force rédemptrice se condensent avec une
intensité sublime et insurpassable.. Le résultat est le pardon des péchés (cf.
Col 2, 13-14) et l’ouverture à la participation à la vie éternelle du
Ressuscité, à travers le don de l’Esprit qui nous rend participants de la nature
divine (cf. 2P 1, 4). Nous comprenons ainsi que Jésus-Christ concentre le
fondement et la source de toute sacramentalité, qui se déploie ensuite dans les
différents signes sacramentels qui génèrent l’Église, où sont rassemblés des
aspects significatifs et des moments denses de sa vie : pardon des péchés
(pénitence), guérison des malades (onction des malades), mort et résurrection
(baptême et eucharistie), élection et institution des disciples comme pasteurs
de la communauté (ordre), etc. La logique sacramentelle, inscrite dans la
révélation trinitaire, se prolonge et se condense dans les sacrements, dans
lesquels le Christ se rend présent de manière particulièrement intense (SC 7).
La structure et la logique sacramentelle de la foi reposent sur Jésus-Christ, le
Verbe incarné et rédempteur[27].
32. En fait, Jésus ne se contente pas de nous communiquer quelque chose
d’important sur Dieu. Il n’est pas simplement un enseignant, un
messager ou un prophète, mais la présence personnelle du Verbe de Dieu
dans la création. Puisque, en tant qu’homme véritable, il est inséparable de
Dieu, qu’il appelle « Père », la communion avec lui signifie la communion avec
Dieu (Jn 10, 30 ; 14, 6. 9). Le Père veut conduire tous les hommes, par
l’intermédiaire de l’Esprit Saint, à la communion avec Jésus-Christ.
Jésus-Christ est à la fois le chemin qui mène à la vie et la vie elle-même (Jn
14, 6) ; en d’autres termes : « Il est en même temps le Sauveur et le
Salut »[28]. Avec les sacrements de la Parole célébrés dans l’Esprit, en
particulier avec le mémorial de sa mort et de sa résurrection, un chemin et un
remède nous sont offerts après la perte du péché, pour nous rapprocher de la
communion et d’une relation personnelle avec Dieu à travers la participation à
la vie du Christ, en nous insérant en lui. C’est ainsi que s’accomplit l’œuvre
du salut, qui complète et couronne son commencement dans la création. Cependant,
Dieu fait dépendre l’acceptation de ce don de la coopération des
bénéficiaires. Comme le montre exemplairement le cas de la Vierge, modèle
ecclésial du disciple, la grâce respecte la liberté, elle ne s’impose pas de
manière coercitive sans le consentement de la liberté (Lc 1, 38), même si
l’assentiment est rendu possible par la grâce elle-même (Lc 1, 28).
d) L’Église et les sacrements dans l’économie sacramentelle
33. [Église : Grund-Sakrament]. La tangibilité historique de la grâce,
devenue historiquement présente en Jésus-Christ, demeure de manière privilégiée
mais dérivée, par l’action de l’Esprit Saint, dans l’Église[29]. À l’être de
l’Église appartient une structure visible et historique, au service de la
transmission de la grâce invisible, qu’elle reçoit elle-même du Christ et
transmet grâce à l’Esprit. Il existe une analogie remarquable entre l’Église et
le Verbe incarné (cf. LG 8 ; SC 2). À partir de ces prémisses, la théologie
contemporaine a approfondi la compréhension de l’Église comme sacrement
fondamental (Grund-Sakrament), dans une ligne proche de la compréhension
de Vatican II de l’Église comme sacrement universel du salut[30]. En tant que
sacrement, l’Église est au service du salut du monde (LG 1 ; GS 45), de la
transmission de la grâce, dont la réception l’a constituée sacrement. La
sacramentalité implique toujours un caractère missionnaire, de service pour le
bien des autres.
34. Cependant, même en tant que sacrement, dans l’Église elle-même se perçoit
déjà la grâce de Dieu, l’irruption du royaume de Dieu. Ainsi, si d’une part
l’Église est au service de l’établissement du royaume de Dieu, d’autre part, la
présence du royaume du Christ en mystère est déjà présente en elle (LG 3). Dotée
de ces moyens de grâce, elle peut vraiment être la semence et le commencement du
royaume[31] (LG 5). En tant qu’Église pérégrinante composée de pécheurs, il n’y
a pas d’identification totale entre l’Église et le royaume de Dieu ; en tant que
réalité constituée par la grâce, elle possède une dimension eschatologique qui
culmine dans l’Église céleste et la communion des saints[32] (cf. LG 48-49).
35. [Église : réalité christologique et pneumatologique]. En tant que
créature trinitaire, c’est-à-dire le « peuple qui tire son unité de l’unité du
Père et du Fils et de l’Esprit Saint »[33], l’Église est intimement liée non
seulement au Verbe incarné, au point de pouvoir affirmer avec vérité qu’elle est
le Corps du Christ (cf. LG 7), mais aussi à l’Esprit Saint. Non seulement parce
que l’Esprit, le grand don du Ressuscité (cf. Jn 7, 39 ; 14, 26 ; 15, 26 ;
20, 22), agit dans sa constitution (cf. LG 4), habite en elle et dans les
fidèles comme dans un temple (1 Co 3, 16 ; 6, 19), l’unifie et engendre le
dynamisme missionnaire qui lui est inhérent (cf. Ac 2, 4-13). Mais aussi parce
que l’Église est un peuple spirituel, pneumatique (cf. LG 12), enrichi par les
divers dons que l’Esprit accorde aux fidèles pour le bien de la communauté tout
entière (cf. Rm 12, 4-8 ; 1 Co 12, 12-30 ; 1P 4, 10). Ces dons charismatiques
poussent à une appropriation particulière de la richesse de la Parole de Dieu et
de la grâce sacramentelle, en renforçant la communauté, en donnant un élan à sa
mission (cf. AA 3), bref : en renforçant la sacramentalité de l’Église[34].
36. [Continuité sacramentelle de l’offre salvifique]. L’offre salvifique,
qui est entrée dans l’histoire avec Jésus-Christ, se poursuit dans l’Église (cf.
Lc 10, 16), corps du Christ, de façon vivante dans les sacrements, grâce à
l’action de l’Esprit [35] : « ce qui était visible dans le Christ est passé dans
les sacrements » de l’Église [36]. L’Église catholique soutient que les sept
sacrements ont été institués par le Christ[37], car lui seul peut, avec
autorité, unir efficacement le don de sa grâce salvatrice à certains signes[38].
Cette déclaration souligne que les sacrements ne sont pas une création
ecclésiale, que l’Église ne peut pas en changer la substance[39], mais qu’ils
sont fondés sur l’événement du Christ pris dans son ensemble : incarnation, vie,
mort et résurrection. À l’origine des sacrements, le sens de l’incarnation entre
en jeu (cf. §§ 30-32), à travers les caractéristiques spécifiques de l’humanité
du Christ, qui se déploient tout au long des mystères de sa vie, culminant à
Pâques, comme don ultime de lui-même et source de toutes les grâces, à commencer
par le don de l’Esprit. L’Église, éclairée par l’Esprit reçu à la Pentecôte et
encouragée par la célébration de l’eucharistie (cf. PO 5), source et sommet de
la vie chrétienne (SC 10 ; LG 11), a reconnu que le don sacramentel du Christ se
prolonge de manière éminente dans les sept signes sacramentels, qui remontent de
diverses manières au Christ lui-même [40], mais elle soutient en même temps que
la grâce divine ne se limite pas exclusivement aux sept sacrements [41].
37. [La grâce sacramentelle et les non-chrétiens]. L’Église affirme que
la grâce qui justifie et donne le salut et donc la vraie foi est aussi donnée en
dehors de l’Église visible, mais pas indépendamment de Jésus (sacrement
primordial) et de l’Église (sacrement fondamental). L’action de l’Esprit Saint
n’est pas confinée aux limites de l’Église visible, mais « sa présence et son
action sont universelles, sans limites d’espace ou de temps »[42]. Les religions
non chrétiennes peuvent contenir des aspects de vérité et être des moyens et des
signes indirects de la grâce spirituelle de Jésus-Christ. Mais cela ne signifie
pas qu’elles soient des voies de salut parallèles au Christ ou indépendantes du
Christ et de son Église[43].
38. [Grâce sacramentelle et foi]. En bref, la Parole de Dieu, créatrice
et efficace, a créé le langage interpersonnel des paroles sacramentelles, qui
sont les sacrements ; des paroles dans lesquelles la Parole continue d’agir
grâce à l’Esprit. Dans les paroles prononcées par le ministre au nom de
l’Église, par exemple « je te baptise », le Christ ressuscité continue à parler
et à agir[44]. Puisque les sacrements rendent aujourd’hui possible, par
l’Esprit, une relation personnelle avec le Seigneur mort et ressuscité, ils
n’ont pas de sens sans cette relation, qui est condensée dans le mot « foi ».
39. [Sacrements : exercice suprême de la sacramentalité ecclésiale]. La
sacramentalité fondamentale de l’Église s’exerce de façon privilégiée et avec
une intensité particulière dans la célébration des sacrements. Les sacrements
ont toujours un caractère ecclésial : l’Église y met en jeu son être même, au
service de la transmission de la grâce salvifique du Christ ressuscité, avec
l’assistance de l’Esprit. C’est pourquoi chaque sacrement est un acte
intrinsèquement ecclésial. Selon les Pères, les sacrements sont toujours
célébrés dans la foi de l’Église, car ils ont été confiés à l’Église. Dans
chaque sacrement, la foi de l’Église précède la foi de chaque fidèle. Il s’agit
en effet d’un exercice personnel de la foi ecclésiale. Par conséquent, sans
participation à la foi ecclésiale, ces actes symboliques sont muets, dans la
mesure où la foi ouvre la porte du sens sacramentel opératif.
40. [Sacramentaux]. La sacramentalité ecclésiale ne s’exprime pas
seulement dans les sacrements. Il existe une série d’autres réalités
sacramentelles qui font partie de la vie et de la foi de l’Église, parmi
lesquelles se distingue la Sainte Écriture. D’une grande importance pour la
piété chrétienne sont ce que l’on appelle les sacramentaux, qui sont des signes
sacrés, créés sur le modèle des sacrements, qui préparent aux sacrements et
sanctifient les diverses circonstances de la vie (SC 60). La particularité des
sacrements est qu’ils constituent un engagement ecclésial autorisé et sûr pour
la transmission de la grâce du Christ, à condition que toutes les conditions
requises soient remplies. Dans les sacramentaux, en revanche, on ne peut pas
parler d’une efficacité semblable à celle des sacrements[45]. En eux, il y a une
préparation à la réception de la grâce et une disposition à coopérer avec elle,
et non une efficacité ex opere operato (cf. § 65), qui est exclusive aux
sacrements. Ainsi, alors que l’eau du baptême produit l’effet du pardon des
péchés au sein de la célébration sacramentelle, l’eau bénite, rappel du baptême,
ne produit pas d’effet en elle-même, mais seulement dans la mesure où elle est
reçue dans la foi, par exemple en se signant à l’entrée du temple.
e) Les fondements de l’économie sacramentelle
41 En systématisant les principaux résultats de notre parcours, nous pouvons
établir les points fondamentaux suivants :
a) L’économie divine trinitaire, étant incarnée, est sacramentelle. Puisque
l’économie est de nature sacramentelle, les sept sacrements institués par le
Christ, gardés et célébrés par l’Église, sont d’une importance capitale en son
sein.
b) La sacramentalité de l’économie divine renvoie à la foi. C’est par la foi que
l’on saisit cette sacramentalité et que l’on y demeure. La perception de la
sacramentalité par la foi est étroitement liée à : l’incarnation, par laquelle
le dessein divin est rendu visible de manière historique et tangible ; l’Esprit
Saint, qui perpétue les dons du Christ en transmettant la grâce salvatrice à
travers les symboles sacramentels ; l’Église, institution historique et visible,
qui, ayant reçu les dons sacramentels, continue à les célébrer pour nourrir et
fortifier la foi des fidèles.
c) Jésus-Christ a institué les sacrements et les a donnés à son Église pour que
les mystères de la foi soient représentés de manière visible. Le croyant qui
participe à ces mystères reçoit les dons qui y sont représentés. La transmission
de la foi n’implique donc pas seulement la communication de contenus doctrinaux
de nature intellectuelle, mais aussi, et en même temps, l’insertion
existentielle dans le tissu de l’économie sacramentelle, que l’encyclique
Lumen fidei a magistralement décrite :
« Mais ce qui est communiqué dans l’Église, ce qui se transmet dans sa
Tradition vivante, c’est la nouvelle lumière qui naît de la rencontre avec le
Dieu vivant, une lumière qui touche la personne au plus profond, au cœur,
impliquant son esprit, sa volonté et son affectivité, et l’ouvrant à des
relations vivantes de communion avec Dieu et avec les autres. Pour transmettre
cette plénitude, il y a un moyen spécial qui met en jeu toute la personne, corps
et esprit, intériorité et relations. Ce sont les sacrements, célébrés dans la
liturgie de l’Église. Par eux, une mémoire incarnée est communiquée, liée aux
lieux et aux temps de la vie, et qui prend en compte tous les sens. Par eux, la
personne est engagée, en tant que membre d’un sujet vivant, dans un tissu de
relations communautaires. En conséquence, s’il est vrai de dire que les
sacrements sont les sacrements de la foi (cf. SC 59), il faut dire aussi que la
foi a une structure sacramentelle. Le réveil de la foi passe par le réveil d’un
nouveau sens sacramentel de la vie de l’homme et de l’existence chrétienne, qui
montre comment le visible et le matériel s’ouvrent sur le mystère de
l’éternité »[46].
d) La structuration de l’économie sacramentelle est dialogique. La foi
représente le moment de la réponse gracieuse de la personne humaine au don de
Dieu. Il existe une réciprocité essentielle entre la foi et la sacramentalité,
d’une manière générale, et entre la foi et les sacrements, d’une manière
spécifique.
e) Le caractère dialogique (foi) de l’économie entraîne un certain nombre de
conséquences significatives pour la compréhension théologique et l’offre
pastorale de chacun des différents sacrements. Sur la base des déclarations
ci-dessus, on peut affirmer avec raison que des sacrements efficaces sans foi
seraient : soit un simple mécanicisme causal, étranger aux relations dialogiques
et interpersonnelles entre le Dieu trinitaire et l’homme ; soit une action
magique, étrangère à la foi chrétienne et à la logique sacramentelle de
l’économie ; soit une conception de Dieu, incompatible avec la doctrine
catholique, qui ne tient pas compte du fait que le don divin lui-même contient
la grâce qui permet à la créature de consentir et de collaborer à l’action
divine, dans la mesure qui lui est propre. En d’autres termes : puisque
l’économie trinitaire en tant que sacramentelle est dialogique, il n’est pas
possible de comprendre l’action de la grâce en elle selon le modèle d’une sorte
d’automatisme sacramentel.
2.2. La réciprocité entre la foi et les sacrements de la foi
a) Éclairage tiré du chemin de foi des disciples
42. [Croissance de la foi]. Pierre, comme porte-parole des disciples, en
réponse à la question de Jésus, fait une confession de foi : « Tu es le Christ »
(Mc 8, 29 et par.). Cependant, Pierre a dû mûrir cette foi initiale, car lorsque
Jésus commence à expliquer qu’il est un Messie à la manière du Fils de l’homme
souffrant, un Messie qui sera crucifié, Pierre le rejette et Jésus le lui
reproche durement (Mc 8, 31-33). Pierre a donc dû parcourir un chemin de
croissance dans la foi, en combinant son adhésion inconditionnelle à Jésus en
tant que Christ avec la connaissance des aspects doctrinaux impliqués. Cela ne
concerne pas seulement Pierre, mais reflète la réalité de tout croyant. Les
apôtres eux-mêmes nous montrent le chemin en demandant au Seigneur : « augmente
en nous la foi » (Lc 17, 5). Paul remarque cette croissance progressive et
compte sur elle, car il se réfère à « la mesure de foi que Dieu a donnée à
chacun de nous » (Rm 12, 3 ; cf. 12, 6). Il met également en garde les chrétiens
de Corinthe, qu’il doit traiter comme des « enfants en Christ », en leur donnant
du « lait » au lieu d’une nourriture solide (cf. 1 Co 3, 1-2). La lettre aux
Hébreux fait écho à cette différence en s’adressant aux membres de la communauté
chrétienne (cf. He 5, 11-14). Allant au-delà des rudiments de la doctrine et de
la foi chrétienne, la nourriture solide s’adresse aux croyants qui, dans leur
marche chrétienne, sont exercés au discernement du bien et du mal, à ceux dont
toute l’existence est illuminée par la lumière de la foi[47].
43. Les disciples et les autres admirateurs de Jésus, les foules, voyaient
quelque chose de spécial dans la figure de Jésus avant Pâques. En particulier,
dans le contexte des guérisons, on nous parle d’une « foi ». La phénoménologie
que nous rencontrons est très variée : Jésus accomplit des miracles sans
mentionner expressément la foi (par ex. Mc 1, 14-45 ; 3, 1-6 ; 6, 33-44) ; grâce
à la foi des demandeurs qui intercèdent en faveur d’une autre personne
(Mc 2, 5 ; Lc 7, 28-29) ; en dépit d’une foi qui se considère comme déficiente
(Mc 9, 24) ; ou, précisément, grâce à la foi (Mc 5, 34). De bien des manières,
il est dit aux disciples de grandir dans la foi (Mt 6, 30 ; 8, 26 ; 14, 31 ;
16, 8 ; 17, 20), dans la foi en Dieu et en sa puissance (Mc 12, 24) et dans la
compréhension de la place unique de Jésus dans le plan de Dieu (Jn 14, 1).
44. La mort de Jésus met à l’épreuve cette adhésion initiale des disciples. Tous
se dispersent et s’enfuient (Mc 14, 50). Les femmes qui se rendirent tôt le
matin au tombeau avaient l’intention d’oindre le corps (Mc 16, 1-2). Cependant,
avec la nouveauté de la résurrection et le don de l’Esprit promis (Jn 14, 16-17.
26), la foi des disciples est fortifiée au point qu’ils peuvent initier d’autres
personnes et les fortifier dans leur foi (Jn 21, 15-18 ; Lc 22, 32). Avec la
Pentecôte, l’itinéraire de foi des disciples s’achève. Non seulement ils
adhèrent pleinement à Jésus, mort et ressuscité, comme Seigneur et Fils du Dieu
vivant, mais ils deviennent des témoins audacieux, pleins de parresia, capables
de parler des œuvres de Dieu et de transmettre la foi dans toutes les langues
grâce à l’Esprit. Ils seront désormais des témoins, voire des martyrs,
proclamant Jésus comme le Messie crucifié et ressuscité, le Fils du Dieu vivant,
le Seigneur des vivants et des morts. Dans cette figure de foi, l’adhésion
croyante à Jésus inclut le contenu doctrinal de la résurrection et le
déploiement de sa signification. Selon les sources, ce passage à la foi en la
résurrection n’a été ni facile ni automatique, en particulier pour ceux qui,
comme nous, n’ont pas bénéficié d’une apparition du Ressuscité (Thomas :
Jn 20, 24-29). La péricope d’Emmaüs (Lc 24, 13-35) fournit des clés précieuses
pour initier les autres au chemin de la foi[48]. Marcher au pas de ceux qui,
bien que déçus, manifestent une certaine inquiétude. Écouter leurs
préoccupations et les accueillir. Les confronter patiemment à la lumière de
l’histoire du salut reflétée dans l’Écriture, en stimulant le désir de connaître
davantage et mieux le projet de Dieu. Cela ouvre la voie à une foi qui mûrit
dans les dimensions sacramentelles et ecclésiales propres à la foi.
45. [Nécessité de discerner avec patience]. La Bible, reflétant
l’histoire du salut, présente une multitude de situations dans lesquelles la
foi, en tant que réalité dynamique et vitale avec des avancées et des reculs, se
trouve dans de multiples positions, depuis la recherche d’un bénéfice tangible,
qui regarde exclusivement l’intérêt personnel, jusqu’à l’extrême générosité de
l’amour confessant. Jésus rejette catégoriquement l’hypocrisie (cf. Mc 8, 15),
appelle à la conversion et à la croyance en l’Évangile (Mc 1, 15), mais
accueille avec magnanimité tous ceux qui viennent à lui, désireux d’une manière
ou d’une autre d’être sauvés par Dieu. Il faut donc apprécier la valeur de la
foi naissante, de la foi en voie de maturation, de la foi qui, dans son désir de
connaître Dieu, n’exclut pas les questions non résolues et les hésitations, de
la foi imparfaite qui éprouve quelques difficultés à adhérer à l’ensemble des
contenus que l’Église tient pour révélés. Il appartient à tous les agents
pastoraux d’aider la croissance de la foi, à quelque stade que ce soit, pour
qu’elle découvre le visage complet du Christ et le registre des éléments
doctrinaux qui inclut l’adhésion croyante au Seigneur mort et ressuscité. En
raison de cette diversité, la même foi n’est pas requise pour tous les
sacrements ou dans les mêmes circonstances de la vie.
b) Modulations de la foi
46. [Nécessité d’une clarification]. La réflexion classique sur la foi et
les sacrements a mis l’accent sur l’articulation tant de l’irrévocabilité du don
du Christ (ex opere operato) que des dispositions nécessaires à une
réception valide et fructueuse des sacrements. Ces dispositions sont
fondamentalement mal comprises si elles sont considérées comme une sorte
d’obstacles imposés arbitrairement pour entraver ou rendre plus difficile
l’accès aux sacrements. Elles n’ont rien à voir non plus avec un « élitisme »
qui serait méprisant pour la foi des simples. Il s’agit simplement de mettre en
valeur les dispositions intérieures du croyant à recevoir ce que le Christ veut
nous donner gratuitement dans les sacrements. C’est-à-dire que ce qui se
manifeste dans ces dispositions, c’est l’adéquation entre la foi et les
sacrements de la foi : quelle foi les sacrements de la foi demandent-ils par
nature ?
Sans perdre les acquis de la réflexion théologique, il est utile d’exposer
quelques-uns des divers aspects de la foi personnelle, puis de discerner dans
les chapitres suivants comment ils entrent en jeu dans la célébration
sacramentelle entendue comme rencontre dialogique.
47. [Dimension théologale]. La particularité de la foi réside dans le
fait qu’elle s’inscrit expressément dans la relation avec Dieu. La théologie
distingue différents aspects à l’intérieur de l’unique acte de foi [49] On
distingue ainsi le « credere Deum », croire à Dieu, qui renvoie à l’élément
cognitif de la foi, de ce que l’on croit (fides quae). Le propre de la
foi est d’être orientée vers Dieu. La foi a donc un caractère théocentrique.
« Credere Deo », croire Dieu, exprime l’aspect formel, la raison pour laquelle
l’assentiment est donné. Dieu est aussi la cause pour laquelle on croit (fides
qua), de sorte que la foi a un caractère théo-logique. Ainsi, Dieu
est l’objet auquel on croit et la raison de la foi. Cependant, ces aspects
fondamentaux ne reflètent pas l’acte de foi dans sa totalité. Il y a aussi le
« credere in Deum », croire en Dieu. C’est ici que l’aspect volitif se manifeste
le plus clairement, en ce sens que, intégrant les deux moments précédents, la
foi comprend également un désir et un mouvement vers Dieu, le début d’un voyage
vers Dieu, qui sera consommé dans la rencontre eschatologique avec Lui dans la
vie éternelle. La foi contient donc une dimension théo-eschatologique.
L’acte de foi dans son ensemble présuppose la conjonction de ces trois aspects.
Cela se retrouve de manière caractéristique dans l’« in Deum », qui inclut les
deux autres.
48. [Dimension trinitaire]. Dans la foi chrétienne, croire en Dieu
implique de croire en Jésus-Christ en tant que Fils, grâce à l’Esprit. De
manière caractéristique, le symbole répète trois fois « in Deum », en se
référant à chacune des personnes divines, marquant ainsi la dimension
trinitaire. La formulation fait référence à la différence avec tout autre acte
de confiance comparable, par exemple dans une personne humaine[50]. La relation
avec le Dieu trinitaire se distingue de la relation avec ce qui a été produit ou
créé par lui. In Deum credere représente la figure parfaite de la
relation personnelle ; elle inclut l’espérance et l’amour[51] ou, comme le
décrit Augustin : « adhérer en croyant à Dieu qui accomplit le bien, afin
d’accomplir le bien en coopérant avec lui »[52]. Telle est la véritable figure
de la foi, qui comprend les deux dimensions déjà mentionnées : croire à Dieu et
croire Dieu (credere Deum et credere Deo)[53]. La formule « credo
in Deum » ne se réduit pas à l’expression d’une confession et d’une conviction,
mais correspond au processus de conversion et de consécration, à l’itinéraire de
foi du croyant. C’est précisément cette dimension personnelle qui donne au
symbole et à ses différents articles leur cohérence. Cela se produit de manière
particulièrement intense dans les célébrations sacramentelles, propres à
l’économie de l’Esprit[54], dans lesquelles la foi est toujours perçue comme
ecclésiale[55] :
« Dans la célébration des sacrements, l’Église transmet sa mémoire, en
particulier avec la profession de foi. Celle-ci ne consiste pas tant à donner
son assentiment à un ensemble de vérités abstraites. Dans la confession de foi,
au contraire, toute la vie s’achemine vers la pleine communion avec le Dieu
vivant. On peut dire que, dans le Credo, le croyant est invité à entrer dans le
mystère qu’il professe et à se laisser transformer par ce qu’il professe »[56].
49. La foi trinitaire implique une relation personnelle du croyant avec chacune
des personnes de la Sainte Trinité. Par la foi, l’Esprit nous conduit à la
connaissance de la vérité tout entière (Jn 16, 12-13). Nul ne peut confesser
Jésus comme Seigneur si ce n’est dans l’Esprit (1 Co 12, 3). Ainsi, l’Esprit
habite le croyant et le rend capable de marcher dans l’Esprit vers Dieu, de
témoigner de sa foi, de manifester la charité chrétienne, de vivre dans
l’espérance, d’atteindre la maturité de la plénitude de la foi, à la mesure du
Christ (cf. Ep 4, 13). L’Esprit agit donc dans le croyant, aussi bien dans
l’acte subjectif de croire lui-même que dans les contenus auxquels on croit et,
bien sûr, dans le dynamisme vital qu’il imprime au croyant. Ce dynamisme
implique une appropriation plus profonde des béatitudes, un portrait du cœur du
Christ et donc du disciple[57]. Avec ses dons, l’Esprit fortifie le croyant
individuel[58] et l’Église. Par la foi, nous confessons Jésus-Christ comme le
Seigneur, le Fils du Dieu vivant, nous devenons ses disciples, en marchant vers
la conformité avec Lui (cf. Rm 8, 29). Par la foi, et grâce à la médiation du
Fils et de l’Esprit, nous connaissons le projet de Dieu le Père, nous entrons en
relation avec Lui, nous le louons, le bénissons et lui obéissons comme des
enfants bien-aimés. Nous nous efforçons d’accomplir sa volonté sur nous, sur
l’histoire et sur la création.
50. [La Réforme et son influence]. La Réforme a exercé une influence qui
peut difficilement être surestimée quant à la suprématie de l’acte de foi
individuel sur la confession de foi ecclésiale. Les caractéristiques propres à
la Réforme sont la concentration de la foi sur la propre justification, la
qualification de l’acte de foi comme une appropriation de la grâce et
l’identification de la certitude de la foi avec la certitude du salut. Cette
subjectivisation tendancielle de la vérité a également influencé une partie de
la théologie de la foi dans le catholicisme récent, lorsque, sous l’égide du
personnalisme, elle a pris une orientation subjectiviste unilatérale. C’est
pourquoi, dans ces approches, la foi est décrite moins comme une confession que
comme une relation personnelle de confiance (foi en quelqu’un) et, au moins
tendanciellement, elle est opposée à la foi doctrinale (foi en quelque chose).
51 [Fides qua ; fides quae]. Si l’interlocution de Dieu à l’homme
a un caractère sacramentel, qui traverse toute la révélation, la réponse, par la
foi, doit elle aussi avoir une logique sacramentelle, suscitée et rendue
possible par l’Esprit. Il ne peut donc y avoir de compréhension purement
subjective de la foi (fides qua) qui ne soit pas liée à l’authentique
vérité de Dieu (fides quae), transmise dans la révélation et conservée
dans l’Église. Il y a donc « une unité profonde entre l’acte par lequel on croit
et les contenus auxquels nous donnons notre assentiment. L’Apôtre Paul permet
d’entrer à l’intérieur de cette réalité quand il écrit : “La foi du cœur obtient
la justice, et la confession des lèvres le salut” (Rm 10, 10) »[59]. Ce sont les
signes sacramentels de la présence de Dieu dans le monde et dans l’histoire qui
font naître, expriment et conservent la foi. Dans la conception chrétienne, il
n’est pas possible de penser la foi sans l’expression sacramentelle (par
opposition à la privatisation subjectiviste), ni la pratique sacramentelle en
l’absence de foi ecclésiale (par opposition au ritualisme). Lorsque la foi
exclut l’identification avec la confession et la vie de l’Église, cette foi
n’est plus une intégration dans le Christ. La foi privatisée et désincarnée des
gnostiques traverse toute l’histoire du christianisme comme une tentation[60].
Mais il y a aussi souvent la tendance opposée, à savoir une foi extérieure, qui
adhère verbalement à la confession de foi sans se l’approprier par la
compréhension personnelle et la prière. La privatisation subjectiviste et le
ritualisme sont les deux dangers que la foi chrétienne doit éviter à tout
prix[61].
52. [Égalité fondamentale de tous les croyants dans la foi]. La foi
personnelle de chaque croyant peut avoir des degrés différents tant en ce qui
concerne l’intensité de la relation avec le Dieu trinitaire qu’en ce qui
concerne le degré d’explicitation de son contenu. La foi étant une relation de
nature personnelle, la capacité de croître dans les deux dimensions est
intrinsèque à sa dynamique propre : dans la connaissance et l’appropriation des
vérités de la foi et de leur cohérence interne, d’une part, et dans la confiance
et la détermination d’orienter toute son existence sur la base d’une relation
intime avec Dieu, d’autre part[62].
53. Dans l’histoire de la théologie, la question du minimum indispensable a été
soulevée à propos de la connaissance réflexive du contenu de la foi, ainsi que
du rôle de ce que l’on appelle la « foi implicite ». Les théologiens
scolastiques appréciaient beaucoup la foi des simples (simplices,
minores). Selon Thomas d’Aquin, il ne faut pas exiger de tous le même degré
d’explicitation en ce qui concerne la connaissance réflexive du contenu de la
foi [63]. La différence entre foi « implicite » et foi « explicite » se réfère à
certains contenus de la foi qui sont soit inclus dans la foi elle-même et, en ce
sens, intégrés dans l’acte de croire – implicites –, soit crus de manière fiable
et consciente (actu cogitatum credere) – explicites. Il n’est pas
nécessaire que les simples croyants sachent rendre compte intellectuellement et
en détail des développements trinitaires ou sotériologiques. La foi implicite
comprend en elle-même la prédisposition fondamentale à s’identifier à la foi de
l’Église et à s’y unir[64].
54. [Le credo : contenu minimal de la foi]. Selon Thomas, tous les
baptisés sont tenus de croire explicitement les articles du credo[65]. Il ne
suffit donc pas de croire à une volonté salvifique générale de Dieu, mais à
l’incarnation, à la passion et à la résurrection du Christ, ce qui n’est
possible que par la foi au Dieu trinitaire. C’est la foi « dans laquelle tous
parviennent à la vie nouvelle », dans laquelle tout chrétien est baptisé[66]. À
l’époque des Pères, la règle de foi jouait un rôle similaire : elle fonctionnait
pour tous les croyants comme le recueil du contenu fondamental ainsi que comme
la norme de vérification des éléments contraignants de la foi[67]. Thomas
affirme que cette connaissance de la foi ne présuppose pas d’autres
connaissances préalables, mais qu’elle est accessible aux gens simples ; en
outre, en raison des fêtes de l’année liturgique, son contenu est présent pour
tous. L’obligation d’une foi explicite dans le symbole pour tous les membres de
l’Église signifie, corrélativement, la reconnaissance de l’égale dignité de tous
les chrétiens.
55 - [Notes sur le manque de foi]. Le contraire de la foi n’est pas le
manque de connaissance, mais le refus obstiné de certaines vérités de foi[68] et
l’indifférence. Dans ces lignes, Hugues de Saint-Victor distingue clairement
deux groupes. Il y a les croyants qui ont une faible pénétration intellectuelle
de la foi et qui ne se caractérisent pas par une relation personnelle profonde
avec Dieu, mais qui s’accrochent néanmoins à leur appartenance à la communauté
ecclésiale et mettent leur foi en pratique dans leur vie[69]. D’autres, en
revanche, ne sont croyants que « de nom et par habitude ». Ils « reçoivent les
sacrements avec les autres croyants, mais sans penser aux biens du monde à
venir »[70]. Un élément crucial de la foi chrétienne est mentionné ici : s’il y
a « une espérance pour les biens à venir » (cf. He 11, 1), et si cette espérance
croyante est assez forte pour guider l’action humaine.
c) Réciprocité entre foi et sacrements
56. [Concept de sacrement]. Le Dieu trinitaire, qui crée pour transmettre
ses dons et qui a créé l’homme pour l’appeler à la communion avec Lui, entre en
relation avec l’humanité de façon médiate, à travers la création et l’histoire,
au moyen de signes, comme nous l’avons vu. Parmi ces signes, les sacrements
chrétiens occupent une place très importante, car ils sont les signes auxquels
Dieu a lié la transmission de sa grâce d’une manière certaine et objective. En
effet, les sacrements de la Loi nouvelle sont des signes efficaces qui
transmettent la grâce[71]. Comme nous l’avons déjà dit, cela ne signifie pas que
les sacrements soient les seuls moyens par lesquels Dieu transmet sa grâce[72] ;
cela signifie qu’ils occupent une place privilégiée, marquée par la certitude et
l’ecclésialité. La dévotion et la piété personnelle peuvent se déployer à
travers diverses pratiques, comme les différentes formes de prière liées à la
Sainte Écriture, telles que la lectio ou la contemplation des mystères de
la vie du Christ ; la contemplation des œuvres de Dieu dans la création et dans
l’histoire ; les divers sacramentaux (cf. § 40), etc.
57. [Foi et sacrements dans la définition du sacrement par Vatican II].
Au cours de l’histoire, il y a eu différentes définitions de ce qu’est un
sacrement. Le Concile Vatican II le caractérise ainsi :
« Les sacrements ont pour fin de sanctifier les hommes, d’édifier le Corps du
Christ, enfin de rendre le culte à Dieu ; mais, à titre de signes, ils ont aussi
un rôle d’enseignement. Non seulement ils supposent la foi, mais encore, par les
paroles et les choses, ils la nourrissent, ils la fortifient, ils l’expriment ;
c’est pourquoi ils sont dits sacrements de la foi. Certes, ils confèrent la
grâce, mais, en outre, leur célébration dispose au mieux les fidèles à recevoir
fructueusement cette grâce, à rendre à Dieu le juste culte, et à exercer la
charité »[73].
Ce texte dense souligne plusieurs aspects fondamentaux de la réciprocité
essentielle entre foi et sacrements, que nous allons brièvement passer en revue.
Tout d’abord, les sacrements ont une finalité pédagogique pour notre
foi : ils illustrent la manière « sacramentelle » dont se déroule l’histoire du
salut. Jésus-Christ les a institués pour nous enseigner qu’il nous communique et
nous transmet son salut d’une manière sensible et visible, c’est-à-dire adaptée
à la condition humaine[74] (cf. notamment §§ 20, 26). Deuxièmement, les
sacrements présupposent la foi dans un double sens : comme « accès » au
mystère sacramentel : si la foi fait défaut, le sacrement n’apparaît que comme
un symbole extérieur ou un rite vide, avec le risque de glisser vers un geste
magique ; et comme condition nécessaire pour que le sacrement produise
subjectivement les dons qu’il contient objectivement. Troisièmement, les
sacrements manifestent la foi du sujet et de l’Église. La célébration des
sacrements est une profession de foi vécue. Les sacrements sont des signes par
lesquels est professée la foi grâce à laquelle l’homme est justifié. La parole
sacramentelle exige la réponse de la foi du croyant qui, grâce à elle, apprend
et reconnaît le mystère qui se réalise dans le sacrement. Quatrièmement, les
sacrements nourrissent la foi à deux niveaux fondamentaux : ils
communiquent le don de la grâce divine, qui accomplit ou renforce la vie
chrétienne du croyant ; et ils sont des célébrations dans lesquelles le mystère
du salut est effectivement signifié, éduquant la foi et la nourrissant de
manière continue. Les sacrements sont donc des signes de foi dans tous les
aspects du dynamisme de leur réalisation : avant, pendant et après la
célébration. Par conséquent, puisque le sacrement présuppose la foi, il est
évident que le destinataire des sacrements est membre de l’Église. Nous ne
pouvons pas oublier que, par la foi et les sacrements de la foi, nous entrons en
dialogue, en contact vital avec le Rédempteur, qui est assis à la droite du
Père. Le Christ glorieux ne nous atteint pas seulement intérieurement, mais dans
le concret de notre être historique, élevant les situations de fond de notre
existence en situations sacramentelles de salut.
58. [Lien entre foi et sacrements]. La foi n’est pas garantie pour
toujours au moment de la conversion. Elle doit être cultivée par la pratique de
la charité, la prière, l’écoute de la Parole, la vie communautaire,
l’instruction, et aussi, et de façon prééminente, par la pratique assidue des
sacrements. Dans le domaine des relations, ce qui n’est pas explicité et exprimé
risque de se diluer et même de disparaître. Le Christ, qui est le don de Dieu
par excellence, ne peut pas être reçu seulement de manière invisible ou privée.
Au contraire, celui qui le reçoit est habilité et appelé à l’incarner dans sa
vie, ses paroles, ses pensées et ses actes. De cette manière, il contribue à la
transformation de la sacramentalité originelle du Sauveur en sacramentalité
fondamentale de l’Église. En effet, les sept réalisations fondamentales de
l’Église (les sacrements) réalisent ce qu’elles signifient. Cependant, leur
réception fructueuse requiert la disponibilité de chaque destinataire à
approfondir, à vivre et à témoigner de ce qu’il a reçu.
59. Le lien intrinsèque entre la foi et les sacrements apparaît clairement si
l’on considère d’autres aspects essentiels. Parmi ceux-ci, il convient de
relever :
a) La célébration sacramentelle : dans laquelle une action particulière ou une
réalité matérielle, qui possède déjà un sens en soi, est mise en relation avec
l’histoire du salut et déterminée par l’événement du Christ. Par la parole, le
signe devient présence, mémoire et promesse de la plénitude du salut[75]. Ainsi,
par exemple, l’eau en tant que telle possède la propriété de purifier.
Cependant, ce n’est qu’en conjonction avec l’invocation de la Trinité qu’elle
produit l’effet régénérateur d’effacer les péchés.
b) La terminologie : « sacramentum (sacrement) » est la traduction du grec
« mystérion (μυστήριον) ». Les mystères célébrés dans l’Église s’enracinent dans
le mystère en tant que tel, « caché depuis le commencement des siècles en
Dieu » (Ep 3, 9) et maintenant révélé : le Christ. Par son incarnation,
sa passion et sa résurrection, il veut « attirer tous les hommes à lui » (cf.
Jn 12, 32), « les réconcilier avec Dieu » (cf. 2 Co 5, 19-21). Selon la lettre
aux Éphésiens (3, 3-21 et 5, 21-33 ; cf. Col 1, 25-27 ; 2, 2-9), l’Église est
incluse dans le mystère du Christ ; en tant que « corps » et « épouse », elle
appartient au « mystère caché », au dessein salvifique de Dieu (76). Le concept
néotestamentaire de « mystérion » désigne la réalité de Dieu qui se communique
aux hommes en Jésus-Christ. Dans la mesure où il s’agit d’une réalité
inépuisable, elle reste cachée même dans l’événement de la révélation, parce
qu’elle dépasse toute compréhension et toute conceptualisation. Bien que la
traduction latine « sacramentum » mette l’accent sur la révélation plutôt que
sur la dissimulation, le concept latin conserve également la dimension de
référence à l’insaisissable. Il s’ensuit que quiconque célèbre la liturgie de
l’Église ou reçoit un sacrement est appelé à transcender, par sa foi
personnelle, le contenu cru en un mystère toujours plus grand.
c) Il y a aussi un second aspect très révélateur de la terminologie. À
l’origine, sacramentum signifie « serment sacré » qui, contrairement au
« ius iurandum », produit un lien sacré. C’est ce sens que Tertullien a à
l’esprit lorsqu’il qualifie le baptême de « sacrement »[77] et qu’il le compare
à l’engagement pris par le militaire lors du serment d’allégeance. Il n’est pas
possible de s’engager dans quelque chose sans en connaître le contenu.
60. [Nécessité de la catéchèse]. D’après ce qui a déjà été dit, nous
partons d’une double base. Premièrement, il ne peut y avoir de célébration
sacramentelle sans foi. Deuxièmement, la foi personnelle est une participation à
la foi ecclésiale, une réponse à l’événement sacramentel de la révélation dont
l’Église est le témoin et le promoteur, grâce à l’Esprit. Par conséquent,
puisque la réception d’un sacrement est simultanément un acte de nature
strictement personnelle et de nature manifestement ecclésiale, une catéchèse
appropriée doit précéder la célébration du sacrement. Dans cette catéchèse, le
mystère pascal doit occuper une place prépondérante en raison de sa centralité
dans la foi chrétienne. Dans le cas du baptême, la catéchèse fait partie de
l’incorporation même à l’Église, comme le montre le développement du
catéchuménat dans l’Église ancienne. Sous une autre perspective, la forme
primitive du baptême comportait une confession de foi, sous forme de dialogue,
comme en témoigne la Traditio apostolica [78]. La confession de foi et le
caractère dialogique divino-humain de la réception des sacrements doivent se
poursuivre à travers la catéchèse mystagogique qui a lieu à chaque réception des
sacrements. En un certain sens, la catéchèse mystagogique consiste à entrer dans
le témoignage eschatologique qui se réalise avec les sacrements, en progressant
continuellement dans une connaissance par participation aux mystères célébrés.
61. [Manifestation de la foi]. Les sacrements font partie de l’économie
sacramentelle dans laquelle ils introduisent le croyant. Cette économie implique
l’existence d’aspects visibles comme expression de la grâce invisible. Si la foi
au Dieu révélé dans le Christ est un don de la grâce, celui qui la reçoit n’est
pas un simple objet de ce don. C’est pourquoi Thomas d’Aquin précise que la foi
est une « virtus infusa vel supranaturalis ». En tant que « vertu », la foi est
une capacité d’agir qui est rendue possible par la grâce et qui, comme toute
faculté, peut être perfectionnée. En d’autres termes, plus la relation du
croyant avec le Christ est profonde, plus la sacramentalité de cette foi, de sa
prière, de sa confession, de son identification à l’Église et de son amour est
intense. Par conséquent, puisque la foi est une vertu, elle doit se manifester
extérieurement, visiblement, dans un style de vie correspondant au double
commandement de l’amour de Dieu et du prochain, et dans une relation avec
l’Église orante.
62. Une foi générique, en tant qu’assentiment à la révélation divine, peut
exister sans inclure en elle-même l’espérance en Dieu et l’amour de Dieu qui lui
sont inhérents. La distinction scolastique entre « fides informis » et « fides
(caritate) formata » reflète les problèmes inhérents à une foi qui n’a pas
encore atteint le degré de maturité qui lui est essentiel. Selon la lettre aux
Hébreux, la foi est nécessaire au salut : « sans la foi, il est impossible de
lui [i.e. Dieu] plaire » (He 11, 6) ; une conviction enracinée dans la
compréhension de la foi au Moyen-Âge[79]. Alors qu’une simple croyance en la
vérité (fides informis) n’établit pas la communion avec le Christ, la foi
aimante (fides caritate formata) produit un enracinement dans la
participation à la réalité salvatrice et bénie de Dieu. En d’autres termes, il
peut y avoir une forme de foi qui n’est pas façonnée intérieurement par une
relation personnelle avec le Christ. En ce sens, elle est considérée comme
informis : elle n’est pas informée dans sa configuration par l’amour pour le
Christ, en réponse au premier amour de celui-ci. Il existe également un type de
foi qui est façonné par une relation personnelle et amoureuse avec le Christ.
C’est pourquoi elle est appelée caritate formata : configurée par la
charité inhérente à la vérité de la relation que la foi cherche à exprimer.
63. En suivant cette distinction, on peut établir que la foi aimante est en
effet le commencement de la vie éternelle[80]. C’est l’acte personnel de croire
(actus credendi) et la vertu de foi (virtus fidei) qui seuls
rendent effectif l’événement salvifique dans le croyant. Cependant, l’acte de
foi n’est pas possible sans l’affirmation de la réalité qui le rend possible.
Cela étant, une foi formée par la charité n’est pas présupposée pour la
réception de tous les sacrements, comme cela est particulièrement évident dans
le sacrement de pénitence. Selon Thomas d’Aquin, ni le baptême ni le mariage ne
requièrent une foi empreinte d’amour au même titre que l’eucharistie. La
réception fructueuse de la communion présuppose non seulement la foi en la
présence réelle du Christ dans les espèces sacramentelles, mais aussi la volonté
de maintenir le lien d’union avec le Christ et avec ses membres (cf. § 120).
64. L’amour surnaturel (caritas) étant un effet immédiat de la grâce, la
présence d’une « fides caritate formata » ne peut être vérifiée sur la base de
critères humains. Par conséquent, personne ne peut savoir avec certitude sur une
autre personne, ou sur lui-même, si sa foi possède cette qualité. Celle-ci ne
peut être déduite que d’indications ou d’effets[81]. On ne peut donc en aucun
cas prétendre porter un jugement sur la situation d’une personne devant Dieu ou
vouloir constater ou nier la croyance comme un don surnaturel de la grâce chez
une autre personne. Cependant, comme la réception d’un sacrement est un acte
ecclésial public, le côté extérieur et visible est décisif : c’est-à-dire
l’intention exprimée, la confession de foi, la fidélité à la promesse baptismale
dans la vie.
d) Nature dialogique des sacrements
65. [Foi, validité et fécondité]. Le Concile de Trente (DH 1608) a
utilisé l’expression « ex opere operato » pour exprimer ce qui suit : lorsqu’un
sacrement est célébré de manière appropriée, au nom de l’Église et conformément
au sens que l’Église lui a donné, il transmet toujours ce qu’il signifie. Cette
précision n’implique pas que la participation de ceux qui dispensent et
reçoivent le sacrement soit négligée. Au contraire : celui qui dispense un
sacrement doit avoir l’intention de faire ce que fait l’Église (DH 1611 :
faciendi quod facit ecclesia). Du côté du destinataire, il faut distinguer
la réception fructueuse (fecunda) de la réception infructueuse (infecunda). Le
terme « opus operatum » n’est pas dirigé contre la participation de celui qui
administre le sacrement ou de celui qui le reçoit. Il souligne que ni la foi de
celui qui dispense ni celle de celui qui reçoit le sacrement ne produisent le
salut, mais seulement la grâce du Rédempteur transmise par le sacrement. Ce
n’est donc pas parce que celui qui dispense le sacrement et celui qui le reçoit
croient en ce qu’ils réalisent dans le sacrement que, pour cette même raison, le
Christ agit à travers le sacrement. Il s’agit plutôt de ceci : chaque fois qu’un
sacrement est célébré de manière appropriée, selon le sens que lui donne
l’Église, le Christ lie son action à celle de l’Église.
66. En ce sens, contrairement à la théologie des Réformateurs, le Concile de
Trente a clairement affirmé l’efficacité des sacrements[82]. Cependant, une
pratique ecclésiale qui ne se préoccupe que de la validité porte atteinte à
l’organisme sacramentel de l’Église, car elle le réduit à l’un de ses aspects
essentiels. Avec la validité se transmet ce que la terminologie technique a
appelé « res et sacramentum », en tant que partie constitutive de l’action
sacramentelle de la grâce. Par exemple, dans le cas du baptême, il s’agirait du
« caractère ». Cependant, les sacrements renvoient à la transmission de la
« res », de la grâce propre au sacrement, et en tirent leur pleine
signification. Dans le cas du baptême, il s’agit de la grâce de la vie nouvelle
dans le Christ, qui inclut le pardon des péchés.
67 [Foi adéquate aux sacrements et intention]. La logique sacramentelle
comprend, comme constituant essentiel, la réponse libre, l’acceptation du don de
Dieu, en un mot : la foi, même si elle est naissante, surtout dans le cas du
baptême. La théologie plus récente a pris comme point de référence pour éclairer
la transmission de la grâce qui s’opère dans les sacrements le monde de la
signification, propre aux symboles et aux signes. Ce domaine est très proche du
langage humain et des relations interpersonnelles. Puisque les sacrements se
situent dans la sphère dialogique et relationnelle du croyant avec le Christ,
cette approche a ses avantages. On ne saisit pas la signification des symboles
ou des signes si l’on ne participe pas au monde que crée le symbole dans sa
signification. De même, il n’est pas possible de recevoir les effets de la grâce
sacramentelle (fécondité ou fructification), véhiculée par les signes
sacramentels, sans entrer dans le monde que ces signes sacramentels expriment.
La foi est la clé qui ouvre l’entrée dans ce monde qui fait que les réalités
sacramentelles deviennent vraiment des signes qui signifient et réalisent
effectivement la grâce divine.
68. La réception des sacrements peut être valide ou invalide, fructueuse ou
infructueuse. Pour une disposition adéquate, il ne suffit pas de ne pas
contredire extérieurement ou intérieurement ce que le sacrement signifie. En ce
sens, une réception valide n’implique pas automatiquement une réception
fructueuse du sacrement. Une réception fructueuse exige une intention positive.
En d’autres termes, le destinataire doit croire à la fois au contenu (fides
quae) et à l’existence (fides qua) de ce que le Christ lui donne
sacramentellement par la médiation de l’Église. Il existe différents degrés de
conformité à la doctrine. Ce qui est décisif ici, c’est que le destinataire ne
rejette en aucune manière l’enseignement de l’Église. Il existe également des
degrés dans l’intensité de la foi. Ce qui est décisif ici, c’est la disposition
positive à recevoir ce que le sacrement signifie. Toute réception fructueuse
d’un sacrement est un acte de communication et fait donc partie du dialogue
entre le Christ et le croyant individuel.
69. S’il est vrai que la doctrine de l’intention est née d’une réflexion sur les
exigences indispensables pour les ministres qui dispensent les sacrements,
l’intention se trouve à un point crucial. D’une part, elle sauve complètement
l’efficacité « ex opere operato », c’est-à-dire que l’efficacité des actions
sacramentelles est entièrement et exclusivement due au Christ et non à la foi du
destinataire ou du ministre du sacrement. Cependant, elle laisse intacte la
nature dialogique de l’événement sacramentel, de sorte qu’il n’y a ni magie ni
automatisme sacramentel. L’intention exprime le minimum indispensable de
participation personnelle volontaire à l’événement gratuit de la transmission
sacramentelle de la grâce salvatrice.
70. Les symboles sacramentels et les actions symboliques, accomplis à travers
l’eau, l’huile, le pain, le vin et d’autres éléments visibles et extérieurs,
invitent chaque croyant à ouvrir « l’œil intérieur de la foi »[83] et à voir les
effets salvifiques de chaque sacrement. Ces actions symboliques, accomplies avec
ces éléments matériels, sont, en réalité, opérées pour accomplir une action du
Christ, le Sauveur. Ce qui se passe dans l’administration des sacrements est
enraciné dans ce qui s’est passé dans les actions du Christ, le Sauveur, dans sa
vie terrestre, comme par exemple dans les guérisons. Beaucoup ont cru au Christ
(Ur-Sakrament) et ont ainsi atteint la sanctification, comme la Samaritaine au
puits de Jacob (Jn 4, 28-29. 39) ; Zachée, lorsqu’il a accueilli Jésus dans sa
maison (Lc 19, 8-10) ; la Syrophénicienne, qui a obtenu la guérison de sa fille
par une foi inébranlable (Mc 7, 24-30), et ainsi de suite. Ces actions
symboliques, « sacramentelles » de Jésus, réalisées avec des éléments matériels,
étaient opérées pour l’intensification de la foi dans les bénéficiaires et leur
sanctification, grâce à la vision intérieure de la foi.. La foi renforcée doit
se traduire par une confession croyante à travers le témoignage chrétien de la
vie dans le monde.
71 [Caractère dialogique]. La célébration liturgique des sacrements
décrit non seulement l’action salvifique catabatique (descendante) de Dieu, mais
aussi, de façon inséparable, le mouvement anabatique (ascendant) du
destinataire, qui commence par la réponse « amen » et se termine par des gestes
tels que l’extension des mains dans la réception de la communion. Tous les
sacrements sont des actions communicatives, inscrites dans l’économie du salut :
le déploiement historique du désir de Dieu d’entrer dans une relation
personnelle avec l’humanité. Ainsi, les sacrements reflètent la nature de
l’alliance qui marque et accompagne toute l’histoire du salut. Lorsque la nature
dialogique du sacrement diminue, des malentendus de nature magique (ritualisme)
et une focalisation sur le salut individuel (privatisation subjectiviste)
apparaissent.
e) L’organisme sacramentel
72 [L’organisme sacramentel]. L’organisme sacramentel de l’Église[84],
façonné au cours de siècles d’évolution, s’occupe des circonstances clés de la
vie de la personne et de la communauté, afin d’affermir le chrétien dans sa foi,
de l’insérer de façon plus vivante dans le mystère du Christ et de l’Église, de
l’accompagner et de le fortifier tout au long de l’itinéraire de sa vie de foi.
Non seulement il recueille les moments denses du déploiement du mystère du
Christ dans sa vie terrestre, mais, en les actualisant sacramentellement, il
assure la continuité de cette œuvre. Ainsi, la sacramentalité originelle du
Christ, à travers les célébrations sacramentelles de l’Église, rejoint
l’individu croyant et fait de lui un sacrement vivant du Christ. Grâce à l’eau,
au pain, au vin, à l’huile et aux paroles sacramentelles, qui contiennent un
sens se référant directement au Christ et le portent à son accomplissement, le
croyant est pleinement inséré dans cette réalité et est façonné par elle, à
condition qu’il accepte ces signes avec les dispositions appropriées.
73 [Sacrements d’initiation]. Les sacrements d’initiation, situés au
début du parcours, insèrent pleinement le croyant dans le Christ et dans la
communauté ecclésiale, lui permettant, par la grâce, de devenir en quelque sorte
sacrement du Christ par sa vie. Le baptême est donc la porte d’entrée. Être
enseveli dans les eaux et en ressortir exprime la participation à la mort et à
la résurrection du Christ, l’entrée dans son Corps et la conformation à
celui-ci, en devenant un membre vivant et actif de l’Église du Christ (cf.
infra ch. 3.1.). La confirmation, avec la réception du chrême, implique un
pas supplémentaire dans la même direction. L’onction de chrême, parallèlement à
l’onction du Christ, rend le chrétien capable, par le don de l’Esprit, de
témoigner de la foi en assumant cette responsabilité dans la communauté
chrétienne avec une foi plus missionnaire et ecclésiale (cf. infra ch.
3.2.). Avec l’eucharistie, sacrement du Corps du Christ, l’insertion, la
communion et la pleine participation au Corps du Christ s’expriment dans tous
les sens : christologique, sacramentel et ecclésial (cf. infra ch. 3.3).
Au terme de l’initiation, le chrétien est déjà membre du Christ et de son
Église, ayant reçu tous les moyens ordinaires de christification qui lui
permettent de mener une vie chrétienne et de rendre un vrai témoignage.
74 [Sacrements de guérison]. Ceux qui reçoivent les sacrements
d’initiation ne se comportent pas toujours avec une pleine fidélité et intégrité
par rapport à ce qu’ils signifient. C’est pourquoi il existe aussi des
sacrements appelés sacrements de guérison, qui tiennent compte de notre
fragilité et de notre péché. Avec la pénitence, lorsque nous sommes reçus par le
ministre, qui représente le Christ et l’Église et prononce les paroles de
l’absolution au nom du Christ et de l’Église, nous sommes non seulement
réconciliés avec Dieu après l’avoir renié par notre propre vie, mais aussi avec
le corps ecclésial, qui proclame la bonté de Dieu en Jésus-Christ en tant que
communauté de pardonnés. Ainsi, grâce à la pénitence, le chrétien reprend le
chemin de la foi. L’eucharistie étant le sacrement du Corps du Christ par
excellence, la pleine participation à ce sacrement n’a pas de sens pour ceux
qui, ayant gravement endommagé ce que signifie être inséré dans ce Corps, n’ont
pas reçu le don du pardon qui les réconcilie avec Dieu et les réintègre
joyeusement dans l’appartenance à la communauté.
75. L’onction est célébrée dans une situation de fragilité, comme la maladie. Le
chrême du Christ, onguent et parfum de guérison, exprime la force du Seigneur
pour sauver toute la personne et de l’amener à sa gloire, même en dépit de
graves manquements (péchés) incompatibles avec la vie de foi, en y intégrant de
manière expresse le pardon (cf. Jc 5, 14-15). Il est ainsi attesté que même la
maladie peut être une occasion de manifester la gloire de Dieu (Jn 11, 4) ; et
que dans la maladie, dans la vie et dans la mort, nous appartenons au Seigneur
(Rm 14, 8-9) puisque nous partageons avec lui sa passion et ses souffrances sur
le chemin de la gloire. Ainsi, le péché et la maladie deviennent une occasion de
grandir dans l’union avec le Seigneur et de témoigner que sa miséricorde est
plus forte que notre fragilité.
76 [Les sacrements au service de la communion]. D’autres sacrements sont
plus directement liés au service de la communion. La communauté a besoin d’une
structure et d’un gouvernement qui reflètent sa réalité sacramentelle. C’est
pourquoi les ministres ordonnés ad sacerdotium représentent le Christ
Tête ; ils lui sont expressément configurés par l’exercice de la charité
pastorale. Ainsi, le Christ continue à être présent dans son Église non
seulement comme le don qui l’a engendrée, mais aussi, sacramentellement, comme
celui qui se donne continuellement à elle, l’engendrant sans cesse à nouveau. De
plus, dans une autre perspective et en tant que membres de l’Église, les
ministres ordonnés représentent également l’Église, en particulier dans leur
prière liturgique, louant Dieu et demandant sa grâce au nom de tous. De cette
manière, le Christ, Pasteur et Chef, continue à construire son Corps dans
l’histoire. Toute l’Église reconnaît dans le ministère ordonné, encore et
toujours, combien il est dû au don du Seigneur, dans sa Parole et ses
sacrements, tandis que les ministres ordonnés doivent conformer leur vie au
Christ pour être des bergers selon son propre cœur.
77. Ceux qui sont nés de l’eau et de l’Esprit exercent leur sacerdoce commun
(cf. LG 10), inséparable de la vie de foi, également dans l’amour qu’ils se
portent mutuellement en tant qu’époux. L’amour que les époux professent
publiquement l’un pour l’autre est un lien sacré par lequel ils rendent
historiquement visible et présent dans le monde l’amour du Christ pour son
Église. Ainsi, grâce au mariage, la communauté chrétienne grandit et des enfants
naissent, fruits de l’amour, qui, en respirant la foi dans la famille,
augmentent le nombre des membres du Corps du Christ. La famille devient ainsi
l’Église domestique, le lieu prépondérant pour recevoir, vivre et exprimer la
foi (cf. infra ch. 4).
78. Cet examen conjoint de la réciprocité entre foi et sacrements dans
l’économie sacramentelle nous a montré plusieurs aspects d’une grande importance
pour notre thème.
a) Dans l’économie divine, tout part de la révélation salvifique du Dieu
trinitaire. Cette économie atteint son sommet lorsque le Père révèle son Fils
par la Pâque du Fils et le don de l’Esprit à la Pentecôte. Ces mystères
salvateurs se perpétuent dans l’histoire à travers l’Église et les sacrements
par l’action de l’Esprit.
b) Cette révélation et cette communication de Dieu ont un caractère
sacramentel : la grâce invisible est transmise par des signes visibles. La
nature sacramentelle de la révélation est perçue par la foi.
c) La foi est la relation personnelle avec le Dieu trinitaire, par laquelle on
répond à sa grâce, à sa révélation sacramentelle ; la foi est donc
essentiellement et constitutivement dialogique. Elle est aussi une réalité
dynamique, qui accompagne toute la vie du croyant. Comme dans toute relation,
elle peut grandir et se renforcer, mais aussi au contraire s’affaiblir ou même
se perdre. Elle a une empreinte à la fois personnelle et ecclésiale. Puisque la
foi est déjà une relation personnelle avec le Dieu trinitaire, elle conduit au
salut et à la vie éternelle.
d) L’action salvatrice de Dieu, l’économie, s’étend au-delà des frontières
visibles de l’Église. Ce facteur semblerait nier la nature sacramentelle de
l’économie. Cependant, un examen attentif du fonctionnement du salut dans ces
cas montre que l’action salvifique de Dieu, acceptée par une foi implicite, ne
se réalise pas en dehors de la sacramentalité de l’économie divine, mais
précisément grâce à elle[85].
e) Sous des formes et des aspects divers, la célébration des sacrements doit
toujours être accompagnée de la foi dans ses différents aspects : une foi
personnelle qui, dans son dynamisme envers Dieu, participe à la foi ecclésiale
et y adhère par l’appartenance ecclésiale voulue ou, au moins, fait sienne
l’intention ecclésiale spécifique inhérente aux célébrations sacramentelles. De
cette façon, la célébration sacramentelle ne tombe jamais dans l’automatisme
sacramentel.
f) La foi elle-même possède, dans son essence même, une tendance naturelle à
s’exprimer et à se nourrir sacramentellement, précisément en raison de la
structure sacramentelle de l’économie qui la suscite. La foi en la grâce
salvatrice de Jésus-Christ (Ur-Sakrament) et sa permanence historique
dans l’espace et le temps grâce à l’Église (Grundsakrament) ne peuvent
être opposées ni même dissociées comme différentes.
2.3 Conclusion : Dynamismes de la foi et de la sacramentalité
79. En conclusion, nous pouvons retenir un certain nombre de dynamismes
saillants qui ont émergé de l’examen de la nature dialogique de l’économie
sacramentelle :
a) La foi constitue la réponse dialogique à l’interlocution sacramentelle du
Dieu trinitaire. Ce facteur scelle la réciprocité entre foi et sacrements. Dans
le cheminement du croyant, la foi se module et s’exprime dans les diverses
situations de la vie, accompagnée par les divers sacrements que l’Église offre
pour la vie chrétienne tout au long du pèlerinage terrestre.
b) Par sa constitution même, la foi chrétienne est sacramentelle. Il y a donc
une connaturalité entre la foi et la sacramentalité. L’un des dynamismes
fondamentaux de la foi consiste donc dans son expression sacramentelle, comme
manière de se nourrir, de se fortifier, de s’enrichir et de se manifester.
c) Dans l’expression sacramentelle de la foi, la dimension personnelle
(subjective) et la dimension ecclésiale (objective) de la foi entrent en jeu.
Dans son dynamisme de croissance, la foi personnelle adhère plus intensément et
s’identifie plus étroitement à la foi ecclésiale. La réciprocité entre foi et
sacrements exclut la possibilité d’une célébration sacramentelle totalement
étrangère à la foi ecclésiale (intention).
d) La sacramentalité propre à la foi comporte toujours un dynamisme
missionnaire, puisqu’elle implique activement le croyant dans la dynamique de
l’économie divine, en lui donnant un certain rôle à jouer, pour lequel la grâce
divine l’habilite. Celui qui reçoit un sacrement intensifie sa christification
grâce à l’Esprit, réaffirme son insertion ecclésiale et accomplit un acte
liturgique de louange à Dieu, qui nous dispense ses biens à travers les
sacrements. De ce point de vue, on comprend, par exemple, que ceux qui reçoivent
le baptême sont, en premier lieu, gratifiés de manière gratuite : ils sont
configurés au mystère pascal du Christ ; mais ils sont aussi, en même temps,
appelés à témoigner du don reçu par une vie de louange qui découle de la foi de
l’Église. Personne ne reçoit les sacrements exclusivement pour lui-même, mais
aussi pour représenter et renforcer l’Église qui, en tant que moyen et
instrument du Christ (cf. LG 1), doit être un témoin crédible et un signe
efficace d’espérance contre toute espérance, en témoignant au monde du salut du
Christ, sacrement de Dieu par excellence. Ainsi, par la célébration des
sacrements et leur vécu adéquat, le Corps du Christ est fortifié.
3. La réciprocité entre la foi et les sacrements dans l’initiation chrétienne
80 [Introduction]. Après avoir vu la réciprocité essentielle qui règne
entre foi et sacrements sur un double plan général, du point de vue de
l’économie sacramentelle et du point de vue de la foi et des sacrements, nous
allons maintenant considérer son impact sur les sacrements de l’initiation
chrétienne. Il s’agit donc d’appliquer les notions et les points de vue que nous
avons acquis, afin de les faire fructifier dans chacun des trois sacrements de
l’initiation. Chaque sacrement a sa spécificité, que nous entendons respecter.
Cependant, afin de systématiser le traitement de la question principale, nous
procédons selon cinq étapes articulées, avec des exceptions adaptées à chaque
sacrement. Ces étapes sont les suivantes : (1) le fondement biblique principal ;
(2) la corrélation entre le sacrement en question et la foi requise pour la
célébration du sacrement ; (3) les problèmes qui se posent aujourd’hui à propos
de cette corrélation ; (4) l’éclairage à partir de moments choisis et
significatifs de la Tradition ; et, à la lumière de la réflexion précédente sur
la place de la foi dans la célébration du sacrement, (5) une proposition
théologique pour la pastorale de la foi requise pour la célébration de chaque
sacrement. En raison de la problématique différente du baptême d’adultes et du
baptême d’enfants, ce schéma est adapté à chaque cas. Il commence par le baptême
des adultes et complète le traitement avec les éléments spécifiques du baptême
des enfants. Nous présupposons une théologie plus complète de chaque sacrement.
Nous nous contentons de rassembler quelques éléments essentiels pour articuler
une réponse significative à la question de la réciprocité entre foi et sacrement
dans chacun des sacrements d’initiation.
3.1 Réciprocité entre foi et baptême
a) Fondement biblique
81. Après la grande prédication kérygmatique du jour de la Pentecôte, « leur
cœur fut transpercé, et ils demandèrent à Pierre et aux autres apôtres : « Que
devons-nous faire, frères ? » Pierre leur répondit : « Repentez-vous, et que
chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus, le Messie, pour le pardon de vos
péchés ; et vous recevrez le don du Saint-Esprit. […] Ceux qui acceptèrent ses
paroles furent baptisés » (Actes 2, 37-38, 41). La conversion, réponse humaine à
l’annonce de l’Évangile, semble inséparable du rite sacramentel du baptême, qui
est lié à plusieurs aspects fondamentaux de la vie chrétienne. Par le baptême,
le croyant participe au mystère pascal du Christ (cf. Rm 6, 1-11), anticipé par
le Christ dans son propre baptême et accompli dans sa passion et sa résurrection
(cf. Mc 10, 38 ; Lc 12, 50) ; il est revêtu du Christ, configuré à Lui, se
retrouve dans le Christ et avec le Christ. C’est ainsi que nous devenons des
enfants adoptifs et de nouvelles créatures. L’apôtre Paul comprend également
qu’avec le baptême, « le chrétien a été confié à une “forme d’enseignement”
(typos didachés), auquel il obéit de tout son cœur (Cf. Rm 6, 17). Dans le
Baptême, l’homme reçoit aussi une doctrine à professer et une forme concrète de
vie qui exige l’engagement de toute sa personne et l’achemine vers le bien. Il
est transféré dans un univers nouveau, confié à un nouveau milieu, à un nouveau
mode d’agir commun, dans l’Église »[86].
Il est également incorporé à l’Église, le corps du Christ (cf. 1 Co 1, 11-16 ;
12, 13). Par le baptême, on reçoit l’Esprit Saint promis (Ac 1, 5), le pardon
des péchés (Col 2, 12-13) et la justification. Ainsi, le nouveau baptisé,
nouvelle créature, par cette nouvelle naissance (Jn 3, 3.5), appartient au
Christ et à l’Église, et est rendu capable de vivre la vie chrétienne, en
témoignant d’une vie nouvelle.
b) Foi et baptême des adultes
82. Le baptême est le sacrement de la foi par excellence. Déjà Mc 16, 16 établit
un lien entre la foi et le baptême : « Celui qui croira et sera baptisé sera
sauvé ». De plus, le commandement baptismal qui conclut l’évangile de Matthieu
(28, 19) contient une formule baptismale dans laquelle l’Église a vu la synthèse
de sa foi trinitaire. D’autre part, le rite du baptême reflète clairement
l’importance de la foi. Dans le rite actuel d’entrée au catéchuménat, le
catéchumène demande à l’Église « la foi » qui donne « la vie éternelle »[87].
Dans l’Église primitive, le rite de la triple immersion était accompagné des
réponses à un credo interrogatif[88]. Aujourd’hui, les renoncements et la
profession de foi font partie intégrante du rite. La célébration rituelle
elle-même, avec ses scrutins, met en évidence la nature dialogique de
l’événement : la proclamation publique de la foi du catéchumène, préalablement
éprouvée pendant le catéchuménat dans ses différentes phases, et la réception du
baptême administré par un ministre ecclésial. Les scrutins eux-mêmes ont pour
fonction de s’assurer de l’adhésion à la foi ecclésiale de la part du baptisé,
au-delà des démonstrations préalables de connaissance de la doctrine, de
conformité à la morale et de pratique de la prière pendant le catéchuménat.
Personne ne s’administre un sacrement à soi-même, puisqu’il est un don de Dieu.
Tout comme la foi se reçoit par la prédication et l’écoute de la Parole, les
sacrements s’inscrivent également dans cette logique de réception du don de
Dieu.
83. Le chrétien ainsi configuré au Christ poursuit son pèlerinage dans la foi,
recevant à d’autres occasions l’Esprit Saint dans la célébration des autres
sacrements et sacramentaux. Deux analogies éclairent cette réalité.
L’insufflation du « souffle de vie » par Dieu sur Adam (Gn 2, 7). Plus
significatif encore, tout le ministère public de Jésus apparaît marqué par la
réception de l’Esprit envoyé par le Père, dont il a été oint lors de son baptême
(Mc 1, 10 et par.), qui l’a conduit dans le désert (Mc 1, 12 et par.), avec
lequel il proclama être oint dans la synagogue de Nazareth (Lc 4, 16-21), par
lequel il chassait les démons (Mt 12 ,28), qu’il exhala sur la croix
(Mt 27, 50 ; Lc 23, 46). Dans son ensemble, toute sa mission peut être qualifiée
de baptême, en référence à la Pâque (cf. Lc 12, 50). Ainsi, la vie du chrétien
s’entend comme un déploiement progressif de ce que le don initial de l’Esprit au
baptême met en marche, jusqu’à l’achèvement de sa propre vie, en la remettant au
Père, comme Jésus.
c) Proposition pastorale : la foi pour le baptême des adultes
84. Avec le baptême, sacrement de la vie nouvelle dans le Christ[89] et de la
nouvelle naissance, on s’engage sur un chemin, on entre dans l’Église et on
accède à l’économie sacramentelle. Dans l’Église ancienne, ce changement de vie
s’exprimait de manière visible et corporelle, les baptisés se tournant vers
l’occident, où l’on regardait pendant les renoncements, puis vers l’orient,
pendant la profession de foi. Une préparation par le catéchuménat ou d’autres
modes d’instruction a toujours été exigée, mais on a également été bien
conscient de la nature initiale de la foi baptismale. C’est pourquoi le
processus catéchuménal préalable doit avoir été suivi avec sérieux et assiduité,
le catéchumène proclamant de manière responsable son adhésion à la foi
trinitaire reçue et son désir de continuer à progresser dans la connaissance de
celle-ci et dans la cohérence de sa vie avec elle, grâce au don de la grâce
baptismale. Le baptême étant une porte d’entrée, la foi requise pour le baptême
ne doit pas être parfaite, mais initiale et désireuse de grandir.
85. Tout comme le catéchuménat est compris comme une partie de l’initiation, de
même le baptême ne consiste pas en un rite clos en lui-même, mais exige, de par
sa propre dynamique interne, un déploiement de la vie en tant que baptisé. La
compréhension de la foi n’est pas non plus close, malgré l’égalité entre la foi
célébrée dans le rite et la foi qui est crue[90]. Cela correspond à la catéchèse
post-baptismale, en quelque sorte comme une phase ultérieure de l’instruction
spécifiquement consacrée au sacrement. La pratique de l’Église ancienne reflète
la conviction que la véritable compréhension des « mystères » survient après
leur réception[91]. Quoi qu’il en soit, on ne partait pas du principe que la
compréhension venait d’elle-même, mais on introduisait les néophytes aux
sacrements par le biais de la catéchèse mystagogique.
86. [Éclairage tiré de la Tradition]. Cyrille de Jérusalem insiste sur la
conversion du cœur et avertit : « si ton intention reste mauvaise (...) alors tu
recevras l’eau, mais pas le Saint-Esprit »[92]. Il n’exige pas explicitement la
force de la foi au sens d’une force extraordinaire, capable de déplacer des
montagnes, mais l’adhésion croyante à l’annonce ecclésiale : « Tu as besoin de
la foi, qui dépend de toi, la foi en Dieu, pour recevoir la foi que Dieu accorde
et accomplit des choses surhumaines »[93]. La foi peut et doit grandir ; la
disposition à cela appartient à la décision même de se faire baptiser[94].
87. Lorsque, à partir du tournant constantinien, le catéchuménat classique, avec
son sérieux et ses différentes étapes, a progressivement disparu, l’Église s’est
adaptée à une nouvelle situation : la société est devenue majoritairement
chrétienne. Dans cette situation, la socialisation générale comprenait une
certaine socialisation religieuse, au moins comparativement plus importante qu’à
l’époque précédente. Cependant, la nécessité d’une figure ecclésiale de la foi
(parrains) et d’une instruction minimale préalable, permettant une adhésion
personnelle responsable et consciente, a été maintenue. Le cas des Indes est
instructif. Bien qu’il y ait eu différentes tendances et que, dans la théologie
de l’époque, le salut était étroitement lié au baptême, c’est finalement
l’opinion qui préservait le mieux la dignité des Indiens et la nature dialogique
des sacrements qui s’est imposée[95]. Dans cette optique, le dominicain François
de Vitoria, en collaboration avec d’autres théologiens, rédigea un rapport sur
la question de la préparation adéquate des chrétiens du nouveau continent, dans
un contexte de pénurie énorme de prêtres, sur lesquels reposait le poids de la
catéchèse : « Ils ne doivent pas être baptisés avant d’avoir été suffisamment
instruits non seulement dans la foi, mais aussi dans les coutumes chrétiennes,
au moins dans la mesure nécessaire au salut. Ils ne doivent pas être baptisés
avant qu’il soit vraisemblable qu’ils comprennent ce qu’ils reçoivent ou qu’ils
répondent et confessent lors du baptême et qu’ils veulent vivre et persévérer
dans la foi et la religion chrétiennes »[96].
88. [Proposition pastorale]. L’Église est toujours désireuse de célébrer
le baptême. Cela implique la joie que de nouveaux croyants reçoivent la
justification, s’unissent au Christ, le reconnaissent comme leur Sauveur,
configurent leur vie au Christ, font partie de l’Église, témoignent de la vie
nouvelle de l’Esprit, dont ils ont été gratifiés et illuminés. Cependant, en
l’absence totale de foi personnelle, le rite sacramentel perd son sens. Si la
validité repose sur la réalisation du sacrement par le ministre avec l’intention
appropriée (cf. §§ 65-70), sans un minimum de foi de la part de celui qui est
baptisé, la réciprocité essentielle entre la foi et les sacrements disparaît.
Sans une foi dans le fait que les signes visibles (sacramentum tantum)
transmettent la grâce invisible (par exemple, l’immersion dans l’eau comme
passage de la mort à la vie nouvelle), ces signes ne transmettent pas la réalité
invisible signifiée (res sacramenti) : pardon des péchés, justification,
renaissance en Christ par l’Esprit, entrée dans la vie filiale. Dans ce cas, le
baptême devient une simple convention sociale ou s’imprègne d’éléments païens.
89. Ce minimum de foi semble indispensable pour que celui qui reçoit le
sacrement se rapproche de l’intention de réaliser ce que croit l’Église.
Certains des éléments appartenant à ce minimum de foi se déduisent de la
dynamique même de la célébration sacramentelle[97] : la foi trinitaire, avec
l’invocation des trois personnes divines sur le néophyte ; la conviction de
renaître en Christ, symbolisée par l’immersion dans les eaux, comme eaux de la
vie[98] ; la naissance à une nouvelle vie, signifiée par le revêtement du
vêtement blanc ; la conviction de recevoir la lumière du Christ et le désir d’en
témoigner, représenté par la réception de la lumière du cierge pascal.
90. Il s’impose donc d’être fidèle à la doctrine de l’Église, à la charité et à
la prudence pastorale, tout en faisant preuve de créativité dans l’accueil et
dans l’offre d’itinéraires catéchuménaux. Ne pas défendre suffisamment ce qu’est
et ce que signifie le sacrement, par crainte d’exigences minimales, nuit
davantage à la sacramentalité de la foi et de l’Église. Cela nuit à l’intégrité
et à la cohérence de la foi même que l’on prétend sauvegarder. Certes, la foi du
destinataire n’est pas la cause de la grâce qui agit dans le sacrement, mais
elle constitue une partie de la disposition adéquate nécessaire à la fécondité
de celui-ci, pour qu’il soit fructueux. Sans aucune foi, il semble difficile
d’affirmer que le minimum indispensable est maintenu en ce qui concerne la
disposition, qui comprend, à son niveau le plus bas, le fait de ne pas faire
obstacle[99]. En ce sens, sans un minimum de foi, le don de Dieu qui transforme
le baptisé en « sacrement » vivant du Christ, en lettre du Christ (cf.
2 Co 3, 3), ne parvient pas à produire le fruit qui lui est propre. D’autre
part, celui qui confesse le Christ comme son Seigneur et Sauveur n’hésitera pas
à vouloir s’associer le plus intimement possible, sacramentellement, au cœur du
mystère salvifique du Christ : la Pâque.
d) Foi et baptême des enfants
91. Le baptême des enfants en bas âge est attesté depuis des temps très
anciens[100]. Il se justifie par le désir des parents que leurs enfants
participent à la grâce sacramentelle, s’unissent au Christ et à l’Église,
deviennent membres de la communauté des enfants de Dieu comme ils le sont de
leur famille, car le baptême est un moyen efficace de salut, en pardonnant les
péchés, à commencer par le péché originel, et en transmettant la grâce. L’enfant
ne signe pas consciemment son appartenance à sa famille charnelle et n’en tire
pas fierté, comme c’est souvent le cas dans de nombreux rites d’initiation, tels
que la circoncision dans la foi juive. Si la socialisation suit son cours
normal, il le fera en tant que jeune et adulte, avec gratitude. Le baptême des
enfants souligne que la foi dans laquelle nous sommes baptisés est la foi
ecclésiale, que notre croissance dans la foi se fait grâce à notre insertion
dans le « nous » communautaire[101]. La célébration le souligne solennellement,
après la profession de foi : « Telle est notre foi, telle est la foi de l’Église
que nous sommes fiers de professer »[102]. À cette occasion, les parents
agissent en tant que représentants de l’Église, qui accueille ces enfants en son
sein[103]. C’est pourquoi le baptême des enfants se justifie par la
responsabilité d’éduquer à la foi, que contractent les parents et les parrains,
parallèlement à la responsabilité de les éduquer dans les autres domaines de la
vie.
e) Proposition pastorale : la foi pour le baptême des enfants
92. De nombreuses familles vivent leur foi et la transmettent à leurs enfants,
de manière explicite ou implicite, les éduquent dans la foi en les faisant
baptiser peu après leur naissance, suivant une coutume chrétienne ancestrale.
Cependant, divers problèmes se posent. Dans certains endroits, le nombre de
baptêmes diminue considérablement. Il n’est pas rare que, dans les pays de
tradition chrétienne, les enfants qui se préparent à la première communion
découvrent à ce moment-là qu’ils ne sont pas baptisés. Très souvent, certains
parents demandent le baptême de leurs enfants par convention sociale ou sous la
pression familiale, sans participer à la vie de l’Église et avec de sérieux
doutes quant à leur intention et leur capacité à assurer à l’avenir l’éducation
religieuse de leurs enfants.
93. [Éclairage tiré de la Tradition]. Avec une grande continuité,
l’Église a défendu la légitimité du baptême des enfants en bas âge, malgré les
critiques dont cette pratique a fait l’objet depuis l’Antiquité. Dans les temps
très anciens, on nous rapporte des baptêmes de familles entières (cf. Ac 16, 15.
33). La tradition du baptême des enfants est très ancienne. Elle est déjà
attestée par la Tradition apostolique[104]. Un synode de Carthage, en 252, la
défend[105]. La célèbre contestation de Tertullien à l’égard du baptême des
nourrissons n’a de sens que si cette pratique était répandue[106]. Elle a
toujours été accompagnée d’une figure ecclésiale importante et proche des
enfants (parents, parrains et marraines), qui s’engageait à leur donner une
éducation religieuse parallèlement à leur éducation ordinaire. De plus, dans la
mesure où le baptême des nourrissons est devenu la pratique la plus courante, le
besoin d’une catéchèse post-baptismale s’est accentué afin d’instruire les
baptisés dans la foi et ainsi contribuer à éviter autant que possible leur
éloignement ou leur détachement total de la foi[107]. Sans cette figure
représentative de la foi ecclésiale, le baptême, sacrement de la foi à caractère
dialogique prononcé, serait dépourvu d’une de ses composantes essentielles.
94. [Proposition pastorale]. Dans le cas des enfants, il faut avoir une
espérance fondée sur l’éducation à la foi, grâce à la foi des adultes qui en
sont responsables. Sans aucune espérance dans une future éducation à la foi, les
conditions minimales pour une réception du baptême ayant un sens ne sont pas
réunies[108].
3.2. Réciprocité entre foi et confirmation
a) Fondement biblique et historique
95. [Fondement biblique]. Tout comme le baptême, le sacrement de la
confirmation trouve son fondement dans l’Écriture. L’Esprit, comme nous l’avons
dit, joue un rôle crucial dans la vie et la mission de Jésus (cf. § 83). Il
occupe également une place prépondérante dans la vie chrétienne. Les disciples
doivent être revêtus de la « puissance d’en haut » (Lc 24, 46-49 ; Ac 1, 4-5. 8)
avant de devenir les témoins du Ressuscité. Selon les Actes, l’Esprit est
descendu sur les disciples (Ac 2, 1-11) et sur beaucoup d’autres, y compris les
païens (Ac 10, 45), qui ont ainsi proclamé et témoigné du Christ et de
l’Évangile (Ac 2, 43 ; 5, 12 ; 6, 8 ; 14, 3 ; 15, 12 ; cf. Rm 15, 13). Le
Paraclet promis (Jn 14,16 ; 15, 26 ; 16, 7) aide les disciples à progresser dans
leur vie de foi et à en témoigner devant le monde. Dans certains passages, une
distinction est faite entre la réception du baptême et une effusion ultérieure
de l’Esprit, liée à l’intervention des apôtres par l’imposition des mains sur
des chrétiens qui vivent déjà leur foi (cf. Ac 8, 14-17 ; 19, 5-6 ; He 6, 2).
Tout comme nous pouvons distinguer le moment de Pâques de celui de la Pentecôte,
il y a également dans la vie du chrétien qui s’inscrit dans l’économie
sacramentelle deux moments distincts et interconnectés : le baptême, qui
accentue la configuration pascale, et la confirmation, qui renvoie plus
directement à la Pentecôte, avec la réception de l’Esprit, à la pleine
incorporation à la mission ecclésiale. Dans l’initiation chrétienne des adultes,
ces deux aspects se retrouvent dans une seule et même célébration.
96. [Fondement historique]. Depuis l’Antiquité, on reconnaît une série de
rites post-baptismaux, qui ne sont pas toujours clairement distingués du baptême
lui-même, tels que l’imposition des mains, l’onction d’huile et la
signation[109]. L’Église a toujours soutenu que ces rites post-baptismaux
faisaient partie de l’initiation chrétienne complète. Au fil de l’histoire et
avec l’augmentation du nombre de chrétiens, l’Orient a maintenu l’unité
consécutive du baptême, de la chrismation et de la première eucharistie,
administrés par le prêtre, bien que seul l’évêque soit compétent pour la
bénédiction de l’huile. En Occident, cependant, la chrismation avec l’huile
(chrême) était réservée à l’évêque[110] et, pendant des siècles, jusqu’à
l’intervention de Pie X en 1910[111], elle avait lieu lors de la visite de
l’évêque, avant la première communion. Dès le début du IVe siècle, lors du
concile d’Elvira (vers 302), la différence et l’écart temporel entre le baptême
et la confirmation sont reconnus[112].
b) Foi et confirmation
97. Dans le rituel de la confirmation, les renoncements sont renouvelés et la
profession de foi baptismale est répétée. Cela marque ainsi sa continuité avec
le baptême, tout en soulignant la nécessité de la préséance de celui-ci. La
confirmation réside dans un double élément lié à la foi. Tout d’abord, une
adhésion plus pleine et une « force spéciale » du Saint-Esprit (LG 11), comme le
souligne le rite lui-même : « N., reçois par ce signe le don du
Saint-Esprit »[113]. Deuxièmement, la confirmation implique un lien « plus
étroit avec l’Église » (LG 11). Ainsi, l’ecclésialité de la foi est réaffirmée.
Par conséquent, la foi baptismale se renforce dans plusieurs directions. C’est
une foi plus disposée au témoignage public de la foi ecclésiale ; c’est une foi
avec plus de vigueur et d’identification ecclésiale ; c’est une foi plus active,
dans la mesure où elle est davantage conformée par le don de l’Esprit, à la
suite de la première réception baptismale de l’Esprit. Ces aspects dénotent une
maturation de la foi par rapport à la foi initiale requise pour le baptême. Sans
ces dispositions de foi, le sacrement risque de rester un rite vide.
98. La présence de l’évêque, ministre « originel » de la confirmation (LG 26),
exprime de manière catégorique la nature ecclésiale de la confirmation. À
l’union avec le Saint-Esprit s’ajoute l’union avec l’Église. La participation à
la confirmation est le signe et le moyen de la communion ecclésiale. La
confirmation célébrée par l’évêque local favorise l’unité spirituelle entre
l’évêque et l’Église locale. Le confirmé s’intègre à l’Église, contribuant à
l’édification du corps du Christ (cf. Ep 4, 12 ; 1 Co 12). De plus, il renforce
sa vie chrétienne, déjà commencée avec le baptême. Par le nouveau don de
l’Esprit, il est mieux à même d’être un témoin vivant de la foi reçue, à l’image
de ce qui s’est passé à la Pentecôte.
c) Problématique actuelle
99. La place actuelle du sacrement de confirmation en Occident est davantage due
à des circonstances historiques et pastorales qu’à des motifs proprement
théologiques ou dérivés de la spécificité du sacrement. Dans l’initiation
chrétienne des adultes, on conserve l’ordre originel et théologiquement plus
cohérent : baptême, confirmation, eucharistie. Si le sacrement de la
confirmation offre la possibilité de poursuivre l’instruction dans la foi,
l’insertion dans l’Église et la personnalisation de la décision prise en leur
temps par les parents et les parrains en faveur de l’enfant, on ne peut
prétendre qu’il résolve les difficultés de la pastorale des jeunes ni le
désintérêt des jeunes qui ont été baptisés à l’époque envers l’institution
ecclésiale et la foi. Malgré les efforts louables et le fait qu’il s’agisse
parfois d’une redécouverte plus mûre de la foi, avec le passage à une
appartenance active plus consciente et adulte, il n’est pas rare que les jeunes
vivent la célébration de la confirmation comme une remise de diplôme
universitaire : une fois le diplôme obtenu, il n’est plus nécessaire de
retourner en classe. D’autres considèrent simplement la confirmation comme une
condition préalable à d’autres étapes, comme le mariage, sans saisir la nature
propre de ce sacrement, dont le sens s’est estompé dans l’esprit de nombreux
fidèles.
d) Proposition pastorale : la foi pour la confirmation
100. L’importance du baptême est restée très constante, tout comme son profil
théologique. Le report de la confirmation, là où elle est différée pendant
longtemps, voire non administrée, a rendu difficile l’appréciation de sa place
dans l’initiation chrétienne, en tant que sacrement de l’Esprit et de l’Église,
éléments fondamentaux de l’initiation chrétienne. Une Église missionnaire est
composée de chrétiens confirmés qui, dans la force de l’Esprit, assument
pleinement la responsabilité de leur foi. Un chrétien veut, logiquement, être
sacrement du Christ. C’est pourquoi il s’intègre pleinement à l’Église et
demande le don de l’Esprit par le chrême et l’imposition des mains, s’il ne l’a
pas reçu avec le baptême. Tout comme le Christ a reçu l’onction de l’Esprit en
sortant des eaux, le chrétien qui se configure au Christ accomplit également son
parcours de foi dans l’Esprit, fortifié par la confirmation[114].
101. Dans l’initiation chrétienne des adultes, la foi requise pour la
confirmation coïncide avec celle nécessaire pour le baptême. Dans le cas d’une
réception différée des deux sacrements, la foi baptismale aura mûri dans
plusieurs directions. Il y aura eu un progrès dans l’appropriation personnelle
de la foi ecclésiale et dans le sentiment d’appartenance. Cela implique une
meilleure connaissance, une plus grande capacité à rendre compte de la foi
ecclésiale et une conformation adéquate de la vie à celle-ci. Un cheminement
aura également été parcouru dans la relation personnelle avec le Dieu
trinitaire, en particulier à travers la prière. Plus décisif encore, la foi aura
façonné la biographie, après avoir accompli un cheminement à la suite du Christ
dans l’Église. La confirmation implique le désir et la décision de poursuivre ce
cheminement, en trouvant, grâce au discernement rendu possible par l’Esprit, la
manière propre de suivre Jésus et d’en témoigner. Pour cela, une relation
personnelle profonde avec le Seigneur, acquise par la prière, est essentielle,
car elle pousse au témoignage, à l’appartenance ecclésiale et à la pratique
sacramentelle assidue. De même que l’économie sacramentelle ne s’achève pas à
Pâques, mais inclut la Pentecôte, de même l’initiation chrétienne ne s’achève
pas avec le baptême. S’il y a eu une phase d’attente et de préparation à la
réception du don de l’Esprit, présidée par la prière (cf. Ac 1, 14), de même la
catéchèse appropriée à la réception de la confirmation, sans oublier les autres
éléments ─ doctrine, morale ─ offre l’occasion d’intensifier et de personnaliser
la relation avec le Seigneur par la prière.
3.3. Réciprocité entre foi et eucharistie
a) Fondement biblique
102. Ce qui s’est passé lors de la Cène (Mt 26, 26-29 ; Mc 14, 22-26 ;
Lc 22, 14-23 ; 1 Co 11, 23-26) a toujours été considéré comme l’institution de
l’eucharistie. À ces récits fondamentaux s’ajoutent d’autres récits dans
lesquels l’Église a vu une connotation eucharistique : la multiplication des
pains (Mc 6, 30-44 et par. ; 8, 1-10 et par. ; Jn 6, 1-14), les avertissements
de Paul à la communauté de Corinthe (1 Co 10-11) ou l’épisode qui clôt la
rencontre des disciples d’Emmaüs avec le Ressuscité (Lc 24, 30-31. 35). Suivant
la force du commandement « faites ceci en mémoire de moi » (1 Co 11, 24, cf.
25 ; Lc 22, 19), depuis le commencement (ex. : Ac 2, 42. 46 ; 20, 7 ; 27, 35)
jusqu’à aujourd’hui, là où il y a des chrétiens et l’Église, on célèbre
l’eucharistie, le mémorial de la passion et de la résurrection du Seigneur
jusqu’à son retour, son don salvifique pour « la multitude », pour tous (cf.
Rm 5, 18-19 ; 8, 32).
103. Lors de la dernière Cène, le Seigneur Jésus condense le sens de toute sa
vie, de sa mort imminente et de sa future résurrection pour le transmettre à ses
disciples comme mémorial et signe éminent de son amour. C’est pourquoi ce qui
s’est passé là-bas et le souvenir sacramentel de sa passion et de sa
résurrection revêtent une densité extraordinaire. Dans l’eucharistie, l’Église
célèbre la présence et l’actualisation du don du Christ pour nous tous au Père,
de son sacrifice. Dans l’eucharistie, action de grâce au Père « par le Christ,
avec lui et en lui »[115], qui se rend présent par l’action de l’Esprit,
l’Église s’unit au Christ, s’associe à lui et devient son Corps. C’est pourquoi
on a pu affirmer avec vérité que l’Église naît de l’eucharistie[116]. Étant
donné que l’eucharistie recueille l’essence même de la vie du Christ et, par
conséquent, de la vie chrétienne, elle est à la fois la source et le sommet de
la vie chrétienne (SC 10 ; LG 11).
b) Foi et eucharistie
104. [Foi trinitaire]. Chaque eucharistie commence « au nom du Père, du
Fils et du Saint-Esprit » : avec un rappel de la formule baptismale, du credo
trinitaire, qui traverse et imprègne toute la célébration. « La première réalité
de la foi eucharistique est le mystère même de Dieu, amour trinitaire »[117].
Car dans l’eucharistie, nous entrons en communion de vie avec l’amour du Dieu
trinitaire. Comme signe suprême de son amour, le Père a donné son Fils pour
notre salut ; celui-ci, à son tour, s’est offert « par l’Esprit éternel »
(He 9, 14). Dans l’eucharistie, nous sommes rendus participants de ce courant
d’amour, inhérent à l’intimité divine. Nous présentons au Dieu trinitaire la
meilleure louange possible par le Christ dans l’unité de l’Esprit, comme le
proclame solennellement la doxologie qui conclut la prière eucharistique.
L’action de grâce au Père pour le Fils livré pour nous et pour le don de
l’Esprit est scellée par la louange qui engage le témoignage personnel dans la
vie ordinaire.
105. [Unité de la foi et de la charité]. L’acte pénitentiel, situé au
début de la célébration eucharistique, manifeste le besoin de tout croyant
sincère de recevoir le pardon des péchés, de se réconcilier avec Dieu et avec
ses frères, afin de pouvoir entrer en communion avec Dieu. En outre, l’acte
pénitentiel souligne l’inséparabilité entre la communion verticale avec le
Christ, dont le don sera immédiatement commémoré (anamnesis), et la
communion horizontale avec les autres chrétiens et, au-delà, avec tous les
hommes. La vraie foi eucharistique est toujours une foi active par la charité
(cf. Ga 5, 6). Dans l’eucharistie : « l’amour pour Dieu et l’amour pour le
prochain sont vraiment unis : le Dieu incarné nous attire tous à lui. À partir
de là, on comprend maintenant comment agapè est alors devenue aussi un
nom de l’eucharistie : dans cette dernière, l’agapè de Dieu vient à nous
corporellement pour continuer son œuvre en nous et à travers nous »[118].
106. [La foi comme réponse à la Parole de Dieu]. Depuis le XIe siècle, le
même credo qui conclut le rite baptismal fait partie intégrante de la
célébration eucharistique les dimanches et jours de fête. Cette profession de
foi est à la fois une réponse à la Parole de Dieu et l’expression de l’unité
entre les croyants. Par la foi dans la proclamation de la Parole, nous entendons
la voix du Christ[119]. La dimension prophétique de la foi apparaît également.
Une Parole puissante, capable de transformer le monde, comme cela se produit au
cœur de la célébration eucharistique avec les dons qui sont présentés et
l’assemblée qui célèbre. Ainsi commence la transformation eschatologique, dont
l’Église, corps du Christ, est un premier acompte.
107. [Dimension pneumatologique de la foi]. La nature pneumatologique des
sacrements apparaît clairement dans la célébration eucharistique. Dans le rite
latin actuel, il y a une double epiclesis. La première sur les dons, qui
seront transformés en corps livré et sang versé de Jésus-Christ. La seconde sur
l’assemblée, qui, à son tour, se transforme également en corps du Christ,
entrant en communion vivante avec tous les saints. Cette communion se manifeste
déjà dans le chant solennel du sanctus, où les voix du ciel et de la
terre s’unissent dans une louange commune. C’est pourquoi, dans la liturgie
eucharistique, nous prenons part à la liturgie céleste (cf. SC 8). Ainsi, la
dimension pneumatologique de la foi ecclésiale entre en jeu de manière
substantielle dans l’eucharistie et illumine la force que possède l’Esprit pour
transformer à la fois le croyant et la réalité mondaine, les élever et les
conduire à la communion et à la louange divines.
108. [La foi comme adhésion au mystère]. Après les paroles de la
consécration, le célébrant proclame : « Mysterium fidei »[120] (mystère de la
foi). Cette acclamation solennelle est à la fois une affirmation, une annonce et
une invitation adressée à tous. L’eucharistie est à tel point un mystère de foi
que, sans la foi, elle ne peut être ni comprise ni célébrée. L’acclamation
manifeste que la vérité sacramentelle de ce qui est célébré, à savoir que les
espèces du pain et du vin sont devenues le corps et le sang du Christ, est
précisément un mystère de foi. De même que les yeux de la foi percevaient en
Jésus de Nazareth le Messie de Dieu, de même ces mêmes yeux perçoivent
maintenant la présence sacramentelle de Jésus-Christ[121]. Le mystère du Christ
est connu par la révélation (cf. 1 Co 2, 7-11 ; Col 1, 26-27 ; 2, 2 ; Ep 1, 9 ;
3, 3.9) et la foi.
109. [La foi comme reconnaissance de l’économie sacramentelle]. Dans la
récitation de la prière eucharistique solennelle, on commémore dans l’action de
grâce et la supplication les grandes étapes de l’économie sacramentelle : depuis
la création jusqu’à l’achèvement eschatologique final. En particulier, on fait
mémoire du don du Seigneur Jésus sur la Croix, de sa Résurrection et de la
signification que le Seigneur lui-même a donnée à sa mort rédemptrice dans le
cadre de la Dernière Cène. La foi dans l’ensemble de l’économie divine est
éduquée et renforcée dans la liturgie eucharistique.
110. [Dimension eschatologique de la foi]. Dans la célébration
sacramentelle du mystère se rencontrent le passé, mémoire de ce qui est arrivé ;
le présent, actualisation de ce qui a eu lieu ; et l’avenir, anticipation de la
plénitude finale que nous attendons[122]. La nouveauté eschatologique initiée
par le Verbe à travers son incarnation, sa vie, sa mort et sa résurrection a
déjà commencé à se réaliser dans la christification de l’assemblée et du monde
qui se produit dans l’eucharistie.
111. [Foi et communion avec le Christ]. La communion, comme son nom
l’indique, exprime une union intime avec le Christ, par l’Esprit, impossible
sans la foi. On ne peut communier intimement avec quelqu’un en l’ignorant ou à
l’encontre de sa propre volonté. La foi qui répond par le mot « amen » aux dons
eucharistiques est liée à la disposition non seulement à recevoir le sacrement,
mais aussi à le représenter. Cette communion avec le Christ entraîne la
sanctification personnelle du chrétien, concomitante à la communion de vie avec
le Christ. Cette sanctification implique nécessairement un envoi.
112. [Caractère missionnaire de la foi]. L’envoi final qui conclut
l’eucharistie, « Ite, missa est »[123], suppose un retour missionnaire à la vie
ordinaire, afin d’y rendre présente la vie reçue dans le sacrement, afin de
devenir eucharistie pour le monde à l’image du Christ et à sa manière. En effet,
dans l’offrande eucharistique, non seulement Jésus-Christ s’offre lui-même, mais
chaque croyant qui participe à l’eucharistie s’offre également avec le Christ
(cf. SC 48 ; LG 11 ; Rm 12, 1). L’offrande personnelle, l’acceptation de l’envoi
et son exercice ne peuvent se faire sans la foi. Tout ce que le fidèle chrétien
reçoit dans le sacrement : le pardon des péchés véniels, le renouvellement du
baptême, la prédication de la Parole, la communion avec le Christ et la
transformation en corps du Christ grâce à l’Esprit Saint, implique un
renforcement qui lui permet désormais, christifié, de témoigner de la foi dans
le monde et de transformer la réalité selon le dessein divin. Ainsi, après la
réception du don du Père, par l’offrande du Fils accueilli dans l’Esprit, qui se
produit à chaque eucharistie, le chrétien est expressément envoyé en mission à
la fin de la célébration.
113. [Renforcement de la foi personnelle]. La foi du croyant est
enrichie, renforcée et fortifiée par l’intime communion avec le Christ. L’être
ecclésial de celui qui participe à l’eucharistie, son insertion dans le corps
visible du Christ, s’actualise et s’intensifie. L’incorporation au Christ est
d’une telle ampleur qu’Augustin dit aux fidèles : « Si vous êtes membres du
corps du Christ, votre mystère repose sur la table du Seigneur (...) soyez ce
que vous voyez, et recevez ce que vous êtes »[124]. En somme, nous reconnaissons
par la foi que l’eucharistie est le mode le plus intense de la présence du
Christ parmi nous, car c’est une présence réelle, corporelle et
substantielle[125]. C’est pourquoi la pleine participation à l’eucharistie par
la foi implique la communion maximale avec le Christ.
114. [Construction du corps ecclésial]. L’eucharistie ne renforce pas
seulement la foi individuelle du croyant, mais elle engendre aussi
l’Église[126] : le Christ, qui s’y offre en sacrifice comme à son Épouse
bien-aimée, la constitue en son corps[127]. La communion entre les Églises, la
participation à la même foi reçue, s’exprime par la communion eucharistique
selon une tradition très ancienne. L’Église est en soi le corps du Christ,
constitué comme tel par le dessein divin, grâce à l’action sacramentelle
trinitaire. Ce corps réalise ce qu’il est lorsqu’il proclame la foi reçue,
sanctifie l’histoire, chante les louanges de la Trinité et s’engage de façon
missionnaire dans la proclamation de l’Évangile par la parole et par les œuvres.
115. [L’eucharistie : expression maximale de la foi sacramentelle]. Nous
pouvons donc conclure en affirmant que : « La nature sacramentelle de la foi
trouve sa plus grande expression dans l’eucharistie. Elle est la précieuse
nourriture de la foi, rencontre avec le Christ réellement présent dans l’acte
suprême de son amour, le don de lui-même qui produit la vie »[128].
116. [Nécessité de la foi pour participer à la célébration eucharistique].
L’avertissement de Paul aux chrétiens de Corinthe est particulièrement
éclairant. Celui qui se livre à des pratiques idolâtres ne peut communier au
sang et au corps du Christ (1 Co 10, 14-22). La communion à « la table du
Seigneur » exige non seulement d’avoir été initié à la foi chrétienne et d’être
membre du Corps du Christ, mais aussi une cohérence de vie avec ce que cela
signifie. De même, un comportement aussi incohérent avec la foi chrétienne que
la division communautaire, ou le manque notable de charité envers les frères
(1 Co 11, 21) est incompatible avec le fait de « manger le repas du Seigneur »
(1 Co 11, 20). Cela oblige à discerner si l’on vit en conformité fondamentale
avec ce qui est célébré (1 Co 11, 29). En résumé, la participation eucharistique
exige une foi vivante, qui se manifeste par la charité et l’abandon des idoles.
La pratique eucharistique exige à la fois l’exercice de la charité, la
conformité doctrinale et l’insertion ecclésiale.
117. L’institution pénitentielle de l’Église ancienne excluait de la communion
eucharistique (mais pas de l’Église) pendant un certain temps les fidèles qui
avaient publiquement renié leur foi ou qui avaient enfreint le credo et les
règles de vie de l’Église. Le pécheur, devenu occasion de scandale public, après
une confession publique, était exclu de la communion eucharistique pendant un
certain temps (excommunication), pour être ensuite solennellement réintégré
après avoir accompli sa pénitence (réconciliation). Ainsi, il était évident que
la pénitence servait non seulement à la réconciliation du pécheur avec le
Christ, mais aussi à la purification de l’Église. Le pénitent se considère comme
la pierre d’une Église qui doit être la lumière du monde. Lorsqu’il cessait de
l’être à cause d’un péché public, il fallait en quelque sorte l’extraire
(excommunication), le « réparer » par la pénitence et le remettre en place
(réconciliation)[129]. Malgré le changement dans la manière de célébrer la
pénitence, qui n’est plus publique, la théologie sous-jacente n’a pas changé.
Cependant, cette étroite corrélation entre pénitence et eucharistie s’est
aujourd’hui estompée dans de nombreux milieux pratiquants.
c) Problématique actuelle
118. Beaucoup de ceux qui se considèrent catholiques estiment qu’il est excessif
d’assister régulièrement à la messe dominicale. D’autres continuent à communier
fréquemment ou chaque fois qu’ils assistent à la messe, sans jamais recourir au
sacrement de la confession. Nombreux sont ceux qui considèrent la communion
comme une dévotion personnelle, à leur libre disposition selon leurs propres
besoins ou sentiments. Lors des grandes fêtes liturgiques, en particulier Noël,
Pâques ou certaines fêtes locales très ancrées, ainsi que lors de certaines
célébrations particulières (mariages et funérailles), des fidèles occasionnels
assistent à la messe, communion comprise, en toute tranquillité de conscience,
et ne reviennent que l’année suivante ou à l’occasion d’un autre événement
exceptionnel. Ces pratiques, bien que théologiquement incohérentes, reflètent
l’influence persistante de la foi chrétienne chez des personnes peu pratiquantes
ou éloignées. Ce reste d’imprégnation chrétienne, bien qu’avec des déviations,
peut être un point de départ pour une réinsertion ecclésiale plus consciente et
offre la possibilité de raviver une foi moribonde. Cependant, ces pratiques
manifestent aussi, dans leur ambivalence, à quel point il existe une distance
entre ce que l’Église professe célébrer dans l’eucharistie, les conditions
requises pour y participer pleinement, les conséquences que cela implique dans
la vie ordinaire et ce que beaucoup de croyants recherchent dans des
célébrations occasionnelles ou sporadiques de l’eucharistie.
d) Éclairage tiré de la Tradition
119. Depuis les temps les plus anciens, des conditions sont fixées pour la
réception de l’eucharistie. Comme nous l’avons indiqué, Paul avertit ceux qui
s’approchent de l’eucharistie : « celui qui mange et boit sans discerner le
corps, mange et boit sa propre condamnation » (1 Co 11, 29), soulignant ainsi
certaines exigences indispensables. L’évangile de Jean permet de déduire que
recevoir les espèces sacramentelles sans foi, c’est-à-dire sans l’Esprit, ne
sert à rien, car cela requiert la foi (cf. Jn 6, 63-69). Justin Martyr mentionne
comme conditions nécessaires : croire que les dons sont ce qu’ils signifient,
celui qui les reçoit doit être baptisé et ne doit pas nier la doctrine du Christ
par sa vie[130]. L’exhortation paulinienne récemment citée résonne à nouveau
dans la Didaché : « Si quelqu’un est saint, qu’il vienne ! Si quelqu’un
ne l’est pas, qu’il se convertisse ! »[131] et de manière similaire dans les
Constitutions apostoliques[132]. Elle se reflète également dans l’invitation
liturgique « aux saints ce qui est saint »[133], déjà commentée par Théodore de
Mopsueste. Par « saints », on désigne en premier lieu, comme l’avait déjà fait
Paul, les baptisés, ceux qui vivent avec l’Église. Ce sentiment se manifeste
tant dans les homélies de Jean Chrysostome[134] que chez Cyprien : on ne peut
dissocier la communion avec le Christ de la communion avec l’Église[135]. Le
docteur de l’eucharistie exige de ses prêtres qu’ils rejettent certaines
personnes si nécessaire[136]. Augustin, avec la même clarté, avertit que la
nourriture sacramentelle ne produit un effet salvifique et ne donne la vie que
lorsqu’elle est consommée « spirituellement », avec foi en son contenu invisible
et avec une conscience droite[137], c’est-à-dire une vie qui correspond à
l’amour du Christ et de ses membres.
120. La théologie scolastique appelle cette disposition « foi formée (fides
formata) », une foi configurée par l’amour[138] (cf. §§ 62-64). En ce sens,
Thomas d’Aquin précise : le contenu de ce sacrement ne peut être reçu que dans
la foi, puisqu’il s’agit d’un « sacrement de la foi (mysterium fidei) »[139].
L’« infidélité (infidelitas) » rend éminemment inapte à la réception du
sacrement, car l’incroyance « sépare de l’unité de l’Église »[140] ; unité que
l’eucharistie signifie. Dans certaines circonstances, cependant, lorsqu’une
personne « veut recevoir ce que l’Église donne », elle reçoit le sacrement, même
si sa foi est déficiente par rapport à son contenu[141]. Quelqu’un qui croit en
la présence du Christ dans l’eucharistie, mais qui n’est pas en état de grâce,
reçoit le sacrement, mais commet un péché grave[142]. Thomas soutient qu’il
s’agit d’un mensonge (falsitas) : ce que le sacrement exprime, l’amour
qui unit le Christ à ses fidèles, n’est pas présent chez celui qui reçoit[143].
Thomas se rend compte que pour une participation fructueuse au baptême et à
l’eucharistie, il faut dans chaque cas un degré différent de disposition générée
par la foi. Pour le baptême, l’intention de recevoir ce que l’Église donne
suffit. Dans la communion, cependant, il est nécessaire de comprendre le
sacrement en tant que tel et d’y croire[144].
121. Dans les traditions liturgiques, en particulier orientales, cette
interconnexion entre la foi, l’amour et la réception de l’eucharistie est
clairement perceptible, par exemple dans l’appel à la communion du peuple :
« Approchez-vous avec foi, charité et crainte de Dieu »[145]. Dans la liturgie
de saint Jean Chrysostome et dans celle de saint Basile, le diacre, le prêtre et
le peuple récitent une confession de foi christologique expresse devant le
Christ, présent en corps et en sang, juste avant de communier : « Je crois,
Seigneur, et je confesse que tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant, celui qui
est venu dans le monde pour sauver les pécheurs. Je crois aussi que ceci est ton
Corps immaculé et que ceci est ton précieux Sang... »[146]. La tradition
syriaque, attestée par Éphrem, comprend que les promesses liées aux deux arbres
d’Éden (Gn 2, 17 ; 3, 22) doivent être véritablement accomplies. L’erreur
initiale consistant à manger de l’« arbre de la connaissance du bien et du mal »
a provoqué une chute, qui a ensuite dû être redressée. Manger de l’« arbre de
vie » devient réalité dans la communion eucharistique avec l’offrande
eucharistique du Christ sur l’arbre de la croix[147]. Dans la célébration
eucharistique, la liturgie de la Parole devient une consommation fructueuse et
réparatrice de l’« arbre de la connaissance du bien et du mal ». Après cette
consommation correcte, tous sont invités à manger de l’« arbre de vie » dans la
communion eucharistique.
e) Proposition pastorale : la foi pour l’eucharistie
122. Le baptême marque le début d’un pèlerinage dont l’aboutissement ne sera
atteint qu’à l’Eschaton. C’est pourquoi les chrétiens reçoivent sans
cesse le sacrement de l’eucharistie, nourriture pour le chemin. C’est pourquoi
l’Église n’a jamais cessé de se réunir pour célébrer le mystère de Pâques, de
lire dans ce contexte « tout ce qui le concernait dans les Écritures »
(Lc 24, 27) et de célébrer le banquet où se transmet le don de soi du Sauveur
crucifié et ressuscité dans le présent des croyants. Or, on ne peut recevoir
correctement le don qui implique le sacrifice existentiel du Christ si l’on
n’est pas disposé à se laisser configurer existentiellement par ce don à partir
de la foi. Sans la foi, ni Pilate, ni les soldats romains, ni la foule n’ont
compris comment, dans la mort sur la croix de Jésus-Christ, Dieu réconciliait le
monde avec lui-même (2 Co 5, 19) ; sans la foi, on ne perçoit pas que celui qui
était pendu au bois est le Fils de Dieu (Mc 15, 39). Le regard croyant voit
jaillir non seulement du sang et de l’eau du côté transpercé, mais aussi
l’Église, fondée sur le baptême et l’eucharistie (cf. Jn 19, 34). Le sang et
l’eau qui en jaillissent sont la source et la puissance de l’Église[148]. Le
Fils de Dieu devient véritablement « Emmanuel » dans chaque chrétien par la
participation au corps et au sang du Christ[149].
123. [Foi sacramentelle et eucharistie]. Sans une foi sacramentelle, la
participation à l’eucharistie, en particulier la communion, n’a pas de sens.
L’eucharistie ne se réfère pas à une relation indifférenciée ou générique avec
la divinité. La foi sacramentelle qui intervient dans la célébration de
l’eucharistie est une foi trinitaire. Dans l’eucharistie, nous professons une
relation vivante avec le Dieu trinitaire : nous rendons grâce au Père pour le
don reçu du salut, accompli par l’offrande de son Fils dans la force de
l’Esprit, qui est maintenant commémoré et actualisé dans la célébration.
124. La foi sacramentelle suppose que l’on reconnaisse une telle action de la
Trinité, que le banquet eucharistique soit perçu comme une authentique
anticipation du banquet eschatologique futur. La force de Dieu fait déjà
irruption, transforme et sanctifie les croyants, faisant d’eux des concitoyens
des saints (Ep 2, 19) et des citoyens de la Jérusalem céleste (cf. He 12, 22 ;
cf. Ap 21-22 ; He 11, 13).
125. La foi sacramentelle s’exprime également dans le lien irrévocable entre
Jésus-Christ et le sacrement (ex opere operato) avec les espèces du pain
et du vin consacrés par l’invocation de l’Esprit dans l’epiclesis, avec
pour résultat que celui qui les reçoit peut non seulement espérer, mais sait
dans la foi qu’à un moment donné, il reçoit ce que les espèces consacrées
signifient.
126. La foi sacramentelle implique également la sacramentalisation du
destinataire lui-même : non seulement il reçoit un sacrement, mais il devient
lui-même en quelque sorte un « sacrement », en ce sens qu’une intense
conformation au Christ s’est opérée par l’action de l’Esprit et qu’il vit
désormais en étroite union avec le Christ et l’Église, ce qui lui permet de
s’offrir à Dieu comme un sacrifice vivant et spirituel (cf. Rm 12, 1) et de
témoigner de la vie chrétienne. Pour le dire en images, comme une pierre vivante
de la communauté confessante, dont le Concile Vatican II dit qu’elle est le
moyen et l’instrument du Christ pour ramener tous les hommes à sa maison.
127. [Foi sacramentelle et communion ecclésiale dans l’eucharistie]. De
ce point de vue, la réalisation individuelle de la foi personnelle ne peut être
séparée de la foi de la communauté qui célèbre le sacrement. Il y a unité et
continuité entre ce qui est célébré (lex orandi), ce qui est cru (lex
credendi) et ce qui est vécu (lex vivendi), cadre dans lequel
s’écoule la vie chrétienne, la prière personnelle et la célébration
sacramentelle. Étant donné que la vérité que les chrétiens confessent est une
personne, Jésus-Christ, elle doit également être représentée personnellement,
par les apôtres et leurs successeurs. La communion eucharistique de chaque
individu avec le Christ doit être vérifiée par la communion de foi avec le pape
et l’évêque local, nommément mentionnés dans chaque célébration eucharistique.
Celui qui communie ne confesse pas seulement le Christ, mais communie également
avec la confession de foi de la communauté dans laquelle il participe à
l’eucharistie.
128. Traduit dans d’autres catégories, ceci signifie une adhésion claire et
consciente à la foi de l’Église, qui comprend explicitement : la foi trinitaire
contenue dans le credo ; la foi christologique, concentrée sur la signification
rédemptrice de la mort du Christ, le Fils de Dieu, le Seigneur, « pour la
multitude » et « pour moi », et de la résurrection ; la foi pneumatologique,
particulièrement active et présente à travers la double epiclesis,
fondamentale dans la célébration ; et la foi en ce que signifie l’eucharistie en
tant que sacrement du corps du Christ et du corps ecclésial. Tout cela s’inscrit
dans un parcours de foi qui aspire, en s’appuyant sur la force toute-puissante
de l’Esprit et son aide permanente, à conformer sa propre vie au mystère du
Christ et à en témoigner avec joie au milieu des vicissitudes de la vie. Sur ce
chemin, le chrétien recourt fréquemment à la nourriture eucharistique, pour
recevoir le don de la communion avec le Christ, afin de continuer à grandir dans
la foi, l’espérance et l’amour jusqu’à la vie éternelle.
129. [Incohérence de la participation eucharistique sans foi en ce qui est
célébré]. La pleine participation à l’eucharistie signifie la communion avec
le corps du Christ (cf. LG 3) et avec l’Église. Il ne semble pas possible d’y
accéder de manière cohérente : si l’on ne reconnaît pas ce que signifie la
présence sacramentelle du Christ dans l’eucharistie ; si l’on rejette la foi
trinitaire de l’Église, invoquée à plusieurs reprises au cours de la
célébration, scellée par la récitation du credo ; si la charité chrétienne
souffre de graves déficiences dans la vie personnelle ; si l’on a commis un acte
conscient et délibéré dans un domaine qui compromet gravement ce que disent la
foi et la morale ecclésiale (péché mortel[150]).
130. [Chemins de croissance]. Celui qui est en chemin avec le Christ
assiste à l’eucharistie dominicale non pas parce que c’est une obligation
établie par l’Église, mais parce qu’il désire être fortifié par la miséricorde
aimante du Seigneur. Ce désir inclut la disposition à la nécessaire
réconciliation sacramentelle avec le Christ et l’Église, lorsque cela est
nécessaire. Cependant, même sans la pression émotionnelle du désir, celui qui
participe à la foi catholique sait qu’il s’est uni à une communauté ayant une
structure sacramentelle. C’est pourquoi il est également conscient que sa
participation sacramentelle, et en particulier eucharistique, fait partie du
témoignage public auquel il s’est librement engagé : témoigner de la réalité
sacramentelle de la foi, rendre visible la grâce et renforcer ainsi la
sacramentalité de l’Église, sa communauté d’appartenance.
131. En raison de la causalité réciproque qui existe entre la foi et
l’eucharistie, dans les milieux où il n’y a pas eu ou bien où il n’y a pas
habituellement de célébration de la messe et de catéchèse sacramentelle, en
raison des limites de l’institution ecclésiale, il est plus difficile de
découvrir le sens de la pratique eucharistique dominicale. En même temps, le
manque de participation fréquente à la table de la Parole de Dieu et du Corps du
Christ, dû à des défaillances personnelles ou pastorales, est une lacune qui
rend difficile la croissance vers une foi sacramentelle plus pleine. Outre le
soin apporté aux célébrations eucharistiques dans tous leurs aspects,
conformément à leur signification, il convient de proposer des voies de
réinsertion dans la foi ecclésiale, lorsqu’elle a été perdue, qui aboutissent à
l’eucharistie comme point culminant de ce retour ; ainsi que d’autres types de
célébrations non eucharistiques et des espaces de rencontre, de prière et de
catéchèse pour les personnes ayant une imprégnation chrétienne diffuse, dont
l’évangélisation n’a pas encore mûri pour participer consciemment à
l’eucharistie.
4. La réciprocité entre foi et mariage
132. [Problématique]. S’il existe un sacrement dans lequel la réciprocité
essentielle entre la foi et les sacrements est mise à l’épreuve, c’est bien le
mariage, et ce pour diverses raisons. Dans la définition même du sacrement du
mariage, selon l’Église latine, la foi n’apparaît pas explicitement (cf. § 143).
Elle est en quelque sorte présupposée par le fait préalable du baptême,
sacrement de la foi par excellence. De plus, pour que le mariage entre baptisés
soit valide dans l’Église latine, il n’est pas nécessaire d’avoir l’intention de
célébrer un sacrement[151] : le désir ou la conscience de la sacramentalité de
l’union matrimoniale n’est pas nécessaire, mais seulement l’intention de
contracter un mariage naturel, c’est-à-dire conforme à l’ordre de la création,
avec les propriétés que l’Église considère comme inhérentes au mariage naturel.
Dans le cadre de cette conception du mariage, il appartient à la théologie
d’élucider le cas complexe des mariages entre « baptisés non croyants ». Une
défense acharnée de la sacramentalité de ces unions saperait la réciprocité
essentielle entre la foi et les sacrements, propre à l’économie sacramentelle,
en soutenant, au moins dans le cas du mariage, un automatisme sacramentel que
nous rejetons comme impropre à la foi chrétienne (cf. supra chap. 2).
133. [Approche]. Conscients de la difficulté de la question soulevée sous
la rubrique « réciprocité entre foi et mariage », nous procéderons de la manière
suivante. Premièrement, étant donné que, même si elles partagent un tronc
commun, il existe des différences notables dans la théologie du mariage entre la
tradition latine et la tradition orientale, nous nous concentrerons
exclusivement sur la conception latine. La riche tradition orientale possède une
physionomie qui lui est propre. Nous soulignons quelques aspects distinctifs
entre les deux. Alors que dans la théologie latine prédomine la conception selon
laquelle les époux sont les ministres du sacrement et que celui-ci se réalise
par le libre consentement mutuel des époux, pour la tradition orientale, la
bénédiction de l’évêque ou du prêtre appartient en soi à l’essence du
sacrement[152]. Seul le ministre sacré a reçu le pouvoir d’invoquer l’Esprit (epiclesis)
afin qu’il accomplisse la sanctification inhérente au sacrement. Elle possède
une réglementation canonique complète qui lui est propre[153]. Cela est dû à une
conception du sacrement du mariage qui découle d’une théologie ayant sa propre
personnalité et son propre profil, dans laquelle les effets sanctificateurs du
sacrement sont mis au premier plan[154].
134. Deuxièmement, nous traitons, selon la méthodologie habituelle (cf. § 80),
avec ses adaptations, le cas ordinaire du sacrement du mariage. Nous examinons
ensuite la question douteuse de la qualité sacramentelle des mariages entre
« baptisés non croyants », en deux étapes : l’état de la question et une
proposition théologique de solution, conforme à la réciprocité entre la foi et
les sacrements, qui ne renie pas la théologie matrimoniale en vigueur.
4.1. Le sacrement du mariage
a) Fondement biblique
135. [Le mariage dans le dessein divin]. Bien que chaque sacrement
possède une singularité spécifique, le cas du mariage se distingue par sa
particularité. Le mariage en tant que tel appartient à l’ordre créaturel, dans
le dessein divin (cf. GS 48). La réalité naturelle du mariage repose sur la
capacité relationnelle entre des personnes de sexe différent, homme et femme
(Gn 1, 27), étroitement liée à la fécondité (Gn 1, 28), qui culmine dans une
forme d’union telle qu’ils forment « une seule chair » (cf. Gn 2, 23-24).
L’interlocution sacramentelle de Dieu tout au long de l’économie divine du salut
trouve ici une réalité, créée par Dieu à son image, à l’image du Dieu
trinitaire[155], très capable d’exprimer par elle-même la relation d’amour,
d’alliance, entre Dieu et le peuple, son épouse, toujours représenté
symboliquement par une femme. Dans la perspective chrétienne, cette réalité
créaturelle devient sacrement, signe visible de l’amour du Christ pour l’Église
(Ep 5, 25. 31-32).
136. [Le mariage dans l’enseignement de Jésus]. Face à la pratique du
répudiation (Dt 22 19. 29 ; 24,1-4), Jésus réitère le projet originel de Dieu :
« Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » (Mc 10, 9 et Mt 19, 6 ;
cf. Gn 2, 24 ; 1 Co 6, 16), précisant que la répudiation était une concession
due à la dureté du cœur (Mc 10, 5 et Mt 19, 8). Tout au long de l’histoire,
l’interprétation de la clause matthéenne a été très controversée : « si
quelqu’un renvoie sa femme – sauf en cas d’union illégitime (πορνείᾳ) – et qu’il
en épouse une autre, il est adultère » (Mt 19, 9 ; cf. 5, 32). Après
d’innombrables discussions, aucun consensus n’a été atteint ni sur la porneia
ni sur les conséquences précises qu’elle aurait. La tradition latine a toujours
exclu la possibilité d’une seconde union pour cette raison[156], après une
première union valide (cf. Mc 10, 10-11), ce qui correspond à la perplexité des
disciples selon le texte de Matthieu (Mt 19, 10).
137. [Le mariage et le « Mysterion »]. La présence même de Jésus aux
noces de Cana (Jn 2, 1-12), avec toute sa signification de noces messianiques,
ainsi que d’autres allusions de caractère nuptial (Mt 9, 15 et par. ;
Mt 25, 5-6), soulignent la capacité de la relation conjugale à exprimer des
aspects profonds du mystère de Dieu, comme par exemple sa fidélité face à notre
infidélité à son alliance (cf. Ez 16 et 23 ; Os 2 ; Jr 3, 1-10 ; Is 54). La
lettre aux Éphésiens (5, 31-32) établit un lien explicite entre l’alliance
matrimoniale et le « mysterion » (sacramentum) de l’alliance irrévocable
entre le Christ et l’Église. À partir de l’ensemble du témoignage biblique,
l’Église a considéré l’indissolubilité comme un élément fondamental tant du
mariage naturel que du mariage entre chrétiens. L’union entre l’homme et la
femme, indissoluble par nature, réalise sa vérité dans la fidélité et le bien de
la progéniture. Après la réception du baptême (de la configuration des époux au
Christ et leur sanctification par l’habitation de l’Esprit), elle devient en
quelque sorte une représentation sacramentelle de la fidélité du Christ[157].
L’amour entre les époux chrétiens n’est pas étranger à la nouvelle source de
leur vie chrétienne et de leur foi. Dans la vie chrétienne, la foi et l’amour ne
peuvent être dissociés de manière absolue.
138. [Le mariage : qualifié par la foi]. À la suite de saint Paul,
l’Église a également compris la relation conjugale comme quelque chose de
hautement qualifié par la présence de la foi (cf. 1 Co 7, 12-16). Dans le cas du
mariage d’un chrétien avec un non-chrétien, Paul dit ceci : « Le mari non
croyant se trouve sanctifié par sa femme, et la femme non croyante se trouve
sanctifiée par son mari croyant » (1 Co 7, 14). C’est sur ce passage (en
particulier 1 Co 7, 15) que se fonde le privilège paulin, qui laisse entrevoir
une qualification supérieure, dans l’ordre de la grâce, du mariage sacramentel
par rapport au mariage naturel.
b) Éclairage tiré de la Tradition
139. Le concept typique de « se marier dans le Seigneur », propre aux chrétiens,
s’est exprimé de différentes manières au cours de l’histoire. Selon la lettre à
Diognète, au début, les chrétiens ne se distinguaient pas : « Ils se marient
comme tout le monde »[158]. Cependant, cela a rapidement évolué. Ignace
d’Antioche soutient déjà l’opportunité de notifier le mariage à l’évêque[159].
Tertullien, pour sa part, loue les unions bénies par l’Église[160]. Au-delà de
l’interprétation précise de la portée des expressions de ces premiers
théologiens, il apparaît clairement que le mariage n’était étranger ni à la foi
des époux ni à la communauté ecclésiale. À partir des IVe et Ve siècles, la
bénédiction ecclésiale, donnée par un ministre, était une coutume bien
établie[161]. À partir de cette époque, une liturgie chrétienne propre se met en
place[162], qui intègre des coutumes typiquement païennes et les transforme,
comme c’est le cas de la « velatio »[163], du couronnement[164], de la remise de
l’épouse, de l’union des mains[165], de la bénédiction des anneaux, des arrhes
ou du baiser des époux ; tout en en ajoutant d’autres, comme la présentation aux
époux de la « coupe commune », propre à la liturgie byzantine[166]. La liturgie
du mariage, dans ses prières et l’interprétation des gestes, exprime la place
singulière du mariage dans l’économie divine, avec des allusions aux textes
bibliques sur le mariage. Pierre Lombard et le deuxième concile du Latran
considèrent tous deux le mariage comme un sacrement, ce que confirmeront sans
équivoque les conciles de Florence et de Trente[167]. Ce dernier concile a
déterminé la nécessité de la forme canonique pour la validité du sacrement, sans
modifier la compréhension doctrinale de celui-ci, montrant ainsi qu’il s’agit
d’une réalité ecclésiale et de l’ordre de la foi qui se produit « in facie
Ecclesiae »[168], contrairement à la doctrine des réformateurs qui considèrent
le mariage comme une question purement civile[169]. De cette manière, le
caractère ecclésial du mariage est reconnu, loin de le considérer comme une
affaire privée entre les époux.
c) Le mariage comme sacrement
140. Si les sacrements présupposent la foi (SC 59), le mariage ne fait pas
exception : « Les pasteurs, mus par l’amour du Christ, doivent accueillir les
fiancés et, avant tout, encourager et renforcer leur foi : car le sacrement du
mariage la présuppose et l’exige »[170]. Une union matrimoniale entre un homme
et une femme, tous deux non baptisés, du point de vue de la foi chrétienne, est
une réalité créaturelle extrêmement précieuse, capable d’être élevée à l’ordre
surnaturel, par exemple dans le cas d’une conversion ultérieure des époux. En
d’autres termes, dans le mariage « naturel », il existe une réalité de grande
importance ouverte à sa pleine réalisation et à son accomplissement en Christ.
Dans les premières communautés, la réalité matrimoniale n’est pas vécue en marge
de la foi. Les chrétiens vivent l’alliance conjugale « dans le Seigneur »
(1 Co 7, 39). Certains comportements publics contraires à la foi dans le domaine
des relations de couple peuvent être cause d’excommunication de la communauté
(1 Co 5). En effet, l’amour conjugal entre les époux chrétiens est devenu un
signe, un sacrement, qui exprime l’amour du Christ pour son Église. Ce signe
d’un amour irrévocable n’exprime sa signification que si ce lien est
indissoluble, aspect déjà présent « depuis le commencement » dans le dessein
divin et qui, par conséquent, configure essentiellement la réalité de tout
mariage authentique dans son noyau théologique. Ainsi, cette réalité humaine
aussi profonde que l’amour du couple, si caractéristique de notre être
relationnel, la capacité de don mutuel entre les époux et envers les enfants,
exprime le plus profond du mystère divin : l’amour.
141. Deux catholiques baptisés, confirmés et pratiquant régulièrement
l’Eucharistie font un pas en avant beau et significatif dans leur vie de foi
lorsqu’ils célèbrent leur mariage. Ils reçoivent la grâce du sacrement du
mariage, qui consiste essentiellement à « signifier en y participant le mystère
de l’unité et de l’amour fécond entre le Christ et l’Église (cf. Ep 5, 32), à
s’aider mutuellement à se sanctifier dans la vie conjugale et dans l’accueil des
enfants »[171]. Leurs chemins de foi sont unis pour témoigner de la force de
l’amour du Christ pour l’Église, pour s’enrichir mutuellement, pour éduquer
chrétiennement leurs enfants et pour se sanctifier réciproquement[172]. Ils
forment une « Église domestique »[173] ; « ils sont fortifiés et comme consacrés
par un sacrement spécial » (GS 48). Ils donnent ainsi une expression concrète à
la maturité de la foi propre à la confirmation, en assumant un état de vie
chrétienne (cf. LG 11) et des responsabilités dans la communauté chrétienne.
Dans la célébration de leur mariage, leur foi est présupposée, exprimée, nourrie
et renforcée par l’action du Christ dans le sacrement, — qui « demeure avec eux
» (GS 48) —, par l’alliance matrimoniale et par la vie familiale qu’ils
entreprennent désormais sous la bénédiction de Dieu et de l’Église. Le mariage
catholique exprime avec intensité qu’il est un projet de vie conçu et encouragé
par la foi[174], comme un chemin de sanctification réciproque, dans lequel les
époux exercent le sacerdoce commun en se donnant mutuellement le sacrement[175]
(cf. LG 10). La conscience et la volonté d’être sacrement de l’amour de Dieu
présupposent et expriment la foi personnelle de chacun des époux. Ainsi, il
apparaît véritablement comme un sacrement de la foi, dans lequel tant
Jésus-Christ que le Saint-Esprit, l’Esprit d’amour (cf. Rm 5, 5), agissent
efficacement. L’amour que les époux se professent mutuellement est déjà
déterminé par leur réalité de baptisés. La sanctification opérée par le
sacrement stimule cet amour surnaturel dans la réalisation de la communauté
conjugale et familiale.
d) La foi et les biens du mariage
142. La présence de la foi et l’action efficace de la grâce sacramentelle
poussent les époux à réaliser les biens propres au mariage : « Cette union
intime, don réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants,
exigent l’entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité »
(GS 48). L’indissolubilité (cf. GS 49) est comprise, à partir de la foi, comme
une caractéristique essentielle de la relation conjugale, car sinon elle
s’écarterait du plan originel de Dieu (Gn 2, 23-24) et cesserait d’être le signe
visible de l’amour irrévocable du Christ pour son Église. La fidélité entre les
époux et la recherche généreuse du bien de l’autre conjoint (cf. GS 49) sont
vécues comme quelque chose qui découle avec douceur et cohérence de la foi et de
la relation personnelle avec le Seigneur Jésus. En effet, la foi nous met en
relation personnelle avec Jésus-Christ, tout en nous présentant comme modèle à
suivre Celui qui a donné sa vie pour les pécheurs (cf. Mc 10, 45 ; Rm 5, 6-8 ;
14, 15 ; Ep 5, 2 ; 1 Jn 4, 9-10). Les époux chrétiens, à partir de leur foi,
s’efforcent de traduire dans leur vie conjugale et familiale la maxime selon
laquelle « il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20, 35). À partir
de la foi, la fécondité (cf. GS 50) s’inscrit dans le plan de Dieu (Gn 1, 28),
dont l’un des signes de bénédiction est la descendance. L’amour du Dieu
trinitaire nous enseigne, à partir de la foi, que le véritable amour inclut
toujours la réciprocité amoureuse maximale et l’ouverture maximale vers l’autre.
C’est pourquoi la foi empêche de comprendre le mariage comme une sorte d’égoïsme
calculé du couple. Une foi active des deux époux implique la compréhension que
Dieu, en tant qu’auteur du mariage, l’a doté « de valeurs et de fins diverses »
(GS 48) que les conjoints chrétiens s’efforcent de vivre et de déployer. Par
conséquent, une foi vivante et partagée dans le cadre de l’union matrimoniale
réduit la possibilité que des tendances égocentriques ou individualistes
s’enracinent chez chaque conjoint et dans le couple, malgré la pression ambiante
de la culture environnante.
4.2. Une quaestio dubia : la qualité sacramentelle du mariage des
« baptisés non croyants »
a) Approche de la question
143. [Définition]. Le mariage est une réalité créaturelle. Par le
baptême, le lien naturel est élevé au rang de signe surnaturel : « L’alliance
matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une
communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des
conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants, a été élevée
entre baptisés par le Christ Seigneur à la dignité de sacrement »[176]. Selon la
doctrine théologique et la pratique canonique actuellement en vigueur, tout
contrat matrimonial valide entre baptisés est « en soi » sacrement[177], même en
l’absence de foi des contractants. En d’autres termes, dans le cas des baptisés,
on affirme l’inséparabilité entre un contrat matrimonial valide, correspondant à
l’ordre créaturel du mariage, et le sacrement. Les baptisés ne pourraient pas
avoir simultanément accédé à l’ordre sacramentel, par le baptême, sans que cela
affecte une réalité aussi déterminante de la vie et ayant une capacité de
signification sacramentelle, comme le mariage, qui serait soustrait à l’ordre
sacramentel, auquel les époux appartiennent de manière irrévocable après le
baptême (cf. §§ 166 d et 167 d). Cette doctrine doit-elle également s’appliquer
au cas de l’union matrimoniale entre « baptisés non croyants » ? Dans cette
question délicate, la « réciprocité entre la foi et les sacrements » que nous
défendons semble être remise en cause. Pour aborder la question de manière
adéquate, nous devons préciser son état et ses termes de manière plus nuancée.
144. [« Baptisés non croyants »]. Nous entendons par « baptisés non
croyants » les personnes chez lesquelles on ne trouve aucune trace de la nature
dialogique de la foi, propre à la réponse personnelle du croyant à
l’interlocution sacramentelle du Dieu trinitaire, comme nous l’avons exposé au
chapitre deuxième. Cette catégorie englobe deux types de personnes. Les
personnes qui ont reçu le baptême dans leur enfance, mais qui, pour diverses
raisons, n’ont pas accompli d’acte personnel de foi impliquant leur intelligence
et leur volonté. Il s’agit d’un cas très fréquent dans les pays
traditionnellement chrétiens, où une large déchristianisation de la société
s’accompagne d’une grande négligence dans l’éducation à la foi. Nous faisons
également référence aux personnes baptisées qui renient consciemment et
explicitement leur foi et ne se considèrent ni comme catholiques ni comme
chrétiennes. Elles accomplissent parfois même un acte formel d’abandon de la foi
catholique et de séparation d’avec l’Église, sans que la raison de cet acte
d’abandon formel de l’Église catholique soit l’adhésion à une autre Église,
communauté ou confession chrétienne. Dans les deux cas, on ne perçoit pas la
présence d’une « disposition à croire »[178].
145. [Formulation préliminaire de la question]. La question qui se pose
donc est la suivante : si deux « baptisés non croyants » célibataires de sexe
différent, appartenant à l’un ou l’autre des deux types décrits, se marient par
une célébration sacramentelle ou par un autre mode d’union valide, y a-t-il
sacrement ? Le sujet fait l’objet d’un débat et a donné lieu à une abondante
littérature. Sa solution n’est pas claire, car divers éléments d’une grande
importance entrent en jeu simultanément. Dans la suite, nous passerons en revue
quelques étapes significatives de son évolution au cours des dernières années,
dans les enseignements des derniers pontifes, ainsi que dans les instances
ecclésiales officielles, afin d’aborder de manière responsable les termes de la
question.
b) État et termes de la question
146. [Commission Théologique Internationale]. En 1977, la Commission
Théologique internationale a élaboré un document intitulé La doctrine
catholique sur le sacrement du mariage. Parmi les thèmes abordés figurent :
la sacramentalité du mariage, le mariage entre « baptisés non croyants » et
l’inséparabilité entre contrat et sacrement. Les auteurs ont soutenu une série
de thèses très nuancées qui laissent entrevoir la tension entre la conviction de
la nécessité de la foi pour la célébration d’un sacrement et la réticence à
déclarer la foi comme déterminante de la sacramentalité du mariage. Parmi leurs
affirmations, que nous ne reproduisons pas dans leur intégralité, les suivantes
sont particulièrement pertinentes pour notre sujet.
147. L’existence d’une relation constitutive et réciproque entre
l’indissolubilité et la sacramentalité. Et ils précisaient : « la sacramentalité
constitue le fondement dernier, bien que non unique, de l’indissolubilité du
mariage » (§ 2.2.).
148. En ce qui concerne l’interrelation entre la foi et le sacrement du mariage,
ils soutenaient que dans le sacrement du mariage, la source de la grâce est
Jésus-Christ, et non la foi des personnes qui se marient. Et ils ajoutaient :
« Cela ne signifie cependant pas que, dans le sacrement du mariage, la grâce
soit donnée en dehors de la foi ou sans aucune foi » (§ 2.3.). La foi serait une
« cause dispositive » pour la fécondité, et non pour la validité.
149. Concernant les « baptisés non croyants », ils disaient : « Le fait des
“baptisés non croyants” pose aujourd’hui un nouveau problème théologique et un
sérieux dilemme pastoral, surtout si l’absence, voire le refus de la foi
semblent patents. L’intention requise – l’intention d’accomplir ce que font le
Christ et l’Église – est la condition minimale nécessaire pour qu’il y ait
vraiment un acte humain d’engagement au plan de la réalité sacramentelle. Certes
il ne faut pas mêler la question de l’intention avec le problème relatif à la
foi personnelle des contractants. On ne peut cependant pas non plus les séparer
totalement. Au fond des choses, l’intention véritable naît et se nourrit
d’une foi vivante. Là donc où l’on ne perçoit aucune trace de la foi comme
telle (au sens du terme “croyance ”, disposition à croire) ni aucun désir de la
grâce et du salut, la question se pose de savoir, au plan des faits, si
l’intention générale et vraiment sacramentelle, dont nous venons de parler, est
présente ou non, et si le mariage est validement contracté ou non. La foi
personnelle des contractants ne constitue pas, on l’a noté, la sacramentalité du
mariage, mais l’absence de foi personnelle compromet la validité du sacrement. »
(§ 2.3. Souligné par nous).
Dans son commentaire, publié avec le document, le secrétaire de la Commission de
l’époque, Mgr Ph. Delhaye, affirme : « La clé du problème est dans l’intention,
l’intention de faire ce que fait l’Église en offrant un sacrement permanent qui
entraîne indissolubilité, fidélité, fécondité »[179].
150. Plus loin, le document de la Commission réaffirme l’inséparabilité entre
contrat et sacrement : « Pour l’Église, entre deux baptisés, il n’existe pas de
mariage naturel séparé du sacrement mais uniquement un mariage naturel élevé à
la dignité de sacrement » (§ 3.5.).
151. [Saint Jean-Paul II]. Tout au long du pontificat de Jean-Paul II, le
thème du mariage des « baptisés non croyants » et de la nécessité de la foi pour
le sacrement du mariage a été abordé à plusieurs reprises. La proposition
n° 12.4 approuvée par la Ve Assemblée générale du Synode des évêques, qui
portait sur la famille, tenue en 1980, disait : « Qu’il soit examiné plus
sérieusement si l’affirmation selon laquelle un mariage valide entre baptisés
est toujours un sacrement s’applique également à ceux qui ont perdu la foi. Que
l’on en tire ensuite les conséquences juridiques et pastorales »[180].
152. Dans l’exhortation post-synodale Familiaris consortio, Jean-Paul II
soutiendra de manière cohérente que l’acte matrimonial est intrinsèquement
qualifié par la réalité surnaturelle à laquelle les baptisés appartiennent de
manière irrévocable, au-delà de la conscience expresse de cette réalité[181]. Au
sujet de notre thème, il indique clairement : « Vouloir établir, pour
l’admission à la célébration ecclésiale du mariage, d’autres critères qui
concerneraient le degré de foi des fiancés, comporte de graves risques: avant
tout, celui de prononcer des jugements non suffisamment fondés et
discriminatoires; le risque ensuite de soulever des doutes sur la validité de
mariages déjà célébrés, non sans grave dommage pour les communautés chrétiennes,
et de susciter de nouvelles inquiétudes injustifiées dans la conscience des
époux. On tomberait dans le danger de contester ou de mettre en doute la
sacramentalité de nombreux mariages de frères qui ne sont pas en pleine
communion avec l’Église catholique, et cela en contradiction avec la tradition
ecclésiale »[182].
153. Malgré tout, il ne manque pas de reconnaître la possibilité que les futurs
époux demandent simultanément la célébration ecclésiale du mariage et
« manifestent leur refus explicite et formel de ce que l’Église entend faire
quand est célébré un mariage de baptisés ». Dans ce cas, il déclare : « le
pasteur d’âmes ne peut les admettre à la célébration »[183]. Nous pouvons
interpréter cela comme signifiant que dans ce cas, il n’y aurait pas de
véritable sacrement. En d’autres termes, Jean-Paul II exige un minimum, ne
serait-ce que l’absence de rejet explicite et formel de ce que fait l’Église.
Par conséquent, à sa manière, il rejette également ce que nous pouvons appeler
un automatisme sacramentel absolu[184].
154. Plus loin, dans un important discours à la Rote romaine (30 janvier 2003),
il a clairement mis en garde contre l’inexistence de deux types de mariages,
l’un naturel et l’autre surnaturel : « L’Église ne refuse pas la célébration des
noces à qui est bene dispositus, même si imparfaitement préparé du point
de vue surnaturel, du moment qu’il a l’intention honnête de se marier selon
la réalité naturelle de la conjugalité. On ne peut pas présenter, à côté du
mariage naturel, un autre modèle de mariage chrétien ayant des qualités
surnaturelles spécifiques »[185]. Cette opinion avait déjà été clairement
défendue par Jean-Paul II dans un autre discours à la Rote romaine (1er février
2001)[186]. En 2001, il a souligné qu’il ne fallait pas exiger la foi comme
condition minimale, ce qui est étranger à la tradition[187]. Il a ratifié les
fins naturelles du mariage et affirmé que le mariage est une réalité naturelle,
et non exclusivement surnaturelle. Dans ce contexte, il ajoute : « obscurcir la
dimension naturelle du mariage et le réduire à une simple expérience subjective
entraîne également la négation implicite de sa sacramentalité »[188]. En
d’autres termes, tout repose sur la réalité naturelle, créatrice.
155. [L’élaboration du Code de droit canonique]. Lors des travaux
préparatoires à l’élaboration du Code de droit canonique, la question de
l’inséparabilité entre la réalité naturelle du mariage et le mariage sacramentel
en tant que réalité salvifique a été largement débattue. Finalement, le
législateur a choisi de maintenir la doctrine la plus courante, sans prétendre
élucider doctrinalement la question, car cela ne relevait pas de sa compétence.
La législation reprend les hypothèses théologiques les plus communément
admises[189]. Cette inséparabilité a été discutée lors du concile de Trente.
Parmi ses opposants, Melchor Cano se distingue particulièrement. Elle n’a pas
été définie, bien qu’il s’agisse de l’opinion la plus courante. Beaucoup la
qualifient de doctrine catholique[190]. Le CIC la reprend dans le canon 1055, §
2, déjà mentionné[191].
156. [La jurisprudence de la Rote romaine]. La jurisprudence rotale,
suivant la doctrine catholique, considère que l’indissolubilité est une
propriété essentielle du mariage naturel. Or, dans un contexte social et
culturel très sécularisé, où des convictions très différentes de celles de
l’Église sont répandues et enracinées, la question se pose de savoir si, de
facto, en l’absence de foi, l’indissolubilité du mariage est acceptée. Ainsi,
depuis quelques années, la jurisprudence estime que l’absence de foi peut
affecter l’intention de célébrer un mariage naturel[192]. D’une certaine
manière, cela semble faire écho à la sensibilité exprimée dans la proposition 40
de la XIe Assemblée générale du Synode des évêques, qui s’est tenue en octobre
2005, sous le pontificat de Benoît XVI, et qui portait sur l’Eucharistie. Dans
cette proposition, en ce qui concerne les divorcés remariés, il était dit : « le
Synode souhaite que tous les efforts possibles soient mis en œuvre aussi bien
pour assurer le caractère pastoral, la présence et l’activité correcte et pleine
de sollicitude des tribunaux ecclésiastiques pour les causes de nullité du
mariage (cf. Dignitas connubii), que pour approfondir davantage les
éléments essentiels en ce qui concerne la validité du mariage, tenant également
compte des problèmes venant d’un contexte de profonde transformation
anthropologique de notre temps, par lequel les fidèles eux-mêmes risquent d’être
conditionnés, en particulier à cause d’un manque de formation chrétienne
solide »[193].
157. [J. Ratzinger - Benoît XVI]. Le cardinal J. Ratzinger, alors préfet
de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a clairement déclaré en 1997 :
« On devrait clarifier la question de savoir si vraiment tout mariage entre deux
baptisés est ipso facto un mariage sacramentel. De fait, le Code lui-même
indique que seul le contrat matrimonial “valide” entre baptisés est en même
temps sacrement (cf. CIC, can. 1055, § 2). La foi appartient à l’essence du
sacrement ; reste à éclaircir la question juridique, quant à savoir quelle
évidence de “non-foi” aurait pour conséquence qu’un sacrement ne se réalise
pas »[194]. Opinion qu’il a nuancée en tant que pape, Benoît XVI, dans une
allocution aux prêtres en 2005, indiquant que le problème est très difficile,
qu’il nourrissait désormais davantage de doutes sur la foi comme motif
d’invalidité et qu’il nécessite encore d’être approfondi[195].
158. Dans son dernier discours à la Rote romaine[196] (26 janvier 2013), le pape
Benoît XVI est revenu sur cette question qui lui tient tant à cœur. Nous en
extrayons quelques-unes de ses contributions. Au début de ses réflexions, il
aborde la question de la foi et de l’intention, en accord avec la Commission
théologique internationale, dont il cite le document : « Le pacte indissoluble
entre un homme et une femme n’exige pas, afin d’assurer son caractère
sacramentel, la foi personnelle des futurs époux ; ce qui est demandé, comme
condition minimale nécessaire, est l’intention de faire ce que fait l’Église.
Mais s’il est important de ne pas confondre le problème de l’intention avec
celui de la foi personnelle des contractants, il n’est toutefois pas possible de
les séparer totalement »[197].
159. Il explique ensuite comment la foi et l’ouverture à Dieu déterminent
grandement la conception de la vie sous tous ses aspects, et plus
particulièrement dans un domaine aussi délicat qu’un lien pour toute la vie
(indissolubilité, exclusivité, fidélité). « Le refus de la proposition divine
conduit en effet à un déséquilibre profond entre toutes les relations humaines,
y compris matrimoniale, et facilite une compréhension erronée de la liberté et
de l’autoréalisation ». Il en résulte, selon Benoît XVI, « un déséquilibre
profond entre toutes les relations humaines, y compris matrimoniale ». Cela
« facilite une compréhension erronée de la liberté et de l’autoréalisation qui,
unie au refus d’avoir la patience de supporter la douleur, condamne l’homme à
s’enfermer dans son égoïsme et son égocentrisme »[198].
160. Ce manque de foi n’implique pas automatiquement l’impossibilité d’un
mariage naturel. Cependant : « La foi en Dieu, soutenue par la grâce divine, est
donc un élément très important pour vivre le dévouement mutuel et la fidélité
conjugale. (...) Mais assurément, la fermeture à Dieu ou le refus de la
dimension sacrée de l’union conjugale et de sa valeur dans l’ordre de la grâce
rend difficile l’incarnation concrète du modèle très élevé du mariage conçu par
l’Église selon le dessein de Dieu, pouvant arriver à miner la validité même du
pacte si, comme le reconnaît la jurisprudence consolidée de ce Tribunal, elle se
traduit par un refus de principe de l’obligation conjugale de fidélité
elle-même, c’est-à-dire des autres éléments ou propriétés essentielles du
mariage »[199].
161. Plus loin, il approfondit la manière dont la foi influe de manière décisive
sur le bien des époux : « En vérité, dans l’intention des époux chrétiens de
vivre une véritable communio coniugalis se trouve un dynamisme propre à
la foi, selon lequel la confessio, la réponse personnelle sincère à
l’annonce salvifique, fait participer le croyant au mouvement d’amour de
Dieu »[200]. Il poursuit en affirmant que la confession de foi, loin de rester à
un niveau abstrait, engage pleinement la personne dans la charité confessée, car
vérité et amour sont inséparables. Et il conclut : « On ne doit donc pas faire
abstraction de la considération qu’il puisse exister des cas dans lesquels,
justement en raison de l’absence de foi, le bien des conjoints est compromis,
c’est-à-dire exclu du consentement lui-même »[201]. Ainsi, le manque de foi
« peut, bien que non nécessairement, blesser également les biens du mariage, du
moment que la référence à l’ordre naturel voulu par Dieu est inhérente au pacte
conjugal (cf. Gn 2, 24) »[202].
162. [François]. La nécessité d’une étude plus approfondie, demandée par
Benoît XVI, reste d’actualité, à la lumière des conclusions préalables aux
dernières assemblées synodales sur la famille et des déclarations du pape
François. Ainsi, l’Instrumentum laboris pour la IIIe Assemblée générale
extraordinaire du Synode des évêques (2014) résumait notre question : « Dans de
nombreux cas, signalés en particulier en Europe et en Amérique du Nord… il est
nécessaire d’approfondir la question du rapport entre la foi et le sacrement du
mariage – comme Benoît XVI l’a suggéré »[203]. La Relatio Synodi, qui
sert à la fois de conclusion à la IIIe Assemblée générale extraordinaire et de
Lineamenta pour la XIVe Assemblée générale du Synode, fait également
allusion à cette question[204] ; tout comme l’Instrumentum laboris pour
la XIVe Assemblée (2015)[205]. L’exhortation post-synodale Amoris laetitia
prévient dans son introduction : « la complexité des thèmes abordés [au cours du
chemin synodal] nous a montré la nécessité de continuer à approfondir librement
certaines questions doctrinales, morales, spirituelles et pastorales »[206]. Et
il ajoute : « De toute manière, nous avons besoin de réfléchir davantage sur
l’action divine dans le rite nuptial, qui est bien mise en exergue dans les
Églises Orientales, par l’accent placé sur l’importance de la bénédiction sur
ceux qui contractent le mariage, en signe du don de l’Esprit »[207]. La présente
réflexion sur la « réciprocité entre foi et mariage » s’inscrit modestement dans
cette voie.
163. Le pape François a également abordé notre question à plusieurs reprises.
Dans son discours à la Rote romaine du 23 janvier 2015[208], il a évoqué les
vices d’origine possibles dans le consentement, qui peuvent affecter la
validité, en soulignant qu’ils peuvent se produire « soit directement par défaut
d’intention valide, ou par grave déficit dans la compréhension du mariage
lui-même, au point de déterminer la volonté (cf. can. 1099) »[209]. Et il a
ajouté : « En effet, la crise du mariage est souvent, à sa racine, une crise
de la connaissance éclairée par la foi, c’est-à-dire par l’adhésion à Dieu
et à son dessein d’amour réalisé en Jésus Christ »[210].
164. Dans le même ordre d’idées, la lettre apostolique sous forme de motu
proprio Mitis iudex Dominus Iesus [211] (15 août 2015) affirme : « Parmi
les circonstances de faits et de personnes qui permettent le traitement des
causes de nullité du mariage par le procès plus bref selon les canons 1683-1687,
sont comprises par exemple : le manque de foi qui peut générer la simulation du
consentement ou l’erreur qui détermine la volonté »[212]. Ainsi, le manque de
foi peut être déterminant pour la validité.
165. L’année suivante (22 janvier 2016), s’adressant à la Rote romaine[213], il
s’est exprimé en ces termes : « Il est bon de réaffirmer avec clarté que la
qualité de la foi n’est pas une condition essentielle du consensus matrimonial,
qui, selon la doctrine de toujours, ne peut être touché qu’au niveau naturel
(cf. CIC, can. 1055 1 et 2) »[214]. Il a fait sienne la doctrine qui soutient la
présence de l’habitus fidei opérationnel après le baptême, même sans une
foi psychologiquement perceptible. Et il conclut : « Le manque de formation dans
la foi, ainsi que l’erreur à propos de l’unité, de l’indissolubilité et de la
dignité sacramentelle du mariage ne vicient le consensus matrimonial que s’ils
déterminent la volonté (cf. CIC, can. 1099). C’est précisément pour cela que les
erreurs qui concernent la sacramentalité du mariage doivent être évaluées très
attentivement »[215].
166. [Les termes de la question]. À partir de ce bref aperçu des
enseignements des derniers pontifes sur notre sujet, ainsi que des instances
ecclésiales officielles, il semble clair que la question de fond n’est pas tout
à fait résolue, même si elle est assez bien cernée. En faisant le point sur les
interprétations et en systématisant, les aspects suivants entrent en jeu dans
une relation d’interdépendance et de tension dynamique :
a) Comme dans tout sacrement, le mariage est une transmission de la grâce du
Christ. Cette grâce n’est pas due à la foi des ministres, selon la tradition
latine des contractants, mais au don du Christ, qui se rend activement présent
dans l’alliance conjugale, et de l’Esprit.
b) Il ne peut y avoir de sacrement sans foi. Une sorte d’automatisme sacramentel
nierait la nature dialogique de l’économie sacramentelle, qui s’articule autour
du lien intime entre la foi et les sacrements (cf. chap. 2). Ainsi, pour qu’il y
ait sacrement dans le cas du mariage entre « baptisés non croyants », il doit y
avoir une certaine foi agissante, indépendamment de la difficulté à la
déterminer positivement, que ce soit chez les époux ou en l’attribuant
entièrement à la Mère Église.
c) La difficulté pratique de vérifier l’absence de foi des époux est un problème
pastoral ardu et complexe (cf. § 61). Cependant, il appartient à la théologie de
clarifier dogmatiquement ce point essentiel pour une compréhension correcte du
sacrement du mariage.
d) Le baptême valablement reçu a irrévocablement greffé le baptisé dans
l’économie sacramentelle, avec l’impression du « caractère » (cf. § 65). Sa
réalité personnelle, au-delà de ses actes conscients de compréhension et de
volonté, propres à la foi[216], est déjà marquée par cette appartenance sans que
le péché ou l’absence de foi, qu’elle soit informe ou formée, puisse effacer ou
annuler ce qu’a produit le don irrévocable du Christ.
e) La doctrine catholique la plus établie soutient l’inséparabilité entre
contrat et sacrement (cf. § 155). La clarification définitive de cet aspect
reste en suspens. La séparation entre contrat et sacrement aurait une
répercussion directe sur la question que nous traitons. Étant donné l’état
actuel de la doctrine catholique, il semble opportun d’adhérer à l’opinion la
plus courante aujourd’hui concernant l’inséparabilité entre contrat et
sacrement.
f) La foi des époux est déterminante pour la fécondité du sacrement (cf. § 68).
La validité et, avec elle, la sacramentalité, dépendent de l’existence d’un
véritable lien matrimonial : un mariage naturel.
g) Le minimum indispensable pour qu’il y ait sacrement réside dans l’intention
de contracter un véritable mariage naturel (cf. § 154).
h) Dans le cas du sacrement du mariage, la foi et l’intention ne peuvent être
identifiées, mais elles ne peuvent pas non plus être complètement séparées (cf.
§§ 149 et 158). S’il est clair que la vérité sacramentelle du mariage dépend de
l’intention et que la foi influence l’intention, la manière et la mesure dans
lesquelles le manque de foi affecte l’intention ne sont pas tout à fait claires.
Nous proposons d’approfondir ce dernier point dans le cas des « baptisés non
croyants » déjà décrits (cf. § 144), aspect qui est conforme à la réciprocité
entre la foi et les sacrements que nous défendons.
167. [Alternatives théoriques possibles pour résoudre la question]. Mais
auparavant, pour compléter, examinons la liste des solutions théoriques
possibles pour notre sujet et leur validité théologique, selon la perspective
théologique que nous avons précédemment fondée et examinée (chap. 2).
a) Tout d’abord, on pourrait défendre un automatisme sacramentel absolu. Le fait
du baptême impliquerait, indépendamment de la foi des contractants, que le
contrat matrimonial s’élève « eo ipso » à la réalité surnaturelle du
sacrement. Cette solution va à l’encontre de la nature dialogique de l’économie
sacramentelle, que nous avons exposée de manière raisonnée, c’est pourquoi nous
la rejetons.
b) Une deuxième possibilité consisterait à défendre la séparation entre contrat
et sacrement. S’il est vrai que l’identité entre contrat et sacrement n’a pas
été solennellement définie, pour considérer cette séparation comme
théologiquement vraie, il faudrait apporter une argumentation spécifique
convaincante à cet égard. Nous renonçons à explorer cette voie et suivons les
termes les plus courants de la théologie catholique actuelle sur le mariage.
c) Une troisième option ferait valoir la présence de la foi ecclésiale, malgré
l’absence de foi personnelle des contractants. Il y aurait une substitution de
la foi ecclésiale, malgré l’absence de foi personnelle de la part des
contractants. Cette option présente toutefois également des problèmes. D’une
part, l’essence du sacrement réside dans le consentement entre les époux. Sur
cette base, l’Église peut exiger certaines conditions formelles pour sa
validité, comme c’est le cas aujourd’hui, à la suite d’une longue histoire.
D’autre part, tout au long de l’exploration de la nature dialogique de
l’économie sacramentelle (chap. 2), nous avons montré comment la foi ecclésiale
précède et accompagne la foi personnelle, mais ne la remplace jamais
complètement. Attribuer la sacramentalité du mariage exclusivement à la foi
ecclésiale reviendrait à nier la nature interpersonnelle de l’économie
sacramentelle.
d) Une quatrième possibilité consiste à attribuer la sacramentalité à
l’efficacité liée au « caractère » imprimé par le baptême. Le « caractère » est
dû à l’irrévocabilité du don du Christ. Il implique l’insertion dans la réalité
sacramentelle de l’économie. Il habilite à l’exercice dialogique de la
sacramentalité, sans pour autant supposer en soi un exercice actif de celle-ci.
L’habitus, lié au « caractère », est une disposition à agir ; ni une
action ni un acte. Il nécessite d’être exercé par une puissance, comme par
exemple la volonté[217]. Ainsi, avec l’impression du « caractère » et l’infusion
de l’habitude, l’interlocution sacramentelle de la part de Dieu est affirmée
avec force, mais il manque la réponse dialogique, de nature personnelle, de la
part du sujet favorisé, qui est toutefois devenu capable de donner cette
réponse.
e) Comme nous l’avons déjà évoqué, il reste la possibilité d’argumenter autour
de l’intention, car pour que tout sacrement soit valide, il faut qu’il y ait
l’intention de faire ce que l’Église entend faire dans ce sacrement.
4.3. L’intention et la constitution du lien matrimonial en l’absence de foi
a) L’intention est nécessaire pour qu’il y ait sacrement
168. [Nécessité de l’intention]. Comme nous l’avons déjà dit[218] (cf. §§
67-69), la doctrine traditionnelle des sacrements repose sur la conviction que,
pour qu’il y ait sacrement, il faut au moins l’intention de faire ce que fait
l’Église : « Tous ces sacrements sont accomplis par trois constituants : des
choses qui en sont comme la matière, des paroles qui en sont comme la forme, et
la personne du ministre qui confère le sacrement avec l’intention de faire ce
que fait l’Église (cum intentione faciendi quod facit Ecclesia). Si l’un
de ces constituants manque, le sacrement n’est pas accompli »[219]. Selon
l’opinion commune de la théologie latine, les ministres du sacrement du mariage
sont les époux, qui se donnent mutuellement le mariage[220]. Dans le cas du
mariage sacramentel, il faut au moins l’intention de réaliser un mariage
naturel. Or, le mariage naturel, tel que l’entend l’Église, comprend comme
propriétés essentielles l’indissolubilité, la fidélité et l’ordination au bien
des époux et au bien de la progéniture. Par conséquent, si l’intention de
contracter mariage n’inclut pas ces propriétés, au moins implicitement, il y a
un manque grave dans l’intention, susceptible de remettre en question
l’existence même du mariage naturel, base nécessaire au mariage
sacramentel[221].
169. [Interrelation entre la foi et l’intention]. Avec des accents
variés, le magistère des trois derniers pontifes constate l’interconnexion entre
une foi vivante et explicite et l’intention de célébrer un véritable mariage
naturel : indissoluble et exclusif, axé sur le bien des époux, par une charité
oblative sincère, et ouvert à la progéniture. Jean-Paul II demande de ne pas
accepter les conjoints qui manifestent « leur refus explicite et formel de ce
que l’Église entend faire quand est célébré un mariage de baptisés » (cf. § 153)
tout en soutenant la nécessité de « l’intention honnête de se marier selon la
réalité naturelle de la conjugalité » (cf. § 154). Benoît XVI souligne
l’incidence très notable de l’absence de foi sur la conception de la vie, des
relations, du lien matrimonial lui-même et du bien des époux, pouvant aller
jusqu’à « blesser également les biens du mariage » (cf. § 161). François indique
que la crise du mariage trouve sa racine dans la « crise de la connaissance
éclairée par la foi » (cf. § 163) et invoque le manque de foi comme motif
possible de simulation dans le consentement (cf. § 164). La jurisprudence de la
Rote romaine s’inscrit dans la ligne indiquée par Benoît XVI (cf. § 156). Plus
précisément, les instances ecclésiales mentionnées et les deux derniers pontifes
estiment que l’absence de foi vivante et explicite suscite des soupçons fondés
sur l’intention de célébrer véritablement un mariage indissoluble, définitif et
exclusif, comme un don réciproque gratuit et ouvert à la progéniture, sans
toutefois exclure d’emblée la possibilité qu’il puisse exister. En aucun cas, il
ne s’agit d’un automatisme sacramentel simpliste.
b) Compréhension culturelle prédominante du mariage
170. [Culture prédominante et compréhension du mariage]. Dans les pays où
la culture dominante propose la polygamie comme une valeur, ce qui est contraire
au dessein divin (cf. Gn 1, 26 ; 2, 18-24), il semble plus difficile de
considérer qu’en l’absence de foi explicite, l’intention de se marier inclut en
soi l’exclusivité, inhérente au mariage naturel selon la conception chrétienne.
En outre, le contexte culturel de la polygamie, ainsi que d’autres aspects qui
peuvent exister indépendamment de la polygamie, va à l’encontre du « principe de
parité » des époux, fondé sur leur création à l’image et à la ressemblance de
Dieu [222], inhérent au bien même des époux (bonum coniugum), l’un des
biens fondamentaux du mariage naturel. D’autre part, une sorte de pratique de la
polygamie, en tant que réalité factuelle, s’est répandue dans de nombreux pays
occidentaux, où l’existence d’un lien matrimonial ou de couple n’est pas
considérée comme un obstacle à vivre simultanément d’autres réalités qui, selon
l’Église, appartiennent exclusivement à l’ordre conjugal.
171. Il y a des années, dans les pays traditionnellement chrétiens, il existait
un consensus sur la réalité du mariage, inspiré par l’influence exercée par la
foi chrétienne sur la société. Dans ce contexte, on pouvait partir du principe
que tout mariage naturel, indépendamment d’une vie de foi vivante et explicite,
incluait dans son intention les propriétés du mariage naturel, telles que les
comprend l’Église. Aujourd’hui, avec l’enracinement et la diffusion d’autres
conceptions de la famille clairement divergentes de celle de l’Église
catholique, une plus grande prudence s’impose, ce qui engendre de nouveaux
problèmes doctrinaux et pastoraux.
172. Le fait que le mariage soit une réalité créationnelle implique que
l’anthropologie fait partie intégrante de son essence à deux titres, étroitement
liés l’un à l’autre. D’une part, la conception de ce qu’est la personne humaine,
quelqu’un qui, en tant qu’être relationnel, réalise son propre être dans le don
de soi, entre pleinement en jeu. D’autre part, la compréhension de la
différenciation sexuelle, homme et femme, comme élément du plan divin orienté
vers la procréation et vers l’alliance conjugale, reflet de l’alliance divine
entre Dieu et le peuple d’Israël et entre le Christ et l’Église, touche
également à l’essence du mariage. Ces deux éléments entrent en jeu pleinement
dans le mariage naturel : indissoluble, exclusif, axé sur le bien réciproque des
époux, par l’amour interpersonnel, et sur la descendance. Ainsi, l’Église
apparaît, parfois seule et attaquée, comme le bastion culturel qui préserve la
réalité naturelle propre au mariage. Cependant, sans tomber dans des
lamentations catastrophistes, un regard sincère sur notre contexte culturel ne
peut manquer de constater comment se consolident de plus en plus, comme des
axiomes incontestables dans la culture postmoderne, des aspects qui remettent en
question, dans sa racine anthropologique, le fondement naturel du mariage.
Ainsi, sans prétendre à l’exhaustivité, la tendance dominante inclut comme
évidentes, par exemple, ces convictions répandues, enracinées et parfois
sanctionnées par la législation, clairement contraires à la foi catholique.
a) La recherche de l’épanouissement personnel, centrée sur la satisfaction de
soi, comme objectif principal de la vie, qui justifie les décisions éthiques les
plus importantes, y compris dans le domaine conjugal et familial. Cette
conception s’oppose au sens du sacrifice amoureux et de l’oblation comme
accomplissement suprême de la vérité de la personne, que propose la foi
chrétienne, atteignant ainsi de manière magnifique son sens et son
accomplissement.
b) Une mentalité de type « machiste », qui sous-estime la femme, portant
atteinte à la parité conjugale liée au bien des époux, en comprenant le mariage
comme une alliance entre deux personnes qui ne seraient pas égales par dessein
divin, par nature et par droits juridiques, contrairement à la conception
biblique et à la foi chrétienne[223]. La position contre-culturelle de Jésus,
contre le divorce (cf. Mt 19, 3-8), supposait une défense de la partie la plus
faible dans la culture de l’époque : la femme.
c) Une « idéologie du genre », qui nie toute détermination biologique de
caractère sexuel dans la construction de l’identité de genre, sapant la
complémentarité entre les sexes inscrite dans le plan du Créateur.
d) Une mentalité favorable au divorce, qui sape la compréhension de
l’indissolubilité du mariage. Au contraire, elle conduit à considérer les liens
conjugaux, plus communément appelés « de couple », comme des réalités
essentiellement révisables, en contradiction directe avec l’enseignement de
Jésus à ce sujet : Mc 10, 9 et Mt 19, 6 (cf. Gn 2, 24).
e) Une conception du corps comme propriété personnelle absolue, librement
disponible pour obtenir le maximum de plaisir, en particulier dans le domaine
des relations sexuelles, détachées d’un lien conjugal institutionnel et stable.
Paul, cependant, affirme que le corps appartient au Seigneur, excluant
l’immoralité (πορνεία), de telle sorte que le corps devient un moyen de
glorification de Dieu (cf. 1 Co 6, 13-20).
f) La dissociation entre l’acte conjugal et la procréation, contrairement à
toute la tradition de l’Église catholique, depuis l’Écriture (Gn 1, 28) jusqu’à
nos jours[224].
g) L’assimilation éthique, et parfois juridique, de toutes les formes de couple.
Ainsi, se propagent non seulement les unions successives, les unions de fait,
sans contrat matrimonial formel, mais aussi les unions entre personnes du même
sexe. Les unions successives nient de fait l’indissolubilité. Les cohabitations
temporaires ou à l’essai ignorent l’indissolubilité. Les unions entre personnes
du même sexe ne reconnaissent pas la signification anthropologique de la
différence des sexes (Gn 1, 27 ; 2, 22-24), inhérente à la compréhension
naturelle du mariage selon la foi catholique.
c) L’absence de foi peut compromettre l’intention de contracter un mariage
naturel
173. [L’absence de foi peut compromettre l’intention de célébrer un mariage
qui inclut certains des biens du mariage]. Du point de vue de la théologie
dogmatique, on peut douter à juste titre que, dans le cas des mariages entre
« baptisés non croyants », selon la typologie que nous avons décrite, il y ait
un sacrement de la foi en raison d’un grave défaut d’intention de contracter un
mariage naturel, présumé comme une conséquence très probable, quasi inhérente au
manque de foi, énoncée de manière différente par les deux derniers pontifes. Le
manque de foi, dans le cas des « baptisés non croyants » de la typologie
mentionnée ci-dessus, peut être qualifié comme sans équivoque et déterminant
pour les conceptions de la vie. Les doutes mentionnés de manière générique par
les pontifes peuvent donc être assumés dans leur intégralité pour ces cas. On ne
peut ni désirer, ni prétendre, ni aimer ce que l’on ignore ou rejette
explicitement.
174. [Incidence de l’absence de foi sur les biens naturels du mariage].
Dans le mariage chrétien, il existe un lien, beaucoup plus fort que dans tout
autre sacrement, entre la réalité créaturelle et la réalité surnaturelle, entre
l’ordre de la création et celui de la rédemption. « Le mariage a été institué
par le Dieu créateur »[225] et ensuite élevé à la dignité de sacrement. Compte
tenu de ce lien si étroit, on comprend qu’une modification de la réalité
naturelle du mariage, un éloignement du projet créateur, ait une répercussion
directe sur la réalité surnaturelle, le sacrement. Ce lien existe également dans
le sens inverse, du moins dans le cas extrême des mariages entre « baptisés non
croyants ». En effet, le refus explicite de la réalité surnaturelle, l’abandon
explicite de la foi, parfois même par un acte formel, ou l’absence totale
d’adhésion à la foi, chez des baptisés qui n’ont jamais assumé personnellement
la foi, place ces personnes totalement à la merci des opinions sociales
dominantes en matière matrimoniale et familiale, leur bloquant l’accès à la
source créatrice du mariage.
175. En effet, si l’on considère conjointement l’axiomatique culturelle
dominante, précédemment esquissée, et la ligne de réflexion de Benoît XVI dans
son dernier discours à la Rote romaine (26 janvier 2013), on peut affirmer qu’en
l’absence claire et explicite de foi, l’intention concernant les biens
essentiels du mariage subit un grave préjudice. Benoît XVI l’a clairement
illustré en ce qui concerne le bien des époux. Son point de départ était le
suivant : « Dans le contexte de l’Année de la foi, je voudrais m’arrêter de
manière particulière sur certains aspects du rapport entre foi et mariage, en
observant comment l’actuelle crise de la foi, qui touche différentes parties du
monde, porte en elle une crise de la société conjugale »[226]. En d’autres
termes, l’élément surnaturel a une incidence directe sur la réalité naturelle.
Et il poursuit plus loin : « Il n’échappe à personne que, sur le choix de l’être
humain de se lier par un lien qui dure toute la vie, influe la perspective de
base de chacun, c’est-à-dire s’il est ancré à un plan purement humain, ou bien
s’il est ouvert à la lumière de la foi dans le Seigneur. En effet, ce n’est
qu’en s’ouvrant à la vérité de Dieu qu’il est possible de comprendre, et de
réaliser concrètement dans la vie également conjugale et familiale, la vérité de
l’homme en tant que son fils, régénéré par le baptême »[227].
176. La vérité de l’homme dans le mariage naturel appartient au plan de Dieu.
Benoît XVI relie la capacité oblative du véritable amour généreux, bien des
époux, à l’ouverture au véritable amour, qui est Dieu, à partir de l’unité
intime entre vérité et amour. Pour que l’amour spécifique du bien des époux
puisse exister, il faut donc être ouvert à la vérité ultime de l’amour, à
l’amour de Dieu. Dans une société qui prône la réalisation personnelle comme le
bien suprême, il semble très difficile, en l’absence notable et explicite de
foi, de comprendre le lien conjugal à partir de l’amour oblatif. Selon les mots
de Benoît XVI : « “Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte
beaucoup de fruit ; car hors de moi vous ne pouvez rien faire” (Jn 15, 5) :
c’est ce qu’enseignait Jésus à ses disciples, en leur rappelant l’incapacité
substantielle de l’être humain d’accomplir tout seul ce qui est nécessaire à
l’obtention du bien véritable »[228]. La compréhension de la vie et la pratique
de l’amour comme transcendance altruiste, qui recherche avant tout le bien de
l’autre personne, se perfectionnent avec la grâce divine.
177. L’amour oblatif et le dépassement de soi altruiste ne se limitent pas au
bien réciproque des époux, mais concernent pleinement le bien de la progéniture,
fruit splendide de la fécondité de l’amour conjugal. Si le bien de l’amour entre
les époux est endommagé à la racine, cela ne peut manquer d’affecter aussi
directement et explicitement le bien de la progéniture.
178. Le manque de foi implique en soi de sérieux doutes quant à
l’indissolubilité dans notre contexte culturel. La conception sociale
profondément enracinée du lien matrimonial, très souhaitable dans sa permanence,
mais clairement révisable dans la compréhension de ce qu’il est proprement comme
lien, ainsi que la prolifération si tristement abondante des séparations, font
que, sans une source spécifique de connaissance, sans la foi comme moyen
d’adhésion au plan créateur de Dieu, il y a des raisons de douter qu’il y ait
une véritable intention d’indissolubilité du lien lors du mariage.
179. En résumé, nous avons articulé les points suivants. La foi détermine de
manière très fondamentale l’anthropologie qui est vécue. La réalité
substantielle du mariage est de nature anthropologique, créaturelle. Une absence
totale de foi détermine également l’anthropologie et, avec elle, la réalité
naturelle du mariage, qui est davantage à la merci de l’axiomatique culturelle
dominante. Un manque de foi de cette ampleur dans ce contexte permet de douter à
juste titre de l’existence d’un véritable mariage naturel, base indispensable
sur laquelle repose le mariage sacramentel. En d’autres termes : dans le cas des
« baptisés non croyants » décrits, en raison du manque de foi, on ne peut
présupposer comme garantie l’intention de célébrer un mariage naturel, mais on
ne peut non plus l’exclure d’emblée.
180. [Du point de vue de la sacramentalité]. Ce point de vue est en
pleine conformité avec la conception de la sacramentalité que nous défendons
(cf. en particulier § 16). Rappelons que celle-ci consiste en la corrélation
inséparable entre une réalité visible, externe, le signifiant, et une autre de
nature surnaturelle, invisible, signifiée. La conception du mariage catholique
s’appuie sur cette compréhension de la sacramentalité. C’est pourquoi, pour
qu’il y ait mariage sacramentel, il faut comme réalité visible externe un type
d’amour qui, par ses qualités particulières (biens du mariage : GS 48-50), avec
l’aide reçue par la grâce, puisse signifier l’amour de Dieu. En d’autres termes,
un lien matrimonial qui n’inclurait pas l’indissolubilité, la fidélité, la
disposition à se donner à l’autre conjoint et l’ouverture à la procréation ne
serait pas un signe capable de signifier l’amour du Christ pour l’Église.
L’Église comprend que dans ce type de lien, la vérité de l’amour matrimonial ne
s’épanouit pas.
181. [Conclusion]. Notre proposition rejette deux extrêmes. D’une part,
un automatisme sacramentel absolu (cf. en particulier §§ 41 e et 78 e) : tout
mariage entre baptisés serait sacrement, soit par la présence d’une foi minimale
agissante liée au « caractère », soit par l’intervention du Christ et de
l’Église présupposée par le baptême. D’autre part, un scepticisme sacramentel
élitiste : tout degré d’absence de foi vicierait l’intention et invaliderait
donc le sacrement. Nous affirmons que, dans le cas d’une absence de foi aussi
explicite et claire que celle des « baptisés non croyants » décrits, les doutes
sérieux quant à une intention incluant les biens du mariage naturel, tels que
les comprend l’Église, permettent de soutenir de sérieuses réserves quant à
l’existence d’un mariage sacramentel. Il est donc cohérent avec la pratique
sacramentelle de l’Église de refuser le sacrement du mariage à ceux qui le
demandent dans ces conditions, comme l’a déjà soutenu Jean-Paul II (cf. §§ 153
et 169).
182. [Attention pastorale]. Tant le contexte culturel décrit (cf. §§ 156,
170-172) que l’existence de mariages entre « baptisés non croyants » incitent la
pastorale matrimoniale à déployer toute sa vigueur et son potentiel,
conformément aux suggestions de Jean-Paul II et de François[229]. Le rayonnement
de la profonde humanité qui se vit dans les familles chrétiennes, dont le cœur
est la foi vécue par tous ses membres, sera un phare et une étoile capable
d’attirer et de convaincre. L’un de ses objectifs pourrait être précisément ces
mariages de « baptisés non croyants », car un réveil de la foi signifierait
l’éclosion de la force de la grâce sacramentelle. En tout état de cause, la
meilleure réponse au « désir de famille » qui, malgré les difficultés, est vécu
partout, est « la joie de l’amour qui se vit dans les familles »[230].
5. Conclusion : la réciprocité entre la foi et les sacrements dans l’économie
sacramentelle
183. [Visibilité sacramentelle de la grâce]. L’économie sacramentelle, en
tant qu’économie incarnée, exige en soi une visibilité de la grâce. L’Église,
héritière et continuatrice de l’œuvre du Christ, constitue dans l’histoire ce
signe visible. Son sens ne se réduit pas à procurer les moyens du salut à ses
propres fidèles. Elle rend visible dans le monde la grâce salvifique de Dieu. Si
l’Église disparaissait, la tangibilité historique du salut en Jésus-Christ
s’évanouirait. C’est pourquoi l’Église elle-même rend un service à tous : elle
est le moyen et l’instrument qui proclame la présence dans l’histoire du dessein
universel du salut en Jésus-Christ. Chaque chrétien participe à cette mission
ecclésiale, que chaque sacrement renforce à sa manière. Dans chaque sacrement,
il y a une réception du don de Dieu, une configuration au Christ et une mission
ecclésiale pour la vie du monde.
184. Étant donné que la sphère sacramentelle se réfère à la visibilité externe
et vérifiable, lorsque l’accès aux sacrements est refusé, par exemple dans le
cas des divorcés remariés ou autres, on ne peut en tirer une conclusion sur
toute la vérité concernant la qualité de la foi de cette personne. Les chrétiens
d’autres confessions chrétiennes ne sont pas en pleine communion visible et
sacramentelle avec l’Église catholique, en raison de la persistance de
différences profondes dans la doctrine et la vie chrétienne. C’est pourquoi la
célébration sacramentelle ne peut rendre visible une pleine communion[231].
Toutefois, il n’est pas exclu par principe que l’union avec le Christ d’un
chrétien non catholique, par la charité et la prière, puisse être plus intense
que celle d’un catholique, même si ce dernier jouit de la plénitude objective
des moyens salvifiques. Comme l’affirme la liturgie, le jugement ultime sur la
qualité de la foi de chaque personne appartient à Dieu seul : « dont toi seul
connais la foi »[232].
185. [Croissance, catéchuménat]. La foi, en tant que vertu, est une
réalité dynamique. Elle peut croître, se renforcer, mûrir ; mais ses contraires
aussi. Le catéchuménat aide à recevoir les sacrements avec une foi plus
consciente de ce que l’on reçoit et de ce à quoi on s’engage. La charité
pastorale devra décider des modalités concrètes du catéchuménat en fonction du
sacrement concerné et des personnes qui le demandent, en tenant compte de la
qualité et de l’intensité du contexte religieux dont elles sont issues. La
formation des catéchistes et leur témoignage de vie sont essentiels. D’autre
part, la réception même du sacrement, avec l’engagement qu’elle suppose, invite
à poursuivre le catéchuménat, par le biais de la catéchèse mystagogique,
certainement après les sacrements de l’initiation et du mariage. Tant la
croissance dans la foi qu’une sorte de catéchuménat continu se produisent de
manière appropriée dans certains des mouvements ecclésiaux dits nouveaux. Ils
permettent une socialisation réussie dans la foi et l’appartenance ecclésiale.
De plus, ils accentuent fortement la dimension sacramentelle de la foi, en
mettant l’accent sur la réception reconnaissante du don, l’adoration du
Seigneur, la réception fréquente des sacrements, soulignant avant tout le don
irrévocable de Dieu, qui lie sa grâce aux sacrements sans la conditionner à la
perfection des ministres ni aux mérites de ceux qui les reçoivent. Depuis
l’horizon vertical de la sacramentalité, ils sont renforcés, car ils ne
s’appuient pas sur eux-mêmes pour témoigner horizontalement devant le monde
comment la grâce de Dieu se fraye un chemin dans la faiblesse (2 Co 12, 9).
186. [Insertion dans l’économie sacramentelle par la foi et les sacrements].
L’insertion du chrétien dans l’économie sacramentelle se fait par la foi et les
sacrements. Les sacrements offrent à ceux qui le désirent et s’y disposent
correctement une chose aussi précieuse que le gage de la vie éternelle et la
proximité aimante du Christ.
187. Dans la réalisation de l’économie sacramentelle, comme déploiement de
l’incarnation et de sa logique, le mystère pascal se détache comme le sommet où
l’amour se réalise jusqu’à l’extrême (Jn 13, 1 ; 15, 13). Le chrétien, par le
baptême, sacrement de la foi, s’incorpore à ce mystère, participant de manière
sacramentelle à la mort et à la résurrection de Jésus (Rm 6, 3-4), tout en
devenant pierre vivante de l’Église. Ainsi, la vie chrétienne commence par
l’insertion dans le noyau essentiel de l’économie sacramentelle.
188. Le mystère du Christ a inclus dans son offrande le don de son Esprit, comme
grand don du Ressuscité. À la Pentecôte, avec la réception de l’Esprit, au
sommet de sa propre constitution, l’Église a pris pleinement conscience d’être
comblée et envoyée pour une mission universelle. Le chrétien s’incorpore à
l’événement de la Pentecôte par les sacrements de l’initiation, avec un
renforcement de sa foi et de sa responsabilité tant ad intra de la
communauté ecclésiale qu’ad extra en tant que « disciple missionnaire ».
189. Lors de la dernière Cène, Jésus a anticipé par des gestes et des paroles la
signification de toute sa vie et de son propre mystère : corps livré et sang
versé pour la « multitude ». Dans l’Eucharistie, le chrétien reçoit à nouveau le
don du Seigneur, qu’il accepte expressément comme tel dans l’« amen », pour
continuer lui-même à être un membre actif du corps du Christ présent dans le
monde.
190. La dynamique de l’économie sacramentelle peut être lue comme l’alliance de
Dieu avec son peuple, une image qui n’est pas sans connotations nuptiales. Dans
l’ensemble du mystère du Christ, le renouvellement définitif et irrévocable de
l’alliance de Dieu avec son peuple s’accomplit par le Christ. Les époux
chrétiens, en se mariant « dans le Seigneur », deviennent un signe qui témoigne
de l’amour qui préside à la relation du Christ avec l’Église.
191. Jésus a apporté par sa vie, sa mort et sa résurrection le salut de Dieu,
qui comprend le pardon des péchés, la réconciliation avec Dieu et la
réconciliation entre les frères en abattant le mur de séparation (Ep 2, 4-6.
11-14). Lorsque le chrétien contredit ce que signifie l’Évangile et la suite du
Christ, il se réconcilie avec Dieu et avec l’Église en recevant le sacrement de
pénitence avec une foi repentante. Ainsi, si par un côté l’Église se renouvelle,
celui qui est pardonné devient ambassadeur du pardon de Dieu en Jésus-Christ.
192. Jésus s’est approché de nombreux malades, les a réconfortés, guéris et leur
a pardonné leurs péchés. Celui qui reçoit l’onction s’unit sacramentellement au
Christ à ce moment où le pouvoir de la maladie et de la mort semble triompher,
pour proclamer par la foi la victoire du Christ et l’espérance de la vie
éternelle.
193. Jésus a réuni autour de lui un groupe de disciples et de partisans, qu’il
instruisait dans les mystères du royaume de Dieu et à qui il révélait le mystère
de sa personne. Ceux qui, répondant par la foi à l’appel du Seigneur, reçoivent
le sacrement de l’ordre sont configurés au Christ, Chef et Pasteur, pour
continuer à annoncer l’Évangile, diriger la communauté à l’image du Bon Pasteur
et offrir le sacrifice vivant et saint.
194. [Nature sacramentelle de la foi]. L’économie divine du salut
commence avec la création, se réalise dans l’histoire et marche vers la
consommation éternelle. Or, tout regard sur l’histoire ne saisit pas en elle la
présence de l’action de Dieu ; par exemple, que la sortie d’Égypte fut une
libération opérée par Dieu. De même, on peut savoir que Jésus-Christ a fait des
miracles ou qu’il a été crucifié, mais seul le regard de la foi reconnaît dans
les miracles les signes de sa messianité (cf. Lc 7, 18-23) et de sa divinité
(cf. Mt 14, 33 ; Lc 5, 8 ; Jn 5), et non le pouvoir de Belzébuth (cf.
Mc 3, 22) ; ou dans la croix, que s’y accomplissait le pardon des péchés (cf.
Mt 27, 39-44), la réconciliation avec Dieu (2 Co 5, 18-20) et pas seulement une
exécution.
195. C’est pourquoi, à la suite d’Augustin et d’Origène[233], on peut distinguer
ce que l’on peut appeler un regard simplement historiciste sur les événements de
l’histoire du salut. Celui-ci se caractérise par le fait qu’il se limite à la
connaissance des événements, en accordant de la crédibilité aux témoins qui les
racontent, mais sans en saisir la signification historique et salvifique.
Cependant, le regard propre à la foi, par le don du Saint-Esprit, ne connaît pas
seulement les événements historiques dans leur matérialité historique, mais
perçoit en eux leur nature salvifique. En d’autres termes, ce regard pénètre la
réalité sacramentelle authentique de ce qui se passe : en saisissant la
visibilité de l’historique, il perçoit la profondeur de la grâce présente et
agissante dans ces événements. À cette forme de foi, qui est proprement la foi
chrétienne, correspond non seulement la perception de la présence de l’action
divine dans l’histoire visible, mais aussi la capacité de percevoir le lien
entre ces événements et l’espérance en la vie future. C’est pourquoi ce type de
foi ne croit pas seulement en la vie éternelle, en la Sainte Trinité et en
Christ notre Seigneur, mais c’est aussi le type de foi propre aux personnes qui
ont reconnu le Ressuscité dans les apparitions. Sans cette foi, l’histoire ne
prend pas l’aspect d’une économie divine du salut ; elle se résout en un
ensemble de faits dont le sens est difficile à discerner, ou est en tout cas
attribué de l’extérieur. Cependant, avec le don de la foi, le sens du cours des
événements historiques réside dans la signification que Dieu lui-même leur
donne : l’économie divine préside et gouverne l’histoire, la conduisant vers la
vie éternelle. En un mot, comme l’économie divine trinitaire est de nature
sacramentelle, la foi chrétienne est véritablement sacramentelle.
________________________________
[1] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, § 1116.
[2] Benoît XVI, Enc.
Deus caritas est (25 décembre 2005) 1 :
AAS 98 (2006) 217. Cité de nouveau par François, Exhort. apost.
Evangelii
Gaudium (24 novembre 2013) 7 : AAS 105 (2013) 1022.
[3] Cf. Origène, In leviticum hom. IV, 8 (PG 12, 442-443).
[4] Catéchisme de l’Église Catholique, § 150. Souligné dans l’original.
[5] Basile le Grand, De Spiritu Sancto, XII, 28 (SCh 17bis, 346).
[6] Commission Théologique Internationale,
La doctrine catholique sur le
sacrement du mariage [1977], § 2.3.
[7] Cf. Saint Jean-Paul II, Enc.
Fides et ratio (14 septembre
1998) 84-85 : AAS 91 (1999) 71-73.
[8] J. Ratzinger, »Die sakramentale Begründung christlicher Existenz« [1965], in
Gesammelte Schrifen 11. Theologie der Liturgie, Freiburg – Basel –
Wien 2008, 197-198.
[9] Cf. François, Enc.
Laudato si’ (24 mai 2015), en particulier
106-114 : AAS 107 (2015) 889-893.
[10] Saint Jean-Paul II, Enc.
Fides et ratio (14 septembre1998) 13 :
AAS 91 (1999) 16, a parlé de « la perspective sacramentelle de la
Révélation » (souligné dans l’original). Benoît XVI, Exhort. apost.
Sacramentum caritatis (22 février 2007) 45 : AAS 99 (2007) 140, reprend
l’idée centrale et se réfère à l’« arrière-fond sacramentel de la révélation
chrétienne ».
[11] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, § 1076 : « L’économie
sacramentelle ». Voir la note 54.
[12] «S’il faut s’exprimer brièvement, ce dont est le Sauveur, c’est “une chose”
et “une autre” (ἄλλο καὶ ἄλλο), s’il est vrai que le visible et l’invisible ne sont pas la même chose,
et de même ce qui est hors du temps et ce qui est soumis au temps ; mais le
Sauveur n’est pas “un” et “un autre” (ἄλλος καὶ ἄλλος), bien loin de là ! »
(Grégoire de Nazianze, Ep. I ad Cledonium, 20 [SCh 208,
44-45 ; PG 37, 180 A]).
[13] Grégoire de Nazianze, Or. Theol. V (PG 36, 135 C [Or. 31, 3
(SCh 250, 280)]).
[14] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, § 1091.
[15] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost.
Verbum
Domini (30 septembre 2010) 56 : AAS 102 (2010) 735-736.
[16] Cf. Concile Œcuménique de Latran IV, Profession de foi. Chapitre 1 : La foi
catholique (DH 800) ; Concile Œcuménique Vatican II, Const. past.
Gaudium et spes, 14.
[17] Cf. Ambroise, In Lucam II, 79 (PL 15, 1581) ; Thomas d’Aquin, STh
IIIa, q. 61 a. 1.
[18] Cf. Théophile d’Antioche, Aut. II, 10,1 (PG 6, 1064 ; FuP 16, 116);
Irénée de Lyon, Adv. haer. IV, 14,1 ; IV ,20,4 (SCh 100/2, 538 ; 636) ;
Jean Duns Scot, Ord. III, d. 32, q. un., n. 21 (Vat. X,136-137) ;
Catéchisme de l’Église Catholique, § 293.
[19] Par exemple : Hugues de Saint-Victor, De tribus diebus, IV (PL 175,
814 B ; CCCM 177, 9) ; Richard de Saint-Victor, De Trin. I, 9 ;
Bonaventure, Itinerarium, I, 14 ; Benoît XVI, Exhort. apost.
Verbum
Domini (30 septembre 2010) 7 : AAS 102 (2010) 688.
[20] Ephrem, Hymni de fide, 18, 4-5 (CSCO 154, 70 ; 155, 54).
[21] Cf. Commission Théologique Internationale,
Communion et service : La
personne humaine créée à l’image de Dieu [2004]. Voir aussi notre § 20.
[22] Cf. François, Enc.
Laudato si’ (24 mai 2015) en particulier 65-75 :
AAS 107 (2015) 872-877.
[23] « Proinde prima sacramenta, quae observabantur et celebrabantur ex Lege,
praenuntiativa erant Christi venturi: quae cum suo adventu Christus implevisset,
ablata sunt; et ideo ablata, quia impleta; non enim venit solvere Legem, sed
adimplere » (Augustin, Contra Faustum, XIX, 13; PL 42, 355).
[24] Cf. Irénée de Lyon, Adv. haer. IV, 21,3 (SCh 100/2, 684) ;
Tertullien, De baptismo, 3 (CCSL 1, 278-279).
[25] « Caro salutis est cardo » (Tertullien, De resurrectione, 8 ;
CCSL 2, 931). Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre
Placuit Deo
(22 février 2018) §§ 1-2, 4, 8 (incarnée) en corrélation avec §§ 13-14
(sacramentel).
[26] J. Ratzinger, « Prefazione », in H. Luthe (éd.),
Incontrare Cristo nei sacramenti, Cinisello Balsamo (MI) 1988,
8.
[27] Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 60 a. 6 resp.
[28] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre
Placuit Deo
(22
février 2018), § 11.
[29] « Moritur Christus ut fiat Ecclesia » (Augustin, In Johannis ev., IX, 10 :
CCSL 36, 96 ; PL 35, 1463).
[30] Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Const. dogm.
Lumen gentium, 1, 9,
48, 59 ; Const.
Sacrosanctum Concilium, 5, 26 ; Décret
Ad gentes 1,
5 ; Const. past.
Gaudium et spes, 42, 45.
[31] Cf. Saint Jean-Paul II, Enc.
Redemptoris Missio (7 décembre
1990) 18 : AAS 83 (1991) 265-266 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi,
Décl. Dominus Iesus (6 août 2000) 18 : AAS 92 (2000) 759-760.
[32] Cf. Commission Théologique Internationale,
Thèmes choisis
d’ecclésiologie [1984], ch. 10 : « Le caractère eschatologique de l’Église :
Royaume et Église ».
[33] Concile Œcuménique Vatican II, Const. dogm.
Lumen gentium, 4, avec
citation interne de Cyprien, De dominica oratione, 23 (PL 4, 553 ;
CSEL 3/I, 285).
[34] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre
Iuvenescit Ecclesia
(15 mai 2016), § 23 ; voir aussi §§ 11 et 13.
[35] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, § 1116.
[36] Léon le Grand, Sermo 74, 2 (PL 54, 398). Cf. Ambroise de Milan,
Apol. pro prophetae David, XII, 58 (PL 16, 875) ; Catéchisme de l’Église
Catholique, § 1115.
[37] Cf. Concile Œcuménique de Trente, Septième session. Décret sur les
sacrements, can. 1 (DH 1601) ; Catéchisme de l’Église Catholique,
§ 1114.
[38] Cf. Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 64 a. 2.
[39] Clemente VI, Lettre Super quibusdam de 1351 (DH 1061) ; Concile
Œcuménique de Trente, Vingt-et-unième session. Doctrine et canons sur la
communion sous les deux espèces et la communion des enfants, ch. 2
(DH 1728) ; Pie X, Lettre Ex quo, nono de 1910 (DH 3556); Pie XII, Const.
Sacramentum ordinis de 1947 (DH 3857).
[40] Voir ci-dessous, pour chacun des sacrements que nous traitons, la brève
note sur les fondements scripturaires que nous proposons.
[41] Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 64 a. 2 ad 3.
[42] Saint Jean-Paul II, Enc.
Redemptoris Missio (7 décembre 1990) 28 :
AAS 83 (1991) 273. Cf. Saint Jean-Paul II, Enc.
Dominum et Vivificantem
(18 mai 1986) 53 : AAS 78 (1986) 874-875 ; Concile Œcuménique Vatican II, Const.
past. Gaudium et spes, 22.
[43] Cf. Saint Jean-Paul II, Enc.
Redemptoris Missio (7 décembre
1990) 28-29 : AAS 83 (1991) 273-275 ; Commission Théologique Internationale,
Le Christianisme et les religions [1997], §§ 81-87.
[44] Cf. Augustin, In Johannis ev., V, 18 (CCSL 36, 51-53; PL 35, 1424);
Jean Chrysostome, In 2 Tm. Hom., 2, 4 (PG 62, 612).
[45] Catéchisme de l’Église Catholique, § 1670. Cf. Concile Œcuménique
Vatican II, Const.
Sacrosanctum Concilium, 61.
[46] François, Enc.
Lumen fidei (29 juin 2013) 40 : AAS 105 (2013) 582.
[47] François, Enc.
Lumen fidei (29 juin 2013) 4 : AAS 105 (2013) 557.
[48] Cf. Synode des Évêques. XVe Assemblée Générale Ordinaire, Les jeunes, la
foi et le discernement vocationnel. Document final, passim et en particulier
§ 4.
[49] Par exemple Augustin, De symb. I, 181 (PL 40, 1190-1191) ; Pierre
Lombard, Summa Sententiarum III. d. 23, c. 2-4 (PL 192, 805-806) ; Thomas
d’Aquin, STh IIa-IIae, q. 2 a. 2.
[50] Paschase Radbert, De fide, spe et car. I, 6 n.1 (PL 120, 1402sq.).
[51] Fauste de Riez, De spir. S. I, 1 (CSEL 21, 103).
[52] « Credendo adhaerere ad bene cooperandum bona cooperanti
Deo » (Enarr. in Ps. 77, 8 ; CCSL 39, 1073).
[53] Augustin, In Iohannis ev., XXIX, 6 (CCSL 36, 287 ; PL 35, 1684) :
« Ut credatis in eum, non ut credatis ei. Sed si creditis in eum, creditis
ei, non autem continuo, qui credit ei credit in eum… ». De même Thomas d’Aquin, STh IIa-IIae, q. 2 a. 2.
[54] « Le jour de la Pentecôte, par l’effusion de l’Esprit Saint, l’Église est
manifestée au monde (cf. SC 6 ; LG 2). Le don de l’Esprit inaugure un temps
nouveau dans la “dispensation du Mystère” : le temps de l’Église, durant lequel
le Christ manifeste, rend présent et communique son œuvre de salut par la
Liturgie de Son Église, “jusqu’à ce qu’Il vienne” (1 Co 11, 26). Durant ce temps
de l’Église, le Christ vit et agit désormais dans Son Église et avec elle d’une
manière nouvelle, propre à ce temps nouveau. Il agit par les Sacrements ; c’est
cela que la Tradition commune de l’Orient et de l’Occident appelle “l’Économie
sacramentelle” ; celle-ci consiste en la communication (ou “dispensation”) des
fruits du Mystère pascal du Christ dans la célébration de la liturgie
“sacramentelle” de l’Église » (Catéchisme de l’Église Catholique,
§ 1076).
[55] Thomas d’Aquin, STh IIa-IIae, q. 1 a. 9 ad 3:
« confessio fidei traditur in symbolo quasi ex persona totius
Ecclesiae, quae per fidem unitur ».
[56] François, Enc.
Lumen fidei (29 juin 2013) 45 : AAS 105 (2013) 585.
[57] Cf. François, Exhort. apost.
Gaudete et exsultate (19 mars
2018) 65-94.
[58] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, §§ 1830-1832.
[59] Benoît XVI, Lettre apostolique en forme de motu proprio,
Porta fidei
(11 octobre 2011) 10 : AAS 103 (2011) 728.
[60] Cf. récemment : François, Exhort. apost.
Gaudete et exsultate (19
mars 2018) 43 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre
Placuit Deo
(22 février 2018), § 12.
[61] Cf. François, Exhort. apost.
Gaudete et exsultate (19 mars
2018) 48-49 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre
Placuit Deo
(22 février 2018), §§ 2-3.
[62] Cf. Hugues de Saint-Victor, Sacr. I pars 10 (PL 176, 327-344), cap. 3 et 4: De incremento fidei.
[63] Thomas d’Aquin, Ver. 14 a. 11 resp. ; STh IIa-IIae, q. 2
a. 6.7.8.
[64] Thomas d’Aquin, Ver. 14 a. 11 ad 7.
[65] Thomas d’Aquin, Ver. 14 a. 11 resp. : « tempore vero gratiae omnes,
maiores et minores, de Trinitate et de redemptore teneretur explicitam fidem
habere. Non tamen omnia credibilia circa Trinitatem vel redemptorem minores
explicite credere tenentur, sed soli maiores. Minores autem tenentur
explicite credere generales articulos, ut Deum esse trinum et unum,
filium Dei esse incarnatum, mortuum, et resurrexisse, et alia
huiusmodi, de quibus Ecclesia festa facit ».
[66] Thomas d’Aquin, STh IIa-IIae, q. 5 a. 3. STh IIa-IIae, q. 2
a. 7 ; a. 8.
[67] Cf. par exemple Irénée, Adv. haer. I, 10,1 (SCh 264, 154-158) ; III,
12,13 ; III, pr. ss. ; III, 5,3 (SCh 211, 236-238 ; 20-22 ; 60-62) ; Clément
d’Alexandrie, Strom. IV,1,3 (GCS 15, 249) ; Tertullien, Praesc. 13 ;
36 (CCSL 1, 197-198 ; 217) ; Prax. 2 ; 30 (CCSL 2, 1160 ; 1204) ; Virg. 1
(CCSL 2, 1209) ; Origène, De Princ., I, praef., 4 (GCS 22, 9-11 ;
FuP 27, 120-124) ; Novatien, Trin. 1, 1 ; 9, 46 (CCSL 4, 11 ; 25).
[68] Thomas d’Aquin, STh IIa-IIae, q. 5 a. 3.
[69] Sacr. I pars 10 cap. 3.
[70] Sacr. I pars 10 cap. 4.
[71] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, § 1084.
[72] Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 64 a. 7.
[73] Concile Œcuménique Vatican II, Const.
Sacrosanctum Concilium, 59.
[74] Cf. Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 61 a. 1.
[75] « Accedit verbum ad elementum et fit sacramentum, etiam ipsum tamquam
visibile verbum » (Augustin, In Johannis ev., LXXX, 3 ; CCSL 36, 529 ;
PL 35, 1840).
[76] Cf. Augustin, Epist. 187, 34 (PL 33, 846).
[77] Tertullien, Ad mart. 3 (CCSL 1, 5).
[78] Traditio apostolica, 16 (entrée en catéchuménat), 17-20 (déroulement
du catéchuménat), 21 (célébration baptismale ; SCh 11, 43-51).
[79] « Fidei obiectum per se est id per quod homo beatus efficitur » (STh
IIa-IIae, q. 2 a. 5 ; cf. STh IIa-IIae, q. 1 a. 6 ad 1).
[80] « inchoatio vitae aeternae in nobis » (STh IIa-IIae, q. 4 a. 1).
[81] Cf. Bonaventure, III Sent. dist. 23 dub. 4 (III 504ab) ; II Sent.
dist. 38 dub. 1 (II 894b) ; Thomas d’Aquin, STh Ia-IIae, q. 112
a. 5 ; Ver 10 a. 10 ad 1.2.8.
[82] « Si quis dixerit, sacramenta… aut gratiam ipsam non ponentibus obicem non
conferre… anathema sit» (Concile Œcuménique de Trente, Septième session.
Décret sur les sacrements, can. 6 [DH 1606]).
[83] Ephrem, Hymni de fide, 53, 12 ; 5, 18 (CSCO 154, 167,23 ; 155,
143,17).
[84] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, § 1076.
[85] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Décl.
Dominus Iesus (6
août 2000) 20-22 : AAS 92 (2000) 761-764. Voir notre § 37.
[86] François, Enc.
Lumen fidei (29 juin 2013) 41 : AAS 105 (2013) 583.
[87] Rituel de l’initiation chrétienne des adultes, § 75; cf. Ibid.,
§ 247.
[88] Traditio apostolica, 21 (SCh 11, 50-51).
[89] Augustin, Sermo VIII in octava Paschatis ad infantes, 1
(PL 46, 838).
[90] Cf. Basile, De Spiritu Sancto XI, 27 (SCh 17bis, 340-342).
[91] Cyrille de Jérusalem, Catecheses mystagogicae, I, 1 (PG 33, 1065 ;
SCh 126, 84).
[92] Procatech. Introd. n. 4 (PG 33, 340A).
[93] Procatech. V, 11 (PG 33, 520B).
[94] Procatech. I, 6 ; I, 4 (porter du fruit ; PG 33, 377 et 373-376). Notamment dans la
catéchèse de Jean Chrysostome aux néophytes : Cat. 3/5, 2. 15. 21
(FC 6/2, 412-415, 424sq., 428-431) ; cat. 3/7, 16-25 (FC 6/2, 478-487) il
s’y trouve, entre autres, des mises en garde contre la négligence et la tiédeur.
[95] Cf. Paul III, Constitution Altitudo divini consilii (1 juin 1537).
[96] « Parecer de los teólogos de la Universidad de Salamanca sobre el bautismo
de los Indios », in Colección de documentos inéditos, relativos al
descubrimiento, conquista y colonización de las posesiones españolas en América
y Oceanía, t. III, Madrid 1865, 545 ; voir tout l’article : 543-553. Notre traduction.
[97] Cf. François, Enc.
Lumen fidei (29 juin 2013) 42 : AAS 105 (2013)
583-584.
[98] Cf. Is 33, 16, lu par l’Epistula Barnabae, 11, 5 (SCh 172, 162).
Cité par François, Enc.
Lumen fidei (29 juin 2013) 42 : AAS 105 (2013)
584.
[99] Concile Œcuménique de Trente, Septième session. Décret sur les
sacrements, can. 6 (DH 1606). Voir la note 82.
[100] Cf. Irénée, Adv. Haer. II, 22,4 (SCh 294, 220) ; Origène, In Rom. V, 9
(PG 14, 1047) ; Cyprien, Epist. 64 (CSEL 3, 717-721) ; Augustin, De
Genesi ad lit. X, 23,39 (PL 34, 426) ; De peccatorum meritis et
remissione et de baptismo parvulorum I, 26,39 (PL 44, 131). En outre,
Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instr.
Pastoralis actio : AAS 72
(1980) 1137-1156.
[101] Cf. François, Enc.
Lumen fidei (29 juin 2013) 43 : AAS 105 (2013)
584.
[102] Rituel du baptême des petits enfants, §§ 127, 152.
[103] « Sicut pueri in maternis uteris constituti non per seipsos nutrimentum
accipiunt, sed ex nutrimento matris sustentantur, ita etiam pueri non habentes
usum rationis, quasi in utero matris Ecclesiae constituti, non per
seipsos, sed per actum Ecclesiae salutem suscipiunt » (Thomas d’Aquin, STh
IIIa, q. 68 a. 9 ad 1). Souligné par nous.
[104] Traditio apostolica, 21 (SCh 11, 49).
[105] Cf. Cyprien, Epistula 64, 2-6 (CSEL 3/2, 718-721).
[106] Cf. Tertullien, De baptismo, 18,4-6 (CCSL 1, 293 ; SCh 35, 92-93).
[107] Cf. Isidore de Séville, De Ecclesiasticis Officiis, II, 21-27 ;
Thomas d’Aquin, STh IIa-IIae, q. 10 a. 12.
[108] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instr.
Pastoralis actio, 15
et 28, n. 2 : AAS 72 (1980) 1144-1145 et 1151.
[109] Cf. Traditio apostolica, 22 (SCh 11, 52-53).
[110] Cf. Innocent I, Lettre à l’évêque Decentius de Gubbio (année 416 ;
DH 215).
[111] Cf. Décret de la Sacrée Congrégation des sacrements « Quam singulari »
(8 août 1910) : AAS 2 (1910) 582sq. (DH 3530sq.).
[112] Concile d’Elvire, can. 77 (DH 121 ; G. Martínez Díaz – F. Rodríguez,
Colección canónica hispana, t. IV, Madrid 1984, 267).
[113] Rituel de la confirmation, § 32. Cf. Catéchisme de l’Église
Catholique, §§ 1294-1296.
[114] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, §§ 1285, 1294.
[115] Doxologie concluant la prière eucharistique. Cf. par exemple Missel
Romain, 3e Editio Typica, §§ 119, 127, 136, 144.
[116] Cf. Saint Jean-Paul II, Enc.
Ecclesia de Eucharistia (17 avril
2003) en particulier 1 et 21-25 : AAS 95 (2003) 433-434 et 447-450.
[117] Benoît XVI, Exhort. apost.
Sacramentum caritatis (22 février
2007) 7 : AAS 99 (2007) 110.
[118] Benoît XVI, Enc.
Deus caritas est (25 décembre 2006) 14 : AAS 98
(2006) 229. Cf. Benoît XVI, Exhort. apost.
Sacramentum caritatis (22
février 2007) en particulier 88-89 : AAS 99 (2007) 172-174.
[119] « Lorsqu´on lit dans l´Église la sainte Écriture, c´est Dieu lui-même qui
parle à son peuple, et c´est le Christ, présent dans sa parole, qui annonce
l’Évangile » (Présentation générale du Missel Romain, § 29).
[120] Canon romain, dans le Missel Romain, 3e Editio Typica,
§ 112. Voir le commentaire de Benoît XVI, Exhort. apost.
Sacramentum caritatis (22 février 2007) 6 : AAS 99 (2007) 109-110.
[121] Cf. Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 76 a. 7. L’hymne célèbre Adoro
te devote exprime magnifiquement ce que nous disons. En voici un exemple :
« In cruce latébat sola Déitas, / At hic látet simul et humánitas; / Ambo támen
crédens átque cónfitens, / Peto quod petívit latro pœnitens » (Rituale
Romanum de sacra communione et de cultu mysterii eucharistici extra missam,
Cité du Vatican 1973, § 198, p. 61-62).
[122] François, Enc.
Lumen fidei (29 juin 2013) 44 : AAS 105 (2013)
584-585. Une antienne fameuse l’illustre parfaitement : « O sacrum convivium in
quo Christus sumitur: recolitur memoria passionis ejus: mens impletur gratia: et
futurae gloriae nobis pignus datur » («Ad Magnificat, antifona. Ad II Vesperas
Sanctissimi Corporis et Sanguinis Christi», in Liturgia Horarum iuxta ritum
romanun, vol. III, Tempus per annum. Hebdomadae I-XVII, Cité du
Vatican 2000, 54).
[123] Missel Romain, Rite de conclusion ; voir Appendix Missalis
Romani, Madrid 2017, § 96 (p. 50).
[124] « Si ergo vos estis corpus Christi et membra, mysterium vestrum in mensa
Dominica positum est […] Estote quod videtis, et accipite quod estis »
(Augustin, Sermo 272 ; PL 38, 1247sq.).
[125] Saint Paul VI, Enc.
Mysterium fidei (3 septembre1965) 5 : AAS 57
(1965) 764.
[126] Cf. Saint Jean-Paul II, Enc.
Ecclesia de Eucharistia, passim (17 avril 2003) : AAS 95 (2003) 433-475.
[127] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost.
Sacramentum caritatis (22 février 2007) 14 et 27 : AAS 99 (2007) 115-116 et 127.
[128] François, Enc.
Lumen fidei (29 juin 2013) 44 : AAS 105 (2013) 584.
[129] Cf. Hermas, Le Pasteur, Comp. IX (Funk, 211 et sq.).
[130] 1 Apol. 66sq. (Wartelle, 190sq.).
[131] Didaché, 10, 6 ; 9, 5 (Funk, 6 ; 5).
[132] Constitutions apostoliques, VII, 26,6 (SCh 336, 57): « Si quelqu’un
est saint, qu’il approche ; mais celui qui ne l’est pas, qu’il le devienne par
la pénitence ».
[133] Présente dans : la Liturgie de saint Jean Chrysostome (67) ; la Liturgie
de saint Basile (131) ; la Liturgie des Présanctifiés (168). Les pages renvoient
à : Liturgikon. La divina Liturgia de San Jean Chrysostome, de san Basilio,
de los Dones Presantificados, Madrid 2016.
[134] Jean Chrysostome, Hom. In Matth. 82,4 (PG 58, 743) : foi dans la présence réelle ; hom. 25, 3 (PG 57, 330
sq.) ; hom. 7, 6 (PG 57, 79 sq.). Super Rom. Hom. 8(9), 8 (PG 60, 464-466) : amour du prochain. Super Hebr. 17, 4-5
(PG 63, 131-134).
[135] Cyprien, Epistula 57,2 (CSEL 3/2, 651-652).
[136] Jean Chrysostome, In Matth. Hom. 82, 5. 6 (PG 58, 743-746) : responsabilité du prêtre dans l’administration de la
communion.
[137] Augustin, In Johannis ev., XXVI,11 (CCSL 36, 264 sq.).
[138] Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 80 a. 4.
[139] Cf. aussi Bonaventure, IV Sent. dist. 9 a. 1
qq. 1-4: sacramentaliter, spiritualiter manducare.
[140] Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 80 a. 5 ad 2.
[141] « si infidelis sumat species sacramentales, corpus Christi sub sacramento
sumit. Unde manducat Christum sacramentaliter, si ly “sacramentaliter”
determinat verbum ex parte manducati. Si autem ex parte manducantis, tunc
proprie loquendo non manducat sacramentaliter; quia non utitur eo
quod accipit ut sacramento, sed ut simplici cibo. Nisi forte
infidelis intenderet recipere illud quod Ecclesia confert,
licet non haberet fidem veram circa alios articulos vel etiam hoc
sacramentum » (Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 80 a. 3 ad 2 ;
souligné par nous).
[142] Cf. Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 79 a. 3.
[143] « Quicumque ergo hoc sacramentum sumit, ex hoc ipso significat, se esse
Christo unitum et membris eius incorporatum. Quod quidem fit per fidem formatam» (Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 80
a. 4).
[144] Thomas d’Aquin, Sent. IV dist. 9 q. 1 a 2 q. 2 ad 2 ; cf. STh
IIIa, q. 79 a. 7 ad 2 ; a. 8 ad 2 (ce dernier sur la différence entre le baptême
et l’eucharistie).
[145] Liturgikon, 73.
[146] Liturgie de saint Jean Chrysostome (Liturgikon, 69-73) ; Liturgie
de saint Basile (Ibid., 133-135). De même, la liturgie copte : Die
koptische Liturgie, ubers. und kommentiert von Karam Khella, [1989], 186.
[147] In Genesim, II, 23 (CSCO 152, 39 ; 153, 29-30).
[148] Ephrem, Commentaire sur le Diatessaron, XXI, 11 (CSCO 137, 145 ;
145, 227-228).
[149] Ephrem, De virginitate, 37, 2 (CSCO 223, 133).
[150] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, §§ 1855-1861.
[151] Cf. CIC, can. 1099.
[152] Cf. CCEO, can. 828.
[153] Cf. CCEO, Titulus XVI: De cultu divino et praesertim de sacramentis.
Caput VII: De matrimonio, can. 776-866.
[154] « Ex Christi institutione matrimonium validum inter baptizatos eo ipso est
sacramentum, quo coniuges ad imaginem indefectibilis unionis Christi cum
Ecclesia a Deo uniuntur gratiaque sacramentali veluti consecrantur et
roborantur » (CCEO, can. 776, § 2).
[155] Cf. Commission Théologique Internationale, Communion et service : La
personne humaine créée à l’image de Dieu [2004], §§ 32-33, 39.
[156] Cf. Concile Œcuménique de Trente, Vingt-quatrième session. Canons sur
le sacrement du mariage, can. 7 (DH 1807).
[157] Cf. Augustin, De nuptiis et concupiscentia, I, X,11 (CSEL 42,
222-224 ; PL 40, 420).
[158] Ep. ad Diognetum, 5, 6 (Funk, 137).
[159] Ep. ad Polycarpum, 5, 2 (Funk, 107 ; FuP 1, 186).
[160] Ad Uxorem II, 8 (CCSL 1, 393 ; SCh 273, 148).
[161] Cf. Grégoire de Nazianze, Ep. 231 (PG 37, 373) ;
Ambrosiaster, Comm. in Epist. I ad Cor. 7, 40 (PL 17, 225) ;
Id., Comm. in Epist. I ad Tim. 3, 12 (PL 17, 470) ;
Pseudo-Augustin, Quaest. Novi et Veteris Testamenti, CXXVII
(CSEL 50, 400) ; Ambroise, Epist. 19 ad Vigilium trident., 7
(PL 16, 984-985) ; Predestinatus, III, 31 (PL 53, 670).
[162] Cf. Sacramentaire Reginensis, 316 (Rerum
ecclesiasticarum documenta, series major, Fontes 4, ed. L.K.
Mohlberg, 1447, 1449, 1453) ; Hanc igitur du Sacramentaire
Veronense, 85 (Mohlberg, 1107).
[163] Cf. Sacramentaire de Hadrianum, 836 (ed. J. Deshusses); Paulin de
Nole, Carmen 25, 199-232 (CSEL 30, 244-245).
[164] Cf. Jean Chrysostome, In I Tim. Cap. II, hom. IX, 2
(PG 62, 546).
[165] Cf. Grégoire de Nazianze, Ep. 193 (PG 37, 316-318).
[166] Pour plus de détails, cf. A. Raès, Le mariage, sa
célébration et sa spiritualité dans les Églises d’Orient,
Chevetogne 1959 ; K. Ritzer, Formen, Riten und Religiöses
Brauchtum der Eheschliessung in den Christlichen Kirchen des ersten
Jahrtausends, Münster 1962 ; B. Kleinheyer ; E. Von Severus ;
R. Kaczynski (eds.), Gottesdienst der Kirche. Handbuch der Liturgiewissenschaft 8. Sakramentliche Feiern II, Regensburg 1984.
[167] Pierre Lombard, Summa Sententiarum IV. d. 2 et 26 (PL 192, 842 et
908) ; Concile Œcuménique de Latran II, can. 23 (DH 718) ; Concile Œcuménique de
Florence, Décret pour les Arméniens (DH 1327); Concile Œcuménique de
Trente, Septième session. Décret sur les sacrements. Canons sur les
sacrements en général, can. 1 (DH 1601).
[168] Concile Œcuménique de Trente, Vingt-quatrième session. Canons sur la
réforme du mariage : décret « Tametsi » (DH 1813-1816).
[169] M. Luther, De captivitate babylonica, De matrimonio (WA 6, 550) ;
J. Calvino, Inst. christ. Lib. IV, c. 19, 34 (Corp. Reform. 32, 1121).
[170] Ordo celebrandi matrimonium, Praenotanda § 16 (Typis Polyglottis
Vaticanis, 1989), en se référant à Concile Œcuménique Vatican II, Const.
Sacrosanctum Concilium, 59. Même idée que les Praenotanda § 7 de
1969.
[171] Concile Œcuménique Vatican II, Const. dogm.
Lumen gentium, 11 ; cf.
ibid. 41 ; Catéchisme de l’Église Catholique, § 1641-1642.
[172] Cf. Pie XI, Enc.
Casti connubii (31 décembre 1930) : AAS 22 (1930)
583.
[173] Cf. Ac 16, 15 ; 18, 8 ; Concile Œcuménique Vatican II, Const. dogm.
Lumen gentium, 11 ; Catéchisme de l’Église Catholique,
§§ 1655-1657.
[174] Cf. François, Exhort. apost.
Amoris laetitia (19 mars 2016) 218 :
AAS 108 (2016) 398-399.
[175] Cf. François, Exhort. apost.
Gaudete et exsultate (19 mars
2018) 141.
[176] Catéchisme de l’Église Catholique, § 1601 ; qui cite littéralement
CIC, can. 1055, § 1.
[177] « Quare inter baptizatos nequit matrimonialis contractus validus
consistere, quin sit eo ipso sacramentum » (CIC, can. 1055, § 2).
[178] Cf. Commission Théologique Internationale,
La doctrine catholique sur
le sacrement du mariage [1977], § 2. 3.
[179] Commentaire: Commission Théologique Internationale, Textes et documents
I (1969-1985), Cerf, Paris 2013, 195.]
[180] « Las 43 proposiciones del Synode des Évêques sobre la familia » :
Ecclesia n. 2039 (18 et 25 juillet 1981) 894. La proposition 12.4 a été
adoptée par 196 voix pour, 7 contre et 3 abstentions. (« Les 43 propositions du
Synode des évêques su la famille » : La Documentation Catholique 1809 [7
juin 1981] 540). Voir la proposition 12 complète, qui traite directement de
notre sujet.
[181] Saint Jean-Paul II, Exhort. apost.
Familiaris consortio (22
novembre 1981) 13 et 68 : AAS 74 (1982) 93-96 et 163-165.
[182] Saint Jean-Paul II, Exhort. apost.
Familiaris consortio (22
novembre 1981) 68 : AAS 74 (1982) 164-165.
[183] Ibid., 165.
[184] Cf. Concile Œcuménique de Trente, Septième session. Décret sur les
sacrements. Canons sur les sacrements en général, can. 6 (DH 1606).
Voir la note 82.
[185] Saint Jean-Paul II,
Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 30
janvier 2003, § 8 : AAS 95 (2003) 397. Les premières italiques sont dans
l’original. Les dernières sont nôtres.
[186] Saint Jean-Paul II,
Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 1er
février 2001 : AAS 93 (2001) 358-364.
[187] Saint Jean-Paul II,
Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 1er
février 2001, § 8 : AAS 93 (2001) 363.
[188] Saint Jean-Paul II,
Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 1er
février 2001, § 8: AAS 93 (2001) 364.
[189] Cf. Communicationes 9 (1977) 122.
[190] Cf. Communicationes 15 (1983) 222.
[191] Voir la note 177.
[192] Cf. sentence coram Stankiewicz, 19 avril 1991 : SRRD 83, 280-290.
[193] « Les propositions du Synode des Évêques sur l’Eucharistie » : Ecclesia
n. 3284 (19 novembre 2005) 34. Souligné par nous.
[194] J. Ratzinger, «Introduzione», in Congregazione per la
Dottrina della Fede, Sulla pastorale dei divorziati risposati
(Documenti e Studi 17), LEV, Città del Vaticano 1998, 27-28. [Pour
le passage concerné, repris dans une lettre publiée ultérieurement, la
traduction française est accessible sur internet.]
[195] Benoît XVI,
Discours au clergé du diocèse d’Aoste, 25 juillet
2005 : AAS 97 (2005) 856.
[196] Benoît XVI,
Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier
2013 : AAS 105 (2013) 168-172.
[197] Benoît XVI,
Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier
2013, § 1 : AAS 105 (2013) 168.
[198] Benoît XVI,
Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier
2013, § 2 : AAS 105 (2013) 169-170.
[199] Benoît XVI,
Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier
2013, § 2 : AAS 105 (2013) 170.
[200] Benoît XVI,
Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier
2013, § 3 : AAS 105 (2013) 171.
[201] Benoît XVI,
Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier
2013, § 4 : AAS 105 (2013) 172.
[202]
Ibid.
[203] IIIe Assemblée Générale Extraordinaire du Synode des Évêques,
Les défis
pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation. Instrumentum
Laboris (2014),
accessible sur internet.]
[204] « Selon d’autres propositions, il faudrait aussi considérer la possibilité
de mettre en relief, en fonction de la validité du sacrement du mariage, le rôle
de la foi des deux personnes qui avaient demandé le mariage, en tenant compte du
fait qu’entre baptisés tous les mariages valides sont sacrement » (Relatio
Synodi, 48 : AAS 106 (2014) 904). [Version
française accessible sur internet .]
[205] XIV Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques,
La vocation et
la mission de la famille dans l’Église et dans le monde contemporain.
Instrumentum laboris (2015), 114-115 (Ecclesia n. 3795-3796 [5 et 12
septembre2015] 1356).
[206] François, Exhort. apost.
Amoris laetitia (19 mars 2016) 2 : AAS 108
(2016) 311.
[207] François, Exhort. apost.
Amoris laetitia (19 mars 2016) 75 :
AAS 108 (2016) 341.
[208] François,
Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 23 janvier
2015 : AAS 107 (2015) 182-185.
[209] Ibid., 182-183.
[210] Ibid., 183. Souligné par nous.
[211] François, Motu proprio Mitis iudex
Dominus Iesus (15 août 2015) :
AAS 107 (2015) 958-970.
[212] Art. 14, § 1 : AAS 107 (2015) 969.
[213] François,
Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 22 janvier
2016 : AAS 108 (2016) 136-139.
[214] Ibid., 138-139.
[215] Ibid., 139.
[216] Cf. Thomas d’Aquin, STh IIa-IIae, q. 4 a. 4.
[217] Cf. Thomas d’Aquin, STh Ia-IIae, q. 49-51.
[218] Cf. aussi le § 86 et le texte cité de Cyrille de Jérusalem, à propos du
baptême.
[219] Concile Œcuménique de Florence, Bulle sur l’union avec les Arméniens
« Exsultate Deo » (DH 1312).
[220] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, § 1623.
[221] Cf. CIC, can. 1101.
[222] Cf. Commission Théologique Internationale,
Communion et service : La
personne humaine créée à l’image de Dieu [2004], §§ 32-39.
[223] Cf. Benoît XVI,
Discours au Tribunal de la Rote Romaine (26 janvier
2013) § 3 : AAS 105 (2013) 171.
[224] Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Const. past.
Gaudium et spes, 50 ;
Saint Paul VI, Enc.
Humanae vitae (25 juillet 1968) en particulier 12 :
AAS 60 (1968) 488-489.
[225] Cf. Commission Théologique Internationale,
La doctrine catholique sur
le sacrement du mariage [1977], cap. 3.
[226] Benoît XVI,
Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier
2013, § 1 : AAS 105 (2013) 168.
[227] Benoît XVI,
Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier
2013, § 2 : AAS 105 (2013) 169.
[228] Ibid.
[229] Cf. Saint Jean-Paul II, Exhort. apost.
Familiaris consortio (22
novembre 1981) en particulier « IV. La pastorale familiale : étapes, structures,
responsables et situations » : AAS 74 (1982) 158-187 ; François, Exhort. apost.
Amoris laetitia (19 mars 2016) en particulier « VI. Quelques perspectives
pastorales » : AAS 108 (2016) 390-415.
[230] François, Exhort. apost.
Amoris laetitia (19 mars 2016) 1 : AAS 108
(2016) 311.
[231] Pour les cas extraordinaires, cf. CIC, can. 844, § 5 et CCEO, can. 671,
§ 5 ; Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens,
Directoire pour l’application des principes et des normes sur l’œcuménisme
(25 mars 1993), §§ 122-131.
[232] Missel Romain, Prière Eucharistique pour Circonstances Particulières forme
IV.
[233] Cf. Augustin, De vera rel. 50, 99 (CCSL 32, 251) ; Augustin, De
trin. I, 6,11 ; II, 17,29 ; IV, 3,6 (CCSL 50, 40 ; 119-120 ; 166-169) ; Enarr. in
Ps. 65, 5 (CCSL 39, 842-844) ; Ep. 120, 3,15 ; 147 (PL 33, 459 ;
596-622) ; Origène, Com Rm. 2, 14 (PG 14, 913sq.) ; Hom. in Lc. 1, 4
(SCh 87, 104-106).
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