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COMMISSION THÉOLOGIQUE INTERNATIONALE

LA RÉCIPROCITÉ ENTRE FOI ET SACREMENTS
DANS L’ÉCONOMIE SACRAMENTELLE

Note Préliminaire

1.     Foi et sacrements : pertinence et actualité

1.1.  L’offre divine de salut se fonde sur l’interrelation entre foi et sacrements
1.2.  Crise actuelle de la réciprocité entre foi et sacrements

a)     Foi et sacrements : une réciprocité en crise
b)     Objet du document

2.     Nature dialogique de l’économie sacramentelle du salut

2.1.  Le Dieu trinitaire : source et fin de l’économie sacramentelle

a)     Fondement trinitaire de la sacramentalité
b)     Sacramentalité de la création et de l’histoire
c)     L’incarnation : centre, sommet et clef de l’économie sacramentelle
d)     L’Église et les sacrements dans l’économie sacramentelle
e)     Les fondements de l’économie sacramentelle

2.2.  La réciprocité entre la foi et les sacrements de la foi

a)     Éclairage tiré du chemin de foi des disciples
b)     Modulations de la foi
c)     Réciprocité entre foi et sacrements
d)     Nature dialogique des sacrements
e)     L’organisme sacramentel
f)      La réciprocité entre la foi et les sacrements dans l’économie sacramentelle

2.3.  Conclusion : dynamismes de la foi et sacramentalité

3.     La réciprocité entre foi et sacrements dans l’initiation chrétienne

3.1.  Réciprocité entre foi et baptême

a)     Fondement biblique
b)     Foi et baptême des adultes
c)     Proposition pastorale : la foi pour le baptême des adultes
d)     Foi et baptême des enfants
e)     Proposition pastorale : la foi pour le baptême des enfants

3.2.  Réciprocité entre foi et confirmation

a)     Fondement biblique et historique
b)     Foi et confirmation
c)     Problématique actuelle
d)     Proposition pastorale : la foi pour la confirmation

3.3.  Réciprocité entre foi et eucharistie

a)     Fondement biblique
b)     Foi et eucharistie
c)     Problématique actuelle
d)     Éclairage tiré de la Tradition
e)     Proposition pastorale : la foi pour l’eucharistie

4.     La réciprocité entre foi et mariage

4.1.  Le sacrement du mariage

a)     Fondement biblique
b)     Éclairage tiré de la Tradition
c)     Le mariage comme sacrement
d)     La foi et les biens du mariage

4.2.  Une quaestio dubia : la qualité sacramentelle du mariage des « baptisés non croyants ».

a)     Approche de la question
b)     État et termes de la question

4.3.  L’intention et la constitution du lien matrimonial en l’absence de foi

a)     L’intention est nécessaire pour qu’il y ait sacrement
b)     Compréhension culturelle prédominante du mariage
c)     L’absence de foi peut compromettre l’intention de contracter un mariage naturel

5.     Conclusion : la réciprocité entre foi et sacrements dans l’économie sacramentelle

 

Note préliminaire

Au cours de son neuvième quinquennat – dont la durée a été exceptionnellement prolongée d’un an, en raison de la célébration du 50e anniversaire de sa fondation – la Commission théologique internationale a pu approfondir son étude du rapport entre la foi catholique et les sacrements. La Commission théologique internationale était présidée par le P. Gabino Uríbarri Bilbao, S.J., et composée des membres suivants : Mgr Lajos Dolhai, P. Peter Dubovský, S.J., Mgr Krzysztof Góźdź, P. Thomas Kollamparampil, C.M.I., Professeur Marianne Schlosser, Rev.do Oswaldo Martínez Mendoza, Rev.do Karl-Heinz Menke, Rev.do Terwase Henry Akaabiam, Fr. Thomas G. Weinandy, O.F.M.Cap. Les discussions sur le sujet en question, sur la base desquelles le présent document a été rédigé, ont eu lieu tant au cours des différentes réunions de la Sous-Commission qu’au cours des Sessions Plénières de la même Commission, entre les années 2014-2019. Le présent document, intitulé La réciprocité entre foi et sacrements dans l’économie sacramentelle, a été spécifiquement approuvé par la majorité des membres de la Commission Théologique Internationale, lors de la session plénière de 2019, par le biais d’un vote écrit. Le document a ensuite été soumis à l’approbation de son Président, Son Éminence le Card. Luis F. Ladaria Ferrer, S.J., Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui, ayant reçu l’avis favorable du Saint-Père François le 19 décembre 2019, en a autorisé la publication.

1. Foi et sacrements : pertinence et actualité

1.1 L’offre divine de salut se fonde sur l’interrelation entre foi et sacrements.

1. [À partir de l’Écriture]. « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal » (Mc 5, 34). Au milieu de la foule qui le presse (Mc 5, 24. 31), la femme hémorroïsse touche Jésus dans la foi et est guérie, comme un symbole du salut que Jésus apporte à l’humanité[1]. Le cas de l’hémorroïsse montre comment la foi naît de « la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive »[2]. La foi se situe dans la sphère des relations interpersonnelles. De nombreux malades ont essayé de toucher Jésus (cf. Mc 3, 10 ; 6, 56), « car une force sortait de lui et les guérissait tous » (Lc 6, 19). Cependant, à Nazareth, il n’a pas fait beaucoup de miracles « à cause de leur manque de foi » (Mt 13, 58), et il n’a pas non plus satisfait la curiosité d’Hérode (Lc 23, 8). L’humanité de Jésus-Christ est un canal efficace du salut de Dieu. Mais cette efficacité n’est pas automatique, elle exige un contact approprié avec elle : humble, suppliant, ouvert au don[3].

Toutes ces attitudes conduisent à faire de la foi le moyen le plus approprié pour recevoir l’offre de salut. « La foi est d’abord une adhésion personnelle de l’homme à Dieu »[4] révélé en Jésus-Christ. Les sacrements de l’Église prolongent dans le temps les œuvres du Christ durant sa vie terrestre. En eux s’actualise la force de guérison qui émane du corps du Christ, qui est l’Église, pour guérir la blessure du péché et donner une vie nouvelle dans le Christ.

2. [Et de la Tradition]. Dans l’économie trinitaire du salut, la foi et les sacrements sont richement imbriqués : « Foi et baptême, deux modes du salut, sont liées l’une à l’autre et indivisibles. Si la foi reçoit du baptême sa perfection, le baptême se fonde sur la foi, et c’est des mêmes Noms que l’une et l’autre atteignent leur perfection : comme on croit dans le Père et le Fils et le Saint-Esprit, ainsi est-on baptisé aussi dans le nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Vient d’abord la profession qui mène au salut ; mais le baptême suit de près, comme sceau de notre assentiment »[5].

La relation personnelle avec le Dieu trinitaire se réalise à travers la foi et les sacrements. Entre la foi et les sacrements, il y a une ordination et une circularité mutuelles, en un mot : une réciprocité essentielle. Cependant, comme en témoigne Basile dans le texte cité, la confession de foi précède la célébration sacramentelle, tandis que la célébration sacramentelle renforce, scelle, fortifie et enrichit la foi. Pourtant, aujourd’hui, dans la pratique pastorale, cette interaction est souvent brouillée, voire ignorée.

1.2 Crise actuelle de la réciprocité entre foi et sacrements

a) Foi et sacrements : une réciprocité en crise

3. [Constat]. Déjà en 1977, la Commission Théologique Internationale, se référant au sacrement du mariage, constatait l’existence de « baptisés non croyants » qui demandaient le sacrement du mariage. Ce fait, disaient-ils, soulève de « nouvelles questions »[6] de grande importance. Depuis lors, cette réalité n’a cessé de croître et de susciter un malaise dans la célébration des sacrements. De plus, ce problème ne se limite pas exclusivement au sacrement du mariage, mais s’étend à l’ensemble de l’organisme sacramentel. En particulier, dans l’initiation chrétienne, où, par sa nature même, la réciprocité de la foi et des sacrements devrait être garantie, on constate assez souvent une inquiétude et un malaise.

4) [Racines théologico-philosophiques]. Bien que la dissociation entre foi et sacrements soit due à divers facteurs, en fonction des contextes sociaux et culturels, un regard qui ne veut pas rester à un niveau superficiel doit s’interroger sur les racines ultimes de cette fracture. En premier lieu, au-delà d’éventuelles lacunes dans la catéchèse et de certains préjugés culturels à l’encontre de la pensée sacramentelle, il existe un facteur philosophique profondément enraciné qui détruit la logique sacramentelle. Un courant de pensée très répandu, depuis le Moyen Âge (nominalisme) jusqu’à la modernité, se caractérise par un dualisme antimétaphysique qui dissocie la pensée de l’être et rejette catégoriquement toute forme de pensée représentative, comme c’est le cas aujourd’hui dans la postmodernité. Cette perspective rejette l’empreinte du Créateur dans la création, c’est-à-dire le fait que la création soit un miroir (image sacramentelle) de la pensée même du Créateur. Ainsi, le monde n’apparaît plus comme une réalité expressément ordonnée par Dieu, mais comme un simple chaos de faits, que l’homme doit ordonner avec ses concepts. Si, toutefois, les concepts humains ne sont en quelque sorte des « sacrements » du Logos divin, mais de simples constructions humaines, alors il y a une dissociation supplémentaire entre l’acte personnel de foi (fides qua) et toute représentation conceptuelle partagée de son contenu (fides quae). En bref, et c’est un aspect décisif, lorsque l’on nie la capacité de la raison à connaître la vérité de l’être (métaphysique), on implique l’impossibilité de connaître la vérité de Dieu[7].

5. En second lieu, le savoir scientifique et technologique, si prestigieux de nos jours, tend à s’imposer comme modèle unique dans tous les domaines de la connaissance et pour tous les types d’objets. Son orientation radicale vers la certitude empirique et naturaliste s’oppose non seulement à la connaissance métaphysique, mais aussi à la connaissance symbolique. Si la connaissance scientifique met en évidence la capacité de la raison humaine, elle n’épuise pas toutes les dimensions de la raison et de la connaissance, ni ne couvre tous les besoins cognitifs d’une vie humaine épanouie. La pensée symbolique, avec sa richesse et sa plasticité, d’une part, recueille et élabore dans une démarche réflexive les dimensions éthiques et affectives de l’expérience ; d’autre part, elle touche et transforme la structure spirituelle et cognitive du sujet. C’est pourquoi, à l’instar de l’ensemble des traditions religieuses de l’humanité, la transmission de la révélation, avec sa charge cognitive concomitante, se situe dans le domaine symbolique, et non dans le domaine empirique et naturaliste. La réalité sacramentelle de la participation au mystère de la grâce ne peut être comprise que dans l’unité de cette double dimension de l’expérience symbolique : cognitive et performative. Là où règne le paradigme scientiste, aveugle à la pensée symbolique, la pensée sacramentelle est entravée[8].

6. En troisième lieu, il faut encore signaler un changement culturel important, caractéristique de la nouvelle civilisation de l’image, qui pose un nouveau problème pour la clarification théologique de la foi sacramentelle. S’il est vrai que la modernité rationaliste a minimisé la valeur cognitive du symbole, la postmodernité contemporaine, en revanche, exalte avec une grande intensité le pouvoir performatif des images. Il faut donc dépasser le préjugé rationaliste (moderne) contre la valeur cognitive du symbolique, sans tomber dans l’excès inverse (postmoderne), qui réoriente l’efficacité du symbole vers le pouvoir émotionnel de la représentation, vide de référence. En d’autres termes, l’intelligence chrétienne doit préserver l’originalité du sacrement chrétien du risque d’un double évidement. D’une part, la réduction du symbole-sacrement au statut de simple signe cognitif, qui ne fait que reprendre plus facilement les significations doctrinales de la foi, sans opérer aucune transformation (élimination de la dimension performative). D’autre part, la réduction du symbole-sacrement à la pure suggestion esthétique réalisée par sa mise en scène rituelle, selon la logique d’une simple représentation qui remplace l’adhésion intérieure à la réalité symbolisée du mystère (suppression de la dimension cognitive).

7. [Distorsions de la foi]. Dans les sociétés actuelles, il existe d’autres phénomènes qui rendent difficile le fait de croire, tel que le propose la foi catholique. L’athéisme et la relativisation de la valeur de toutes les religions progressent dans de nombreuses parties du monde. Le sécularisme érode la foi, sème le doute, au lieu de favoriser la joie de croire. La montée du paradigme technocratique[9] implante une logique contraire à la foi, laquelle est une relation personnelle. La réduction émotionnelle de la foi produit une croyance subjective, régulée par le sujet lui-même, qui s’éloigne de la logique objective marquée par les contenus de la foi chrétienne. La culture scientiste mentionnée ci-dessus tend à nier la possibilité d’une relation personnelle avec Dieu et sa capacité d’intervenir dans la vie personnelle et dans l’histoire. L’objectivité du credo et la stipulation de conditions pour la célébration des sacrements sont comprises, selon une sensibilité culturelle croissante, comme une contrainte à la liberté de croire selon sa propre conscience, traduisant une conception insuffisante de la liberté que l’on prétend défendre. De ce type de prémisses découle un genre de croyance ou une manière de croire qui ne correspond pas à la conception chrétienne ni à la pratique sacramentelle proposée par l’Église.

8. [Échecs pastoraux]. Dans la période qui a suivi Vatican II, certaines attitudes répandues parmi les fidèles et les pasteurs ont également affaibli la saine correspondance entre la foi et les sacrements. Ainsi, la pastorale d’évangélisation a parfois été comprise comme si elle n’incluait pas la pastorale sacramentelle, perdant ainsi l’équilibre entre Parole de Dieu, évangélisation et sacrements. D’autres n’ont pas compris que la primauté de la charité dans la vie chrétienne n’implique pas le mépris des sacrements. Certains pasteurs ont centré leur ministère sur la construction de la communauté, négligeant la place décisive des sacrements dans cette entreprise. Dans certains endroits, il y a eu un manque d’appréciation théologique et d’accompagnement pastoral de la piété catholique populaire pour l’aider à grandir dans la foi et ainsi parvenir à une pleine initiation chrétienne et à une participation fréquente aux sacrements. Enfin, de nombreux catholiques en sont venus à croire que la substance de la foi réside dans le fait de vivre l’Évangile, méprisant le rituel comme étranger au cœur de l’Évangile et, par conséquent, ignorant le fait que les sacrements encouragent et renforcent la vie intense de l’Évangile lui-même. Cela met donc en évidence la nécessité d’une articulation adéquate entre martyría, leitourgía, diakonía et koinonía.

9. [Résultat]. Il n’est pas rare que les agents pastoraux reçoivent des demandes de réception des sacrements avec de grands doutes sur la foi et l’intention de ceux qui les demandent. Beaucoup d’autres croient pouvoir vivre pleinement leur foi sans la pratique sacramentelle, qu’ils considèrent comme facultative et librement disponible. Avec des accents divers mais répandus, il existe un certain danger : soit celui d’un ritualisme vide de foi, par manque d’intériorité ou de coutumes et de traditions sociales ; soit celui d’une privatisation de la foi, réduite à l’espace intérieur de sa propre conscience et de ses propres sentiments. Dans les deux cas, la réciprocité entre foi et sacrements est violée.

b) Objet du document

10. [But du document]. Nous voulons mettre en évidence la réciprocité essentielle entre la foi et les sacrements, en montrant l’implication mutuelle entre la foi et les sacrements dans l’économie divine. Nous espérons ainsi contribuer à surmonter le fossé entre foi et sacrements là où il se présente, sous son double aspect : qu’il s’agisse d’une foi inconsciente de sa sacramentalité essentielle ; ou d’une pratique sacramentelle réalisée sans foi ou dont la vigueur soulève de sérieuses questions sur la foi et l’intention, en accord avec la foi, que requiert la pratique des sacrements. Dans l’un et l’autre cas, la pratique et la logique sacramentelles, qui trouvent leur place au cœur de l’Église, subissent une blessure grave et préoccupante.

11. [Structure]. Nous prenons comme point de départ la nature sacramentelle de l’économie divine[10], dans laquelle sont impliqués à la fois la foi et les sacrements (chap. 2). Nous développons une compréhension de l’économie qui englobe simultanément : l’économie divine en tant que telle, dans ses dimensions trinitaire, christologique, pneumatologique, ecclésiale et dialogique (la foi) ; la place qu’y occupent la foi et les sacrements, ainsi compris ; et la réciprocité effective entre la foi et les sacrements qui en découle. Cette compréhension constitue l’arrière-plan théologique à partir duquel sera abordé le problème spécifique de l’interrelation entre foi et sacrements dans chacun des sacrements, qui sera discuté plus loin. Ce chapitre montre que la célébration d’un sacrement sans la foi n’a pas de sens, car elle contredit la logique sacramentelle qui sous-tend l’économie divine, laquelle est fondamentalement dialogique.

12. Nous examinons ensuite l’impact de la réciprocité entre foi et sacrements sur certains des sacrements les plus affectés pastoralement par la crise de cette réciprocité, que ce soit dans leur compréhension ou dans leur pratique, comme les sacrements de l’initiation chrétienne (chap. 3). À la lumière de l’élucidation doctrinale du rôle spécifique de la foi pour la validité et la fécondité de chaque sacrement, nous proposons des critères pour clarifier quelle foi est requise pour la célébration de chacun des sacrements d’initiation. Dans un deuxième temps (chap. 4), nous abordons l’interrelation entre la foi et les sacrements dans le cas du mariage. En raison de sa nature même, nous nous arrêterons sur une question que la réciprocité entre foi et sacrements ne pouvait laisser de côté : la possibilité de considérer comme sacrement l’union matrimoniale entre « baptisés non croyants ». Il s’agit d’un cas particulier où l’articulation de la réciprocité entre foi et sacrements dans l’économie est véritablement mise à l’épreuve, comme l’affirme le deuxième chapitre. Le texte se termine par une brève conclusion (chap. 5), dans laquelle, à un niveau plus général, la réciprocité entre la foi et les sacrements dans l’économie sacramentelle est reprise.

13. [Caractère doctrinal]. L’intention du document est clairement doctrinale. Il se fonde certes sur une problématique pastorale, différenciée pour chacun des sacrements abordés. Cependant, il n’a pas pour but d’offrir des orientations pastorales concrètes et fondées pour chacun d’eux. Nous voulons insister sur la place fondamentale de la foi dans la célébration de chaque sacrement, sans omettre la précision doctrinale concernant les cas où la foi est nécessaire pour la validité. Nous pouvons en tirer des critères généraux pour l’action pastorale, comme nous le faisons à la fin de la présentation de chacun des sacrements considérés, mais sans entrer dans les détails, encore moins dans la casuistique ni nous substituer au nécessaire discernement de chaque cas particulier.

14. [Sélection]. Nous sommes conscients que la situation pastorale concernant d’autres sacrements, comme la pénitence et l’onction des malades, souffre également de graves déficiences. Il n’est pas rare que la participation complète à l’eucharistie soit vécue sans aucune conscience de la nécessité d’une réconciliation préalable avec Dieu et avec la communauté ecclésiale, dont nous nous sommes séparés et que nous avons abîmée dans sa réalité de Corps visible du Christ à cause de notre péché. Il existe une dissociation entre la vie eucharistique et la pratique de la réconciliation de la part de nombreux fidèles et même de certains ministres ordonnés, qui ignorent dans la pratique de leur foi chrétienne l’unité harmonieuse de tout l’organisme sacramentel de l’Église, où il n’est pas possible de choisir subjectivement les sacrements à « consommer » et ceux à éviter. L’onction des malades est aussi souvent vécue entourée d’éléments magiques, comme s’il s’agissait d’une sorte d’incantation invoquant une intervention miraculeuse de Dieu ou de l’Esprit divin, sans relation personnelle avec le Christ, Sauveur de la personne, corps et âme. Les limites de longueur nous obligent à nous concentrer sur les sacrements qui constituent l’initiation chrétienne et le mariage, tous d’une importance exceptionnelle pour l’édification et la consolidation du Corps du Christ. La manière dont ces sacrements sont traités, ainsi que les allusions ponctuelles aux autres et le cadre théologique général offert, nous permettront de tirer des conséquences pour les sacrements que nous ne pouvons pas considérer de façon monographique.

2. Nature dialogique de l’économie sacramentelle du salut

15. [Introduction : plan et finalité]. Dans ce chapitre, nous faisons une double investigation d’ordre général pour discerner la réciprocité existant entre la foi et les sacrements. Dans la première section, nous considérons l’économie divine, en y découvrant une nature sacramentelle[11]. Cela nous permet d’approfondir la sacramentalité, comme dimension constitutive de cette économie. Le traitement de la sacramentalité en tant que telle requiert, en soi, une exploration de la foi, soulignant ainsi l’interconnexion entre la foi et la sacramentalité, et aussi, et plus spécifiquement, entre la foi et les sacrements. Nous concluons cette section par une récapitulation des axes constitutifs de l’économie sacramentelle les plus importants dans notre présentation. Cela permet, dans un premier temps, d’éclairer la réciprocité entre la foi et les sacrements. Dans la deuxième section, nous considérons la foi d’une part et les sacrements de la foi en tant que tels d’autre part, mais dans les deux cas, nous montrons le lien étroit entre la foi et les sacrements. La foi est constitutivement prédisposée pour la célébration sacramentelle. La nature dialogique des sacrements exige une foi adéquate dans leur célébration. Les deux sections de ce chapitre ont une teneur complémentaire, montrant à la fois l’ampleur et la profondeur de la réciprocité entre foi et sacrements, avec ses diverses ramifications. Le chapitre se termine par une brève conclusion.

2.1. Le Dieu trinitaire : source et fin de l’économie sacramentelle

a) Fondement trinitaire de la sacramentalité

16. [Sacramentalité : concept]. À la logique sacramentelle appartient la corrélation inséparable entre une réalité signifiée, avec une dimension extérieure visible, par exemple l’humanité intégrale du Christ, et une autre réalité signifiée de caractère surnaturel, invisible et sanctifiant, par exemple la divinité du Christ[12]. Lorsque nous parlons de sacramentalité, nous nous référons à cette relation inséparable, de telle sorte que le symbole sacramentel contient et communique la réalité symbolisée. Cela présuppose que toute réalité sacramentelle inclut en elle-même une relation inséparable avec le Christ, source du salut, et avec l’Église, dépositaire et dispensatrice du salut du Christ.

17. [Dieu trinitaire : racine]. Une compréhension de la logique sacramentelle présuppose une compréhension du fonctionnement de l’économie divine du salut, qui découle du Dieu trinitaire, communion de personnes distinctes dans l’unité d’une seule substance divine, et de l’incarnation rédemptrice, dans laquelle le Verbe éternel, sans porter atteinte à sa divinité sans limites, assume notre humanité avec toutes ses conséquences. Ce cadre affirme clairement la présence de Dieu lui-même dans l’humanité de Jésus-Christ, le Verbe envoyé par le Père, qui s’est incarné dans la vierge Marie par l’action de l’Esprit Saint. La rencontre avec l’humanité de Jésus-Christ, oint par l’Esprit Saint pour sa mission publique, est, dans la foi, une rencontre avec le Verbe incarné. Avec ces clés, nous pouvons comprendre comment il est possible qu’une parole sensible, sacramentelle, perceptible pour nous les humains, soit en même temps la vraie parole de Dieu. En tant qu’êtres humains, nous ne sommes capables de percevoir, d’expérimenter et de communiquer que de manière « humaine », y compris pour entrer en relation avec Dieu. Comment les signes sacramentels ou les paroles sacrées de l’Écriture peuvent-ils être plus que de simples créations humaines et contenir la présence de Dieu lui-même ? Pour qu’il y ait une véritable communication, il ne suffit pas d’envoyer un message, il faut le recevoir. Si Dieu le Père nous avait parlé en Jésus-Christ et que personne n’avait entendu son message (foi), la communication entre Dieu et l’humanité n’aurait pas eu lieu. Cependant, selon le témoignage du Nouveau Testament, quiconque entre en relation avec l’homme Jésus est en relation avec Dieu lui-même, avec le Verbe incarné. C’est l’Esprit Saint qui agit de telle sorte que la Parole de Dieu, enfermée dans les limites de l’humanité de Jésus, est perçue par les croyants comme la Parole de Dieu. Grégoire de Nazianze formule cette réalité comme suit : « de la lumière – le Père –, nous saisissons la lumière – le Fils –, dans la lumière – l’Esprit ». Et il ajoute : « théologie brève et simple de la Trinité »[13].

18. [La foi comme réception dialogique de la révélation sacramentelle]. Ainsi, ce n’est pas seulement l’inséparabilité de l’humanité de Jésus avec la parole de Dieu qui entre en jeu, mais aussi la réception par les croyants (foi) de cette parole comme divine grâce à l’intervention de l’Esprit Saint. C’est là que réside la logique sacramentelle, selon laquelle Dieu lui-même se donne dans les sacrements. La sacramentalité première de Jésus-Christ, la sacramentalité de l’Église et la sacramentalité des sept sacrements sont fondées sur la foi trinitaire. Ce n’est que si Jésus-Christ est le vrai Dieu qu’il peut nous révéler le visage de Dieu. Mais dans ce cas, la communion sacramentelle avec Jésus-Christ est une communion sacramentelle avec Dieu. Si l’Esprit Saint est le vrai Dieu, alors il peut nous ouvrir à Dieu et nous introduire dans la vie divine au moyen des signes sacramentels[14].

19. [Déploiement de la sacramentalité]. Puisque la révélation se fait de manière sacramentelle, l’élément sacramentel doit imprégner toute l’existence croyante et la foi elle-même. En effet, de la sacramentalité de la révélation, de la grâce et de l’Église découle la sacramentalité de la foi, en tant qu’acceptation et réponse à cette révélation (DV 5). La foi naît, se cultive, grandit et s’exprime dans la sacramentalité, dans la rencontre avec le Dieu vivant à travers les médiations par lesquelles Lui-même se donne. Ainsi, la sacramentalité est la demeure de la foi. Mais aussi, dans cette dynamique, la foi se manifeste comme la porte (cf. Ac 14, 27) d’accès au sacramentel : à la rencontre et à la relation avec le Dieu chrétien dans la création, dans l’histoire, dans l’Église, dans l’Écriture[15], dans les sacrements. Sans la foi, les symboles de nature sacramentelle n’actualisent pas leur signification, mais restent silencieux. La sacramentalité implique une communication et une communion personnelle entre Dieu et le croyant par le moyen de l’Église et des médiations sacramentelles.

20. [Corrélation de la sacramentalité avec l’anthropologie]. La personne humaine est un esprit incarné[16]. L’être humain n’est ni une simple matière inanimée, ni un esprit incorporel angélique. Ce qui nous définit le plus authentiquement est cette union complémentaire entre le matériel-corporel, visible, et le spirituel-incorporel, qui n’est pas détaché du matériel et se fait connaître à travers lui. Le cas du visage personnel, qui est l’expression d’un corps matériel, manifeste magnifiquement cette union entre notre être matériel, le visage, et notre réalité spirituelle, notre état d’esprit et notre identification personnelle. Toute la personne est exprimée dans le visage. La structure sacramentelle de la révélation divine prend en compte notre réalité la plus authentique[17]. Elle est adaptée à notre être le plus radical, à notre capacité et à notre manière d’interagir dans les dimensions les plus profondes de la communication. Les rencontres les plus profondes entre les personnes humaines sont toujours de nature interpersonnelle. La rencontre avec Dieu participe de cette nature : il s’agit d’une rencontre personnelle avec le Dieu trinitaire qui se rend présent dans l’Écriture, dans l’Église, dans les signes sacramentels.

21. [Sacramentalité de la foi]. La « sacramentalité de la foi » est essentiellement une redondance, car toute la foi chrétienne est une foi sacramentelle grâce à la médiation de l’Église dans notre pèlerinage vers la patrie céleste. La foi est l’acceptation et la réponse à la révélation sacramentelle de Dieu ; la foi s’exprime et se nourrit d’une manière sacramentelle, et ne peut pas ne pas le faire pour être une vraie foi chrétienne. Dans cette perspective, les sacrements se comprennent fondamentalement comme un acte de foi ecclésiale. La foi de l’Église précède, engendre, soutient et nourrit la foi du chrétien. La foi, pour sa part, n’est pas étrangère au sacramentel, mais dans son essence même, elle est constituée d’une imprégnation et d’une logique sacramentelles. Par conséquent, dans le rapport entre foi et sacrements, deux éléments entrent en jeu, qui sont en réciprocité intime : les sacrements, qui présupposent et nourrissent la foi personnelle et ecclésiale, et la nécessaire expression sacramentelle de la foi. Les sacrements se configurent donc comme une sorte de représentation anamnétique qui actualise et rend visible la foi.

b) Sacramentalité de la création et de l’histoire

22. [Dieu créateur]. Selon le témoignage biblique, la création (par exemple Gn 1-2) est la première étape de l’économie divine. La conception chrétienne confirme le caractère libre de la création. Dieu ne crée pas par besoin ou par manque de quelque chose, sinon il ne serait pas vraiment Dieu, mais par la plénitude débordante d’amour qu’Il est Lui-même, dans le but de distribuer ses bienfaits à des êtres capables de les recevoir et de répondre à la logique d’amour qui préside à la création elle-même[18].

23. [Sacramentalité de la création]. Le Père accomplit le projet créateur par le Verbe et l’Esprit. La création elle-même porte donc l’empreinte d’avoir été façonnée par la Parole et dirigée par l’Esprit vers son achèvement en Dieu lui-même. Puisque Dieu imprime sa marque dans la création, la théologie parle d’une certaine « sacramentalité de la création », dans la mesure où en elle, dans son propre être constitutif créaturel, il y a une référence à son Créateur (cf. Sg 13, 1-9 ; Rm 1, 19-20 ; Ac 14, 15-17 ; 17, 27-28), ce qui lui permet d’être élevée et consommée dans l’œuvre de la rédemption sans contrainte extrinsèque. C’est en ce sens que l’on a parlé du livre de la nature[19].

24. [La personne humaine répond à Dieu]. Au sein de la création visible, la personne humaine se distingue par le fait qu’elle a été créée à l’image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1, 26). Saint Paul souligne la dimension christologique de cette image : c’est le Christ qui est l’image du Dieu invisible (Col 1, 15 ; 2 Co 4, 4), car le premier Adam était une figure de celui qui devait venir (cf. Rm 5, 14). Cela fait de la personne humaine un être dans lequel le don que Dieu fait de lui-même dans la création peut trouver une réponse personnelle et libre. En effet, à l’image de Dieu, la personne humaine réalise d’autant plus intensément son propre être (identité) qu’elle se donne dans une relation d’amour (altérité).

25. La riche réalité de la personne humaine en tant qu’imago Dei comprend divers aspects dans lesquels, à travers la ressemblance divine, est mise en évidence la capacité de répondre à Dieu, assimilant son être propre au divin[20]. Parmi ces aspects, la communion et le service se distinguent[21]. Si le Dieu trinitaire est essentiellement communion et relation interpersonnelle, la personne humaine, en tant qu’image de Dieu, est créée pour vivre en communion et en relation interpersonnelle. Cela s’exprime magnifiquement dans la différence sexuelle : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa » (Gn 1, 27). La personne humaine atteint donc son être propre dans la mesure où elle déploie sa relation et sa capacité de communion : avec les autres êtres humains, avec la création et avec Dieu. En Jésus-Christ, l’exercice de cette dynamique de communion et de relation se manifeste dans toute sa plénitude. La vie filiale, qui s’exprime en Lui, manifeste la hauteur de la vocation humaine (cf. GS 10, 22, 41).

26 - En tant qu’être relationnel créé pour la communion, la personne humaine peut être définie par le langage. Or, le langage est une réalité d’ordre symbolique, qui vise, d’une part, à l’expression de ce qu’est la réalité en elle-même (la création de Dieu) et, d’autre part, à la communication interpersonnelle (la communion). En tant qu’être symbolique, créé à l’image de Dieu, la personne atteint sa réalité la plus authentique dans la mesure où elle inscrit la réalisation de son être dans une sphère spécifique d’expression symbolique, dans laquelle se déploie toute la richesse de son être propre : en tant qu’être créaturel, en tant qu’être interrelationnel et en tant qu’être appelé à la communion avec Dieu. Les sacrements sont un moyen approprié pour rassembler, exprimer, développer et renforcer ce riche réseau.

27. Comme signe éloquent de sa dignité et de son amitié avec Dieu, l’homme reçoit aussi la tâche d’exercer un gouvernement par délégation sur la création (Gn 2, 15 ; cf. 1, 28 ; Sg 9, 2), en nommant toutes les autres créatures (Gn 2, 19-20) et en prenant soin d’elles selon le plan divin [22]. L’activité humaine dans le monde est donc orientée vers la glorification de Dieu, reconnaissant en elle l’empreinte du Créateur (cf. GS 34). De cette façon, la personne humaine conduit la création, par une sorte de « sacerdoce cosmique », vers sa véritable finalité : la manifestation de la gloire de Dieu.

28. [Sacramentalité de l’histoire]. Le désir de Dieu de communiquer ses dons ne se limite pas à laisser l’empreinte de son amour sur la création. L’histoire du peuple d’Israël dans son ensemble peut être considérée comme une histoire de l’amour de Dieu pour son peuple. Au sein de cette histoire, un certain nombre d’événements particuliers se distinguent, préfigurant des aspects essentiels qui posent les fondements de la relation sacramentelle de Dieu avec son peuple, qui atteindra son apogée dans le Christ. Dans tous ces événements, il y a une perception visible de la manière dont Dieu se met en relation avec son peuple et lui fait grâce. Nous y découvrons donc une sorte de grammaire primaire pour la constitution ultérieure du langage sacramentel stricto sensu. Parmi ces événements dont on peut faire une lecture de nature sacramentelle, il y a : l’élection d’Abraham, de David et des Israélites et le don de la Loi, qui deviendra la base de tout le discours sacramentel ; les multiples alliances, à l’intérieur de l’unique plan divin, dans lesquelles s’établit une nouvelle relation entre Dieu et l’humanité et où la sacramentalité est particulièrement active ; la libération d’Israël d’Égypte, l’exil et le retour à Jérusalem, dans lesquels le salut futur du Christ est anticipé d’une manière nouvelle et la fonction sacramentelle de l’Église est représentée en figure (typos) ; la présence de Dieu au milieu de son peuple dans le Tabernacle et dans le Temple, qui acquerra une densité particulière dans le Christ et dans les sacrements chrétiens. Israël rappellera et actualisera liturgiquement cette densité de la présence de Dieu à travers différents rites cultuels (par exemple les sacrifices), signes sacrés (par exemple la circoncision) et fêtes (par exemple la Pâque), toujours éclairés par la lecture de la Parole. La théologie chrétienne désigne ces réalités comme des sacrements de l’Ancienne Loi et leur attribue une composante salvifique en raison de leur référence au Christ[23] et en proportion de la foi de ceux qui les célébraient (ex opere operantis). On découvre ainsi que l’histoire du salut possède elle-même une certaine nature sacramentelle[24]. Par des événements historiques, des signes et des paroles, étroitement liés entre eux, Dieu lui-même s’approche de son peuple et lui communique sa volonté, son amour, sa prédilection, tout en lui montrant le chemin de l’amitié avec Dieu et de la vie humaine la plus véritable.

29. [Péché]. Au cours de l’histoire, de nombreux croyants de toutes les époques ont vécu dans l’amitié avec Dieu, en accueillant son don et en répondant généreusement à sa miséricorde et à sa fidélité. Mais il est vrai aussi que, malgré l’insistance de Dieu, les hommes n’acceptent pas toujours cette offre d’amour. Dès le début, la tentation est grande non seulement d’ignorer le chemin de l’amitié avec Dieu comme le meilleur moyen de réaliser ce que signifie être une personne humaine, mais aussi de rejeter son offre (Gn 3). L’histoire d’Israël, et l’histoire de l’humanité, peuvent être comprises comme une quête empressée de Dieu pour regagner l’amitié cordiale avec l’homme lorsqu’elle a été perdue (par exemple Ez 16). On comprend dès lors pourquoi de nombreux signes cultuels à valeur salvifique de l’Ancien Testament contiennent une signification d’expiation ou de réconciliation avec Dieu (par exemple, les ablutions, les sacrifices).

c) L’incarnation : centre, sommet et clef de l’économie sacramentelle

30. [Jésus-Christ : Ur-Sakrament]. Le désir de Dieu de se donner acquiert son sommet insurpassable en Jésus-Christ (cf. DV 2). En vertu de l’union hypostatique (cf. DH 301-302), l’humanité du Christ, homme véritable, « en tout semblable à nous, excepté le péché » (He 4, 15), est l’humanité du Fils de Dieu, Verbe éternel incarné « pour nous et pour notre salut » (DH 150). La théologie récente affirme que Jésus-Christ est le sacrement primordial (Ur-Sakrament) et la clef de la structure sacramentelle de l’histoire du salut. En bref, en Jésus-Christ nous découvrons que l’économie divine du salut, étant incarnée, est sacramentelle[25]. C’est pourquoi on peut affirmer en toute vérité que « les sacrements sont au cœur du christianisme. La perte des sacrements équivaut à la perte de l’incarnation et vice versa »[26]. En effet, en Jésus-Christ, sommet de l’histoire et plénitude du temps du salut (Ga 4, 4), se trouve l’unité la plus étroite possible entre un symbole créaturel, son humanité, et le symbolisé, la présence salvatrice de Dieu en son Fils au milieu de l’histoire. L’humanité du Christ, en tant qu’humanité inséparable de la personne divine du Fils de Dieu, est le « symbole réel » de la personne divine. Dans ce cas suprême, le créé communique au plus haut degré la présence de Dieu.

31. [L’humanité du Crucifié glorieux : fondement des sacrements]. Par conséquent, l’humanité du Christ est intrinsèquement habilitée à faire de lui le « médiateur et la plénitude de toute la révélation » (DV 2), d’une manière qui n’est qualitativement surpassée par aucune autre réalité créaturelle, puisqu’il s’agit de l’humanité propre au Fils de Dieu (cf. He 1, 1-2). Ce vers quoi la création pointait inchoativement se réalise de manière éminente dans l’humanité de Jésus-Christ. Toutes les actions et les paroles de Jésus-Christ, le Verbe éternel incarné, oint par l’Esprit, sont qualifiées par l’incarnation. De cette manière, par ses paroles et ses actes, et par la manifestation de toute sa personne, il nous transmet la révélation de Dieu (cf. DV 4). Ainsi, Jésus-Christ lui-même est le mystère de Dieu transmis et révélé aux hommes (cf. Col 2, 2-3 ; 1, 27 ; 4, 3), présent dans les différents mystères salvifiques de sa vie : naissance, baptême, transfiguration, etc. Le déploiement du mystère du Christ atteint son point culminant dans la mort et la résurrection glorieuse, suivies du don de l’Esprit (cf. DV 4). Là, la révélation de l’amour de Dieu jusqu’à l’extrême (cf. Jn 13, 1) et sa force rédemptrice se condensent avec une intensité sublime et insurpassable.. Le résultat est le pardon des péchés (cf. Col 2, 13-14) et l’ouverture à la participation à la vie éternelle du Ressuscité, à travers le don de l’Esprit qui nous rend participants de la nature divine (cf. 2P 1, 4). Nous comprenons ainsi que Jésus-Christ concentre le fondement et la source de toute sacramentalité, qui se déploie ensuite dans les différents signes sacramentels qui génèrent l’Église, où sont rassemblés des aspects significatifs et des moments denses de sa vie : pardon des péchés (pénitence), guérison des malades (onction des malades), mort et résurrection (baptême et eucharistie), élection et institution des disciples comme pasteurs de la communauté (ordre), etc. La logique sacramentelle, inscrite dans la révélation trinitaire, se prolonge et se condense dans les sacrements, dans lesquels le Christ se rend présent de manière particulièrement intense (SC 7). La structure et la logique sacramentelle de la foi reposent sur Jésus-Christ, le Verbe incarné et rédempteur[27].

32. En fait, Jésus ne se contente pas de nous communiquer quelque chose d’important sur Dieu. Il n’est pas simplement un enseignant, un messager ou un prophète, mais la présence personnelle du Verbe de Dieu dans la création. Puisque, en tant qu’homme véritable, il est inséparable de Dieu, qu’il appelle « Père », la communion avec lui signifie la communion avec Dieu (Jn 10, 30 ; 14, 6. 9). Le Père veut conduire tous les hommes, par l’intermédiaire de l’Esprit Saint, à la communion avec Jésus-Christ. Jésus-Christ est à la fois le chemin qui mène à la vie et la vie elle-même (Jn 14, 6) ; en d’autres termes : « Il est en même temps le Sauveur et le Salut »[28]. Avec les sacrements de la Parole célébrés dans l’Esprit, en particulier avec le mémorial de sa mort et de sa résurrection, un chemin et un remède nous sont offerts après la perte du péché, pour nous rapprocher de la communion et d’une relation personnelle avec Dieu à travers la participation à la vie du Christ, en nous insérant en lui. C’est ainsi que s’accomplit l’œuvre du salut, qui complète et couronne son commencement dans la création. Cependant, Dieu fait dépendre l’acceptation de ce don de la coopération des bénéficiaires. Comme le montre exemplairement le cas de la Vierge, modèle ecclésial du disciple, la grâce respecte la liberté, elle ne s’impose pas de manière coercitive sans le consentement de la liberté (Lc 1, 38), même si l’assentiment est rendu possible par la grâce elle-même (Lc 1, 28).

d) L’Église et les sacrements dans l’économie sacramentelle

33. [Église : Grund-Sakrament]. La tangibilité historique de la grâce, devenue historiquement présente en Jésus-Christ, demeure de manière privilégiée mais dérivée, par l’action de l’Esprit Saint, dans l’Église[29]. À l’être de l’Église appartient une structure visible et historique, au service de la transmission de la grâce invisible, qu’elle reçoit elle-même du Christ et transmet grâce à l’Esprit. Il existe une analogie remarquable entre l’Église et le Verbe incarné (cf. LG 8 ; SC 2). À partir de ces prémisses, la théologie contemporaine a approfondi la compréhension de l’Église comme sacrement fondamental (Grund-Sakrament), dans une ligne proche de la compréhension de Vatican II de l’Église comme sacrement universel du salut[30]. En tant que sacrement, l’Église est au service du salut du monde (LG 1 ; GS 45), de la transmission de la grâce, dont la réception l’a constituée sacrement. La sacramentalité implique toujours un caractère missionnaire, de service pour le bien des autres.

34. Cependant, même en tant que sacrement, dans l’Église elle-même se perçoit déjà la grâce de Dieu, l’irruption du royaume de Dieu. Ainsi, si d’une part l’Église est au service de l’établissement du royaume de Dieu, d’autre part, la présence du royaume du Christ en mystère est déjà présente en elle (LG 3). Dotée de ces moyens de grâce, elle peut vraiment être la semence et le commencement du royaume[31] (LG 5). En tant qu’Église pérégrinante composée de pécheurs, il n’y a pas d’identification totale entre l’Église et le royaume de Dieu ; en tant que réalité constituée par la grâce, elle possède une dimension eschatologique qui culmine dans l’Église céleste et la communion des saints[32] (cf. LG 48-49).

35. [Église : réalité christologique et pneumatologique]. En tant que créature trinitaire, c’est-à-dire le « peuple qui tire son unité de l’unité du Père et du Fils et de l’Esprit Saint »[33], l’Église est intimement liée non seulement au Verbe incarné, au point de pouvoir affirmer avec vérité qu’elle est le Corps du Christ (cf. LG 7), mais aussi à l’Esprit Saint. Non seulement parce que l’Esprit, le grand don du Ressuscité (cf. Jn 7, 39 ; 14, 26 ; 15, 26 ; 20, 22), agit dans sa constitution (cf. LG 4), habite en elle et dans les fidèles comme dans un temple (1 Co 3, 16 ; 6, 19), l’unifie et engendre le dynamisme missionnaire qui lui est inhérent (cf. Ac 2, 4-13). Mais aussi parce que l’Église est un peuple spirituel, pneumatique (cf. LG 12), enrichi par les divers dons que l’Esprit accorde aux fidèles pour le bien de la communauté tout entière (cf. Rm 12, 4-8 ; 1 Co 12, 12-30 ; 1P 4, 10). Ces dons charismatiques poussent à une appropriation particulière de la richesse de la Parole de Dieu et de la grâce sacramentelle, en renforçant la communauté, en donnant un élan à sa mission (cf. AA 3), bref : en renforçant la sacramentalité de l’Église[34].

36. [Continuité sacramentelle de l’offre salvifique]. L’offre salvifique, qui est entrée dans l’histoire avec Jésus-Christ, se poursuit dans l’Église (cf. Lc 10, 16), corps du Christ, de façon vivante dans les sacrements, grâce à l’action de l’Esprit [35] : « ce qui était visible dans le Christ est passé dans les sacrements » de l’Église [36]. L’Église catholique soutient que les sept sacrements ont été institués par le Christ[37], car lui seul peut, avec autorité, unir efficacement le don de sa grâce salvatrice à certains signes[38]. Cette déclaration souligne que les sacrements ne sont pas une création ecclésiale, que l’Église ne peut pas en changer la substance[39], mais qu’ils sont fondés sur l’événement du Christ pris dans son ensemble : incarnation, vie, mort et résurrection. À l’origine des sacrements, le sens de l’incarnation entre en jeu (cf. §§ 30-32), à travers les caractéristiques spécifiques de l’humanité du Christ, qui se déploient tout au long des mystères de sa vie, culminant à Pâques, comme don ultime de lui-même et source de toutes les grâces, à commencer par le don de l’Esprit. L’Église, éclairée par l’Esprit reçu à la Pentecôte et encouragée par la célébration de l’eucharistie (cf. PO 5), source et sommet de la vie chrétienne (SC 10 ; LG 11), a reconnu que le don sacramentel du Christ se prolonge de manière éminente dans les sept signes sacramentels, qui remontent de diverses manières au Christ lui-même [40], mais elle soutient en même temps que la grâce divine ne se limite pas exclusivement aux sept sacrements [41].

37. [La grâce sacramentelle et les non-chrétiens]. L’Église affirme que la grâce qui justifie et donne le salut et donc la vraie foi est aussi donnée en dehors de l’Église visible, mais pas indépendamment de Jésus (sacrement primordial) et de l’Église (sacrement fondamental). L’action de l’Esprit Saint n’est pas confinée aux limites de l’Église visible, mais « sa présence et son action sont universelles, sans limites d’espace ou de temps »[42]. Les religions non chrétiennes peuvent contenir des aspects de vérité et être des moyens et des signes indirects de la grâce spirituelle de Jésus-Christ. Mais cela ne signifie pas qu’elles soient des voies de salut parallèles au Christ ou indépendantes du Christ et de son Église[43].

38. [Grâce sacramentelle et foi]. En bref, la Parole de Dieu, créatrice et efficace, a créé le langage interpersonnel des paroles sacramentelles, qui sont les sacrements ; des paroles dans lesquelles la Parole continue d’agir grâce à l’Esprit. Dans les paroles prononcées par le ministre au nom de l’Église, par exemple « je te baptise », le Christ ressuscité continue à parler et à agir[44]. Puisque les sacrements rendent aujourd’hui possible, par l’Esprit, une relation personnelle avec le Seigneur mort et ressuscité, ils n’ont pas de sens sans cette relation, qui est condensée dans le mot « foi ».

39. [Sacrements : exercice suprême de la sacramentalité ecclésiale]. La sacramentalité fondamentale de l’Église s’exerce de façon privilégiée et avec une intensité particulière dans la célébration des sacrements. Les sacrements ont toujours un caractère ecclésial : l’Église y met en jeu son être même, au service de la transmission de la grâce salvifique du Christ ressuscité, avec l’assistance de l’Esprit. C’est pourquoi chaque sacrement est un acte intrinsèquement ecclésial. Selon les Pères, les sacrements sont toujours célébrés dans la foi de l’Église, car ils ont été confiés à l’Église. Dans chaque sacrement, la foi de l’Église précède la foi de chaque fidèle. Il s’agit en effet d’un exercice personnel de la foi ecclésiale. Par conséquent, sans participation à la foi ecclésiale, ces actes symboliques sont muets, dans la mesure où la foi ouvre la porte du sens sacramentel opératif.

40. [Sacramentaux]. La sacramentalité ecclésiale ne s’exprime pas seulement dans les sacrements. Il existe une série d’autres réalités sacramentelles qui font partie de la vie et de la foi de l’Église, parmi lesquelles se distingue la Sainte Écriture. D’une grande importance pour la piété chrétienne sont ce que l’on appelle les sacramentaux, qui sont des signes sacrés, créés sur le modèle des sacrements, qui préparent aux sacrements et sanctifient les diverses circonstances de la vie (SC 60). La particularité des sacrements est qu’ils constituent un engagement ecclésial autorisé et sûr pour la transmission de la grâce du Christ, à condition que toutes les conditions requises soient remplies. Dans les sacramentaux, en revanche, on ne peut pas parler d’une efficacité semblable à celle des sacrements[45]. En eux, il y a une préparation à la réception de la grâce et une disposition à coopérer avec elle, et non une efficacité ex opere operato (cf. § 65), qui est exclusive aux sacrements. Ainsi, alors que l’eau du baptême produit l’effet du pardon des péchés au sein de la célébration sacramentelle, l’eau bénite, rappel du baptême, ne produit pas d’effet en elle-même, mais seulement dans la mesure où elle est reçue dans la foi, par exemple en se signant à l’entrée du temple.

e) Les fondements de l’économie sacramentelle

41 En systématisant les principaux résultats de notre parcours, nous pouvons établir les points fondamentaux suivants :

a) L’économie divine trinitaire, étant incarnée, est sacramentelle. Puisque l’économie est de nature sacramentelle, les sept sacrements institués par le Christ, gardés et célébrés par l’Église, sont d’une importance capitale en son sein.

b) La sacramentalité de l’économie divine renvoie à la foi. C’est par la foi que l’on saisit cette sacramentalité et que l’on y demeure. La perception de la sacramentalité par la foi est étroitement liée à : l’incarnation, par laquelle le dessein divin est rendu visible de manière historique et tangible ; l’Esprit Saint, qui perpétue les dons du Christ en transmettant la grâce salvatrice à travers les symboles sacramentels ; l’Église, institution historique et visible, qui, ayant reçu les dons sacramentels, continue à les célébrer pour nourrir et fortifier la foi des fidèles.

c) Jésus-Christ a institué les sacrements et les a donnés à son Église pour que les mystères de la foi soient représentés de manière visible. Le croyant qui participe à ces mystères reçoit les dons qui y sont représentés. La transmission de la foi n’implique donc pas seulement la communication de contenus doctrinaux de nature intellectuelle, mais aussi, et en même temps, l’insertion existentielle dans le tissu de l’économie sacramentelle, que l’encyclique Lumen fidei a magistralement décrite :

 « Mais ce qui est communiqué dans l’Église, ce qui se transmet dans sa Tradition vivante, c’est la nouvelle lumière qui naît de la rencontre avec le Dieu vivant, une lumière qui touche la personne au plus profond, au cœur, impliquant son esprit, sa volonté et son affectivité, et l’ouvrant à des relations vivantes de communion avec Dieu et avec les autres. Pour transmettre cette plénitude, il y a un moyen spécial qui met en jeu toute la personne, corps et esprit, intériorité et relations. Ce sont les sacrements, célébrés dans la liturgie de l’Église. Par eux, une mémoire incarnée est communiquée, liée aux lieux et aux temps de la vie, et qui prend en compte tous les sens. Par eux, la personne est engagée, en tant que membre d’un sujet vivant, dans un tissu de relations communautaires. En conséquence, s’il est vrai de dire que les sacrements sont les sacrements de la foi (cf. SC 59), il faut dire aussi que la foi a une structure sacramentelle. Le réveil de la foi passe par le réveil d’un nouveau sens sacramentel de la vie de l’homme et de l’existence chrétienne, qui montre comment le visible et le matériel s’ouvrent sur le mystère de l’éternité »[46].

d) La structuration de l’économie sacramentelle est dialogique. La foi représente le moment de la réponse gracieuse de la personne humaine au don de Dieu. Il existe une réciprocité essentielle entre la foi et la sacramentalité, d’une manière générale, et entre la foi et les sacrements, d’une manière spécifique.

e) Le caractère dialogique (foi) de l’économie entraîne un certain nombre de conséquences significatives pour la compréhension théologique et l’offre pastorale de chacun des différents sacrements. Sur la base des déclarations ci-dessus, on peut affirmer avec raison que des sacrements efficaces sans foi seraient : soit un simple mécanicisme causal, étranger aux relations dialogiques et interpersonnelles entre le Dieu trinitaire et l’homme ; soit une action magique, étrangère à la foi chrétienne et à la logique sacramentelle de l’économie ; soit une conception de Dieu, incompatible avec la doctrine catholique, qui ne tient pas compte du fait que le don divin lui-même contient la grâce qui permet à la créature de consentir et de collaborer à l’action divine, dans la mesure qui lui est propre. En d’autres termes : puisque l’économie trinitaire en tant que sacramentelle est dialogique, il n’est pas possible de comprendre l’action de la grâce en elle selon le modèle d’une sorte d’automatisme sacramentel.

2.2. La réciprocité entre la foi et les sacrements de la foi

a) Éclairage tiré du chemin de foi des disciples

42. [Croissance de la foi]. Pierre, comme porte-parole des disciples, en réponse à la question de Jésus, fait une confession de foi : « Tu es le Christ » (Mc 8, 29 et par.). Cependant, Pierre a dû mûrir cette foi initiale, car lorsque Jésus commence à expliquer qu’il est un Messie à la manière du Fils de l’homme souffrant, un Messie qui sera crucifié, Pierre le rejette et Jésus le lui reproche durement (Mc 8, 31-33). Pierre a donc dû parcourir un chemin de croissance dans la foi, en combinant son adhésion inconditionnelle à Jésus en tant que Christ avec la connaissance des aspects doctrinaux impliqués. Cela ne concerne pas seulement Pierre, mais reflète la réalité de tout croyant. Les apôtres eux-mêmes nous montrent le chemin en demandant au Seigneur : « augmente en nous la foi » (Lc 17, 5). Paul remarque cette croissance progressive et compte sur elle, car il se réfère à « la mesure de foi que Dieu a donnée à chacun de nous » (Rm 12, 3 ; cf. 12, 6). Il met également en garde les chrétiens de Corinthe, qu’il doit traiter comme des « enfants en Christ », en leur donnant du « lait » au lieu d’une nourriture solide (cf. 1 Co 3, 1-2). La lettre aux Hébreux fait écho à cette différence en s’adressant aux membres de la communauté chrétienne (cf. He 5, 11-14). Allant au-delà des rudiments de la doctrine et de la foi chrétienne, la nourriture solide s’adresse aux croyants qui, dans leur marche chrétienne, sont exercés au discernement du bien et du mal, à ceux dont toute l’existence est illuminée par la lumière de la foi[47].

43. Les disciples et les autres admirateurs de Jésus, les foules, voyaient quelque chose de spécial dans la figure de Jésus avant Pâques. En particulier, dans le contexte des guérisons, on nous parle d’une « foi ». La phénoménologie que nous rencontrons est très variée : Jésus accomplit des miracles sans mentionner expressément la foi (par ex. Mc 1, 14-45 ; 3, 1-6 ; 6, 33-44) ; grâce à la foi des demandeurs qui intercèdent en faveur d’une autre personne (Mc 2, 5 ; Lc 7, 28-29) ; en dépit d’une foi qui se considère comme déficiente (Mc 9, 24) ; ou, précisément, grâce à la foi (Mc 5, 34). De bien des manières, il est dit aux disciples de grandir dans la foi (Mt 6, 30 ; 8, 26 ; 14, 31 ; 16, 8 ; 17, 20), dans la foi en Dieu et en sa puissance (Mc 12, 24) et dans la compréhension de la place unique de Jésus dans le plan de Dieu (Jn 14, 1).

44. La mort de Jésus met à l’épreuve cette adhésion initiale des disciples. Tous se dispersent et s’enfuient (Mc 14, 50). Les femmes qui se rendirent tôt le matin au tombeau avaient l’intention d’oindre le corps (Mc 16, 1-2). Cependant, avec la nouveauté de la résurrection et le don de l’Esprit promis (Jn 14, 16-17. 26), la foi des disciples est fortifiée au point qu’ils peuvent initier d’autres personnes et les fortifier dans leur foi (Jn 21, 15-18 ; Lc 22, 32). Avec la Pentecôte, l’itinéraire de foi des disciples s’achève. Non seulement ils adhèrent pleinement à Jésus, mort et ressuscité, comme Seigneur et Fils du Dieu vivant, mais ils deviennent des témoins audacieux, pleins de parresia, capables de parler des œuvres de Dieu et de transmettre la foi dans toutes les langues grâce à l’Esprit. Ils seront désormais des témoins, voire des martyrs, proclamant Jésus comme le Messie crucifié et ressuscité, le Fils du Dieu vivant, le Seigneur des vivants et des morts. Dans cette figure de foi, l’adhésion croyante à Jésus inclut le contenu doctrinal de la résurrection et le déploiement de sa signification. Selon les sources, ce passage à la foi en la résurrection n’a été ni facile ni automatique, en particulier pour ceux qui, comme nous, n’ont pas bénéficié d’une apparition du Ressuscité (Thomas : Jn 20, 24-29). La péricope d’Emmaüs (Lc 24, 13-35) fournit des clés précieuses pour initier les autres au chemin de la foi[48]. Marcher au pas de ceux qui, bien que déçus, manifestent une certaine inquiétude. Écouter leurs préoccupations et les accueillir. Les confronter patiemment à la lumière de l’histoire du salut reflétée dans l’Écriture, en stimulant le désir de connaître davantage et mieux le projet de Dieu. Cela ouvre la voie à une foi qui mûrit dans les dimensions sacramentelles et ecclésiales propres à la foi.

45. [Nécessité de discerner avec patience]. La Bible, reflétant l’histoire du salut, présente une multitude de situations dans lesquelles la foi, en tant que réalité dynamique et vitale avec des avancées et des reculs, se trouve dans de multiples positions, depuis la recherche d’un bénéfice tangible, qui regarde exclusivement l’intérêt personnel, jusqu’à l’extrême générosité de l’amour confessant. Jésus rejette catégoriquement l’hypocrisie (cf. Mc 8, 15), appelle à la conversion et à la croyance en l’Évangile (Mc 1, 15), mais accueille avec magnanimité tous ceux qui viennent à lui, désireux d’une manière ou d’une autre d’être sauvés par Dieu. Il faut donc apprécier la valeur de la foi naissante, de la foi en voie de maturation, de la foi qui, dans son désir de connaître Dieu, n’exclut pas les questions non résolues et les hésitations, de la foi imparfaite qui éprouve quelques difficultés à adhérer à l’ensemble des contenus que l’Église tient pour révélés. Il appartient à tous les agents pastoraux d’aider la croissance de la foi, à quelque stade que ce soit, pour qu’elle découvre le visage complet du Christ et le registre des éléments doctrinaux qui inclut l’adhésion croyante au Seigneur mort et ressuscité. En raison de cette diversité, la même foi n’est pas requise pour tous les sacrements ou dans les mêmes circonstances de la vie.

b) Modulations de la foi

46. [Nécessité d’une clarification]. La réflexion classique sur la foi et les sacrements a mis l’accent sur l’articulation tant de l’irrévocabilité du don du Christ (ex opere operato) que des dispositions nécessaires à une réception valide et fructueuse des sacrements. Ces dispositions sont fondamentalement mal comprises si elles sont considérées comme une sorte d’obstacles imposés arbitrairement pour entraver ou rendre plus difficile l’accès aux sacrements. Elles n’ont rien à voir non plus avec un « élitisme » qui serait méprisant pour la foi des simples. Il s’agit simplement de mettre en valeur les dispositions intérieures du croyant à recevoir ce que le Christ veut nous donner gratuitement dans les sacrements. C’est-à-dire que ce qui se manifeste dans ces dispositions, c’est l’adéquation entre la foi et les sacrements de la foi : quelle foi les sacrements de la foi demandent-ils par nature ?

Sans perdre les acquis de la réflexion théologique, il est utile d’exposer quelques-uns des divers aspects de la foi personnelle, puis de discerner dans les chapitres suivants comment ils entrent en jeu dans la célébration sacramentelle entendue comme rencontre dialogique.

47. [Dimension théologale]. La particularité de la foi réside dans le fait qu’elle s’inscrit expressément dans la relation avec Dieu. La théologie distingue différents aspects à l’intérieur de l’unique acte de foi [49] On distingue ainsi le « credere Deum », croire à Dieu, qui renvoie à l’élément cognitif de la foi, de ce que l’on croit (fides quae). Le propre de la foi est d’être orientée vers Dieu. La foi a donc un caractère théocentrique. « Credere Deo », croire Dieu, exprime l’aspect formel, la raison pour laquelle l’assentiment est donné. Dieu est aussi la cause pour laquelle on croit (fides qua), de sorte que la foi a un caractère théo-logique. Ainsi, Dieu est l’objet auquel on croit et la raison de la foi. Cependant, ces aspects fondamentaux ne reflètent pas l’acte de foi dans sa totalité. Il y a aussi le « credere in Deum », croire en Dieu. C’est ici que l’aspect volitif se manifeste le plus clairement, en ce sens que, intégrant les deux moments précédents, la foi comprend également un désir et un mouvement vers Dieu, le début d’un voyage vers Dieu, qui sera consommé dans la rencontre eschatologique avec Lui dans la vie éternelle. La foi contient donc une dimension théo-eschatologique. L’acte de foi dans son ensemble présuppose la conjonction de ces trois aspects. Cela se retrouve de manière caractéristique dans l’« in Deum », qui inclut les deux autres.

48. [Dimension trinitaire]. Dans la foi chrétienne, croire en Dieu implique de croire en Jésus-Christ en tant que Fils, grâce à l’Esprit. De manière caractéristique, le symbole répète trois fois « in Deum », en se référant à chacune des personnes divines, marquant ainsi la dimension trinitaire. La formulation fait référence à la différence avec tout autre acte de confiance comparable, par exemple dans une personne humaine[50]. La relation avec le Dieu trinitaire se distingue de la relation avec ce qui a été produit ou créé par lui. In Deum credere représente la figure parfaite de la relation personnelle ; elle inclut l’espérance et l’amour[51] ou, comme le décrit Augustin : « adhérer en croyant à Dieu qui accomplit le bien, afin d’accomplir le bien en coopérant avec lui »[52]. Telle est la véritable figure de la foi, qui comprend les deux dimensions déjà mentionnées : croire à Dieu et croire Dieu (credere Deum et credere Deo)[53]. La formule « credo in Deum » ne se réduit pas à l’expression d’une confession et d’une conviction, mais correspond au processus de conversion et de consécration, à l’itinéraire de foi du croyant. C’est précisément cette dimension personnelle qui donne au symbole et à ses différents articles leur cohérence. Cela se produit de manière particulièrement intense dans les célébrations sacramentelles, propres à l’économie de l’Esprit[54], dans lesquelles la foi est toujours perçue comme ecclésiale[55] :

 « Dans la célébration des sacrements, l’Église transmet sa mémoire, en particulier avec la profession de foi. Celle-ci ne consiste pas tant à donner son assentiment à un ensemble de vérités abstraites. Dans la confession de foi, au contraire, toute la vie s’achemine vers la pleine communion avec le Dieu vivant. On peut dire que, dans le Credo, le croyant est invité à entrer dans le mystère qu’il professe et à se laisser transformer par ce qu’il professe »[56].

49. La foi trinitaire implique une relation personnelle du croyant avec chacune des personnes de la Sainte Trinité. Par la foi, l’Esprit nous conduit à la connaissance de la vérité tout entière (Jn 16, 12-13). Nul ne peut confesser Jésus comme Seigneur si ce n’est dans l’Esprit (1 Co 12, 3). Ainsi, l’Esprit habite le croyant et le rend capable de marcher dans l’Esprit vers Dieu, de témoigner de sa foi, de manifester la charité chrétienne, de vivre dans l’espérance, d’atteindre la maturité de la plénitude de la foi, à la mesure du Christ (cf. Ep 4, 13). L’Esprit agit donc dans le croyant, aussi bien dans l’acte subjectif de croire lui-même que dans les contenus auxquels on croit et, bien sûr, dans le dynamisme vital qu’il imprime au croyant. Ce dynamisme implique une appropriation plus profonde des béatitudes, un portrait du cœur du Christ et donc du disciple[57]. Avec ses dons, l’Esprit fortifie le croyant individuel[58] et l’Église. Par la foi, nous confessons Jésus-Christ comme le Seigneur, le Fils du Dieu vivant, nous devenons ses disciples, en marchant vers la conformité avec Lui (cf. Rm 8, 29). Par la foi, et grâce à la médiation du Fils et de l’Esprit, nous connaissons le projet de Dieu le Père, nous entrons en relation avec Lui, nous le louons, le bénissons et lui obéissons comme des enfants bien-aimés. Nous nous efforçons d’accomplir sa volonté sur nous, sur l’histoire et sur la création.

50. [La Réforme et son influence]. La Réforme a exercé une influence qui peut difficilement être surestimée quant à la suprématie de l’acte de foi individuel sur la confession de foi ecclésiale. Les caractéristiques propres à la Réforme sont la concentration de la foi sur la propre justification, la qualification de l’acte de foi comme une appropriation de la grâce et l’identification de la certitude de la foi avec la certitude du salut. Cette subjectivisation tendancielle de la vérité a également influencé une partie de la théologie de la foi dans le catholicisme récent, lorsque, sous l’égide du personnalisme, elle a pris une orientation subjectiviste unilatérale. C’est pourquoi, dans ces approches, la foi est décrite moins comme une confession que comme une relation personnelle de confiance (foi en quelqu’un) et, au moins tendanciellement, elle est opposée à la foi doctrinale (foi en quelque chose).

51 [Fides qua ; fides quae]. Si l’interlocution de Dieu à l’homme a un caractère sacramentel, qui traverse toute la révélation, la réponse, par la foi, doit elle aussi avoir une logique sacramentelle, suscitée et rendue possible par l’Esprit. Il ne peut donc y avoir de compréhension purement subjective de la foi (fides qua) qui ne soit pas liée à l’authentique vérité de Dieu (fides quae), transmise dans la révélation et conservée dans l’Église. Il y a donc « une unité profonde entre l’acte par lequel on croit et les contenus auxquels nous donnons notre assentiment. L’Apôtre Paul permet d’entrer à l’intérieur de cette réalité quand il écrit : “La foi du cœur obtient la justice, et la confession des lèvres le salut” (Rm 10, 10) »[59]. Ce sont les signes sacramentels de la présence de Dieu dans le monde et dans l’histoire qui font naître, expriment et conservent la foi. Dans la conception chrétienne, il n’est pas possible de penser la foi sans l’expression sacramentelle (par opposition à la privatisation subjectiviste), ni la pratique sacramentelle en l’absence de foi ecclésiale (par opposition au ritualisme). Lorsque la foi exclut l’identification avec la confession et la vie de l’Église, cette foi n’est plus une intégration dans le Christ. La foi privatisée et désincarnée des gnostiques traverse toute l’histoire du christianisme comme une tentation[60]. Mais il y a aussi souvent la tendance opposée, à savoir une foi extérieure, qui adhère verbalement à la confession de foi sans se l’approprier par la compréhension personnelle et la prière. La privatisation subjectiviste et le ritualisme sont les deux dangers que la foi chrétienne doit éviter à tout prix[61].

52. [Égalité fondamentale de tous les croyants dans la foi]. La foi personnelle de chaque croyant peut avoir des degrés différents tant en ce qui concerne l’intensité de la relation avec le Dieu trinitaire qu’en ce qui concerne le degré d’explicitation de son contenu. La foi étant une relation de nature personnelle, la capacité de croître dans les deux dimensions est intrinsèque à sa dynamique propre : dans la connaissance et l’appropriation des vérités de la foi et de leur cohérence interne, d’une part, et dans la confiance et la détermination d’orienter toute son existence sur la base d’une relation intime avec Dieu, d’autre part[62].

53. Dans l’histoire de la théologie, la question du minimum indispensable a été soulevée à propos de la connaissance réflexive du contenu de la foi, ainsi que du rôle de ce que l’on appelle la « foi implicite ». Les théologiens scolastiques appréciaient beaucoup la foi des simples (simplices, minores). Selon Thomas d’Aquin, il ne faut pas exiger de tous le même degré d’explicitation en ce qui concerne la connaissance réflexive du contenu de la foi [63]. La différence entre foi « implicite » et foi « explicite » se réfère à certains contenus de la foi qui sont soit inclus dans la foi elle-même et, en ce sens, intégrés dans l’acte de croire – implicites –, soit crus de manière fiable et consciente (actu cogitatum credere) – explicites. Il n’est pas nécessaire que les simples croyants sachent rendre compte intellectuellement et en détail des développements trinitaires ou sotériologiques. La foi implicite comprend en elle-même la prédisposition fondamentale à s’identifier à la foi de l’Église et à s’y unir[64].

54. [Le credo : contenu minimal de la foi]. Selon Thomas, tous les baptisés sont tenus de croire explicitement les articles du credo[65]. Il ne suffit donc pas de croire à une volonté salvifique générale de Dieu, mais à l’incarnation, à la passion et à la résurrection du Christ, ce qui n’est possible que par la foi au Dieu trinitaire. C’est la foi « dans laquelle tous parviennent à la vie nouvelle », dans laquelle tout chrétien est baptisé[66]. À l’époque des Pères, la règle de foi jouait un rôle similaire : elle fonctionnait pour tous les croyants comme le recueil du contenu fondamental ainsi que comme la norme de vérification des éléments contraignants de la foi[67]. Thomas affirme que cette connaissance de la foi ne présuppose pas d’autres connaissances préalables, mais qu’elle est accessible aux gens simples ; en outre, en raison des fêtes de l’année liturgique, son contenu est présent pour tous. L’obligation d’une foi explicite dans le symbole pour tous les membres de l’Église signifie, corrélativement, la reconnaissance de l’égale dignité de tous les chrétiens.

55 - [Notes sur le manque de foi]. Le contraire de la foi n’est pas le manque de connaissance, mais le refus obstiné de certaines vérités de foi[68] et l’indifférence. Dans ces lignes, Hugues de Saint-Victor distingue clairement deux groupes. Il y a les croyants qui ont une faible pénétration intellectuelle de la foi et qui ne se caractérisent pas par une relation personnelle profonde avec Dieu, mais qui s’accrochent néanmoins à leur appartenance à la communauté ecclésiale et mettent leur foi en pratique dans leur vie[69]. D’autres, en revanche, ne sont croyants que « de nom et par habitude ». Ils « reçoivent les sacrements avec les autres croyants, mais sans penser aux biens du monde à venir »[70]. Un élément crucial de la foi chrétienne est mentionné ici : s’il y a « une espérance pour les biens à venir » (cf. He 11, 1), et si cette espérance croyante est assez forte pour guider l’action humaine.

c) Réciprocité entre foi et sacrements

56. [Concept de sacrement]. Le Dieu trinitaire, qui crée pour transmettre ses dons et qui a créé l’homme pour l’appeler à la communion avec Lui, entre en relation avec l’humanité de façon médiate, à travers la création et l’histoire, au moyen de signes, comme nous l’avons vu. Parmi ces signes, les sacrements chrétiens occupent une place très importante, car ils sont les signes auxquels Dieu a lié la transmission de sa grâce d’une manière certaine et objective. En effet, les sacrements de la Loi nouvelle sont des signes efficaces qui transmettent la grâce[71]. Comme nous l’avons déjà dit, cela ne signifie pas que les sacrements soient les seuls moyens par lesquels Dieu transmet sa grâce[72] ; cela signifie qu’ils occupent une place privilégiée, marquée par la certitude et l’ecclésialité. La dévotion et la piété personnelle peuvent se déployer à travers diverses pratiques, comme les différentes formes de prière liées à la Sainte Écriture, telles que la lectio ou la contemplation des mystères de la vie du Christ ; la contemplation des œuvres de Dieu dans la création et dans l’histoire ; les divers sacramentaux (cf. § 40), etc.

57. [Foi et sacrements dans la définition du sacrement par Vatican II]. Au cours de l’histoire, il y a eu différentes définitions de ce qu’est un sacrement. Le Concile Vatican II le caractérise ainsi :

 « Les sacrements ont pour fin de sanctifier les hommes, d’édifier le Corps du Christ, enfin de rendre le culte à Dieu ; mais, à titre de signes, ils ont aussi un rôle d’enseignement. Non seulement ils supposent la foi, mais encore, par les paroles et les choses, ils la nourrissent, ils la fortifient, ils l’expriment ; c’est pourquoi ils sont dits sacrements de la foi. Certes, ils confèrent la grâce, mais, en outre, leur célébration dispose au mieux les fidèles à recevoir fructueusement cette grâce, à rendre à Dieu le juste culte, et à exercer la charité »[73].

Ce texte dense souligne plusieurs aspects fondamentaux de la réciprocité essentielle entre foi et sacrements, que nous allons brièvement passer en revue. Tout d’abord, les sacrements ont une finalité pédagogique pour notre foi : ils illustrent la manière « sacramentelle » dont se déroule l’histoire du salut. Jésus-Christ les a institués pour nous enseigner qu’il nous communique et nous transmet son salut d’une manière sensible et visible, c’est-à-dire adaptée à la condition humaine[74] (cf. notamment §§ 20, 26). Deuxièmement, les sacrements présupposent la foi dans un double sens : comme « accès » au mystère sacramentel : si la foi fait défaut, le sacrement n’apparaît que comme un symbole extérieur ou un rite vide, avec le risque de glisser vers un geste magique ; et comme condition nécessaire pour que le sacrement produise subjectivement les dons qu’il contient objectivement. Troisièmement, les sacrements manifestent la foi du sujet et de l’Église. La célébration des sacrements est une profession de foi vécue. Les sacrements sont des signes par lesquels est professée la foi grâce à laquelle l’homme est justifié. La parole sacramentelle exige la réponse de la foi du croyant qui, grâce à elle, apprend et reconnaît le mystère qui se réalise dans le sacrement. Quatrièmement, les sacrements nourrissent la foi à deux niveaux fondamentaux : ils communiquent le don de la grâce divine, qui accomplit ou renforce la vie chrétienne du croyant ; et ils sont des célébrations dans lesquelles le mystère du salut est effectivement signifié, éduquant la foi et la nourrissant de manière continue. Les sacrements sont donc des signes de foi dans tous les aspects du dynamisme de leur réalisation : avant, pendant et après la célébration. Par conséquent, puisque le sacrement présuppose la foi, il est évident que le destinataire des sacrements est membre de l’Église. Nous ne pouvons pas oublier que, par la foi et les sacrements de la foi, nous entrons en dialogue, en contact vital avec le Rédempteur, qui est assis à la droite du Père. Le Christ glorieux ne nous atteint pas seulement intérieurement, mais dans le concret de notre être historique, élevant les situations de fond de notre existence en situations sacramentelles de salut.

58. [Lien entre foi et sacrements]. La foi n’est pas garantie pour toujours au moment de la conversion. Elle doit être cultivée par la pratique de la charité, la prière, l’écoute de la Parole, la vie communautaire, l’instruction, et aussi, et de façon prééminente, par la pratique assidue des sacrements. Dans le domaine des relations, ce qui n’est pas explicité et exprimé risque de se diluer et même de disparaître. Le Christ, qui est le don de Dieu par excellence, ne peut pas être reçu seulement de manière invisible ou privée. Au contraire, celui qui le reçoit est habilité et appelé à l’incarner dans sa vie, ses paroles, ses pensées et ses actes. De cette manière, il contribue à la transformation de la sacramentalité originelle du Sauveur en sacramentalité fondamentale de l’Église. En effet, les sept réalisations fondamentales de l’Église (les sacrements) réalisent ce qu’elles signifient. Cependant, leur réception fructueuse requiert la disponibilité de chaque destinataire à approfondir, à vivre et à témoigner de ce qu’il a reçu.

59. Le lien intrinsèque entre la foi et les sacrements apparaît clairement si l’on considère d’autres aspects essentiels. Parmi ceux-ci, il convient de relever :

a) La célébration sacramentelle : dans laquelle une action particulière ou une réalité matérielle, qui possède déjà un sens en soi, est mise en relation avec l’histoire du salut et déterminée par l’événement du Christ. Par la parole, le signe devient présence, mémoire et promesse de la plénitude du salut[75]. Ainsi, par exemple, l’eau en tant que telle possède la propriété de purifier. Cependant, ce n’est qu’en conjonction avec l’invocation de la Trinité qu’elle produit l’effet régénérateur d’effacer les péchés.

b) La terminologie : « sacramentum (sacrement) » est la traduction du grec « mystérion (μυστήριον) ». Les mystères célébrés dans l’Église s’enracinent dans le mystère en tant que tel, « caché depuis le commencement des siècles en Dieu » (Ep 3, 9) et maintenant révélé : le Christ. Par son incarnation, sa passion et sa résurrection, il veut « attirer tous les hommes à lui » (cf. Jn 12, 32), « les réconcilier avec Dieu » (cf. 2 Co 5, 19-21). Selon la lettre aux Éphésiens (3, 3-21 et 5, 21-33 ; cf. Col 1, 25-27 ; 2, 2-9), l’Église est incluse dans le mystère du Christ ; en tant que « corps » et « épouse », elle appartient au « mystère caché », au dessein salvifique de Dieu (76). Le concept néotestamentaire de « mystérion » désigne la réalité de Dieu qui se communique aux hommes en Jésus-Christ. Dans la mesure où il s’agit d’une réalité inépuisable, elle reste cachée même dans l’événement de la révélation, parce qu’elle dépasse toute compréhension et toute conceptualisation. Bien que la traduction latine « sacramentum » mette l’accent sur la révélation plutôt que sur la dissimulation, le concept latin conserve également la dimension de référence à l’insaisissable. Il s’ensuit que quiconque célèbre la liturgie de l’Église ou reçoit un sacrement est appelé à transcender, par sa foi personnelle, le contenu cru en un mystère toujours plus grand.

c) Il y a aussi un second aspect très révélateur de la terminologie. À l’origine, sacramentum signifie « serment sacré » qui, contrairement au « ius iurandum », produit un lien sacré. C’est ce sens que Tertullien a à l’esprit lorsqu’il qualifie le baptême de « sacrement »[77] et qu’il le compare à l’engagement pris par le militaire lors du serment d’allégeance. Il n’est pas possible de s’engager dans quelque chose sans en connaître le contenu.

60. [Nécessité de la catéchèse]. D’après ce qui a déjà été dit, nous partons d’une double base. Premièrement, il ne peut y avoir de célébration sacramentelle sans foi. Deuxièmement, la foi personnelle est une participation à la foi ecclésiale, une réponse à l’événement sacramentel de la révélation dont l’Église est le témoin et le promoteur, grâce à l’Esprit. Par conséquent, puisque la réception d’un sacrement est simultanément un acte de nature strictement personnelle et de nature manifestement ecclésiale, une catéchèse appropriée doit précéder la célébration du sacrement. Dans cette catéchèse, le mystère pascal doit occuper une place prépondérante en raison de sa centralité dans la foi chrétienne. Dans le cas du baptême, la catéchèse fait partie de l’incorporation même à l’Église, comme le montre le développement du catéchuménat dans l’Église ancienne. Sous une autre perspective, la forme primitive du baptême comportait une confession de foi, sous forme de dialogue, comme en témoigne la Traditio apostolica [78]. La confession de foi et le caractère dialogique divino-humain de la réception des sacrements doivent se poursuivre à travers la catéchèse mystagogique qui a lieu à chaque réception des sacrements. En un certain sens, la catéchèse mystagogique consiste à entrer dans le témoignage eschatologique qui se réalise avec les sacrements, en progressant continuellement dans une connaissance par participation aux mystères célébrés.

61. [Manifestation de la foi]. Les sacrements font partie de l’économie sacramentelle dans laquelle ils introduisent le croyant. Cette économie implique l’existence d’aspects visibles comme expression de la grâce invisible. Si la foi au Dieu révélé dans le Christ est un don de la grâce, celui qui la reçoit n’est pas un simple objet de ce don. C’est pourquoi Thomas d’Aquin précise que la foi est une « virtus infusa vel supranaturalis ». En tant que « vertu », la foi est une capacité d’agir qui est rendue possible par la grâce et qui, comme toute faculté, peut être perfectionnée. En d’autres termes, plus la relation du croyant avec le Christ est profonde, plus la sacramentalité de cette foi, de sa prière, de sa confession, de son identification à l’Église et de son amour est intense. Par conséquent, puisque la foi est une vertu, elle doit se manifester extérieurement, visiblement, dans un style de vie correspondant au double commandement de l’amour de Dieu et du prochain, et dans une relation avec l’Église orante.

62. Une foi générique, en tant qu’assentiment à la révélation divine, peut exister sans inclure en elle-même l’espérance en Dieu et l’amour de Dieu qui lui sont inhérents. La distinction scolastique entre « fides informis » et « fides (caritate) formata » reflète les problèmes inhérents à une foi qui n’a pas encore atteint le degré de maturité qui lui est essentiel. Selon la lettre aux Hébreux, la foi est nécessaire au salut : « sans la foi, il est impossible de lui [i.e. Dieu] plaire » (He 11, 6) ; une conviction enracinée dans la compréhension de la foi au Moyen-Âge[79]. Alors qu’une simple croyance en la vérité (fides informis) n’établit pas la communion avec le Christ, la foi aimante (fides caritate formata) produit un enracinement dans la participation à la réalité salvatrice et bénie de Dieu. En d’autres termes, il peut y avoir une forme de foi qui n’est pas façonnée intérieurement par une relation personnelle avec le Christ. En ce sens, elle est considérée comme informis : elle n’est pas informée dans sa configuration par l’amour pour le Christ, en réponse au premier amour de celui-ci. Il existe également un type de foi qui est façonné par une relation personnelle et amoureuse avec le Christ. C’est pourquoi elle est appelée caritate formata : configurée par la charité inhérente à la vérité de la relation que la foi cherche à exprimer.

63. En suivant cette distinction, on peut établir que la foi aimante est en effet le commencement de la vie éternelle[80]. C’est l’acte personnel de croire (actus credendi) et la vertu de foi (virtus fidei) qui seuls rendent effectif l’événement salvifique dans le croyant. Cependant, l’acte de foi n’est pas possible sans l’affirmation de la réalité qui le rend possible. Cela étant, une foi formée par la charité n’est pas présupposée pour la réception de tous les sacrements, comme cela est particulièrement évident dans le sacrement de pénitence. Selon Thomas d’Aquin, ni le baptême ni le mariage ne requièrent une foi empreinte d’amour au même titre que l’eucharistie. La réception fructueuse de la communion présuppose non seulement la foi en la présence réelle du Christ dans les espèces sacramentelles, mais aussi la volonté de maintenir le lien d’union avec le Christ et avec ses membres (cf. § 120).

64. L’amour surnaturel (caritas) étant un effet immédiat de la grâce, la présence d’une « fides caritate formata » ne peut être vérifiée sur la base de critères humains. Par conséquent, personne ne peut savoir avec certitude sur une autre personne, ou sur lui-même, si sa foi possède cette qualité. Celle-ci ne peut être déduite que d’indications ou d’effets[81]. On ne peut donc en aucun cas prétendre porter un jugement sur la situation d’une personne devant Dieu ou vouloir constater ou nier la croyance comme un don surnaturel de la grâce chez une autre personne. Cependant, comme la réception d’un sacrement est un acte ecclésial public, le côté extérieur et visible est décisif : c’est-à-dire l’intention exprimée, la confession de foi, la fidélité à la promesse baptismale dans la vie.

d) Nature dialogique des sacrements

65. [Foi, validité et fécondité]. Le Concile de Trente (DH 1608) a utilisé l’expression « ex opere operato » pour exprimer ce qui suit : lorsqu’un sacrement est célébré de manière appropriée, au nom de l’Église et conformément au sens que l’Église lui a donné, il transmet toujours ce qu’il signifie. Cette précision n’implique pas que la participation de ceux qui dispensent et reçoivent le sacrement soit négligée. Au contraire : celui qui dispense un sacrement doit avoir l’intention de faire ce que fait l’Église (DH 1611 : faciendi quod facit ecclesia). Du côté du destinataire, il faut distinguer la réception fructueuse (fecunda) de la réception infructueuse (infecunda). Le terme « opus operatum » n’est pas dirigé contre la participation de celui qui administre le sacrement ou de celui qui le reçoit. Il souligne que ni la foi de celui qui dispense ni celle de celui qui reçoit le sacrement ne produisent le salut, mais seulement la grâce du Rédempteur transmise par le sacrement. Ce n’est donc pas parce que celui qui dispense le sacrement et celui qui le reçoit croient en ce qu’ils réalisent dans le sacrement que, pour cette même raison, le Christ agit à travers le sacrement. Il s’agit plutôt de ceci : chaque fois qu’un sacrement est célébré de manière appropriée, selon le sens que lui donne l’Église, le Christ lie son action à celle de l’Église.

66. En ce sens, contrairement à la théologie des Réformateurs, le Concile de Trente a clairement affirmé l’efficacité des sacrements[82]. Cependant, une pratique ecclésiale qui ne se préoccupe que de la validité porte atteinte à l’organisme sacramentel de l’Église, car elle le réduit à l’un de ses aspects essentiels. Avec la validité se transmet ce que la terminologie technique a appelé « res et sacramentum », en tant que partie constitutive de l’action sacramentelle de la grâce. Par exemple, dans le cas du baptême, il s’agirait du « caractère ». Cependant, les sacrements renvoient à la transmission de la « res », de la grâce propre au sacrement, et en tirent leur pleine signification. Dans le cas du baptême, il s’agit de la grâce de la vie nouvelle dans le Christ, qui inclut le pardon des péchés.

67 [Foi adéquate aux sacrements et intention]. La logique sacramentelle comprend, comme constituant essentiel, la réponse libre, l’acceptation du don de Dieu, en un mot : la foi, même si elle est naissante, surtout dans le cas du baptême. La théologie plus récente a pris comme point de référence pour éclairer la transmission de la grâce qui s’opère dans les sacrements le monde de la signification, propre aux symboles et aux signes. Ce domaine est très proche du langage humain et des relations interpersonnelles. Puisque les sacrements se situent dans la sphère dialogique et relationnelle du croyant avec le Christ, cette approche a ses avantages. On ne saisit pas la signification des symboles ou des signes si l’on ne participe pas au monde que crée le symbole dans sa signification. De même, il n’est pas possible de recevoir les effets de la grâce sacramentelle (fécondité ou fructification), véhiculée par les signes sacramentels, sans entrer dans le monde que ces signes sacramentels expriment. La foi est la clé qui ouvre l’entrée dans ce monde qui fait que les réalités sacramentelles deviennent vraiment des signes qui signifient et réalisent effectivement la grâce divine.

68. La réception des sacrements peut être valide ou invalide, fructueuse ou infructueuse. Pour une disposition adéquate, il ne suffit pas de ne pas contredire extérieurement ou intérieurement ce que le sacrement signifie. En ce sens, une réception valide n’implique pas automatiquement une réception fructueuse du sacrement. Une réception fructueuse exige une intention positive. En d’autres termes, le destinataire doit croire à la fois au contenu (fides quae) et à l’existence (fides qua) de ce que le Christ lui donne sacramentellement par la médiation de l’Église. Il existe différents degrés de conformité à la doctrine. Ce qui est décisif ici, c’est que le destinataire ne rejette en aucune manière l’enseignement de l’Église. Il existe également des degrés dans l’intensité de la foi. Ce qui est décisif ici, c’est la disposition positive à recevoir ce que le sacrement signifie. Toute réception fructueuse d’un sacrement est un acte de communication et fait donc partie du dialogue entre le Christ et le croyant individuel.

69. S’il est vrai que la doctrine de l’intention est née d’une réflexion sur les exigences indispensables pour les ministres qui dispensent les sacrements, l’intention se trouve à un point crucial. D’une part, elle sauve complètement l’efficacité « ex opere operato », c’est-à-dire que l’efficacité des actions sacramentelles est entièrement et exclusivement due au Christ et non à la foi du destinataire ou du ministre du sacrement. Cependant, elle laisse intacte la nature dialogique de l’événement sacramentel, de sorte qu’il n’y a ni magie ni automatisme sacramentel. L’intention exprime le minimum indispensable de participation personnelle volontaire à l’événement gratuit de la transmission sacramentelle de la grâce salvatrice.

70. Les symboles sacramentels et les actions symboliques, accomplis à travers l’eau, l’huile, le pain, le vin et d’autres éléments visibles et extérieurs, invitent chaque croyant à ouvrir « l’œil intérieur de la foi »[83] et à voir les effets salvifiques de chaque sacrement. Ces actions symboliques, accomplies avec ces éléments matériels, sont, en réalité, opérées pour accomplir une action du Christ, le Sauveur. Ce qui se passe dans l’administration des sacrements est enraciné dans ce qui s’est passé dans les actions du Christ, le Sauveur, dans sa vie terrestre, comme par exemple dans les guérisons. Beaucoup ont cru au Christ (Ur-Sakrament) et ont ainsi atteint la sanctification, comme la Samaritaine au puits de Jacob (Jn 4, 28-29. 39) ; Zachée, lorsqu’il a accueilli Jésus dans sa maison (Lc 19, 8-10) ; la Syrophénicienne, qui a obtenu la guérison de sa fille par une foi inébranlable (Mc 7, 24-30), et ainsi de suite. Ces actions symboliques, « sacramentelles » de Jésus, réalisées avec des éléments matériels, étaient opérées pour l’intensification de la foi dans les bénéficiaires et leur sanctification, grâce à la vision intérieure de la foi.. La foi renforcée doit se traduire par une confession croyante à travers le témoignage chrétien de la vie dans le monde.

71 [Caractère dialogique]. La célébration liturgique des sacrements décrit non seulement l’action salvifique catabatique (descendante) de Dieu, mais aussi, de façon inséparable, le mouvement anabatique (ascendant) du destinataire, qui commence par la réponse « amen » et se termine par des gestes tels que l’extension des mains dans la réception de la communion. Tous les sacrements sont des actions communicatives, inscrites dans l’économie du salut : le déploiement historique du désir de Dieu d’entrer dans une relation personnelle avec l’humanité. Ainsi, les sacrements reflètent la nature de l’alliance qui marque et accompagne toute l’histoire du salut. Lorsque la nature dialogique du sacrement diminue, des malentendus de nature magique (ritualisme) et une focalisation sur le salut individuel (privatisation subjectiviste) apparaissent.

e) L’organisme sacramentel

72 [L’organisme sacramentel]. L’organisme sacramentel de l’Église[84], façonné au cours de siècles d’évolution, s’occupe des circonstances clés de la vie de la personne et de la communauté, afin d’affermir le chrétien dans sa foi, de l’insérer de façon plus vivante dans le mystère du Christ et de l’Église, de l’accompagner et de le fortifier tout au long de l’itinéraire de sa vie de foi. Non seulement il recueille les moments denses du déploiement du mystère du Christ dans sa vie terrestre, mais, en les actualisant sacramentellement, il assure la continuité de cette œuvre. Ainsi, la sacramentalité originelle du Christ, à travers les célébrations sacramentelles de l’Église, rejoint l’individu croyant et fait de lui un sacrement vivant du Christ. Grâce à l’eau, au pain, au vin, à l’huile et aux paroles sacramentelles, qui contiennent un sens se référant directement au Christ et le portent à son accomplissement, le croyant est pleinement inséré dans cette réalité et est façonné par elle, à condition qu’il accepte ces signes avec les dispositions appropriées.

73 [Sacrements d’initiation]. Les sacrements d’initiation, situés au début du parcours, insèrent pleinement le croyant dans le Christ et dans la communauté ecclésiale, lui permettant, par la grâce, de devenir en quelque sorte sacrement du Christ par sa vie. Le baptême est donc la porte d’entrée. Être enseveli dans les eaux et en ressortir exprime la participation à la mort et à la résurrection du Christ, l’entrée dans son Corps et la conformation à celui-ci, en devenant un membre vivant et actif de l’Église du Christ (cf. infra ch. 3.1.). La confirmation, avec la réception du chrême, implique un pas supplémentaire dans la même direction. L’onction de chrême, parallèlement à l’onction du Christ, rend le chrétien capable, par le don de l’Esprit, de témoigner de la foi en assumant cette responsabilité dans la communauté chrétienne avec une foi plus missionnaire et ecclésiale (cf. infra ch. 3.2.). Avec l’eucharistie, sacrement du Corps du Christ, l’insertion, la communion et la pleine participation au Corps du Christ s’expriment dans tous les sens : christologique, sacramentel et ecclésial (cf. infra ch. 3.3). Au terme de l’initiation, le chrétien est déjà membre du Christ et de son Église, ayant reçu tous les moyens ordinaires de christification qui lui permettent de mener une vie chrétienne et de rendre un vrai témoignage.

74 [Sacrements de guérison]. Ceux qui reçoivent les sacrements d’initiation ne se comportent pas toujours avec une pleine fidélité et intégrité par rapport à ce qu’ils signifient. C’est pourquoi il existe aussi des sacrements appelés sacrements de guérison, qui tiennent compte de notre fragilité et de notre péché. Avec la pénitence, lorsque nous sommes reçus par le ministre, qui représente le Christ et l’Église et prononce les paroles de l’absolution au nom du Christ et de l’Église, nous sommes non seulement réconciliés avec Dieu après l’avoir renié par notre propre vie, mais aussi avec le corps ecclésial, qui proclame la bonté de Dieu en Jésus-Christ en tant que communauté de pardonnés. Ainsi, grâce à la pénitence, le chrétien reprend le chemin de la foi. L’eucharistie étant le sacrement du Corps du Christ par excellence, la pleine participation à ce sacrement n’a pas de sens pour ceux qui, ayant gravement endommagé ce que signifie être inséré dans ce Corps, n’ont pas reçu le don du pardon qui les réconcilie avec Dieu et les réintègre joyeusement dans l’appartenance à la communauté.

75. L’onction est célébrée dans une situation de fragilité, comme la maladie. Le chrême du Christ, onguent et parfum de guérison, exprime la force du Seigneur pour sauver toute la personne et de l’amener à sa gloire, même en dépit de graves manquements (péchés) incompatibles avec la vie de foi, en y intégrant de manière expresse le pardon (cf. Jc 5, 14-15). Il est ainsi attesté que même la maladie peut être une occasion de manifester la gloire de Dieu (Jn 11, 4) ; et que dans la maladie, dans la vie et dans la mort, nous appartenons au Seigneur (Rm 14, 8-9) puisque nous partageons avec lui sa passion et ses souffrances sur le chemin de la gloire. Ainsi, le péché et la maladie deviennent une occasion de grandir dans l’union avec le Seigneur et de témoigner que sa miséricorde est plus forte que notre fragilité.

76 [Les sacrements au service de la communion]. D’autres sacrements sont plus directement liés au service de la communion. La communauté a besoin d’une structure et d’un gouvernement qui reflètent sa réalité sacramentelle. C’est pourquoi les ministres ordonnés ad sacerdotium représentent le Christ Tête ; ils lui sont expressément configurés par l’exercice de la charité pastorale. Ainsi, le Christ continue à être présent dans son Église non seulement comme le don qui l’a engendrée, mais aussi, sacramentellement, comme celui qui se donne continuellement à elle, l’engendrant sans cesse à nouveau. De plus, dans une autre perspective et en tant que membres de l’Église, les ministres ordonnés représentent également l’Église, en particulier dans leur prière liturgique, louant Dieu et demandant sa grâce au nom de tous. De cette manière, le Christ, Pasteur et Chef, continue à construire son Corps dans l’histoire. Toute l’Église reconnaît dans le ministère ordonné, encore et toujours, combien il est dû au don du Seigneur, dans sa Parole et ses sacrements, tandis que les ministres ordonnés doivent conformer leur vie au Christ pour être des bergers selon son propre cœur.

77. Ceux qui sont nés de l’eau et de l’Esprit exercent leur sacerdoce commun (cf. LG 10), inséparable de la vie de foi, également dans l’amour qu’ils se portent mutuellement en tant qu’époux. L’amour que les époux professent publiquement l’un pour l’autre est un lien sacré par lequel ils rendent historiquement visible et présent dans le monde l’amour du Christ pour son Église. Ainsi, grâce au mariage, la communauté chrétienne grandit et des enfants naissent, fruits de l’amour, qui, en respirant la foi dans la famille, augmentent le nombre des membres du Corps du Christ. La famille devient ainsi l’Église domestique, le lieu prépondérant pour recevoir, vivre et exprimer la foi (cf. infra ch. 4).

78. Cet examen conjoint de la réciprocité entre foi et sacrements dans l’économie sacramentelle nous a montré plusieurs aspects d’une grande importance pour notre thème.

a) Dans l’économie divine, tout part de la révélation salvifique du Dieu trinitaire. Cette économie atteint son sommet lorsque le Père révèle son Fils par la Pâque du Fils et le don de l’Esprit à la Pentecôte. Ces mystères salvateurs se perpétuent dans l’histoire à travers l’Église et les sacrements par l’action de l’Esprit.

b) Cette révélation et cette communication de Dieu ont un caractère sacramentel : la grâce invisible est transmise par des signes visibles. La nature sacramentelle de la révélation est perçue par la foi.

c) La foi est la relation personnelle avec le Dieu trinitaire, par laquelle on répond à sa grâce, à sa révélation sacramentelle ; la foi est donc essentiellement et constitutivement dialogique. Elle est aussi une réalité dynamique, qui accompagne toute la vie du croyant. Comme dans toute relation, elle peut grandir et se renforcer, mais aussi au contraire s’affaiblir ou même se perdre. Elle a une empreinte à la fois personnelle et ecclésiale. Puisque la foi est déjà une relation personnelle avec le Dieu trinitaire, elle conduit au salut et à la vie éternelle.

d) L’action salvatrice de Dieu, l’économie, s’étend au-delà des frontières visibles de l’Église. Ce facteur semblerait nier la nature sacramentelle de l’économie. Cependant, un examen attentif du fonctionnement du salut dans ces cas montre que l’action salvifique de Dieu, acceptée par une foi implicite, ne se réalise pas en dehors de la sacramentalité de l’économie divine, mais précisément grâce à elle[85].

e) Sous des formes et des aspects divers, la célébration des sacrements doit toujours être accompagnée de la foi dans ses différents aspects : une foi personnelle qui, dans son dynamisme envers Dieu, participe à la foi ecclésiale et y adhère par l’appartenance ecclésiale voulue ou, au moins, fait sienne l’intention ecclésiale spécifique inhérente aux célébrations sacramentelles. De cette façon, la célébration sacramentelle ne tombe jamais dans l’automatisme sacramentel.

f) La foi elle-même possède, dans son essence même, une tendance naturelle à s’exprimer et à se nourrir sacramentellement, précisément en raison de la structure sacramentelle de l’économie qui la suscite. La foi en la grâce salvatrice de Jésus-Christ (Ur-Sakrament) et sa permanence historique dans l’espace et le temps grâce à l’Église (Grundsakrament) ne peuvent être opposées ni même dissociées comme différentes.

2.3 Conclusion : Dynamismes de la foi et de la sacramentalité

79. En conclusion, nous pouvons retenir un certain nombre de dynamismes saillants qui ont émergé de l’examen de la nature dialogique de l’économie sacramentelle :

a) La foi constitue la réponse dialogique à l’interlocution sacramentelle du Dieu trinitaire. Ce facteur scelle la réciprocité entre foi et sacrements. Dans le cheminement du croyant, la foi se module et s’exprime dans les diverses situations de la vie, accompagnée par les divers sacrements que l’Église offre pour la vie chrétienne tout au long du pèlerinage terrestre.

b) Par sa constitution même, la foi chrétienne est sacramentelle. Il y a donc une connaturalité entre la foi et la sacramentalité. L’un des dynamismes fondamentaux de la foi consiste donc dans son expression sacramentelle, comme manière de se nourrir, de se fortifier, de s’enrichir et de se manifester.

c) Dans l’expression sacramentelle de la foi, la dimension personnelle (subjective) et la dimension ecclésiale (objective) de la foi entrent en jeu. Dans son dynamisme de croissance, la foi personnelle adhère plus intensément et s’identifie plus étroitement à la foi ecclésiale. La réciprocité entre foi et sacrements exclut la possibilité d’une célébration sacramentelle totalement étrangère à la foi ecclésiale (intention).

d) La sacramentalité propre à la foi comporte toujours un dynamisme missionnaire, puisqu’elle implique activement le croyant dans la dynamique de l’économie divine, en lui donnant un certain rôle à jouer, pour lequel la grâce divine l’habilite. Celui qui reçoit un sacrement intensifie sa christification grâce à l’Esprit, réaffirme son insertion ecclésiale et accomplit un acte liturgique de louange à Dieu, qui nous dispense ses biens à travers les sacrements. De ce point de vue, on comprend, par exemple, que ceux qui reçoivent le baptême sont, en premier lieu, gratifiés de manière gratuite : ils sont configurés au mystère pascal du Christ ; mais ils sont aussi, en même temps, appelés à témoigner du don reçu par une vie de louange qui découle de la foi de l’Église. Personne ne reçoit les sacrements exclusivement pour lui-même, mais aussi pour représenter et renforcer l’Église qui, en tant que moyen et instrument du Christ (cf. LG 1), doit être un témoin crédible et un signe efficace d’espérance contre toute espérance, en témoignant au monde du salut du Christ, sacrement de Dieu par excellence. Ainsi, par la célébration des sacrements et leur vécu adéquat, le Corps du Christ est fortifié.

3. La réciprocité entre la foi et les sacrements dans l’initiation chrétienne

80 [Introduction]. Après avoir vu la réciprocité essentielle qui règne entre foi et sacrements sur un double plan général, du point de vue de l’économie sacramentelle et du point de vue de la foi et des sacrements, nous allons maintenant considérer son impact sur les sacrements de l’initiation chrétienne. Il s’agit donc d’appliquer les notions et les points de vue que nous avons acquis, afin de les faire fructifier dans chacun des trois sacrements de l’initiation. Chaque sacrement a sa spécificité, que nous entendons respecter. Cependant, afin de systématiser le traitement de la question principale, nous procédons selon cinq étapes articulées, avec des exceptions adaptées à chaque sacrement. Ces étapes sont les suivantes : (1) le fondement biblique principal ; (2) la corrélation entre le sacrement en question et la foi requise pour la célébration du sacrement ; (3) les problèmes qui se posent aujourd’hui à propos de cette corrélation ; (4) l’éclairage à partir de moments choisis et significatifs de la Tradition ; et, à la lumière de la réflexion précédente sur la place de la foi dans la célébration du sacrement, (5) une proposition théologique pour la pastorale de la foi requise pour la célébration de chaque sacrement. En raison de la problématique différente du baptême d’adultes et du baptême d’enfants, ce schéma est adapté à chaque cas. Il commence par le baptême des adultes et complète le traitement avec les éléments spécifiques du baptême des enfants. Nous présupposons une théologie plus complète de chaque sacrement. Nous nous contentons de rassembler quelques éléments essentiels pour articuler une réponse significative à la question de la réciprocité entre foi et sacrement dans chacun des sacrements d’initiation.

3.1 Réciprocité entre foi et baptême

a) Fondement biblique

81. Après la grande prédication kérygmatique du jour de la Pentecôte, « leur cœur fut transpercé, et ils demandèrent à Pierre et aux autres apôtres : « Que devons-nous faire, frères ? » Pierre leur répondit : « Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus, le Messie, pour le pardon de vos péchés ; et vous recevrez le don du Saint-Esprit. […] Ceux qui acceptèrent ses paroles furent baptisés » (Actes 2, 37-38, 41). La conversion, réponse humaine à l’annonce de l’Évangile, semble inséparable du rite sacramentel du baptême, qui est lié à plusieurs aspects fondamentaux de la vie chrétienne. Par le baptême, le croyant participe au mystère pascal du Christ (cf. Rm 6, 1-11), anticipé par le Christ dans son propre baptême et accompli dans sa passion et sa résurrection (cf. Mc 10, 38 ; Lc 12, 50) ; il est revêtu du Christ, configuré à Lui, se retrouve dans le Christ et avec le Christ. C’est ainsi que nous devenons des enfants adoptifs et de nouvelles créatures. L’apôtre Paul comprend également qu’avec le baptême, « le chrétien a été confié à une “forme d’enseignement” (typos didachés), auquel il obéit de tout son cœur (Cf. Rm 6, 17). Dans le Baptême, l’homme reçoit aussi une doctrine à professer et une forme concrète de vie qui exige l’engagement de toute sa personne et l’achemine vers le bien. Il est transféré dans un univers nouveau, confié à un nouveau milieu, à un nouveau mode d’agir commun, dans l’Église »[86].

Il est également incorporé à l’Église, le corps du Christ (cf. 1 Co 1, 11-16 ; 12, 13). Par le baptême, on reçoit l’Esprit Saint promis (Ac 1, 5), le pardon des péchés (Col 2, 12-13) et la justification. Ainsi, le nouveau baptisé, nouvelle créature, par cette nouvelle naissance (Jn 3, 3.5), appartient au Christ et à l’Église, et est rendu capable de vivre la vie chrétienne, en témoignant d’une vie nouvelle.

b) Foi et baptême des adultes

82. Le baptême est le sacrement de la foi par excellence. Déjà Mc 16, 16 établit un lien entre la foi et le baptême : « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ». De plus, le commandement baptismal qui conclut l’évangile de Matthieu (28, 19) contient une formule baptismale dans laquelle l’Église a vu la synthèse de sa foi trinitaire. D’autre part, le rite du baptême reflète clairement l’importance de la foi. Dans le rite actuel d’entrée au catéchuménat, le catéchumène demande à l’Église « la foi » qui donne « la vie éternelle »[87]. Dans l’Église primitive, le rite de la triple immersion était accompagné des réponses à un credo interrogatif[88]. Aujourd’hui, les renoncements et la profession de foi font partie intégrante du rite. La célébration rituelle elle-même, avec ses scrutins, met en évidence la nature dialogique de l’événement : la proclamation publique de la foi du catéchumène, préalablement éprouvée pendant le catéchuménat dans ses différentes phases, et la réception du baptême administré par un ministre ecclésial. Les scrutins eux-mêmes ont pour fonction de s’assurer de l’adhésion à la foi ecclésiale de la part du baptisé, au-delà des démonstrations préalables de connaissance de la doctrine, de conformité à la morale et de pratique de la prière pendant le catéchuménat. Personne ne s’administre un sacrement à soi-même, puisqu’il est un don de Dieu. Tout comme la foi se reçoit par la prédication et l’écoute de la Parole, les sacrements s’inscrivent également dans cette logique de réception du don de Dieu.

83. Le chrétien ainsi configuré au Christ poursuit son pèlerinage dans la foi, recevant à d’autres occasions l’Esprit Saint dans la célébration des autres sacrements et sacramentaux. Deux analogies éclairent cette réalité. L’insufflation du « souffle de vie » par Dieu sur Adam (Gn 2, 7). Plus significatif encore, tout le ministère public de Jésus apparaît marqué par la réception de l’Esprit envoyé par le Père, dont il a été oint lors de son baptême (Mc 1, 10 et par.), qui l’a conduit dans le désert (Mc 1, 12 et par.), avec lequel il proclama être oint dans la synagogue de Nazareth (Lc 4, 16-21), par lequel il chassait les démons (Mt 12 ,28), qu’il exhala sur la croix (Mt 27, 50 ; Lc 23, 46). Dans son ensemble, toute sa mission peut être qualifiée de baptême, en référence à la Pâque (cf. Lc 12, 50). Ainsi, la vie du chrétien s’entend comme un déploiement progressif de ce que le don initial de l’Esprit au baptême met en marche, jusqu’à l’achèvement de sa propre vie, en la remettant au Père, comme Jésus.

c) Proposition pastorale : la foi pour le baptême des adultes

84. Avec le baptême, sacrement de la vie nouvelle dans le Christ[89] et de la nouvelle naissance, on s’engage sur un chemin, on entre dans l’Église et on accède à l’économie sacramentelle. Dans l’Église ancienne, ce changement de vie s’exprimait de manière visible et corporelle, les baptisés se tournant vers l’occident, où l’on regardait pendant les renoncements, puis vers l’orient, pendant la profession de foi. Une préparation par le catéchuménat ou d’autres modes d’instruction a toujours été exigée, mais on a également été bien conscient de la nature initiale de la foi baptismale. C’est pourquoi le processus catéchuménal préalable doit avoir été suivi avec sérieux et assiduité, le catéchumène proclamant de manière responsable son adhésion à la foi trinitaire reçue et son désir de continuer à progresser dans la connaissance de celle-ci et dans la cohérence de sa vie avec elle, grâce au don de la grâce baptismale. Le baptême étant une porte d’entrée, la foi requise pour le baptême ne doit pas être parfaite, mais initiale et désireuse de grandir.

85. Tout comme le catéchuménat est compris comme une partie de l’initiation, de même le baptême ne consiste pas en un rite clos en lui-même, mais exige, de par sa propre dynamique interne, un déploiement de la vie en tant que baptisé. La compréhension de la foi n’est pas non plus close, malgré l’égalité entre la foi célébrée dans le rite et la foi qui est crue[90]. Cela correspond à la catéchèse post-baptismale, en quelque sorte comme une phase ultérieure de l’instruction spécifiquement consacrée au sacrement. La pratique de l’Église ancienne reflète la conviction que la véritable compréhension des « mystères » survient après leur réception[91]. Quoi qu’il en soit, on ne partait pas du principe que la compréhension venait d’elle-même, mais on introduisait les néophytes aux sacrements par le biais de la catéchèse mystagogique.

86. [Éclairage tiré de la Tradition]. Cyrille de Jérusalem insiste sur la conversion du cœur et avertit : « si ton intention reste mauvaise (...) alors tu recevras l’eau, mais pas le Saint-Esprit »[92]. Il n’exige pas explicitement la force de la foi au sens d’une force extraordinaire, capable de déplacer des montagnes, mais l’adhésion croyante à l’annonce ecclésiale : « Tu as besoin de la foi, qui dépend de toi, la foi en Dieu, pour recevoir la foi que Dieu accorde et accomplit des choses surhumaines »[93]. La foi peut et doit grandir ; la disposition à cela appartient à la décision même de se faire baptiser[94].

87. Lorsque, à partir du tournant constantinien, le catéchuménat classique, avec son sérieux et ses différentes étapes, a progressivement disparu, l’Église s’est adaptée à une nouvelle situation : la société est devenue majoritairement chrétienne. Dans cette situation, la socialisation générale comprenait une certaine socialisation religieuse, au moins comparativement plus importante qu’à l’époque précédente. Cependant, la nécessité d’une figure ecclésiale de la foi (parrains) et d’une instruction minimale préalable, permettant une adhésion personnelle responsable et consciente, a été maintenue. Le cas des Indes est instructif. Bien qu’il y ait eu différentes tendances et que, dans la théologie de l’époque, le salut était étroitement lié au baptême, c’est finalement l’opinion qui préservait le mieux la dignité des Indiens et la nature dialogique des sacrements qui s’est imposée[95]. Dans cette optique, le dominicain François de Vitoria, en collaboration avec d’autres théologiens, rédigea un rapport sur la question de la préparation adéquate des chrétiens du nouveau continent, dans un contexte de pénurie énorme de prêtres, sur lesquels reposait le poids de la catéchèse : « Ils ne doivent pas être baptisés avant d’avoir été suffisamment instruits non seulement dans la foi, mais aussi dans les coutumes chrétiennes, au moins dans la mesure nécessaire au salut. Ils ne doivent pas être baptisés avant qu’il soit vraisemblable qu’ils comprennent ce qu’ils reçoivent ou qu’ils répondent et confessent lors du baptême et qu’ils veulent vivre et persévérer dans la foi et la religion chrétiennes »[96].

88. [Proposition pastorale]. L’Église est toujours désireuse de célébrer le baptême. Cela implique la joie que de nouveaux croyants reçoivent la justification, s’unissent au Christ, le reconnaissent comme leur Sauveur, configurent leur vie au Christ, font partie de l’Église, témoignent de la vie nouvelle de l’Esprit, dont ils ont été gratifiés et illuminés. Cependant, en l’absence totale de foi personnelle, le rite sacramentel perd son sens. Si la validité repose sur la réalisation du sacrement par le ministre avec l’intention appropriée (cf. §§ 65-70), sans un minimum de foi de la part de celui qui est baptisé, la réciprocité essentielle entre la foi et les sacrements disparaît. Sans une foi dans le fait que les signes visibles (sacramentum tantum) transmettent la grâce invisible (par exemple, l’immersion dans l’eau comme passage de la mort à la vie nouvelle), ces signes ne transmettent pas la réalité invisible signifiée (res sacramenti) : pardon des péchés, justification, renaissance en Christ par l’Esprit, entrée dans la vie filiale. Dans ce cas, le baptême devient une simple convention sociale ou s’imprègne d’éléments païens.

89. Ce minimum de foi semble indispensable pour que celui qui reçoit le sacrement se rapproche de l’intention de réaliser ce que croit l’Église. Certains des éléments appartenant à ce minimum de foi se déduisent de la dynamique même de la célébration sacramentelle[97] : la foi trinitaire, avec l’invocation des trois personnes divines sur le néophyte ; la conviction de renaître en Christ, symbolisée par l’immersion dans les eaux, comme eaux de la vie[98] ; la naissance à une nouvelle vie, signifiée par le revêtement du vêtement blanc ; la conviction de recevoir la lumière du Christ et le désir d’en témoigner, représenté par la réception de la lumière du cierge pascal.

90. Il s’impose donc d’être fidèle à la doctrine de l’Église, à la charité et à la prudence pastorale, tout en faisant preuve de créativité dans l’accueil et dans l’offre d’itinéraires catéchuménaux. Ne pas défendre suffisamment ce qu’est et ce que signifie le sacrement, par crainte d’exigences minimales, nuit davantage à la sacramentalité de la foi et de l’Église. Cela nuit à l’intégrité et à la cohérence de la foi même que l’on prétend sauvegarder. Certes, la foi du destinataire n’est pas la cause de la grâce qui agit dans le sacrement, mais elle constitue une partie de la disposition adéquate nécessaire à la fécondité de celui-ci, pour qu’il soit fructueux. Sans aucune foi, il semble difficile d’affirmer que le minimum indispensable est maintenu en ce qui concerne la disposition, qui comprend, à son niveau le plus bas, le fait de ne pas faire obstacle[99]. En ce sens, sans un minimum de foi, le don de Dieu qui transforme le baptisé en « sacrement » vivant du Christ, en lettre du Christ (cf. 2 Co 3, 3), ne parvient pas à produire le fruit qui lui est propre. D’autre part, celui qui confesse le Christ comme son Seigneur et Sauveur n’hésitera pas à vouloir s’associer le plus intimement possible, sacramentellement, au cœur du mystère salvifique du Christ : la Pâque.

d) Foi et baptême des enfants

91. Le baptême des enfants en bas âge est attesté depuis des temps très anciens[100]. Il se justifie par le désir des parents que leurs enfants participent à la grâce sacramentelle, s’unissent au Christ et à l’Église, deviennent membres de la communauté des enfants de Dieu comme ils le sont de leur famille, car le baptême est un moyen efficace de salut, en pardonnant les péchés, à commencer par le péché originel, et en transmettant la grâce. L’enfant ne signe pas consciemment son appartenance à sa famille charnelle et n’en tire pas fierté, comme c’est souvent le cas dans de nombreux rites d’initiation, tels que la circoncision dans la foi juive. Si la socialisation suit son cours normal, il le fera en tant que jeune et adulte, avec gratitude. Le baptême des enfants souligne que la foi dans laquelle nous sommes baptisés est la foi ecclésiale, que notre croissance dans la foi se fait grâce à notre insertion dans le « nous » communautaire[101]. La célébration le souligne solennellement, après la profession de foi : « Telle est notre foi, telle est la foi de l’Église que nous sommes fiers de professer »[102]. À cette occasion, les parents agissent en tant que représentants de l’Église, qui accueille ces enfants en son sein[103]. C’est pourquoi le baptême des enfants se justifie par la responsabilité d’éduquer à la foi, que contractent les parents et les parrains, parallèlement à la responsabilité de les éduquer dans les autres domaines de la vie.

e) Proposition pastorale : la foi pour le baptême des enfants

92. De nombreuses familles vivent leur foi et la transmettent à leurs enfants, de manière explicite ou implicite, les éduquent dans la foi en les faisant baptiser peu après leur naissance, suivant une coutume chrétienne ancestrale. Cependant, divers problèmes se posent. Dans certains endroits, le nombre de baptêmes diminue considérablement. Il n’est pas rare que, dans les pays de tradition chrétienne, les enfants qui se préparent à la première communion découvrent à ce moment-là qu’ils ne sont pas baptisés. Très souvent, certains parents demandent le baptême de leurs enfants par convention sociale ou sous la pression familiale, sans participer à la vie de l’Église et avec de sérieux doutes quant à leur intention et leur capacité à assurer à l’avenir l’éducation religieuse de leurs enfants.

93. [Éclairage tiré de la Tradition]. Avec une grande continuité, l’Église a défendu la légitimité du baptême des enfants en bas âge, malgré les critiques dont cette pratique a fait l’objet depuis l’Antiquité. Dans les temps très anciens, on nous rapporte des baptêmes de familles entières (cf. Ac 16, 15. 33). La tradition du baptême des enfants est très ancienne. Elle est déjà attestée par la Tradition apostolique[104]. Un synode de Carthage, en 252, la défend[105]. La célèbre contestation de Tertullien à l’égard du baptême des nourrissons n’a de sens que si cette pratique était répandue[106]. Elle a toujours été accompagnée d’une figure ecclésiale importante et proche des enfants (parents, parrains et marraines), qui s’engageait à leur donner une éducation religieuse parallèlement à leur éducation ordinaire. De plus, dans la mesure où le baptême des nourrissons est devenu la pratique la plus courante, le besoin d’une catéchèse post-baptismale s’est accentué afin d’instruire les baptisés dans la foi et ainsi contribuer à éviter autant que possible leur éloignement ou leur détachement total de la foi[107]. Sans cette figure représentative de la foi ecclésiale, le baptême, sacrement de la foi à caractère dialogique prononcé, serait dépourvu d’une de ses composantes essentielles.

94. [Proposition pastorale]. Dans le cas des enfants, il faut avoir une espérance fondée sur l’éducation à la foi, grâce à la foi des adultes qui en sont responsables. Sans aucune espérance dans une future éducation à la foi, les conditions minimales pour une réception du baptême ayant un sens ne sont pas réunies[108].

3.2. Réciprocité entre foi et confirmation

a) Fondement biblique et historique

95. [Fondement biblique]. Tout comme le baptême, le sacrement de la confirmation trouve son fondement dans l’Écriture. L’Esprit, comme nous l’avons dit, joue un rôle crucial dans la vie et la mission de Jésus (cf. § 83). Il occupe également une place prépondérante dans la vie chrétienne. Les disciples doivent être revêtus de la « puissance d’en haut » (Lc 24, 46-49 ; Ac 1, 4-5. 8) avant de devenir les témoins du Ressuscité. Selon les Actes, l’Esprit est descendu sur les disciples (Ac 2, 1-11) et sur beaucoup d’autres, y compris les païens (Ac 10, 45), qui ont ainsi proclamé et témoigné du Christ et de l’Évangile (Ac 2, 43 ; 5, 12 ; 6, 8 ; 14, 3 ; 15, 12 ; cf. Rm 15, 13). Le Paraclet promis (Jn 14,16 ; 15, 26 ; 16, 7) aide les disciples à progresser dans leur vie de foi et à en témoigner devant le monde. Dans certains passages, une distinction est faite entre la réception du baptême et une effusion ultérieure de l’Esprit, liée à l’intervention des apôtres par l’imposition des mains sur des chrétiens qui vivent déjà leur foi (cf. Ac 8, 14-17 ; 19, 5-6 ; He 6, 2). Tout comme nous pouvons distinguer le moment de Pâques de celui de la Pentecôte, il y a également dans la vie du chrétien qui s’inscrit dans l’économie sacramentelle deux moments distincts et interconnectés : le baptême, qui accentue la configuration pascale, et la confirmation, qui renvoie plus directement à la Pentecôte, avec la réception de l’Esprit, à la pleine incorporation à la mission ecclésiale. Dans l’initiation chrétienne des adultes, ces deux aspects se retrouvent dans une seule et même célébration.

96. [Fondement historique]. Depuis l’Antiquité, on reconnaît une série de rites post-baptismaux, qui ne sont pas toujours clairement distingués du baptême lui-même, tels que l’imposition des mains, l’onction d’huile et la signation[109]. L’Église a toujours soutenu que ces rites post-baptismaux faisaient partie de l’initiation chrétienne complète. Au fil de l’histoire et avec l’augmentation du nombre de chrétiens, l’Orient a maintenu l’unité consécutive du baptême, de la chrismation et de la première eucharistie, administrés par le prêtre, bien que seul l’évêque soit compétent pour la bénédiction de l’huile. En Occident, cependant, la chrismation avec l’huile (chrême) était réservée à l’évêque[110] et, pendant des siècles, jusqu’à l’intervention de Pie X en 1910[111], elle avait lieu lors de la visite de l’évêque, avant la première communion. Dès le début du IVe siècle, lors du concile d’Elvira (vers 302), la différence et l’écart temporel entre le baptême et la confirmation sont reconnus[112].

b) Foi et confirmation

97. Dans le rituel de la confirmation, les renoncements sont renouvelés et la profession de foi baptismale est répétée. Cela marque ainsi sa continuité avec le baptême, tout en soulignant la nécessité de la préséance de celui-ci. La confirmation réside dans un double élément lié à la foi. Tout d’abord, une adhésion plus pleine et une « force spéciale » du Saint-Esprit (LG 11), comme le souligne le rite lui-même : « N., reçois par ce signe le don du Saint-Esprit »[113]. Deuxièmement, la confirmation implique un lien « plus étroit avec l’Église » (LG 11). Ainsi, l’ecclésialité de la foi est réaffirmée. Par conséquent, la foi baptismale se renforce dans plusieurs directions. C’est une foi plus disposée au témoignage public de la foi ecclésiale ; c’est une foi avec plus de vigueur et d’identification ecclésiale ; c’est une foi plus active, dans la mesure où elle est davantage conformée par le don de l’Esprit, à la suite de la première réception baptismale de l’Esprit. Ces aspects dénotent une maturation de la foi par rapport à la foi initiale requise pour le baptême. Sans ces dispositions de foi, le sacrement risque de rester un rite vide.

98. La présence de l’évêque, ministre « originel » de la confirmation (LG 26), exprime de manière catégorique la nature ecclésiale de la confirmation. À l’union avec le Saint-Esprit s’ajoute l’union avec l’Église. La participation à la confirmation est le signe et le moyen de la communion ecclésiale. La confirmation célébrée par l’évêque local favorise l’unité spirituelle entre l’évêque et l’Église locale. Le confirmé s’intègre à l’Église, contribuant à l’édification du corps du Christ (cf. Ep 4, 12 ; 1 Co 12). De plus, il renforce sa vie chrétienne, déjà commencée avec le baptême. Par le nouveau don de l’Esprit, il est mieux à même d’être un témoin vivant de la foi reçue, à l’image de ce qui s’est passé à la Pentecôte.

c) Problématique actuelle

99. La place actuelle du sacrement de confirmation en Occident est davantage due à des circonstances historiques et pastorales qu’à des motifs proprement théologiques ou dérivés de la spécificité du sacrement. Dans l’initiation chrétienne des adultes, on conserve l’ordre originel et théologiquement plus cohérent : baptême, confirmation, eucharistie. Si le sacrement de la confirmation offre la possibilité de poursuivre l’instruction dans la foi, l’insertion dans l’Église et la personnalisation de la décision prise en leur temps par les parents et les parrains en faveur de l’enfant, on ne peut prétendre qu’il résolve les difficultés de la pastorale des jeunes ni le désintérêt des jeunes qui ont été baptisés à l’époque envers l’institution ecclésiale et la foi. Malgré les efforts louables et le fait qu’il s’agisse parfois d’une redécouverte plus mûre de la foi, avec le passage à une appartenance active plus consciente et adulte, il n’est pas rare que les jeunes vivent la célébration de la confirmation comme une remise de diplôme universitaire : une fois le diplôme obtenu, il n’est plus nécessaire de retourner en classe. D’autres considèrent simplement la confirmation comme une condition préalable à d’autres étapes, comme le mariage, sans saisir la nature propre de ce sacrement, dont le sens s’est estompé dans l’esprit de nombreux fidèles.

d) Proposition pastorale : la foi pour la confirmation

100. L’importance du baptême est restée très constante, tout comme son profil théologique. Le report de la confirmation, là où elle est différée pendant longtemps, voire non administrée, a rendu difficile l’appréciation de sa place dans l’initiation chrétienne, en tant que sacrement de l’Esprit et de l’Église, éléments fondamentaux de l’initiation chrétienne. Une Église missionnaire est composée de chrétiens confirmés qui, dans la force de l’Esprit, assument pleinement la responsabilité de leur foi. Un chrétien veut, logiquement, être sacrement du Christ. C’est pourquoi il s’intègre pleinement à l’Église et demande le don de l’Esprit par le chrême et l’imposition des mains, s’il ne l’a pas reçu avec le baptême. Tout comme le Christ a reçu l’onction de l’Esprit en sortant des eaux, le chrétien qui se configure au Christ accomplit également son parcours de foi dans l’Esprit, fortifié par la confirmation[114].

101. Dans l’initiation chrétienne des adultes, la foi requise pour la confirmation coïncide avec celle nécessaire pour le baptême. Dans le cas d’une réception différée des deux sacrements, la foi baptismale aura mûri dans plusieurs directions. Il y aura eu un progrès dans l’appropriation personnelle de la foi ecclésiale et dans le sentiment d’appartenance. Cela implique une meilleure connaissance, une plus grande capacité à rendre compte de la foi ecclésiale et une conformation adéquate de la vie à celle-ci. Un cheminement aura également été parcouru dans la relation personnelle avec le Dieu trinitaire, en particulier à travers la prière. Plus décisif encore, la foi aura façonné la biographie, après avoir accompli un cheminement à la suite du Christ dans l’Église. La confirmation implique le désir et la décision de poursuivre ce cheminement, en trouvant, grâce au discernement rendu possible par l’Esprit, la manière propre de suivre Jésus et d’en témoigner. Pour cela, une relation personnelle profonde avec le Seigneur, acquise par la prière, est essentielle, car elle pousse au témoignage, à l’appartenance ecclésiale et à la pratique sacramentelle assidue. De même que l’économie sacramentelle ne s’achève pas à Pâques, mais inclut la Pentecôte, de même l’initiation chrétienne ne s’achève pas avec le baptême. S’il y a eu une phase d’attente et de préparation à la réception du don de l’Esprit, présidée par la prière (cf. Ac 1, 14), de même la catéchèse appropriée à la réception de la confirmation, sans oublier les autres éléments ─ doctrine, morale ─ offre l’occasion d’intensifier et de personnaliser la relation avec le Seigneur par la prière.

3.3. Réciprocité entre foi et eucharistie

a) Fondement biblique

102. Ce qui s’est passé lors de la Cène (Mt 26, 26-29 ; Mc 14, 22-26 ; Lc 22, 14-23 ; 1 Co 11, 23-26) a toujours été considéré comme l’institution de l’eucharistie. À ces récits fondamentaux s’ajoutent d’autres récits dans lesquels l’Église a vu une connotation eucharistique : la multiplication des pains (Mc 6, 30-44 et par. ; 8, 1-10 et par. ; Jn 6, 1-14), les avertissements de Paul à la communauté de Corinthe (1 Co 10-11) ou l’épisode qui clôt la rencontre des disciples d’Emmaüs avec le Ressuscité (Lc 24, 30-31. 35). Suivant la force du commandement « faites ceci en mémoire de moi » (1 Co 11, 24, cf. 25 ; Lc 22, 19), depuis le commencement (ex. : Ac 2, 42. 46 ; 20, 7 ; 27, 35) jusqu’à aujourd’hui, là où il y a des chrétiens et l’Église, on célèbre l’eucharistie, le mémorial de la passion et de la résurrection du Seigneur jusqu’à son retour, son don salvifique pour « la multitude », pour tous (cf. Rm 5, 18-19 ; 8, 32).

103. Lors de la dernière Cène, le Seigneur Jésus condense le sens de toute sa vie, de sa mort imminente et de sa future résurrection pour le transmettre à ses disciples comme mémorial et signe éminent de son amour. C’est pourquoi ce qui s’est passé là-bas et le souvenir sacramentel de sa passion et de sa résurrection revêtent une densité extraordinaire. Dans l’eucharistie, l’Église célèbre la présence et l’actualisation du don du Christ pour nous tous au Père, de son sacrifice. Dans l’eucharistie, action de grâce au Père « par le Christ, avec lui et en lui »[115], qui se rend présent par l’action de l’Esprit, l’Église s’unit au Christ, s’associe à lui et devient son Corps. C’est pourquoi on a pu affirmer avec vérité que l’Église naît de l’eucharistie[116]. Étant donné que l’eucharistie recueille l’essence même de la vie du Christ et, par conséquent, de la vie chrétienne, elle est à la fois la source et le sommet de la vie chrétienne (SC 10 ; LG 11).

b) Foi et eucharistie

104. [Foi trinitaire]. Chaque eucharistie commence « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » : avec un rappel de la formule baptismale, du credo trinitaire, qui traverse et imprègne toute la célébration. « La première réalité de la foi eucharistique est le mystère même de Dieu, amour trinitaire »[117]. Car dans l’eucharistie, nous entrons en communion de vie avec l’amour du Dieu trinitaire. Comme signe suprême de son amour, le Père a donné son Fils pour notre salut ; celui-ci, à son tour, s’est offert « par l’Esprit éternel » (He 9, 14). Dans l’eucharistie, nous sommes rendus participants de ce courant d’amour, inhérent à l’intimité divine. Nous présentons au Dieu trinitaire la meilleure louange possible par le Christ dans l’unité de l’Esprit, comme le proclame solennellement la doxologie qui conclut la prière eucharistique. L’action de grâce au Père pour le Fils livré pour nous et pour le don de l’Esprit est scellée par la louange qui engage le témoignage personnel dans la vie ordinaire.

105. [Unité de la foi et de la charité]. L’acte pénitentiel, situé au début de la célébration eucharistique, manifeste le besoin de tout croyant sincère de recevoir le pardon des péchés, de se réconcilier avec Dieu et avec ses frères, afin de pouvoir entrer en communion avec Dieu. En outre, l’acte pénitentiel souligne l’inséparabilité entre la communion verticale avec le Christ, dont le don sera immédiatement commémoré (anamnesis), et la communion horizontale avec les autres chrétiens et, au-delà, avec tous les hommes. La vraie foi eucharistique est toujours une foi active par la charité (cf. Ga 5, 6). Dans l’eucharistie : « l’amour pour Dieu et l’amour pour le prochain sont vraiment unis : le Dieu incarné nous attire tous à lui. À partir de là, on comprend maintenant comment agapè est alors devenue aussi un nom de l’eucharistie : dans cette dernière, l’agapè de Dieu vient à nous corporellement pour continuer son œuvre en nous et à travers nous »[118].

106. [La foi comme réponse à la Parole de Dieu]. Depuis le XIe siècle, le même credo qui conclut le rite baptismal fait partie intégrante de la célébration eucharistique les dimanches et jours de fête. Cette profession de foi est à la fois une réponse à la Parole de Dieu et l’expression de l’unité entre les croyants. Par la foi dans la proclamation de la Parole, nous entendons la voix du Christ[119]. La dimension prophétique de la foi apparaît également. Une Parole puissante, capable de transformer le monde, comme cela se produit au cœur de la célébration eucharistique avec les dons qui sont présentés et l’assemblée qui célèbre. Ainsi commence la transformation eschatologique, dont l’Église, corps du Christ, est un premier acompte.

107. [Dimension pneumatologique de la foi]. La nature pneumatologique des sacrements apparaît clairement dans la célébration eucharistique. Dans le rite latin actuel, il y a une double epiclesis. La première sur les dons, qui seront transformés en corps livré et sang versé de Jésus-Christ. La seconde sur l’assemblée, qui, à son tour, se transforme également en corps du Christ, entrant en communion vivante avec tous les saints. Cette communion se manifeste déjà dans le chant solennel du sanctus, où les voix du ciel et de la terre s’unissent dans une louange commune. C’est pourquoi, dans la liturgie eucharistique, nous prenons part à la liturgie céleste (cf. SC 8). Ainsi, la dimension pneumatologique de la foi ecclésiale entre en jeu de manière substantielle dans l’eucharistie et illumine la force que possède l’Esprit pour transformer à la fois le croyant et la réalité mondaine, les élever et les conduire à la communion et à la louange divines.

108. [La foi comme adhésion au mystère]. Après les paroles de la consécration, le célébrant proclame : « Mysterium fidei »[120] (mystère de la foi). Cette acclamation solennelle est à la fois une affirmation, une annonce et une invitation adressée à tous. L’eucharistie est à tel point un mystère de foi que, sans la foi, elle ne peut être ni comprise ni célébrée. L’acclamation manifeste que la vérité sacramentelle de ce qui est célébré, à savoir que les espèces du pain et du vin sont devenues le corps et le sang du Christ, est précisément un mystère de foi. De même que les yeux de la foi percevaient en Jésus de Nazareth le Messie de Dieu, de même ces mêmes yeux perçoivent maintenant la présence sacramentelle de Jésus-Christ[121]. Le mystère du Christ est connu par la révélation (cf. 1 Co 2, 7-11 ; Col 1, 26-27 ; 2, 2 ; Ep 1, 9 ; 3, 3.9) et la foi.

109. [La foi comme reconnaissance de l’économie sacramentelle]. Dans la récitation de la prière eucharistique solennelle, on commémore dans l’action de grâce et la supplication les grandes étapes de l’économie sacramentelle : depuis la création jusqu’à l’achèvement eschatologique final. En particulier, on fait mémoire du don du Seigneur Jésus sur la Croix, de sa Résurrection et de la signification que le Seigneur lui-même a donnée à sa mort rédemptrice dans le cadre de la Dernière Cène. La foi dans l’ensemble de l’économie divine est éduquée et renforcée dans la liturgie eucharistique.

110. [Dimension eschatologique de la foi]. Dans la célébration sacramentelle du mystère se rencontrent le passé, mémoire de ce qui est arrivé ; le présent, actualisation de ce qui a eu lieu ; et l’avenir, anticipation de la plénitude finale que nous attendons[122]. La nouveauté eschatologique initiée par le Verbe à travers son incarnation, sa vie, sa mort et sa résurrection a déjà commencé à se réaliser dans la christification de l’assemblée et du monde qui se produit dans l’eucharistie.

111. [Foi et communion avec le Christ]. La communion, comme son nom l’indique, exprime une union intime avec le Christ, par l’Esprit, impossible sans la foi. On ne peut communier intimement avec quelqu’un en l’ignorant ou à l’encontre de sa propre volonté. La foi qui répond par le mot « amen » aux dons eucharistiques est liée à la disposition non seulement à recevoir le sacrement, mais aussi à le représenter. Cette communion avec le Christ entraîne la sanctification personnelle du chrétien, concomitante à la communion de vie avec le Christ. Cette sanctification implique nécessairement un envoi.

112. [Caractère missionnaire de la foi]. L’envoi final qui conclut l’eucharistie, « Ite, missa est »[123], suppose un retour missionnaire à la vie ordinaire, afin d’y rendre présente la vie reçue dans le sacrement, afin de devenir eucharistie pour le monde à l’image du Christ et à sa manière. En effet, dans l’offrande eucharistique, non seulement Jésus-Christ s’offre lui-même, mais chaque croyant qui participe à l’eucharistie s’offre également avec le Christ (cf. SC 48 ; LG 11 ; Rm 12, 1). L’offrande personnelle, l’acceptation de l’envoi et son exercice ne peuvent se faire sans la foi. Tout ce que le fidèle chrétien reçoit dans le sacrement : le pardon des péchés véniels, le renouvellement du baptême, la prédication de la Parole, la communion avec le Christ et la transformation en corps du Christ grâce à l’Esprit Saint, implique un renforcement qui lui permet désormais, christifié, de témoigner de la foi dans le monde et de transformer la réalité selon le dessein divin. Ainsi, après la réception du don du Père, par l’offrande du Fils accueilli dans l’Esprit, qui se produit à chaque eucharistie, le chrétien est expressément envoyé en mission à la fin de la célébration.

113. [Renforcement de la foi personnelle]. La foi du croyant est enrichie, renforcée et fortifiée par l’intime communion avec le Christ. L’être ecclésial de celui qui participe à l’eucharistie, son insertion dans le corps visible du Christ, s’actualise et s’intensifie. L’incorporation au Christ est d’une telle ampleur qu’Augustin dit aux fidèles : « Si vous êtes membres du corps du Christ, votre mystère repose sur la table du Seigneur (...) soyez ce que vous voyez, et recevez ce que vous êtes »[124]. En somme, nous reconnaissons par la foi que l’eucharistie est le mode le plus intense de la présence du Christ parmi nous, car c’est une présence réelle, corporelle et substantielle[125]. C’est pourquoi la pleine participation à l’eucharistie par la foi implique la communion maximale avec le Christ.

114. [Construction du corps ecclésial]. L’eucharistie ne renforce pas seulement la foi individuelle du croyant, mais elle engendre aussi l’Église[126] : le Christ, qui s’y offre en sacrifice comme à son Épouse bien-aimée, la constitue en son corps[127]. La communion entre les Églises, la participation à la même foi reçue, s’exprime par la communion eucharistique selon une tradition très ancienne. L’Église est en soi le corps du Christ, constitué comme tel par le dessein divin, grâce à l’action sacramentelle trinitaire. Ce corps réalise ce qu’il est lorsqu’il proclame la foi reçue, sanctifie l’histoire, chante les louanges de la Trinité et s’engage de façon missionnaire dans la proclamation de l’Évangile par la parole et par les œuvres.

115. [L’eucharistie : expression maximale de la foi sacramentelle]. Nous pouvons donc conclure en affirmant que : « La nature sacramentelle de la foi trouve sa plus grande expression dans l’eucharistie. Elle est la précieuse nourriture de la foi, rencontre avec le Christ réellement présent dans l’acte suprême de son amour, le don de lui-même qui produit la vie »[128].

116. [Nécessité de la foi pour participer à la célébration eucharistique]. L’avertissement de Paul aux chrétiens de Corinthe est particulièrement éclairant. Celui qui se livre à des pratiques idolâtres ne peut communier au sang et au corps du Christ (1 Co 10, 14-22). La communion à « la table du Seigneur » exige non seulement d’avoir été initié à la foi chrétienne et d’être membre du Corps du Christ, mais aussi une cohérence de vie avec ce que cela signifie. De même, un comportement aussi incohérent avec la foi chrétienne que la division communautaire, ou le manque notable de charité envers les frères (1 Co 11, 21) est incompatible avec le fait de « manger le repas du Seigneur » (1 Co 11, 20). Cela oblige à discerner si l’on vit en conformité fondamentale avec ce qui est célébré (1 Co 11, 29). En résumé, la participation eucharistique exige une foi vivante, qui se manifeste par la charité et l’abandon des idoles. La pratique eucharistique exige à la fois l’exercice de la charité, la conformité doctrinale et l’insertion ecclésiale.

117. L’institution pénitentielle de l’Église ancienne excluait de la communion eucharistique (mais pas de l’Église) pendant un certain temps les fidèles qui avaient publiquement renié leur foi ou qui avaient enfreint le credo et les règles de vie de l’Église. Le pécheur, devenu occasion de scandale public, après une confession publique, était exclu de la communion eucharistique pendant un certain temps (excommunication), pour être ensuite solennellement réintégré après avoir accompli sa pénitence (réconciliation). Ainsi, il était évident que la pénitence servait non seulement à la réconciliation du pécheur avec le Christ, mais aussi à la purification de l’Église. Le pénitent se considère comme la pierre d’une Église qui doit être la lumière du monde. Lorsqu’il cessait de l’être à cause d’un péché public, il fallait en quelque sorte l’extraire (excommunication), le « réparer » par la pénitence et le remettre en place (réconciliation)[129]. Malgré le changement dans la manière de célébrer la pénitence, qui n’est plus publique, la théologie sous-jacente n’a pas changé. Cependant, cette étroite corrélation entre pénitence et eucharistie s’est aujourd’hui estompée dans de nombreux milieux pratiquants.

c) Problématique actuelle

118. Beaucoup de ceux qui se considèrent catholiques estiment qu’il est excessif d’assister régulièrement à la messe dominicale. D’autres continuent à communier fréquemment ou chaque fois qu’ils assistent à la messe, sans jamais recourir au sacrement de la confession. Nombreux sont ceux qui considèrent la communion comme une dévotion personnelle, à leur libre disposition selon leurs propres besoins ou sentiments. Lors des grandes fêtes liturgiques, en particulier Noël, Pâques ou certaines fêtes locales très ancrées, ainsi que lors de certaines célébrations particulières (mariages et funérailles), des fidèles occasionnels assistent à la messe, communion comprise, en toute tranquillité de conscience, et ne reviennent que l’année suivante ou à l’occasion d’un autre événement exceptionnel. Ces pratiques, bien que théologiquement incohérentes, reflètent l’influence persistante de la foi chrétienne chez des personnes peu pratiquantes ou éloignées. Ce reste d’imprégnation chrétienne, bien qu’avec des déviations, peut être un point de départ pour une réinsertion ecclésiale plus consciente et offre la possibilité de raviver une foi moribonde. Cependant, ces pratiques manifestent aussi, dans leur ambivalence, à quel point il existe une distance entre ce que l’Église professe célébrer dans l’eucharistie, les conditions requises pour y participer pleinement, les conséquences que cela implique dans la vie ordinaire et ce que beaucoup de croyants recherchent dans des célébrations occasionnelles ou sporadiques de l’eucharistie.

d) Éclairage tiré de la Tradition

119. Depuis les temps les plus anciens, des conditions sont fixées pour la réception de l’eucharistie. Comme nous l’avons indiqué, Paul avertit ceux qui s’approchent de l’eucharistie : « celui qui mange et boit sans discerner le corps, mange et boit sa propre condamnation » (1 Co 11, 29), soulignant ainsi certaines exigences indispensables. L’évangile de Jean permet de déduire que recevoir les espèces sacramentelles sans foi, c’est-à-dire sans l’Esprit, ne sert à rien, car cela requiert la foi (cf. Jn 6, 63-69). Justin Martyr mentionne comme conditions nécessaires : croire que les dons sont ce qu’ils signifient, celui qui les reçoit doit être baptisé et ne doit pas nier la doctrine du Christ par sa vie[130]. L’exhortation paulinienne récemment citée résonne à nouveau dans la Didaché : « Si quelqu’un est saint, qu’il vienne ! Si quelqu’un ne l’est pas, qu’il se convertisse ! »[131] et de manière similaire dans les Constitutions apostoliques[132]. Elle se reflète également dans l’invitation liturgique « aux saints ce qui est saint »[133], déjà commentée par Théodore de Mopsueste. Par « saints », on désigne en premier lieu, comme l’avait déjà fait Paul, les baptisés, ceux qui vivent avec l’Église. Ce sentiment se manifeste tant dans les homélies de Jean Chrysostome[134] que chez Cyprien : on ne peut dissocier la communion avec le Christ de la communion avec l’Église[135]. Le docteur de l’eucharistie exige de ses prêtres qu’ils rejettent certaines personnes si nécessaire[136]. Augustin, avec la même clarté, avertit que la nourriture sacramentelle ne produit un effet salvifique et ne donne la vie que lorsqu’elle est consommée « spirituellement », avec foi en son contenu invisible et avec une conscience droite[137], c’est-à-dire une vie qui correspond à l’amour du Christ et de ses membres.

120. La théologie scolastique appelle cette disposition « foi formée (fides formata) », une foi configurée par l’amour[138] (cf. §§ 62-64). En ce sens, Thomas d’Aquin précise : le contenu de ce sacrement ne peut être reçu que dans la foi, puisqu’il s’agit d’un « sacrement de la foi (mysterium fidei) »[139]. L’« infidélité (infidelitas) » rend éminemment inapte à la réception du sacrement, car l’incroyance « sépare de l’unité de l’Église »[140] ; unité que l’eucharistie signifie. Dans certaines circonstances, cependant, lorsqu’une personne « veut recevoir ce que l’Église donne », elle reçoit le sacrement, même si sa foi est déficiente par rapport à son contenu[141]. Quelqu’un qui croit en la présence du Christ dans l’eucharistie, mais qui n’est pas en état de grâce, reçoit le sacrement, mais commet un péché grave[142]. Thomas soutient qu’il s’agit d’un mensonge (falsitas) : ce que le sacrement exprime, l’amour qui unit le Christ à ses fidèles, n’est pas présent chez celui qui reçoit[143]. Thomas se rend compte que pour une participation fructueuse au baptême et à l’eucharistie, il faut dans chaque cas un degré différent de disposition générée par la foi. Pour le baptême, l’intention de recevoir ce que l’Église donne suffit. Dans la communion, cependant, il est nécessaire de comprendre le sacrement en tant que tel et d’y croire[144].

121. Dans les traditions liturgiques, en particulier orientales, cette interconnexion entre la foi, l’amour et la réception de l’eucharistie est clairement perceptible, par exemple dans l’appel à la communion du peuple : « Approchez-vous avec foi, charité et crainte de Dieu »[145]. Dans la liturgie de saint Jean Chrysostome et dans celle de saint Basile, le diacre, le prêtre et le peuple récitent une confession de foi christologique expresse devant le Christ, présent en corps et en sang, juste avant de communier : « Je crois, Seigneur, et je confesse que tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant, celui qui est venu dans le monde pour sauver les pécheurs. Je crois aussi que ceci est ton Corps immaculé et que ceci est ton précieux Sang... »[146]. La tradition syriaque, attestée par Éphrem, comprend que les promesses liées aux deux arbres d’Éden (Gn 2, 17 ; 3, 22) doivent être véritablement accomplies. L’erreur initiale consistant à manger de l’« arbre de la connaissance du bien et du mal » a provoqué une chute, qui a ensuite dû être redressée. Manger de l’« arbre de vie » devient réalité dans la communion eucharistique avec l’offrande eucharistique du Christ sur l’arbre de la croix[147]. Dans la célébration eucharistique, la liturgie de la Parole devient une consommation fructueuse et réparatrice de l’« arbre de la connaissance du bien et du mal ». Après cette consommation correcte, tous sont invités à manger de l’« arbre de vie » dans la communion eucharistique.

e) Proposition pastorale : la foi pour l’eucharistie

122. Le baptême marque le début d’un pèlerinage dont l’aboutissement ne sera atteint qu’à l’Eschaton. C’est pourquoi les chrétiens reçoivent sans cesse le sacrement de l’eucharistie, nourriture pour le chemin. C’est pourquoi l’Église n’a jamais cessé de se réunir pour célébrer le mystère de Pâques, de lire dans ce contexte « tout ce qui le concernait dans les Écritures » (Lc 24, 27) et de célébrer le banquet où se transmet le don de soi du Sauveur crucifié et ressuscité dans le présent des croyants. Or, on ne peut recevoir correctement le don qui implique le sacrifice existentiel du Christ si l’on n’est pas disposé à se laisser configurer existentiellement par ce don à partir de la foi. Sans la foi, ni Pilate, ni les soldats romains, ni la foule n’ont compris comment, dans la mort sur la croix de Jésus-Christ, Dieu réconciliait le monde avec lui-même (2 Co 5, 19) ; sans la foi, on ne perçoit pas que celui qui était pendu au bois est le Fils de Dieu (Mc 15, 39). Le regard croyant voit jaillir non seulement du sang et de l’eau du côté transpercé, mais aussi l’Église, fondée sur le baptême et l’eucharistie (cf. Jn 19, 34). Le sang et l’eau qui en jaillissent sont la source et la puissance de l’Église[148]. Le Fils de Dieu devient véritablement « Emmanuel » dans chaque chrétien par la participation au corps et au sang du Christ[149].

123. [Foi sacramentelle et eucharistie]. Sans une foi sacramentelle, la participation à l’eucharistie, en particulier la communion, n’a pas de sens. L’eucharistie ne se réfère pas à une relation indifférenciée ou générique avec la divinité. La foi sacramentelle qui intervient dans la célébration de l’eucharistie est une foi trinitaire. Dans l’eucharistie, nous professons une relation vivante avec le Dieu trinitaire : nous rendons grâce au Père pour le don reçu du salut, accompli par l’offrande de son Fils dans la force de l’Esprit, qui est maintenant commémoré et actualisé dans la célébration.

124. La foi sacramentelle suppose que l’on reconnaisse une telle action de la Trinité, que le banquet eucharistique soit perçu comme une authentique anticipation du banquet eschatologique futur. La force de Dieu fait déjà irruption, transforme et sanctifie les croyants, faisant d’eux des concitoyens des saints (Ep 2, 19) et des citoyens de la Jérusalem céleste (cf. He 12, 22 ; cf. Ap 21-22 ; He 11, 13).

125. La foi sacramentelle s’exprime également dans le lien irrévocable entre Jésus-Christ et le sacrement (ex opere operato) avec les espèces du pain et du vin consacrés par l’invocation de l’Esprit dans l’epiclesis, avec pour résultat que celui qui les reçoit peut non seulement espérer, mais sait dans la foi qu’à un moment donné, il reçoit ce que les espèces consacrées signifient.

126. La foi sacramentelle implique également la sacramentalisation du destinataire lui-même : non seulement il reçoit un sacrement, mais il devient lui-même en quelque sorte un « sacrement », en ce sens qu’une intense conformation au Christ s’est opérée par l’action de l’Esprit et qu’il vit désormais en étroite union avec le Christ et l’Église, ce qui lui permet de s’offrir à Dieu comme un sacrifice vivant et spirituel (cf. Rm 12, 1) et de témoigner de la vie chrétienne. Pour le dire en images, comme une pierre vivante de la communauté confessante, dont le Concile Vatican II dit qu’elle est le moyen et l’instrument du Christ pour ramener tous les hommes à sa maison.

127. [Foi sacramentelle et communion ecclésiale dans l’eucharistie]. De ce point de vue, la réalisation individuelle de la foi personnelle ne peut être séparée de la foi de la communauté qui célèbre le sacrement. Il y a unité et continuité entre ce qui est célébré (lex orandi), ce qui est cru (lex credendi) et ce qui est vécu (lex vivendi), cadre dans lequel s’écoule la vie chrétienne, la prière personnelle et la célébration sacramentelle. Étant donné que la vérité que les chrétiens confessent est une personne, Jésus-Christ, elle doit également être représentée personnellement, par les apôtres et leurs successeurs. La communion eucharistique de chaque individu avec le Christ doit être vérifiée par la communion de foi avec le pape et l’évêque local, nommément mentionnés dans chaque célébration eucharistique. Celui qui communie ne confesse pas seulement le Christ, mais communie également avec la confession de foi de la communauté dans laquelle il participe à l’eucharistie.

128. Traduit dans d’autres catégories, ceci signifie une adhésion claire et consciente à la foi de l’Église, qui comprend explicitement : la foi trinitaire contenue dans le credo ; la foi christologique, concentrée sur la signification rédemptrice de la mort du Christ, le Fils de Dieu, le Seigneur, « pour la multitude » et « pour moi », et de la résurrection ; la foi pneumatologique, particulièrement active et présente à travers la double epiclesis, fondamentale dans la célébration ; et la foi en ce que signifie l’eucharistie en tant que sacrement du corps du Christ et du corps ecclésial. Tout cela s’inscrit dans un parcours de foi qui aspire, en s’appuyant sur la force toute-puissante de l’Esprit et son aide permanente, à conformer sa propre vie au mystère du Christ et à en témoigner avec joie au milieu des vicissitudes de la vie. Sur ce chemin, le chrétien recourt fréquemment à la nourriture eucharistique, pour recevoir le don de la communion avec le Christ, afin de continuer à grandir dans la foi, l’espérance et l’amour jusqu’à la vie éternelle.

129. [Incohérence de la participation eucharistique sans foi en ce qui est célébré]. La pleine participation à l’eucharistie signifie la communion avec le corps du Christ (cf. LG 3) et avec l’Église. Il ne semble pas possible d’y accéder de manière cohérente : si l’on ne reconnaît pas ce que signifie la présence sacramentelle du Christ dans l’eucharistie ; si l’on rejette la foi trinitaire de l’Église, invoquée à plusieurs reprises au cours de la célébration, scellée par la récitation du credo ; si la charité chrétienne souffre de graves déficiences dans la vie personnelle ; si l’on a commis un acte conscient et délibéré dans un domaine qui compromet gravement ce que disent la foi et la morale ecclésiale (péché mortel[150]).

130. [Chemins de croissance]. Celui qui est en chemin avec le Christ assiste à l’eucharistie dominicale non pas parce que c’est une obligation établie par l’Église, mais parce qu’il désire être fortifié par la miséricorde aimante du Seigneur. Ce désir inclut la disposition à la nécessaire réconciliation sacramentelle avec le Christ et l’Église, lorsque cela est nécessaire. Cependant, même sans la pression émotionnelle du désir, celui qui participe à la foi catholique sait qu’il s’est uni à une communauté ayant une structure sacramentelle. C’est pourquoi il est également conscient que sa participation sacramentelle, et en particulier eucharistique, fait partie du témoignage public auquel il s’est librement engagé : témoigner de la réalité sacramentelle de la foi, rendre visible la grâce et renforcer ainsi la sacramentalité de l’Église, sa communauté d’appartenance.

131. En raison de la causalité réciproque qui existe entre la foi et l’eucharistie, dans les milieux où il n’y a pas eu ou bien où il n’y a pas habituellement de célébration de la messe et de catéchèse sacramentelle, en raison des limites de l’institution ecclésiale, il est plus difficile de découvrir le sens de la pratique eucharistique dominicale. En même temps, le manque de participation fréquente à la table de la Parole de Dieu et du Corps du Christ, dû à des défaillances personnelles ou pastorales, est une lacune qui rend difficile la croissance vers une foi sacramentelle plus pleine. Outre le soin apporté aux célébrations eucharistiques dans tous leurs aspects, conformément à leur signification, il convient de proposer des voies de réinsertion dans la foi ecclésiale, lorsqu’elle a été perdue, qui aboutissent à l’eucharistie comme point culminant de ce retour ; ainsi que d’autres types de célébrations non eucharistiques et des espaces de rencontre, de prière et de catéchèse pour les personnes ayant une imprégnation chrétienne diffuse, dont l’évangélisation n’a pas encore mûri pour participer consciemment à l’eucharistie.

4. La réciprocité entre foi et mariage

132. [Problématique]. S’il existe un sacrement dans lequel la réciprocité essentielle entre la foi et les sacrements est mise à l’épreuve, c’est bien le mariage, et ce pour diverses raisons. Dans la définition même du sacrement du mariage, selon l’Église latine, la foi n’apparaît pas explicitement (cf. § 143). Elle est en quelque sorte présupposée par le fait préalable du baptême, sacrement de la foi par excellence. De plus, pour que le mariage entre baptisés soit valide dans l’Église latine, il n’est pas nécessaire d’avoir l’intention de célébrer un sacrement[151] : le désir ou la conscience de la sacramentalité de l’union matrimoniale n’est pas nécessaire, mais seulement l’intention de contracter un mariage naturel, c’est-à-dire conforme à l’ordre de la création, avec les propriétés que l’Église considère comme inhérentes au mariage naturel. Dans le cadre de cette conception du mariage, il appartient à la théologie d’élucider le cas complexe des mariages entre « baptisés non croyants ». Une défense acharnée de la sacramentalité de ces unions saperait la réciprocité essentielle entre la foi et les sacrements, propre à l’économie sacramentelle, en soutenant, au moins dans le cas du mariage, un automatisme sacramentel que nous rejetons comme impropre à la foi chrétienne (cf. supra chap. 2).

133. [Approche]. Conscients de la difficulté de la question soulevée sous la rubrique « réciprocité entre foi et mariage », nous procéderons de la manière suivante. Premièrement, étant donné que, même si elles partagent un tronc commun, il existe des différences notables dans la théologie du mariage entre la tradition latine et la tradition orientale, nous nous concentrerons exclusivement sur la conception latine. La riche tradition orientale possède une physionomie qui lui est propre. Nous soulignons quelques aspects distinctifs entre les deux. Alors que dans la théologie latine prédomine la conception selon laquelle les époux sont les ministres du sacrement et que celui-ci se réalise par le libre consentement mutuel des époux, pour la tradition orientale, la bénédiction de l’évêque ou du prêtre appartient en soi à l’essence du sacrement[152]. Seul le ministre sacré a reçu le pouvoir d’invoquer l’Esprit (epiclesis) afin qu’il accomplisse la sanctification inhérente au sacrement. Elle possède une réglementation canonique complète qui lui est propre[153]. Cela est dû à une conception du sacrement du mariage qui découle d’une théologie ayant sa propre personnalité et son propre profil, dans laquelle les effets sanctificateurs du sacrement sont mis au premier plan[154].

134. Deuxièmement, nous traitons, selon la méthodologie habituelle (cf. § 80), avec ses adaptations, le cas ordinaire du sacrement du mariage. Nous examinons ensuite la question douteuse de la qualité sacramentelle des mariages entre « baptisés non croyants », en deux étapes : l’état de la question et une proposition théologique de solution, conforme à la réciprocité entre la foi et les sacrements, qui ne renie pas la théologie matrimoniale en vigueur.

4.1. Le sacrement du mariage

a) Fondement biblique

135. [Le mariage dans le dessein divin]. Bien que chaque sacrement possède une singularité spécifique, le cas du mariage se distingue par sa particularité. Le mariage en tant que tel appartient à l’ordre créaturel, dans le dessein divin (cf. GS 48). La réalité naturelle du mariage repose sur la capacité relationnelle entre des personnes de sexe différent, homme et femme (Gn 1, 27), étroitement liée à la fécondité (Gn 1, 28), qui culmine dans une forme d’union telle qu’ils forment « une seule chair » (cf. Gn 2, 23-24). L’interlocution sacramentelle de Dieu tout au long de l’économie divine du salut trouve ici une réalité, créée par Dieu à son image, à l’image du Dieu trinitaire[155], très capable d’exprimer par elle-même la relation d’amour, d’alliance, entre Dieu et le peuple, son épouse, toujours représenté symboliquement par une femme. Dans la perspective chrétienne, cette réalité créaturelle devient sacrement, signe visible de l’amour du Christ pour l’Église (Ep 5, 25. 31-32).

136. [Le mariage dans l’enseignement de Jésus]. Face à la pratique du répudiation (Dt 22 19. 29 ; 24,1-4), Jésus réitère le projet originel de Dieu : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » (Mc 10, 9 et Mt 19, 6 ; cf. Gn 2, 24 ; 1 Co 6, 16), précisant que la répudiation était une concession due à la dureté du cœur (Mc 10, 5 et Mt 19, 8). Tout au long de l’histoire, l’interprétation de la clause matthéenne a été très controversée : « si quelqu’un renvoie sa femme – sauf en cas d’union illégitime (πορνείᾳ) – et qu’il en épouse une autre, il est adultère » (Mt 19, 9 ; cf. 5, 32). Après d’innombrables discussions, aucun consensus n’a été atteint ni sur la porneia ni sur les conséquences précises qu’elle aurait. La tradition latine a toujours exclu la possibilité d’une seconde union pour cette raison[156], après une première union valide (cf. Mc 10, 10-11), ce qui correspond à la perplexité des disciples selon le texte de Matthieu (Mt 19, 10).

137. [Le mariage et le « Mysterion »]. La présence même de Jésus aux noces de Cana (Jn 2, 1-12), avec toute sa signification de noces messianiques, ainsi que d’autres allusions de caractère nuptial (Mt 9, 15 et par. ; Mt 25, 5-6), soulignent la capacité de la relation conjugale à exprimer des aspects profonds du mystère de Dieu, comme par exemple sa fidélité face à notre infidélité à son alliance (cf. Ez 16 et 23 ; Os 2 ; Jr 3, 1-10 ; Is 54). La lettre aux Éphésiens (5, 31-32) établit un lien explicite entre l’alliance matrimoniale et le « mysterion » (sacramentum) de l’alliance irrévocable entre le Christ et l’Église. À partir de l’ensemble du témoignage biblique, l’Église a considéré l’indissolubilité comme un élément fondamental tant du mariage naturel que du mariage entre chrétiens. L’union entre l’homme et la femme, indissoluble par nature, réalise sa vérité dans la fidélité et le bien de la progéniture. Après la réception du baptême (de la configuration des époux au Christ et leur sanctification par l’habitation de l’Esprit), elle devient en quelque sorte une représentation sacramentelle de la fidélité du Christ[157]. L’amour entre les époux chrétiens n’est pas étranger à la nouvelle source de leur vie chrétienne et de leur foi. Dans la vie chrétienne, la foi et l’amour ne peuvent être dissociés de manière absolue.

138. [Le mariage : qualifié par la foi]. À la suite de saint Paul, l’Église a également compris la relation conjugale comme quelque chose de hautement qualifié par la présence de la foi (cf. 1 Co 7, 12-16). Dans le cas du mariage d’un chrétien avec un non-chrétien, Paul dit ceci : « Le mari non croyant se trouve sanctifié par sa femme, et la femme non croyante se trouve sanctifiée par son mari croyant » (1 Co 7, 14). C’est sur ce passage (en particulier 1 Co 7, 15) que se fonde le privilège paulin, qui laisse entrevoir une qualification supérieure, dans l’ordre de la grâce, du mariage sacramentel par rapport au mariage naturel.

b) Éclairage tiré de la Tradition

139. Le concept typique de « se marier dans le Seigneur », propre aux chrétiens, s’est exprimé de différentes manières au cours de l’histoire. Selon la lettre à Diognète, au début, les chrétiens ne se distinguaient pas : « Ils se marient comme tout le monde »[158]. Cependant, cela a rapidement évolué. Ignace d’Antioche soutient déjà l’opportunité de notifier le mariage à l’évêque[159]. Tertullien, pour sa part, loue les unions bénies par l’Église[160]. Au-delà de l’interprétation précise de la portée des expressions de ces premiers théologiens, il apparaît clairement que le mariage n’était étranger ni à la foi des époux ni à la communauté ecclésiale. À partir des IVe et Ve siècles, la bénédiction ecclésiale, donnée par un ministre, était une coutume bien établie[161]. À partir de cette époque, une liturgie chrétienne propre se met en place[162], qui intègre des coutumes typiquement païennes et les transforme, comme c’est le cas de la « velatio »[163], du couronnement[164], de la remise de l’épouse, de l’union des mains[165], de la bénédiction des anneaux, des arrhes ou du baiser des époux ; tout en en ajoutant d’autres, comme la présentation aux époux de la « coupe commune », propre à la liturgie byzantine[166]. La liturgie du mariage, dans ses prières et l’interprétation des gestes, exprime la place singulière du mariage dans l’économie divine, avec des allusions aux textes bibliques sur le mariage. Pierre Lombard et le deuxième concile du Latran considèrent tous deux le mariage comme un sacrement, ce que confirmeront sans équivoque les conciles de Florence et de Trente[167]. Ce dernier concile a déterminé la nécessité de la forme canonique pour la validité du sacrement, sans modifier la compréhension doctrinale de celui-ci, montrant ainsi qu’il s’agit d’une réalité ecclésiale et de l’ordre de la foi qui se produit « in facie Ecclesiae »[168], contrairement à la doctrine des réformateurs qui considèrent le mariage comme une question purement civile[169]. De cette manière, le caractère ecclésial du mariage est reconnu, loin de le considérer comme une affaire privée entre les époux.

c) Le mariage comme sacrement

140. Si les sacrements présupposent la foi (SC 59), le mariage ne fait pas exception : « Les pasteurs, mus par l’amour du Christ, doivent accueillir les fiancés et, avant tout, encourager et renforcer leur foi : car le sacrement du mariage la présuppose et l’exige »[170]. Une union matrimoniale entre un homme et une femme, tous deux non baptisés, du point de vue de la foi chrétienne, est une réalité créaturelle extrêmement précieuse, capable d’être élevée à l’ordre surnaturel, par exemple dans le cas d’une conversion ultérieure des époux. En d’autres termes, dans le mariage « naturel », il existe une réalité de grande importance ouverte à sa pleine réalisation et à son accomplissement en Christ. Dans les premières communautés, la réalité matrimoniale n’est pas vécue en marge de la foi. Les chrétiens vivent l’alliance conjugale « dans le Seigneur » (1 Co 7, 39). Certains comportements publics contraires à la foi dans le domaine des relations de couple peuvent être cause d’excommunication de la communauté (1 Co 5). En effet, l’amour conjugal entre les époux chrétiens est devenu un signe, un sacrement, qui exprime l’amour du Christ pour son Église. Ce signe d’un amour irrévocable n’exprime sa signification que si ce lien est indissoluble, aspect déjà présent « depuis le commencement » dans le dessein divin et qui, par conséquent, configure essentiellement la réalité de tout mariage authentique dans son noyau théologique. Ainsi, cette réalité humaine aussi profonde que l’amour du couple, si caractéristique de notre être relationnel, la capacité de don mutuel entre les époux et envers les enfants, exprime le plus profond du mystère divin : l’amour.

141. Deux catholiques baptisés, confirmés et pratiquant régulièrement l’Eucharistie font un pas en avant beau et significatif dans leur vie de foi lorsqu’ils célèbrent leur mariage. Ils reçoivent la grâce du sacrement du mariage, qui consiste essentiellement à « signifier en y participant le mystère de l’unité et de l’amour fécond entre le Christ et l’Église (cf. Ep 5, 32), à s’aider mutuellement à se sanctifier dans la vie conjugale et dans l’accueil des enfants »[171]. Leurs chemins de foi sont unis pour témoigner de la force de l’amour du Christ pour l’Église, pour s’enrichir mutuellement, pour éduquer chrétiennement leurs enfants et pour se sanctifier réciproquement[172]. Ils forment une « Église domestique »[173] ; « ils sont fortifiés et comme consacrés par un sacrement spécial » (GS 48). Ils donnent ainsi une expression concrète à la maturité de la foi propre à la confirmation, en assumant un état de vie chrétienne (cf. LG 11) et des responsabilités dans la communauté chrétienne. Dans la célébration de leur mariage, leur foi est présupposée, exprimée, nourrie et renforcée par l’action du Christ dans le sacrement, — qui « demeure avec eux » (GS 48) —, par l’alliance matrimoniale et par la vie familiale qu’ils entreprennent désormais sous la bénédiction de Dieu et de l’Église. Le mariage catholique exprime avec intensité qu’il est un projet de vie conçu et encouragé par la foi[174], comme un chemin de sanctification réciproque, dans lequel les époux exercent le sacerdoce commun en se donnant mutuellement le sacrement[175] (cf. LG 10). La conscience et la volonté d’être sacrement de l’amour de Dieu présupposent et expriment la foi personnelle de chacun des époux. Ainsi, il apparaît véritablement comme un sacrement de la foi, dans lequel tant Jésus-Christ que le Saint-Esprit, l’Esprit d’amour (cf. Rm 5, 5), agissent efficacement. L’amour que les époux se professent mutuellement est déjà déterminé par leur réalité de baptisés. La sanctification opérée par le sacrement stimule cet amour surnaturel dans la réalisation de la communauté conjugale et familiale.

d) La foi et les biens du mariage

142. La présence de la foi et l’action efficace de la grâce sacramentelle poussent les époux à réaliser les biens propres au mariage : « Cette union intime, don réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants, exigent l’entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité » (GS 48). L’indissolubilité (cf. GS 49) est comprise, à partir de la foi, comme une caractéristique essentielle de la relation conjugale, car sinon elle s’écarterait du plan originel de Dieu (Gn 2, 23-24) et cesserait d’être le signe visible de l’amour irrévocable du Christ pour son Église. La fidélité entre les époux et la recherche généreuse du bien de l’autre conjoint (cf. GS 49) sont vécues comme quelque chose qui découle avec douceur et cohérence de la foi et de la relation personnelle avec le Seigneur Jésus. En effet, la foi nous met en relation personnelle avec Jésus-Christ, tout en nous présentant comme modèle à suivre Celui qui a donné sa vie pour les pécheurs (cf. Mc 10, 45 ; Rm 5, 6-8 ; 14, 15 ; Ep 5, 2 ; 1 Jn 4, 9-10). Les époux chrétiens, à partir de leur foi, s’efforcent de traduire dans leur vie conjugale et familiale la maxime selon laquelle « il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20, 35). À partir de la foi, la fécondité (cf. GS 50) s’inscrit dans le plan de Dieu (Gn 1, 28), dont l’un des signes de bénédiction est la descendance. L’amour du Dieu trinitaire nous enseigne, à partir de la foi, que le véritable amour inclut toujours la réciprocité amoureuse maximale et l’ouverture maximale vers l’autre. C’est pourquoi la foi empêche de comprendre le mariage comme une sorte d’égoïsme calculé du couple. Une foi active des deux époux implique la compréhension que Dieu, en tant qu’auteur du mariage, l’a doté « de valeurs et de fins diverses » (GS 48) que les conjoints chrétiens s’efforcent de vivre et de déployer. Par conséquent, une foi vivante et partagée dans le cadre de l’union matrimoniale réduit la possibilité que des tendances égocentriques ou individualistes s’enracinent chez chaque conjoint et dans le couple, malgré la pression ambiante de la culture environnante.

4.2. Une quaestio dubia : la qualité sacramentelle du mariage des « baptisés non croyants »

a) Approche de la question

143. [Définition]. Le mariage est une réalité créaturelle. Par le baptême, le lien naturel est élevé au rang de signe surnaturel : « L’alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants, a été élevée entre baptisés par le Christ Seigneur à la dignité de sacrement »[176]. Selon la doctrine théologique et la pratique canonique actuellement en vigueur, tout contrat matrimonial valide entre baptisés est « en soi » sacrement[177], même en l’absence de foi des contractants. En d’autres termes, dans le cas des baptisés, on affirme l’inséparabilité entre un contrat matrimonial valide, correspondant à l’ordre créaturel du mariage, et le sacrement. Les baptisés ne pourraient pas avoir simultanément accédé à l’ordre sacramentel, par le baptême, sans que cela affecte une réalité aussi déterminante de la vie et ayant une capacité de signification sacramentelle, comme le mariage, qui serait soustrait à l’ordre sacramentel, auquel les époux appartiennent de manière irrévocable après le baptême (cf. §§ 166 d et 167 d). Cette doctrine doit-elle également s’appliquer au cas de l’union matrimoniale entre « baptisés non croyants » ? Dans cette question délicate, la « réciprocité entre la foi et les sacrements » que nous défendons semble être remise en cause. Pour aborder la question de manière adéquate, nous devons préciser son état et ses termes de manière plus nuancée.

144. [« Baptisés non croyants »]. Nous entendons par « baptisés non croyants » les personnes chez lesquelles on ne trouve aucune trace de la nature dialogique de la foi, propre à la réponse personnelle du croyant à l’interlocution sacramentelle du Dieu trinitaire, comme nous l’avons exposé au chapitre deuxième. Cette catégorie englobe deux types de personnes. Les personnes qui ont reçu le baptême dans leur enfance, mais qui, pour diverses raisons, n’ont pas accompli d’acte personnel de foi impliquant leur intelligence et leur volonté. Il s’agit d’un cas très fréquent dans les pays traditionnellement chrétiens, où une large déchristianisation de la société s’accompagne d’une grande négligence dans l’éducation à la foi. Nous faisons également référence aux personnes baptisées qui renient consciemment et explicitement leur foi et ne se considèrent ni comme catholiques ni comme chrétiennes. Elles accomplissent parfois même un acte formel d’abandon de la foi catholique et de séparation d’avec l’Église, sans que la raison de cet acte d’abandon formel de l’Église catholique soit l’adhésion à une autre Église, communauté ou confession chrétienne. Dans les deux cas, on ne perçoit pas la présence d’une « disposition à croire »[178].

145. [Formulation préliminaire de la question]. La question qui se pose donc est la suivante : si deux « baptisés non croyants » célibataires de sexe différent, appartenant à l’un ou l’autre des deux types décrits, se marient par une célébration sacramentelle ou par un autre mode d’union valide, y a-t-il sacrement ? Le sujet fait l’objet d’un débat et a donné lieu à une abondante littérature. Sa solution n’est pas claire, car divers éléments d’une grande importance entrent en jeu simultanément. Dans la suite, nous passerons en revue quelques étapes significatives de son évolution au cours des dernières années, dans les enseignements des derniers pontifes, ainsi que dans les instances ecclésiales officielles, afin d’aborder de manière responsable les termes de la question.

b) État et termes de la question

146. [Commission Théologique Internationale]. En 1977, la Commission Théologique internationale a élaboré un document intitulé La doctrine catholique sur le sacrement du mariage. Parmi les thèmes abordés figurent : la sacramentalité du mariage, le mariage entre « baptisés non croyants » et l’inséparabilité entre contrat et sacrement. Les auteurs ont soutenu une série de thèses très nuancées qui laissent entrevoir la tension entre la conviction de la nécessité de la foi pour la célébration d’un sacrement et la réticence à déclarer la foi comme déterminante de la sacramentalité du mariage. Parmi leurs affirmations, que nous ne reproduisons pas dans leur intégralité, les suivantes sont particulièrement pertinentes pour notre sujet.

147. L’existence d’une relation constitutive et réciproque entre l’indissolubilité et la sacramentalité. Et ils précisaient : « la sacramentalité constitue le fondement dernier, bien que non unique, de l’indissolubilité du mariage » (§ 2.2.).

148. En ce qui concerne l’interrelation entre la foi et le sacrement du mariage, ils soutenaient que dans le sacrement du mariage, la source de la grâce est Jésus-Christ, et non la foi des personnes qui se marient. Et ils ajoutaient : « Cela ne signifie cependant pas que, dans le sacrement du mariage, la grâce soit donnée en dehors de la foi ou sans aucune foi » (§ 2.3.). La foi serait une « cause dispositive » pour la fécondité, et non pour la validité.

149. Concernant les « baptisés non croyants », ils disaient : « Le fait des “baptisés non croyants” pose aujourd’hui un nouveau problème théologique et un sérieux dilemme pastoral, surtout si l’absence, voire le refus de la foi semblent patents. L’intention requise – l’intention d’accomplir ce que font le Christ et l’Église – est la condition minimale nécessaire pour qu’il y ait vraiment un acte humain d’engagement au plan de la réalité sacramentelle. Certes il ne faut pas mêler la question de l’intention avec le problème relatif à la foi personnelle des contractants. On ne peut cependant pas non plus les séparer totalement. Au fond des choses, l’intention véritable naît et se nourrit d’une foi vivante. Là donc où l’on ne perçoit aucune trace de la foi comme telle (au sens du terme “croyance ”, disposition à croire) ni aucun désir de la grâce et du salut, la question se pose de savoir, au plan des faits, si l’intention générale et vraiment sacramentelle, dont nous venons de parler, est présente ou non, et si le mariage est validement contracté ou non. La foi personnelle des contractants ne constitue pas, on l’a noté, la sacramentalité du mariage, mais l’absence de foi personnelle compromet la validité du sacrement. » (§ 2.3. Souligné par nous).

Dans son commentaire, publié avec le document, le secrétaire de la Commission de l’époque, Mgr Ph. Delhaye, affirme : « La clé du problème est dans l’intention, l’intention de faire ce que fait l’Église en offrant un sacrement permanent qui entraîne indissolubilité, fidélité, fécondité »[179].

150. Plus loin, le document de la Commission réaffirme l’inséparabilité entre contrat et sacrement : « Pour l’Église, entre deux baptisés, il n’existe pas de mariage naturel séparé du sacrement mais uniquement un mariage naturel élevé à la dignité de sacrement » (§ 3.5.).

151. [Saint Jean-Paul II]. Tout au long du pontificat de Jean-Paul II, le thème du mariage des « baptisés non croyants » et de la nécessité de la foi pour le sacrement du mariage a été abordé à plusieurs reprises. La proposition n° 12.4 approuvée par la Ve Assemblée générale du Synode des évêques, qui portait sur la famille, tenue en 1980, disait : « Qu’il soit examiné plus sérieusement si l’affirmation selon laquelle un mariage valide entre baptisés est toujours un sacrement s’applique également à ceux qui ont perdu la foi. Que l’on en tire ensuite les conséquences juridiques et pastorales »[180].

152. Dans l’exhortation post-synodale Familiaris consortio, Jean-Paul II soutiendra de manière cohérente que l’acte matrimonial est intrinsèquement qualifié par la réalité surnaturelle à laquelle les baptisés appartiennent de manière irrévocable, au-delà de la conscience expresse de cette réalité[181]. Au sujet de notre thème, il indique clairement : « Vouloir établir, pour l’admission à la célébration ecclésiale du mariage, d’autres critères qui concerneraient le degré de foi des fiancés, comporte de graves risques: avant tout, celui de prononcer des jugements non suffisamment fondés et discriminatoires; le risque ensuite de soulever des doutes sur la validité de mariages déjà célébrés, non sans grave dommage pour les communautés chrétiennes, et de susciter de nouvelles inquiétudes injustifiées dans la conscience des époux. On tomberait dans le danger de contester ou de mettre en doute la sacramentalité de nombreux mariages de frères qui ne sont pas en pleine communion avec l’Église catholique, et cela en contradiction avec la tradition ecclésiale »[182].

153. Malgré tout, il ne manque pas de reconnaître la possibilité que les futurs époux demandent simultanément la célébration ecclésiale du mariage et « manifestent leur refus explicite et formel de ce que l’Église entend faire quand est célébré un mariage de baptisés ». Dans ce cas, il déclare : « le pasteur d’âmes ne peut les admettre à la célébration »[183]. Nous pouvons interpréter cela comme signifiant que dans ce cas, il n’y aurait pas de véritable sacrement. En d’autres termes, Jean-Paul II exige un minimum, ne serait-ce que l’absence de rejet explicite et formel de ce que fait l’Église. Par conséquent, à sa manière, il rejette également ce que nous pouvons appeler un automatisme sacramentel absolu[184].

154. Plus loin, dans un important discours à la Rote romaine (30 janvier 2003), il a clairement mis en garde contre l’inexistence de deux types de mariages, l’un naturel et l’autre surnaturel : « L’Église ne refuse pas la célébration des noces à qui est bene dispositus, même si imparfaitement préparé du point de vue surnaturel, du moment qu’il a l’intention honnête de se marier selon la réalité naturelle de la conjugalité. On ne peut pas présenter, à côté du mariage naturel, un autre modèle de mariage chrétien ayant des qualités surnaturelles spécifiques »[185]. Cette opinion avait déjà été clairement défendue par Jean-Paul II dans un autre discours à la Rote romaine (1er février 2001)[186]. En 2001, il a souligné qu’il ne fallait pas exiger la foi comme condition minimale, ce qui est étranger à la tradition[187]. Il a ratifié les fins naturelles du mariage et affirmé que le mariage est une réalité naturelle, et non exclusivement surnaturelle. Dans ce contexte, il ajoute : « obscurcir la dimension naturelle du mariage et le réduire à une simple expérience subjective entraîne également la négation implicite de sa sacramentalité »[188]. En d’autres termes, tout repose sur la réalité naturelle, créatrice.

155. [L’élaboration du Code de droit canonique]. Lors des travaux préparatoires à l’élaboration du Code de droit canonique, la question de l’inséparabilité entre la réalité naturelle du mariage et le mariage sacramentel en tant que réalité salvifique a été largement débattue. Finalement, le législateur a choisi de maintenir la doctrine la plus courante, sans prétendre élucider doctrinalement la question, car cela ne relevait pas de sa compétence. La législation reprend les hypothèses théologiques les plus communément admises[189]. Cette inséparabilité a été discutée lors du concile de Trente. Parmi ses opposants, Melchor Cano se distingue particulièrement. Elle n’a pas été définie, bien qu’il s’agisse de l’opinion la plus courante. Beaucoup la qualifient de doctrine catholique[190]. Le CIC la reprend dans le canon 1055, § 2, déjà mentionné[191].

156. [La jurisprudence de la Rote romaine]. La jurisprudence rotale, suivant la doctrine catholique, considère que l’indissolubilité est une propriété essentielle du mariage naturel. Or, dans un contexte social et culturel très sécularisé, où des convictions très différentes de celles de l’Église sont répandues et enracinées, la question se pose de savoir si, de facto, en l’absence de foi, l’indissolubilité du mariage est acceptée. Ainsi, depuis quelques années, la jurisprudence estime que l’absence de foi peut affecter l’intention de célébrer un mariage naturel[192]. D’une certaine manière, cela semble faire écho à la sensibilité exprimée dans la proposition 40 de la XIe Assemblée générale du Synode des évêques, qui s’est tenue en octobre 2005, sous le pontificat de Benoît XVI, et qui portait sur l’Eucharistie. Dans cette proposition, en ce qui concerne les divorcés remariés, il était dit : « le Synode souhaite que tous les efforts possibles soient mis en œuvre aussi bien pour assurer le caractère pastoral, la présence et l’activité correcte et pleine de sollicitude des tribunaux ecclésiastiques pour les causes de nullité du mariage (cf. Dignitas connubii), que pour approfondir davantage les éléments essentiels en ce qui concerne la validité du mariage, tenant également compte des problèmes venant d’un contexte de profonde transformation anthropologique de notre temps, par lequel les fidèles eux-mêmes risquent d’être conditionnés, en particulier à cause d’un manque de formation chrétienne solide »[193].

157. [J. Ratzinger - Benoît XVI]. Le cardinal J. Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a clairement déclaré en 1997 : « On devrait clarifier la question de savoir si vraiment tout mariage entre deux baptisés est ipso facto un mariage sacramentel. De fait, le Code lui-même indique que seul le contrat matrimonial “valide” entre baptisés est en même temps sacrement (cf. CIC, can. 1055, § 2). La foi appartient à l’essence du sacrement ; reste à éclaircir la question juridique, quant à savoir quelle évidence de “non-foi” aurait pour conséquence qu’un sacrement ne se réalise pas »[194]. Opinion qu’il a nuancée en tant que pape, Benoît XVI, dans une allocution aux prêtres en 2005, indiquant que le problème est très difficile, qu’il nourrissait désormais davantage de doutes sur la foi comme motif d’invalidité et qu’il nécessite encore d’être approfondi[195].

158. Dans son dernier discours à la Rote romaine[196] (26 janvier 2013), le pape Benoît XVI est revenu sur cette question qui lui tient tant à cœur. Nous en extrayons quelques-unes de ses contributions. Au début de ses réflexions, il aborde la question de la foi et de l’intention, en accord avec la Commission théologique internationale, dont il cite le document : « Le pacte indissoluble entre un homme et une femme n’exige pas, afin d’assurer son caractère sacramentel, la foi personnelle des futurs époux ; ce qui est demandé, comme condition minimale nécessaire, est l’intention de faire ce que fait l’Église. Mais s’il est important de ne pas confondre le problème de l’intention avec celui de la foi personnelle des contractants, il n’est toutefois pas possible de les séparer totalement »[197].

159. Il explique ensuite comment la foi et l’ouverture à Dieu déterminent grandement la conception de la vie sous tous ses aspects, et plus particulièrement dans un domaine aussi délicat qu’un lien pour toute la vie (indissolubilité, exclusivité, fidélité). « Le refus de la proposition divine conduit en effet à un déséquilibre profond entre toutes les relations humaines, y compris matrimoniale, et facilite une compréhension erronée de la liberté et de l’autoréalisation ». Il en résulte, selon Benoît XVI, « un déséquilibre profond entre toutes les relations humaines, y compris matrimoniale ». Cela « facilite une compréhension erronée de la liberté et de l’autoréalisation qui, unie au refus d’avoir la patience de supporter la douleur, condamne l’homme à s’enfermer dans son égoïsme et son égocentrisme »[198].

160. Ce manque de foi n’implique pas automatiquement l’impossibilité d’un mariage naturel. Cependant : « La foi en Dieu, soutenue par la grâce divine, est donc un élément très important pour vivre le dévouement mutuel et la fidélité conjugale. (...) Mais assurément, la fermeture à Dieu ou le refus de la dimension sacrée de l’union conjugale et de sa valeur dans l’ordre de la grâce rend difficile l’incarnation concrète du modèle très élevé du mariage conçu par l’Église selon le dessein de Dieu, pouvant arriver à miner la validité même du pacte si, comme le reconnaît la jurisprudence consolidée de ce Tribunal, elle se traduit par un refus de principe de l’obligation conjugale de fidélité elle-même, c’est-à-dire des autres éléments ou propriétés essentielles du mariage »[199].

161. Plus loin, il approfondit la manière dont la foi influe de manière décisive sur le bien des époux : « En vérité, dans l’intention des époux chrétiens de vivre une véritable communio coniugalis se trouve un dynamisme propre à la foi, selon lequel la confessio, la réponse personnelle sincère à l’annonce salvifique, fait participer le croyant au mouvement d’amour de Dieu »[200]. Il poursuit en affirmant que la confession de foi, loin de rester à un niveau abstrait, engage pleinement la personne dans la charité confessée, car vérité et amour sont inséparables. Et il conclut : « On ne doit donc pas faire abstraction de la considération qu’il puisse exister des cas dans lesquels, justement en raison de l’absence de foi, le bien des conjoints est compromis, c’est-à-dire exclu du consentement lui-même »[201]. Ainsi, le manque de foi « peut, bien que non nécessairement, blesser également les biens du mariage, du moment que la référence à l’ordre naturel voulu par Dieu est inhérente au pacte conjugal (cf. Gn 2, 24) »[202].

162. [François]. La nécessité d’une étude plus approfondie, demandée par Benoît XVI, reste d’actualité, à la lumière des conclusions préalables aux dernières assemblées synodales sur la famille et des déclarations du pape François. Ainsi, l’Instrumentum laboris pour la IIIe Assemblée générale extraordinaire du Synode des évêques (2014) résumait notre question : « Dans de nombreux cas, signalés en particulier en Europe et en Amérique du Nord… il est nécessaire d’approfondir la question du rapport entre la foi et le sacrement du mariage – comme Benoît XVI l’a suggéré »[203]. La Relatio Synodi, qui sert à la fois de conclusion à la IIIe Assemblée générale extraordinaire et de Lineamenta pour la XIVe Assemblée générale du Synode, fait également allusion à cette question[204] ; tout comme l’Instrumentum laboris pour la XIVe Assemblée (2015)[205]. L’exhortation post-synodale Amoris laetitia prévient dans son introduction : « la complexité des thèmes abordés [au cours du chemin synodal] nous a montré la nécessité de continuer à approfondir librement certaines questions doctrinales, morales, spirituelles et pastorales »[206]. Et il ajoute : « De toute manière, nous avons besoin de réfléchir davantage sur l’action divine dans le rite nuptial, qui est bien mise en exergue dans les Églises Orientales, par l’accent placé sur l’importance de la bénédiction sur ceux qui contractent le mariage, en signe du don de l’Esprit »[207]. La présente réflexion sur la « réciprocité entre foi et mariage » s’inscrit modestement dans cette voie.

163. Le pape François a également abordé notre question à plusieurs reprises. Dans son discours à la Rote romaine du 23 janvier 2015[208], il a évoqué les vices d’origine possibles dans le consentement, qui peuvent affecter la validité, en soulignant qu’ils peuvent se produire « soit directement par défaut d’intention valide, ou par grave déficit dans la compréhension du mariage lui-même, au point de déterminer la volonté (cf. can. 1099) »[209]. Et il a ajouté : « En effet, la crise du mariage est souvent, à sa racine, une crise de la connaissance éclairée par la foi, c’est-à-dire par l’adhésion à Dieu et à son dessein d’amour réalisé en Jésus Christ »[210].

164. Dans le même ordre d’idées, la lettre apostolique sous forme de motu proprio Mitis iudex Dominus Iesus [211] (15 août 2015) affirme : « Parmi les circonstances de faits et de personnes qui permettent le traitement des causes de nullité du mariage par le procès plus bref selon les canons 1683-1687, sont comprises par exemple : le manque de foi qui peut générer la simulation du consentement ou l’erreur qui détermine la volonté »[212]. Ainsi, le manque de foi peut être déterminant pour la validité.

165. L’année suivante (22 janvier 2016), s’adressant à la Rote romaine[213], il s’est exprimé en ces termes : « Il est bon de réaffirmer avec clarté que la qualité de la foi n’est pas une condition essentielle du consensus matrimonial, qui, selon la doctrine de toujours, ne peut être touché qu’au niveau naturel (cf. CIC, can. 1055 1 et 2) »[214]. Il a fait sienne la doctrine qui soutient la présence de l’habitus fidei opérationnel après le baptême, même sans une foi psychologiquement perceptible. Et il conclut : « Le manque de formation dans la foi, ainsi que l’erreur à propos de l’unité, de l’indissolubilité et de la dignité sacramentelle du mariage ne vicient le consensus matrimonial que s’ils déterminent la volonté (cf. CIC, can. 1099). C’est précisément pour cela que les erreurs qui concernent la sacramentalité du mariage doivent être évaluées très attentivement »[215].

166. [Les termes de la question]. À partir de ce bref aperçu des enseignements des derniers pontifes sur notre sujet, ainsi que des instances ecclésiales officielles, il semble clair que la question de fond n’est pas tout à fait résolue, même si elle est assez bien cernée. En faisant le point sur les interprétations et en systématisant, les aspects suivants entrent en jeu dans une relation d’interdépendance et de tension dynamique :

a) Comme dans tout sacrement, le mariage est une transmission de la grâce du Christ. Cette grâce n’est pas due à la foi des ministres, selon la tradition latine des contractants, mais au don du Christ, qui se rend activement présent dans l’alliance conjugale, et de l’Esprit.

b) Il ne peut y avoir de sacrement sans foi. Une sorte d’automatisme sacramentel nierait la nature dialogique de l’économie sacramentelle, qui s’articule autour du lien intime entre la foi et les sacrements (cf. chap. 2). Ainsi, pour qu’il y ait sacrement dans le cas du mariage entre « baptisés non croyants », il doit y avoir une certaine foi agissante, indépendamment de la difficulté à la déterminer positivement, que ce soit chez les époux ou en l’attribuant entièrement à la Mère Église.

c) La difficulté pratique de vérifier l’absence de foi des époux est un problème pastoral ardu et complexe (cf. § 61). Cependant, il appartient à la théologie de clarifier dogmatiquement ce point essentiel pour une compréhension correcte du sacrement du mariage.

d) Le baptême valablement reçu a irrévocablement greffé le baptisé dans l’économie sacramentelle, avec l’impression du « caractère » (cf. § 65). Sa réalité personnelle, au-delà de ses actes conscients de compréhension et de volonté, propres à la foi[216], est déjà marquée par cette appartenance sans que le péché ou l’absence de foi, qu’elle soit informe ou formée, puisse effacer ou annuler ce qu’a produit le don irrévocable du Christ.

e) La doctrine catholique la plus établie soutient l’inséparabilité entre contrat et sacrement (cf. § 155). La clarification définitive de cet aspect reste en suspens. La séparation entre contrat et sacrement aurait une répercussion directe sur la question que nous traitons. Étant donné l’état actuel de la doctrine catholique, il semble opportun d’adhérer à l’opinion la plus courante aujourd’hui concernant l’inséparabilité entre contrat et sacrement.

f) La foi des époux est déterminante pour la fécondité du sacrement (cf. § 68). La validité et, avec elle, la sacramentalité, dépendent de l’existence d’un véritable lien matrimonial : un mariage naturel.

g) Le minimum indispensable pour qu’il y ait sacrement réside dans l’intention de contracter un véritable mariage naturel (cf. § 154).

h) Dans le cas du sacrement du mariage, la foi et l’intention ne peuvent être identifiées, mais elles ne peuvent pas non plus être complètement séparées (cf. §§ 149 et 158). S’il est clair que la vérité sacramentelle du mariage dépend de l’intention et que la foi influence l’intention, la manière et la mesure dans lesquelles le manque de foi affecte l’intention ne sont pas tout à fait claires.

Nous proposons d’approfondir ce dernier point dans le cas des « baptisés non croyants » déjà décrits (cf. § 144), aspect qui est conforme à la réciprocité entre la foi et les sacrements que nous défendons.

167. [Alternatives théoriques possibles pour résoudre la question]. Mais auparavant, pour compléter, examinons la liste des solutions théoriques possibles pour notre sujet et leur validité théologique, selon la perspective théologique que nous avons précédemment fondée et examinée (chap. 2).

a) Tout d’abord, on pourrait défendre un automatisme sacramentel absolu. Le fait du baptême impliquerait, indépendamment de la foi des contractants, que le contrat matrimonial s’élève « eo ipso » à la réalité surnaturelle du sacrement. Cette solution va à l’encontre de la nature dialogique de l’économie sacramentelle, que nous avons exposée de manière raisonnée, c’est pourquoi nous la rejetons.

b) Une deuxième possibilité consisterait à défendre la séparation entre contrat et sacrement. S’il est vrai que l’identité entre contrat et sacrement n’a pas été solennellement définie, pour considérer cette séparation comme théologiquement vraie, il faudrait apporter une argumentation spécifique convaincante à cet égard. Nous renonçons à explorer cette voie et suivons les termes les plus courants de la théologie catholique actuelle sur le mariage.

c) Une troisième option ferait valoir la présence de la foi ecclésiale, malgré l’absence de foi personnelle des contractants. Il y aurait une substitution de la foi ecclésiale, malgré l’absence de foi personnelle de la part des contractants. Cette option présente toutefois également des problèmes. D’une part, l’essence du sacrement réside dans le consentement entre les époux. Sur cette base, l’Église peut exiger certaines conditions formelles pour sa validité, comme c’est le cas aujourd’hui, à la suite d’une longue histoire. D’autre part, tout au long de l’exploration de la nature dialogique de l’économie sacramentelle (chap. 2), nous avons montré comment la foi ecclésiale précède et accompagne la foi personnelle, mais ne la remplace jamais complètement. Attribuer la sacramentalité du mariage exclusivement à la foi ecclésiale reviendrait à nier la nature interpersonnelle de l’économie sacramentelle.

d) Une quatrième possibilité consiste à attribuer la sacramentalité à l’efficacité liée au « caractère » imprimé par le baptême. Le « caractère » est dû à l’irrévocabilité du don du Christ. Il implique l’insertion dans la réalité sacramentelle de l’économie. Il habilite à l’exercice dialogique de la sacramentalité, sans pour autant supposer en soi un exercice actif de celle-ci. L’habitus, lié au « caractère », est une disposition à agir ; ni une action ni un acte. Il nécessite d’être exercé par une puissance, comme par exemple la volonté[217]. Ainsi, avec l’impression du « caractère » et l’infusion de l’habitude, l’interlocution sacramentelle de la part de Dieu est affirmée avec force, mais il manque la réponse dialogique, de nature personnelle, de la part du sujet favorisé, qui est toutefois devenu capable de donner cette réponse.

e) Comme nous l’avons déjà évoqué, il reste la possibilité d’argumenter autour de l’intention, car pour que tout sacrement soit valide, il faut qu’il y ait l’intention de faire ce que l’Église entend faire dans ce sacrement.

4.3. L’intention et la constitution du lien matrimonial en l’absence de foi

a) L’intention est nécessaire pour qu’il y ait sacrement

168. [Nécessité de l’intention]. Comme nous l’avons déjà dit[218] (cf. §§ 67-69), la doctrine traditionnelle des sacrements repose sur la conviction que, pour qu’il y ait sacrement, il faut au moins l’intention de faire ce que fait l’Église : « Tous ces sacrements sont accomplis par trois constituants : des choses qui en sont comme la matière, des paroles qui en sont comme la forme, et la personne du ministre qui confère le sacrement avec l’intention de faire ce que fait l’Église (cum intentione faciendi quod facit Ecclesia). Si l’un de ces constituants manque, le sacrement n’est pas accompli »[219]. Selon l’opinion commune de la théologie latine, les ministres du sacrement du mariage sont les époux, qui se donnent mutuellement le mariage[220]. Dans le cas du mariage sacramentel, il faut au moins l’intention de réaliser un mariage naturel. Or, le mariage naturel, tel que l’entend l’Église, comprend comme propriétés essentielles l’indissolubilité, la fidélité et l’ordination au bien des époux et au bien de la progéniture. Par conséquent, si l’intention de contracter mariage n’inclut pas ces propriétés, au moins implicitement, il y a un manque grave dans l’intention, susceptible de remettre en question l’existence même du mariage naturel, base nécessaire au mariage sacramentel[221].

169. [Interrelation entre la foi et l’intention]. Avec des accents variés, le magistère des trois derniers pontifes constate l’interconnexion entre une foi vivante et explicite et l’intention de célébrer un véritable mariage naturel : indissoluble et exclusif, axé sur le bien des époux, par une charité oblative sincère, et ouvert à la progéniture. Jean-Paul II demande de ne pas accepter les conjoints qui manifestent « leur refus explicite et formel de ce que l’Église entend faire quand est célébré un mariage de baptisés » (cf. § 153) tout en soutenant la nécessité de « l’intention honnête de se marier selon la réalité naturelle de la conjugalité » (cf. § 154). Benoît XVI souligne l’incidence très notable de l’absence de foi sur la conception de la vie, des relations, du lien matrimonial lui-même et du bien des époux, pouvant aller jusqu’à « blesser également les biens du mariage » (cf. § 161). François indique que la crise du mariage trouve sa racine dans la « crise de la connaissance éclairée par la foi » (cf. § 163) et invoque le manque de foi comme motif possible de simulation dans le consentement (cf. § 164). La jurisprudence de la Rote romaine s’inscrit dans la ligne indiquée par Benoît XVI (cf. § 156). Plus précisément, les instances ecclésiales mentionnées et les deux derniers pontifes estiment que l’absence de foi vivante et explicite suscite des soupçons fondés sur l’intention de célébrer véritablement un mariage indissoluble, définitif et exclusif, comme un don réciproque gratuit et ouvert à la progéniture, sans toutefois exclure d’emblée la possibilité qu’il puisse exister. En aucun cas, il ne s’agit d’un automatisme sacramentel simpliste.

b) Compréhension culturelle prédominante du mariage

170. [Culture prédominante et compréhension du mariage]. Dans les pays où la culture dominante propose la polygamie comme une valeur, ce qui est contraire au dessein divin (cf. Gn 1, 26 ; 2, 18-24), il semble plus difficile de considérer qu’en l’absence de foi explicite, l’intention de se marier inclut en soi l’exclusivité, inhérente au mariage naturel selon la conception chrétienne. En outre, le contexte culturel de la polygamie, ainsi que d’autres aspects qui peuvent exister indépendamment de la polygamie, va à l’encontre du « principe de parité » des époux, fondé sur leur création à l’image et à la ressemblance de Dieu [222], inhérent au bien même des époux (bonum coniugum), l’un des biens fondamentaux du mariage naturel. D’autre part, une sorte de pratique de la polygamie, en tant que réalité factuelle, s’est répandue dans de nombreux pays occidentaux, où l’existence d’un lien matrimonial ou de couple n’est pas considérée comme un obstacle à vivre simultanément d’autres réalités qui, selon l’Église, appartiennent exclusivement à l’ordre conjugal.

171. Il y a des années, dans les pays traditionnellement chrétiens, il existait un consensus sur la réalité du mariage, inspiré par l’influence exercée par la foi chrétienne sur la société. Dans ce contexte, on pouvait partir du principe que tout mariage naturel, indépendamment d’une vie de foi vivante et explicite, incluait dans son intention les propriétés du mariage naturel, telles que les comprend l’Église. Aujourd’hui, avec l’enracinement et la diffusion d’autres conceptions de la famille clairement divergentes de celle de l’Église catholique, une plus grande prudence s’impose, ce qui engendre de nouveaux problèmes doctrinaux et pastoraux.

172. Le fait que le mariage soit une réalité créationnelle implique que l’anthropologie fait partie intégrante de son essence à deux titres, étroitement liés l’un à l’autre. D’une part, la conception de ce qu’est la personne humaine, quelqu’un qui, en tant qu’être relationnel, réalise son propre être dans le don de soi, entre pleinement en jeu. D’autre part, la compréhension de la différenciation sexuelle, homme et femme, comme élément du plan divin orienté vers la procréation et vers l’alliance conjugale, reflet de l’alliance divine entre Dieu et le peuple d’Israël et entre le Christ et l’Église, touche également à l’essence du mariage. Ces deux éléments entrent en jeu pleinement dans le mariage naturel : indissoluble, exclusif, axé sur le bien réciproque des époux, par l’amour interpersonnel, et sur la descendance. Ainsi, l’Église apparaît, parfois seule et attaquée, comme le bastion culturel qui préserve la réalité naturelle propre au mariage. Cependant, sans tomber dans des lamentations catastrophistes, un regard sincère sur notre contexte culturel ne peut manquer de constater comment se consolident de plus en plus, comme des axiomes incontestables dans la culture postmoderne, des aspects qui remettent en question, dans sa racine anthropologique, le fondement naturel du mariage. Ainsi, sans prétendre à l’exhaustivité, la tendance dominante inclut comme évidentes, par exemple, ces convictions répandues, enracinées et parfois sanctionnées par la législation, clairement contraires à la foi catholique.

a) La recherche de l’épanouissement personnel, centrée sur la satisfaction de soi, comme objectif principal de la vie, qui justifie les décisions éthiques les plus importantes, y compris dans le domaine conjugal et familial. Cette conception s’oppose au sens du sacrifice amoureux et de l’oblation comme accomplissement suprême de la vérité de la personne, que propose la foi chrétienne, atteignant ainsi de manière magnifique son sens et son accomplissement.

b) Une mentalité de type « machiste », qui sous-estime la femme, portant atteinte à la parité conjugale liée au bien des époux, en comprenant le mariage comme une alliance entre deux personnes qui ne seraient pas égales par dessein divin, par nature et par droits juridiques, contrairement à la conception biblique et à la foi chrétienne[223]. La position contre-culturelle de Jésus, contre le divorce (cf. Mt 19, 3-8), supposait une défense de la partie la plus faible dans la culture de l’époque : la femme.

c) Une « idéologie du genre », qui nie toute détermination biologique de caractère sexuel dans la construction de l’identité de genre, sapant la complémentarité entre les sexes inscrite dans le plan du Créateur.

d) Une mentalité favorable au divorce, qui sape la compréhension de l’indissolubilité du mariage. Au contraire, elle conduit à considérer les liens conjugaux, plus communément appelés « de couple », comme des réalités essentiellement révisables, en contradiction directe avec l’enseignement de Jésus à ce sujet : Mc 10, 9 et Mt 19, 6 (cf. Gn 2, 24).

e) Une conception du corps comme propriété personnelle absolue, librement disponible pour obtenir le maximum de plaisir, en particulier dans le domaine des relations sexuelles, détachées d’un lien conjugal institutionnel et stable. Paul, cependant, affirme que le corps appartient au Seigneur, excluant l’immoralité (πορνεία), de telle sorte que le corps devient un moyen de glorification de Dieu (cf. 1 Co 6, 13-20).

f) La dissociation entre l’acte conjugal et la procréation, contrairement à toute la tradition de l’Église catholique, depuis l’Écriture (Gn 1, 28) jusqu’à nos jours[224].

g) L’assimilation éthique, et parfois juridique, de toutes les formes de couple. Ainsi, se propagent non seulement les unions successives, les unions de fait, sans contrat matrimonial formel, mais aussi les unions entre personnes du même sexe. Les unions successives nient de fait l’indissolubilité. Les cohabitations temporaires ou à l’essai ignorent l’indissolubilité. Les unions entre personnes du même sexe ne reconnaissent pas la signification anthropologique de la différence des sexes (Gn 1, 27 ; 2, 22-24), inhérente à la compréhension naturelle du mariage selon la foi catholique.

c) L’absence de foi peut compromettre l’intention de contracter un mariage naturel

173. [L’absence de foi peut compromettre l’intention de célébrer un mariage qui inclut certains des biens du mariage]. Du point de vue de la théologie dogmatique, on peut douter à juste titre que, dans le cas des mariages entre « baptisés non croyants », selon la typologie que nous avons décrite, il y ait un sacrement de la foi en raison d’un grave défaut d’intention de contracter un mariage naturel, présumé comme une conséquence très probable, quasi inhérente au manque de foi, énoncée de manière différente par les deux derniers pontifes. Le manque de foi, dans le cas des « baptisés non croyants » de la typologie mentionnée ci-dessus, peut être qualifié comme sans équivoque et déterminant pour les conceptions de la vie. Les doutes mentionnés de manière générique par les pontifes peuvent donc être assumés dans leur intégralité pour ces cas. On ne peut ni désirer, ni prétendre, ni aimer ce que l’on ignore ou rejette explicitement.

174. [Incidence de l’absence de foi sur les biens naturels du mariage]. Dans le mariage chrétien, il existe un lien, beaucoup plus fort que dans tout autre sacrement, entre la réalité créaturelle et la réalité surnaturelle, entre l’ordre de la création et celui de la rédemption. « Le mariage a été institué par le Dieu créateur »[225] et ensuite élevé à la dignité de sacrement. Compte tenu de ce lien si étroit, on comprend qu’une modification de la réalité naturelle du mariage, un éloignement du projet créateur, ait une répercussion directe sur la réalité surnaturelle, le sacrement. Ce lien existe également dans le sens inverse, du moins dans le cas extrême des mariages entre « baptisés non croyants ». En effet, le refus explicite de la réalité surnaturelle, l’abandon explicite de la foi, parfois même par un acte formel, ou l’absence totale d’adhésion à la foi, chez des baptisés qui n’ont jamais assumé personnellement la foi, place ces personnes totalement à la merci des opinions sociales dominantes en matière matrimoniale et familiale, leur bloquant l’accès à la source créatrice du mariage.

175. En effet, si l’on considère conjointement l’axiomatique culturelle dominante, précédemment esquissée, et la ligne de réflexion de Benoît XVI dans son dernier discours à la Rote romaine (26 janvier 2013), on peut affirmer qu’en l’absence claire et explicite de foi, l’intention concernant les biens essentiels du mariage subit un grave préjudice. Benoît XVI l’a clairement illustré en ce qui concerne le bien des époux. Son point de départ était le suivant : « Dans le contexte de l’Année de la foi, je voudrais m’arrêter de manière particulière sur certains aspects du rapport entre foi et mariage, en observant comment l’actuelle crise de la foi, qui touche différentes parties du monde, porte en elle une crise de la société conjugale »[226]. En d’autres termes, l’élément surnaturel a une incidence directe sur la réalité naturelle. Et il poursuit plus loin : « Il n’échappe à personne que, sur le choix de l’être humain de se lier par un lien qui dure toute la vie, influe la perspective de base de chacun, c’est-à-dire s’il est ancré à un plan purement humain, ou bien s’il est ouvert à la lumière de la foi dans le Seigneur. En effet, ce n’est qu’en s’ouvrant à la vérité de Dieu qu’il est possible de comprendre, et de réaliser concrètement dans la vie également conjugale et familiale, la vérité de l’homme en tant que son fils, régénéré par le baptême »[227].

176. La vérité de l’homme dans le mariage naturel appartient au plan de Dieu. Benoît XVI relie la capacité oblative du véritable amour généreux, bien des époux, à l’ouverture au véritable amour, qui est Dieu, à partir de l’unité intime entre vérité et amour. Pour que l’amour spécifique du bien des époux puisse exister, il faut donc être ouvert à la vérité ultime de l’amour, à l’amour de Dieu. Dans une société qui prône la réalisation personnelle comme le bien suprême, il semble très difficile, en l’absence notable et explicite de foi, de comprendre le lien conjugal à partir de l’amour oblatif. Selon les mots de Benoît XVI : « “Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; car hors de moi vous ne pouvez rien faire” (Jn 15, 5) : c’est ce qu’enseignait Jésus à ses disciples, en leur rappelant l’incapacité substantielle de l’être humain d’accomplir tout seul ce qui est nécessaire à l’obtention du bien véritable »[228]. La compréhension de la vie et la pratique de l’amour comme transcendance altruiste, qui recherche avant tout le bien de l’autre personne, se perfectionnent avec la grâce divine.

177. L’amour oblatif et le dépassement de soi altruiste ne se limitent pas au bien réciproque des époux, mais concernent pleinement le bien de la progéniture, fruit splendide de la fécondité de l’amour conjugal. Si le bien de l’amour entre les époux est endommagé à la racine, cela ne peut manquer d’affecter aussi directement et explicitement le bien de la progéniture.

178. Le manque de foi implique en soi de sérieux doutes quant à l’indissolubilité dans notre contexte culturel. La conception sociale profondément enracinée du lien matrimonial, très souhaitable dans sa permanence, mais clairement révisable dans la compréhension de ce qu’il est proprement comme lien, ainsi que la prolifération si tristement abondante des séparations, font que, sans une source spécifique de connaissance, sans la foi comme moyen d’adhésion au plan créateur de Dieu, il y a des raisons de douter qu’il y ait une véritable intention d’indissolubilité du lien lors du mariage.

179. En résumé, nous avons articulé les points suivants. La foi détermine de manière très fondamentale l’anthropologie qui est vécue. La réalité substantielle du mariage est de nature anthropologique, créaturelle. Une absence totale de foi détermine également l’anthropologie et, avec elle, la réalité naturelle du mariage, qui est davantage à la merci de l’axiomatique culturelle dominante. Un manque de foi de cette ampleur dans ce contexte permet de douter à juste titre de l’existence d’un véritable mariage naturel, base indispensable sur laquelle repose le mariage sacramentel. En d’autres termes : dans le cas des « baptisés non croyants » décrits, en raison du manque de foi, on ne peut présupposer comme garantie l’intention de célébrer un mariage naturel, mais on ne peut non plus l’exclure d’emblée.

180. [Du point de vue de la sacramentalité]. Ce point de vue est en pleine conformité avec la conception de la sacramentalité que nous défendons (cf. en particulier § 16). Rappelons que celle-ci consiste en la corrélation inséparable entre une réalité visible, externe, le signifiant, et une autre de nature surnaturelle, invisible, signifiée. La conception du mariage catholique s’appuie sur cette compréhension de la sacramentalité. C’est pourquoi, pour qu’il y ait mariage sacramentel, il faut comme réalité visible externe un type d’amour qui, par ses qualités particulières (biens du mariage : GS 48-50), avec l’aide reçue par la grâce, puisse signifier l’amour de Dieu. En d’autres termes, un lien matrimonial qui n’inclurait pas l’indissolubilité, la fidélité, la disposition à se donner à l’autre conjoint et l’ouverture à la procréation ne serait pas un signe capable de signifier l’amour du Christ pour l’Église. L’Église comprend que dans ce type de lien, la vérité de l’amour matrimonial ne s’épanouit pas.

181. [Conclusion]. Notre proposition rejette deux extrêmes. D’une part, un automatisme sacramentel absolu (cf. en particulier §§ 41 e et 78 e) : tout mariage entre baptisés serait sacrement, soit par la présence d’une foi minimale agissante liée au « caractère », soit par l’intervention du Christ et de l’Église présupposée par le baptême. D’autre part, un scepticisme sacramentel élitiste : tout degré d’absence de foi vicierait l’intention et invaliderait donc le sacrement. Nous affirmons que, dans le cas d’une absence de foi aussi explicite et claire que celle des « baptisés non croyants » décrits, les doutes sérieux quant à une intention incluant les biens du mariage naturel, tels que les comprend l’Église, permettent de soutenir de sérieuses réserves quant à l’existence d’un mariage sacramentel. Il est donc cohérent avec la pratique sacramentelle de l’Église de refuser le sacrement du mariage à ceux qui le demandent dans ces conditions, comme l’a déjà soutenu Jean-Paul II (cf. §§ 153 et 169).

182. [Attention pastorale]. Tant le contexte culturel décrit (cf. §§ 156, 170-172) que l’existence de mariages entre « baptisés non croyants » incitent la pastorale matrimoniale à déployer toute sa vigueur et son potentiel, conformément aux suggestions de Jean-Paul II et de François[229]. Le rayonnement de la profonde humanité qui se vit dans les familles chrétiennes, dont le cœur est la foi vécue par tous ses membres, sera un phare et une étoile capable d’attirer et de convaincre. L’un de ses objectifs pourrait être précisément ces mariages de « baptisés non croyants », car un réveil de la foi signifierait l’éclosion de la force de la grâce sacramentelle. En tout état de cause, la meilleure réponse au « désir de famille » qui, malgré les difficultés, est vécu partout, est « la joie de l’amour qui se vit dans les familles »[230].

5. Conclusion : la réciprocité entre la foi et les sacrements dans l’économie sacramentelle

183. [Visibilité sacramentelle de la grâce]. L’économie sacramentelle, en tant qu’économie incarnée, exige en soi une visibilité de la grâce. L’Église, héritière et continuatrice de l’œuvre du Christ, constitue dans l’histoire ce signe visible. Son sens ne se réduit pas à procurer les moyens du salut à ses propres fidèles. Elle rend visible dans le monde la grâce salvifique de Dieu. Si l’Église disparaissait, la tangibilité historique du salut en Jésus-Christ s’évanouirait. C’est pourquoi l’Église elle-même rend un service à tous : elle est le moyen et l’instrument qui proclame la présence dans l’histoire du dessein universel du salut en Jésus-Christ. Chaque chrétien participe à cette mission ecclésiale, que chaque sacrement renforce à sa manière. Dans chaque sacrement, il y a une réception du don de Dieu, une configuration au Christ et une mission ecclésiale pour la vie du monde.

184. Étant donné que la sphère sacramentelle se réfère à la visibilité externe et vérifiable, lorsque l’accès aux sacrements est refusé, par exemple dans le cas des divorcés remariés ou autres, on ne peut en tirer une conclusion sur toute la vérité concernant la qualité de la foi de cette personne. Les chrétiens d’autres confessions chrétiennes ne sont pas en pleine communion visible et sacramentelle avec l’Église catholique, en raison de la persistance de différences profondes dans la doctrine et la vie chrétienne. C’est pourquoi la célébration sacramentelle ne peut rendre visible une pleine communion[231]. Toutefois, il n’est pas exclu par principe que l’union avec le Christ d’un chrétien non catholique, par la charité et la prière, puisse être plus intense que celle d’un catholique, même si ce dernier jouit de la plénitude objective des moyens salvifiques. Comme l’affirme la liturgie, le jugement ultime sur la qualité de la foi de chaque personne appartient à Dieu seul : « dont toi seul connais la foi »[232].

185. [Croissance, catéchuménat]. La foi, en tant que vertu, est une réalité dynamique. Elle peut croître, se renforcer, mûrir ; mais ses contraires aussi. Le catéchuménat aide à recevoir les sacrements avec une foi plus consciente de ce que l’on reçoit et de ce à quoi on s’engage. La charité pastorale devra décider des modalités concrètes du catéchuménat en fonction du sacrement concerné et des personnes qui le demandent, en tenant compte de la qualité et de l’intensité du contexte religieux dont elles sont issues. La formation des catéchistes et leur témoignage de vie sont essentiels. D’autre part, la réception même du sacrement, avec l’engagement qu’elle suppose, invite à poursuivre le catéchuménat, par le biais de la catéchèse mystagogique, certainement après les sacrements de l’initiation et du mariage. Tant la croissance dans la foi qu’une sorte de catéchuménat continu se produisent de manière appropriée dans certains des mouvements ecclésiaux dits nouveaux. Ils permettent une socialisation réussie dans la foi et l’appartenance ecclésiale. De plus, ils accentuent fortement la dimension sacramentelle de la foi, en mettant l’accent sur la réception reconnaissante du don, l’adoration du Seigneur, la réception fréquente des sacrements, soulignant avant tout le don irrévocable de Dieu, qui lie sa grâce aux sacrements sans la conditionner à la perfection des ministres ni aux mérites de ceux qui les reçoivent. Depuis l’horizon vertical de la sacramentalité, ils sont renforcés, car ils ne s’appuient pas sur eux-mêmes pour témoigner horizontalement devant le monde comment la grâce de Dieu se fraye un chemin dans la faiblesse (2 Co 12, 9).

186. [Insertion dans l’économie sacramentelle par la foi et les sacrements]. L’insertion du chrétien dans l’économie sacramentelle se fait par la foi et les sacrements. Les sacrements offrent à ceux qui le désirent et s’y disposent correctement une chose aussi précieuse que le gage de la vie éternelle et la proximité aimante du Christ.

187. Dans la réalisation de l’économie sacramentelle, comme déploiement de l’incarnation et de sa logique, le mystère pascal se détache comme le sommet où l’amour se réalise jusqu’à l’extrême (Jn 13, 1 ; 15, 13). Le chrétien, par le baptême, sacrement de la foi, s’incorpore à ce mystère, participant de manière sacramentelle à la mort et à la résurrection de Jésus (Rm 6, 3-4), tout en devenant pierre vivante de l’Église. Ainsi, la vie chrétienne commence par l’insertion dans le noyau essentiel de l’économie sacramentelle.

188. Le mystère du Christ a inclus dans son offrande le don de son Esprit, comme grand don du Ressuscité. À la Pentecôte, avec la réception de l’Esprit, au sommet de sa propre constitution, l’Église a pris pleinement conscience d’être comblée et envoyée pour une mission universelle. Le chrétien s’incorpore à l’événement de la Pentecôte par les sacrements de l’initiation, avec un renforcement de sa foi et de sa responsabilité tant ad intra de la communauté ecclésiale qu’ad extra en tant que « disciple missionnaire ».

189. Lors de la dernière Cène, Jésus a anticipé par des gestes et des paroles la signification de toute sa vie et de son propre mystère : corps livré et sang versé pour la « multitude ». Dans l’Eucharistie, le chrétien reçoit à nouveau le don du Seigneur, qu’il accepte expressément comme tel dans l’« amen », pour continuer lui-même à être un membre actif du corps du Christ présent dans le monde.

190. La dynamique de l’économie sacramentelle peut être lue comme l’alliance de Dieu avec son peuple, une image qui n’est pas sans connotations nuptiales. Dans l’ensemble du mystère du Christ, le renouvellement définitif et irrévocable de l’alliance de Dieu avec son peuple s’accomplit par le Christ. Les époux chrétiens, en se mariant « dans le Seigneur », deviennent un signe qui témoigne de l’amour qui préside à la relation du Christ avec l’Église.

191. Jésus a apporté par sa vie, sa mort et sa résurrection le salut de Dieu, qui comprend le pardon des péchés, la réconciliation avec Dieu et la réconciliation entre les frères en abattant le mur de séparation (Ep 2, 4-6. 11-14). Lorsque le chrétien contredit ce que signifie l’Évangile et la suite du Christ, il se réconcilie avec Dieu et avec l’Église en recevant le sacrement de pénitence avec une foi repentante. Ainsi, si par un côté l’Église se renouvelle, celui qui est pardonné devient ambassadeur du pardon de Dieu en Jésus-Christ.

192. Jésus s’est approché de nombreux malades, les a réconfortés, guéris et leur a pardonné leurs péchés. Celui qui reçoit l’onction s’unit sacramentellement au Christ à ce moment où le pouvoir de la maladie et de la mort semble triompher, pour proclamer par la foi la victoire du Christ et l’espérance de la vie éternelle.

193. Jésus a réuni autour de lui un groupe de disciples et de partisans, qu’il instruisait dans les mystères du royaume de Dieu et à qui il révélait le mystère de sa personne. Ceux qui, répondant par la foi à l’appel du Seigneur, reçoivent le sacrement de l’ordre sont configurés au Christ, Chef et Pasteur, pour continuer à annoncer l’Évangile, diriger la communauté à l’image du Bon Pasteur et offrir le sacrifice vivant et saint.

194. [Nature sacramentelle de la foi]. L’économie divine du salut commence avec la création, se réalise dans l’histoire et marche vers la consommation éternelle. Or, tout regard sur l’histoire ne saisit pas en elle la présence de l’action de Dieu ; par exemple, que la sortie d’Égypte fut une libération opérée par Dieu. De même, on peut savoir que Jésus-Christ a fait des miracles ou qu’il a été crucifié, mais seul le regard de la foi reconnaît dans les miracles les signes de sa messianité (cf. Lc 7, 18-23) et de sa divinité (cf. Mt 14, 33 ; Lc 5, 8 ; Jn 5), et non le pouvoir de Belzébuth (cf. Mc 3, 22) ; ou dans la croix, que s’y accomplissait le pardon des péchés (cf. Mt 27, 39-44), la réconciliation avec Dieu (2 Co 5, 18-20) et pas seulement une exécution.

195. C’est pourquoi, à la suite d’Augustin et d’Origène[233], on peut distinguer ce que l’on peut appeler un regard simplement historiciste sur les événements de l’histoire du salut. Celui-ci se caractérise par le fait qu’il se limite à la connaissance des événements, en accordant de la crédibilité aux témoins qui les racontent, mais sans en saisir la signification historique et salvifique. Cependant, le regard propre à la foi, par le don du Saint-Esprit, ne connaît pas seulement les événements historiques dans leur matérialité historique, mais perçoit en eux leur nature salvifique. En d’autres termes, ce regard pénètre la réalité sacramentelle authentique de ce qui se passe : en saisissant la visibilité de l’historique, il perçoit la profondeur de la grâce présente et agissante dans ces événements. À cette forme de foi, qui est proprement la foi chrétienne, correspond non seulement la perception de la présence de l’action divine dans l’histoire visible, mais aussi la capacité de percevoir le lien entre ces événements et l’espérance en la vie future. C’est pourquoi ce type de foi ne croit pas seulement en la vie éternelle, en la Sainte Trinité et en Christ notre Seigneur, mais c’est aussi le type de foi propre aux personnes qui ont reconnu le Ressuscité dans les apparitions. Sans cette foi, l’histoire ne prend pas l’aspect d’une économie divine du salut ; elle se résout en un ensemble de faits dont le sens est difficile à discerner, ou est en tout cas attribué de l’extérieur. Cependant, avec le don de la foi, le sens du cours des événements historiques réside dans la signification que Dieu lui-même leur donne : l’économie divine préside et gouverne l’histoire, la conduisant vers la vie éternelle. En un mot, comme l’économie divine trinitaire est de nature sacramentelle, la foi chrétienne est véritablement sacramentelle.

 

 

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[1] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, § 1116.

[2] Benoît XVI, Enc. Deus caritas est (25 décembre 2005) 1 : AAS 98 (2006) 217. Cité de nouveau par François, Exhort. apost. Evangelii Gaudium (24 novembre 2013) 7 : AAS 105 (2013) 1022.

[3] Cf. Origène, In leviticum hom. IV, 8 (PG 12, 442-443).

[4] Catéchisme de l’Église Catholique, § 150. Souligné dans l’original.

[5] Basile le Grand, De Spiritu Sancto, XII, 28 (SCh 17bis, 346).

[6] Commission Théologique Internationale, La doctrine catholique sur le sacrement du mariage [1977], § 2.3.

[7] Cf. Saint Jean-Paul II, Enc. Fides et ratio (14 septembre 1998) 84-85 : AAS 91 (1999) 71-73.

[8] J. Ratzinger, »Die sakramentale Begründung christlicher Existenz« [1965], in Gesammelte Schrifen 11. Theologie der Liturgie, Freiburg – Basel – Wien 2008, 197-198.

[9] Cf. François, Enc. Laudato si’ (24 mai 2015), en particulier 106-114 : AAS 107 (2015) 889-893.

[10] Saint Jean-Paul II, Enc. Fides et ratio (14 septembre1998) 13 : AAS 91 (1999) 16, a parlé de « la perspective sacramentelle de la Révélation » (souligné dans l’original). Benoît XVI, Exhort. apost. Sacramentum caritatis (22 février 2007) 45 : AAS 99 (2007) 140, reprend l’idée centrale et se réfère à l’« arrière-fond sacramentel de la révélation chrétienne ».

[11] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, § 1076 : « L’économie sacramentelle ». Voir la note 54.

[12] «S’il faut s’exprimer brièvement, ce dont est le Sauveur, c’est “une chose” et “une autre” (ἄλλο καὶ ἄλλο), s’il est vrai que le visible et l’invisible ne sont pas la même chose, et de même ce qui est hors du temps et ce qui est soumis au temps ; mais le Sauveur n’est pas “un” et “un autre” (ἄλλος καὶ ἄλλος), bien loin de là ! » (Grégoire de Nazianze, Ep. I ad Cledonium, 20 [SCh 208, 44-45 ; PG 37, 180 A]).

[13] Grégoire de Nazianze, Or. Theol. V (PG 36, 135 C [Or. 31, 3 (SCh 250, 280)]).

[14] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, § 1091.

[15] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. Verbum Domini (30 septembre 2010) 56 : AAS 102 (2010) 735-736.

[16] Cf. Concile Œcuménique de Latran IV, Profession de foi. Chapitre 1 : La foi catholique (DH 800) ; Concile Œcuménique Vatican II, Const. past. Gaudium et spes, 14.

[17] Cf. Ambroise, In Lucam II, 79 (PL 15, 1581) ; Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 61 a. 1.

[18] Cf. Théophile d’Antioche, Aut. II, 10,1 (PG 6, 1064 ; FuP 16, 116); Irénée de Lyon, Adv. haer. IV, 14,1 ; IV ,20,4 (SCh 100/2, 538 ; 636) ; Jean Duns Scot, Ord. III, d. 32, q. un., n. 21 (Vat. X,136-137) ; Catéchisme de l’Église Catholique, § 293.

[19] Par exemple : Hugues de Saint-Victor, De tribus diebus, IV (PL 175, 814 B ; CCCM 177, 9) ; Richard de Saint-Victor, De Trin. I, 9 ; Bonaventure, Itinerarium, I, 14 ; Benoît XVI, Exhort. apost. Verbum Domini (30 septembre 2010) 7 : AAS 102 (2010) 688.

[20] Ephrem, Hymni de fide, 18, 4-5 (CSCO 154, 70 ; 155, 54).

[21] Cf. Commission Théologique Internationale, Communion et service : La personne humaine créée à l’image de Dieu [2004]. Voir aussi notre § 20.

[22] Cf. François, Enc. Laudato si’ (24 mai 2015) en particulier 65-75 : AAS 107 (2015) 872-877.

[23] « Proinde prima sacramenta, quae observabantur et celebrabantur ex Lege, praenuntiativa erant Christi venturi: quae cum suo adventu Christus implevisset, ablata sunt; et ideo ablata, quia impleta; non enim venit solvere Legem, sed adimplere » (Augustin, Contra Faustum, XIX, 13; PL 42, 355).

[24] Cf. Irénée de Lyon, Adv. haer. IV, 21,3 (SCh 100/2, 684) ; Tertullien, De baptismo, 3 (CCSL 1, 278-279).

[25] « Caro salutis est cardo » (Tertullien, De resurrectione, 8 ; CCSL 2, 931). Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre Placuit Deo (22 février 2018) §§ 1-2, 4, 8 (incarnée) en corrélation avec §§ 13-14 (sacramentel).

[26] J. Ratzinger, « Prefazione », in H. Luthe (éd.), Incontrare Cristo nei sacramenti, Cinisello Balsamo (MI) 1988, 8.

[27] Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 60 a. 6 resp.

[28] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre Placuit Deo (22 février 2018), § 11.

[29] « Moritur Christus ut fiat Ecclesia » (Augustin, In Johannis ev., IX, 10 : CCSL 36, 96 ; PL 35, 1463).

[30] Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, 1, 9, 48, 59 ; Const. Sacrosanctum Concilium, 5, 26 ; Décret Ad gentes 1, 5 ; Const. past. Gaudium et spes, 42, 45.

[31] Cf. Saint Jean-Paul II, Enc. Redemptoris Missio (7 décembre 1990) 18 : AAS 83 (1991) 265-266 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Décl. Dominus Iesus (6 août 2000) 18 : AAS 92 (2000) 759-760.

[32] Cf. Commission Théologique Internationale, Thèmes choisis d’ecclésiologie [1984], ch. 10 : « Le caractère eschatologique de l’Église : Royaume et Église ».

[33] Concile Œcuménique Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, 4, avec citation interne de Cyprien, De dominica oratione, 23 (PL 4, 553 ; CSEL 3/I, 285).

[34] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre Iuvenescit Ecclesia (15 mai 2016), § 23 ; voir aussi §§ 11 et 13.

[35] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, § 1116.

[36] Léon le Grand, Sermo 74, 2 (PL 54, 398). Cf. Ambroise de Milan, Apol. pro prophetae David, XII, 58 (PL 16, 875) ; Catéchisme de l’Église Catholique, § 1115.

[37] Cf. Concile Œcuménique de Trente, Septième session. Décret sur les sacrements, can. 1 (DH 1601) ; Catéchisme de l’Église Catholique, § 1114.

[38] Cf. Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 64 a. 2.

[39] Clemente VI, Lettre Super quibusdam de 1351 (DH 1061) ; Concile Œcuménique de Trente, Vingt-et-unième session. Doctrine et canons sur la communion sous les deux espèces et la communion des enfants, ch. 2 (DH 1728) ; Pie X, Lettre Ex quo, nono de 1910 (DH 3556); Pie XII, Const. Sacramentum ordinis de 1947 (DH 3857).

[40] Voir ci-dessous, pour chacun des sacrements que nous traitons, la brève note sur les fondements scripturaires que nous proposons.

[41] Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 64 a. 2 ad 3.

[42] Saint Jean-Paul II, Enc. Redemptoris Missio (7 décembre 1990) 28 : AAS 83 (1991) 273. Cf. Saint Jean-Paul II, Enc. Dominum et Vivificantem (18 mai 1986) 53 : AAS 78 (1986) 874-875 ; Concile Œcuménique Vatican II, Const. past. Gaudium et spes, 22.

[43] Cf. Saint Jean-Paul II, Enc. Redemptoris Missio (7 décembre 1990) 28-29 : AAS 83 (1991) 273-275 ; Commission Théologique Internationale, Le Christianisme et les religions [1997], §§ 81-87.

[44] Cf. Augustin, In Johannis ev., V, 18 (CCSL 36, 51-53; PL 35, 1424); Jean Chrysostome, In 2 Tm. Hom., 2, 4 (PG 62, 612).

[45] Catéchisme de l’Église Catholique, § 1670. Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Const. Sacrosanctum Concilium, 61.

[46] François, Enc. Lumen fidei (29 juin 2013) 40 : AAS 105 (2013) 582.

[47] François, Enc. Lumen fidei (29 juin 2013) 4 : AAS 105 (2013) 557.

[48] Cf. Synode des Évêques. XVe Assemblée Générale Ordinaire, Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel. Document final, passim et en particulier § 4.

[49] Par exemple Augustin, De symb. I, 181 (PL 40, 1190-1191) ; Pierre Lombard, Summa Sententiarum III. d. 23, c. 2-4 (PL 192, 805-806) ; Thomas d’Aquin, STh IIa-IIae, q. 2 a. 2.

[50] Paschase Radbert, De fide, spe et car. I, 6 n.1 (PL 120, 1402sq.).

[51] Fauste de Riez, De spir. S. I, 1 (CSEL 21, 103).

[52] « Credendo adhaerere ad bene cooperandum bona cooperanti Deo » (Enarr. in Ps. 77, 8 ; CCSL 39, 1073).

[53] Augustin, In Iohannis ev., XXIX, 6 (CCSL 36, 287 ; PL 35, 1684) : « Ut credatis in eum, non ut credatis ei. Sed si creditis in eum, creditis ei, non autem continuo, qui credit ei credit in eum… ». De même Thomas d’Aquin, STh IIa-IIae, q. 2 a. 2.

[54] « Le jour de la Pentecôte, par l’effusion de l’Esprit Saint, l’Église est manifestée au monde (cf. SC 6 ; LG 2). Le don de l’Esprit inaugure un temps nouveau dans la “dispensation du Mystère” : le temps de l’Église, durant lequel le Christ manifeste, rend présent et communique son œuvre de salut par la Liturgie de Son Église, “jusqu’à ce qu’Il vienne” (1 Co 11, 26). Durant ce temps de l’Église, le Christ vit et agit désormais dans Son Église et avec elle d’une manière nouvelle, propre à ce temps nouveau. Il agit par les Sacrements ; c’est cela que la Tradition commune de l’Orient et de l’Occident appelle “l’Économie sacramentelle” ; celle-ci consiste en la communication (ou “dispensation”) des fruits du Mystère pascal du Christ dans la célébration de la liturgie “sacramentelle” de l’Église » (Catéchisme de l’Église Catholique, § 1076).

[55] Thomas d’Aquin, STh IIa-IIae, q. 1 a. 9 ad 3: « confessio fidei traditur in symbolo quasi ex persona totius Ecclesiae, quae per fidem unitur ».

[56] François, Enc. Lumen fidei (29 juin 2013) 45 : AAS 105 (2013) 585.

[57] Cf. François, Exhort. apost. Gaudete et exsultate (19 mars 2018) 65-94.

[58] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, §§ 1830-1832.

[59] Benoît XVI, Lettre apostolique en forme de motu proprio, Porta fidei (11 octobre 2011) 10 : AAS 103 (2011) 728.

[60] Cf. récemment : François, Exhort. apost. Gaudete et exsultate (19 mars 2018) 43 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre Placuit Deo (22 février 2018), § 12.

[61] Cf. François, Exhort. apost. Gaudete et exsultate (19 mars 2018) 48-49 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre Placuit Deo (22 février 2018), §§ 2-3.

[62] Cf. Hugues de Saint-Victor, Sacr. I pars 10 (PL 176, 327-344), cap. 3 et 4: De incremento fidei.

[63] Thomas d’Aquin, Ver. 14 a. 11 resp. ; STh IIa-IIae, q. 2 a. 6.7.8.

[64] Thomas d’Aquin, Ver. 14 a. 11 ad 7.

[65] Thomas d’Aquin, Ver. 14 a. 11 resp. : « tempore vero gratiae omnes, maiores et minores, de Trinitate et de redemptore teneretur explicitam fidem habere. Non tamen omnia credibilia circa Trinitatem vel redemptorem minores explicite credere tenentur, sed soli maiores. Minores autem tenentur explicite credere generales articulos, ut Deum esse trinum et unum, filium Dei esse incarnatum, mortuum, et resurrexisse, et alia huiusmodi, de quibus Ecclesia festa facit ».

[66] Thomas d’Aquin, STh IIa-IIae, q. 5 a. 3. STh IIa-IIae, q. 2 a. 7 ; a. 8.

[67] Cf. par exemple Irénée, Adv. haer. I, 10,1 (SCh 264, 154-158) ; III, 12,13 ; III, pr. ss. ; III, 5,3 (SCh 211, 236-238 ; 20-22 ; 60-62) ; Clément d’Alexandrie, Strom. IV,1,3 (GCS 15, 249) ; Tertullien, Praesc. 13 ; 36 (CCSL 1, 197-198 ; 217) ; Prax. 2 ; 30 (CCSL 2, 1160 ; 1204) ; Virg. 1 (CCSL 2, 1209) ; Origène, De Princ., I, praef., 4 (GCS 22, 9-11 ; FuP 27, 120-124) ; Novatien, Trin. 1, 1 ; 9, 46 (CCSL 4, 11 ; 25).

[68] Thomas d’Aquin, STh IIa-IIae, q. 5 a. 3.

[69] Sacr. I pars 10 cap. 3.

[70] Sacr. I pars 10 cap. 4.

[71] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, § 1084.

[72] Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 64 a. 7.

[73] Concile Œcuménique Vatican II, Const. Sacrosanctum Concilium, 59.

[74] Cf. Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 61 a. 1.

[75] « Accedit verbum ad elementum et fit sacramentum, etiam ipsum tamquam visibile verbum » (Augustin, In Johannis ev., LXXX, 3 ; CCSL 36, 529 ; PL 35, 1840).

[76] Cf. Augustin, Epist. 187, 34 (PL 33, 846).

[77] Tertullien, Ad mart. 3 (CCSL 1, 5).

[78] Traditio apostolica, 16 (entrée en catéchuménat), 17-20 (déroulement du catéchuménat), 21 (célébration baptismale ; SCh 11, 43-51).

[79] « Fidei obiectum per se est id per quod homo beatus efficitur » (STh IIa-IIae, q. 2 a. 5 ; cf. STh IIa-IIae, q. 1 a. 6 ad 1).

[80] « inchoatio vitae aeternae in nobis » (STh IIa-IIae, q. 4 a. 1).

[81] Cf. Bonaventure, III Sent. dist. 23 dub. 4 (III 504ab) ; II Sent. dist. 38 dub. 1 (II 894b) ; Thomas d’Aquin, STh Ia-IIae, q. 112 a. 5 ; Ver 10 a. 10 ad 1.2.8.

[82] « Si quis dixerit, sacramenta… aut gratiam ipsam non ponentibus obicem non conferre… anathema sit» (Concile Œcuménique de Trente, Septième session. Décret sur les sacrements, can. 6 [DH 1606]).

[83] Ephrem, Hymni de fide, 53, 12 ; 5, 18 (CSCO 154, 167,23 ; 155, 143,17).

[84] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, § 1076.

[85] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Décl. Dominus Iesus (6 août 2000) 20-22 : AAS 92 (2000) 761-764. Voir notre § 37.

[86] François, Enc. Lumen fidei (29 juin 2013) 41 : AAS 105 (2013) 583.

[87] Rituel de l’initiation chrétienne des adultes, § 75; cf. Ibid., § 247.

[88] Traditio apostolica, 21 (SCh 11, 50-51).

[89] Augustin, Sermo VIII in octava Paschatis ad infantes, 1 (PL 46, 838).

[90] Cf. Basile, De Spiritu Sancto XI, 27 (SCh 17bis, 340-342).

[91] Cyrille de Jérusalem, Catecheses mystagogicae, I, 1 (PG 33, 1065 ; SCh 126, 84).

[92] Procatech. Introd. n. 4 (PG 33, 340A).

[93] Procatech. V, 11 (PG 33, 520B).

[94] Procatech. I, 6 ; I, 4 (porter du fruit ; PG 33, 377 et 373-376). Notamment dans la catéchèse de Jean Chrysostome aux néophytes : Cat. 3/5, 2. 15. 21 (FC 6/2, 412-415, 424sq., 428-431) ; cat. 3/7, 16-25 (FC 6/2, 478-487) il s’y trouve, entre autres, des mises en garde contre la négligence et la tiédeur.

[95] Cf. Paul III, Constitution Altitudo divini consilii (1 juin 1537).

[96] « Parecer de los teólogos de la Universidad de Salamanca sobre el bautismo de los Indios », in Colección de documentos inéditos, relativos al descubrimiento, conquista y colonización de las posesiones españolas en América y Oceanía, t. III, Madrid 1865, 545 ; voir tout l’article : 543-553. Notre traduction.

[97] Cf. François, Enc. Lumen fidei (29 juin 2013) 42 : AAS 105 (2013) 583-584.

[98] Cf. Is 33, 16, lu par l’Epistula Barnabae, 11, 5 (SCh 172, 162). Cité par François, Enc. Lumen fidei (29 juin 2013) 42 : AAS 105 (2013) 584.

[99] Concile Œcuménique de Trente, Septième session. Décret sur les sacrements, can. 6 (DH 1606). Voir la note 82.

[100] Cf. Irénée, Adv. Haer. II, 22,4 (SCh 294, 220) ; Origène, In Rom. V, 9 (PG 14, 1047) ; Cyprien, Epist. 64 (CSEL 3, 717-721) ; Augustin, De Genesi ad lit. X, 23,39 (PL 34, 426) ; De peccatorum meritis et remissione et de baptismo parvulorum I, 26,39 (PL 44, 131). En outre, Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instr. Pastoralis actio : AAS 72 (1980) 1137-1156.

[101] Cf. François, Enc. Lumen fidei (29 juin 2013) 43 : AAS 105 (2013) 584.

[102] Rituel du baptême des petits enfants, §§ 127, 152.

[103] « Sicut pueri in maternis uteris constituti non per seipsos nutrimentum accipiunt, sed ex nutrimento matris sustentantur, ita etiam pueri non habentes usum rationis, quasi in utero matris Ecclesiae constituti, non per seipsos, sed per actum Ecclesiae salutem suscipiunt » (Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 68 a. 9 ad 1). Souligné par nous.

[104] Traditio apostolica, 21 (SCh 11, 49).

[105] Cf. Cyprien, Epistula 64, 2-6 (CSEL 3/2, 718-721).

[106] Cf. Tertullien, De baptismo, 18,4-6 (CCSL 1, 293 ; SCh 35, 92-93).

[107] Cf. Isidore de Séville, De Ecclesiasticis Officiis, II, 21-27 ; Thomas d’Aquin, STh IIa-IIae, q. 10 a. 12.

[108] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instr. Pastoralis actio, 15 et 28, n. 2 : AAS 72 (1980) 1144-1145 et 1151.

[109] Cf. Traditio apostolica, 22 (SCh 11, 52-53).

[110] Cf. Innocent I, Lettre à l’évêque Decentius de Gubbio (année 416 ; DH 215).

[111] Cf. Décret de la Sacrée Congrégation des sacrements « Quam singulari » (8 août 1910) : AAS 2 (1910) 582sq. (DH 3530sq.).

[112] Concile d’Elvire, can. 77 (DH 121 ; G. Martínez Díaz – F. Rodríguez, Colección canónica hispana, t. IV, Madrid 1984, 267).

[113] Rituel de la confirmation, § 32. Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, §§ 1294-1296.

[114] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, §§ 1285, 1294.

[115] Doxologie concluant la prière eucharistique. Cf. par exemple Missel Romain, 3e Editio Typica, §§ 119, 127, 136, 144.

[116] Cf. Saint Jean-Paul II, Enc. Ecclesia de Eucharistia (17 avril 2003) en particulier 1 et 21-25 : AAS 95 (2003) 433-434 et 447-450.

[117] Benoît XVI, Exhort. apost. Sacramentum caritatis (22 février 2007) 7 : AAS 99 (2007) 110.

[118] Benoît XVI, Enc. Deus caritas est (25 décembre 2006) 14 : AAS 98 (2006) 229. Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. Sacramentum caritatis (22 février 2007) en particulier 88-89 : AAS 99 (2007) 172-174.

[119] « Lorsqu´on lit dans l´Église la sainte Écriture, c´est Dieu lui-même qui parle à son peuple, et c´est le Christ, présent dans sa parole, qui annonce l’Évangile » (Présentation générale du Missel Romain, § 29).

[120] Canon romain, dans le Missel Romain, 3e Editio Typica, § 112. Voir le commentaire de Benoît XVI, Exhort. apost. Sacramentum caritatis (22 février 2007) 6 : AAS 99 (2007) 109-110.

[121] Cf. Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 76 a. 7. L’hymne célèbre Adoro te devote exprime magnifiquement ce que nous disons. En voici un exemple : « In cruce latébat sola Déitas, / At hic látet simul et humánitas; / Ambo támen crédens átque cónfitens, / Peto quod petívit latro pœnitens » (Rituale Romanum de sacra communione et de cultu mysterii eucharistici extra missam, Cité du Vatican 1973, § 198, p. 61-62).

[122] François, Enc. Lumen fidei (29 juin 2013) 44 : AAS 105 (2013) 584-585. Une antienne fameuse l’illustre parfaitement : « O sacrum convivium in quo Christus sumitur: recolitur memoria passionis ejus: mens impletur gratia: et futurae gloriae nobis pignus datur » («Ad Magnificat, antifona. Ad II Vesperas Sanctissimi Corporis et Sanguinis Christi», in Liturgia Horarum iuxta ritum romanun, vol. III, Tempus per annum. Hebdomadae I-XVII, Cité du Vatican 2000, 54).

[123] Missel Romain, Rite de conclusion ; voir Appendix Missalis Romani, Madrid 2017, § 96 (p. 50).

[124] « Si ergo vos estis corpus Christi et membra, mysterium vestrum in mensa Dominica positum est […] Estote quod videtis, et accipite quod estis » (Augustin, Sermo 272 ; PL 38, 1247sq.).

[125] Saint Paul VI, Enc. Mysterium fidei (3 septembre1965) 5 : AAS 57 (1965) 764.

[126] Cf. Saint Jean-Paul II, Enc. Ecclesia de Eucharistia, passim (17 avril 2003) : AAS 95 (2003) 433-475.

[127] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. Sacramentum caritatis (22 février 2007) 14 et 27 : AAS 99 (2007) 115-116 et 127.

[128] François, Enc. Lumen fidei (29 juin 2013) 44 : AAS 105 (2013) 584.

[129] Cf. Hermas, Le Pasteur, Comp. IX (Funk, 211 et sq.).

[130] 1 Apol. 66sq. (Wartelle, 190sq.).

[131] Didaché, 10, 6 ; 9, 5 (Funk, 6 ; 5).

[132] Constitutions apostoliques, VII, 26,6 (SCh 336, 57): « Si quelqu’un est saint, qu’il approche ; mais celui qui ne l’est pas, qu’il le devienne par la pénitence ».

[133] Présente dans : la Liturgie de saint Jean Chrysostome (67) ; la Liturgie de saint Basile (131) ; la Liturgie des Présanctifiés (168). Les pages renvoient à : Liturgikon. La divina Liturgia de San Jean Chrysostome, de san Basilio, de los Dones Presantificados, Madrid 2016.

[134] Jean Chrysostome, Hom. In Matth. 82,4 (PG 58, 743) : foi dans la présence réelle ; hom. 25, 3 (PG 57, 330 sq.) ; hom. 7, 6 (PG 57, 79 sq.). Super Rom. Hom. 8(9), 8 (PG 60, 464-466) : amour du prochain. Super Hebr. 17, 4-5 (PG 63, 131-134).

[135] Cyprien, Epistula 57,2 (CSEL 3/2, 651-652).

[136] Jean Chrysostome, In Matth. Hom. 82, 5. 6 (PG 58, 743-746) : responsabilité du prêtre dans l’administration de la communion.

[137] Augustin, In Johannis ev., XXVI,11 (CCSL 36, 264 sq.).

[138] Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 80 a. 4.

[139] Cf. aussi Bonaventure, IV Sent. dist. 9 a. 1 qq. 1-4: sacramentaliter, spiritualiter manducare.

[140] Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 80 a. 5 ad 2.

[141] « si infidelis sumat species sacramentales, corpus Christi sub sacramento sumit. Unde manducat Christum sacramentaliter, si ly “sacramentaliter” determinat verbum ex parte manducati. Si autem ex parte manducantis, tunc proprie loquendo non manducat sacramentaliter; quia non utitur eo quod accipit ut sacramento, sed ut simplici cibo. Nisi forte infidelis intenderet recipere illud quod Ecclesia confert, licet non haberet fidem veram circa alios articulos vel etiam hoc sacramentum » (Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 80 a. 3 ad 2 ; souligné par nous).

[142] Cf. Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 79 a. 3.

[143] « Quicumque ergo hoc sacramentum sumit, ex hoc ipso significat, se esse Christo unitum et membris eius incorporatum. Quod quidem fit per fidem formatam» (Thomas d’Aquin, STh IIIa, q. 80 a. 4).

[144] Thomas d’Aquin, Sent. IV dist. 9 q. 1 a 2 q. 2 ad 2 ; cf. STh IIIa, q. 79 a. 7 ad 2 ; a. 8 ad 2 (ce dernier sur la différence entre le baptême et l’eucharistie).

[145] Liturgikon, 73.

[146] Liturgie de saint Jean Chrysostome (Liturgikon, 69-73) ; Liturgie de saint Basile (Ibid., 133-135). De même, la liturgie copte : Die koptische Liturgie, ubers. und kommentiert von Karam Khella, [1989], 186.

[147] In Genesim, II, 23 (CSCO 152, 39 ; 153, 29-30).

[148] Ephrem, Commentaire sur le Diatessaron, XXI, 11 (CSCO 137, 145 ; 145, 227-228).

[149] Ephrem, De virginitate, 37, 2 (CSCO 223, 133).

[150] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, §§ 1855-1861.

[151] Cf. CIC, can. 1099.

[152] Cf. CCEO, can. 828.

[153] Cf. CCEO, Titulus XVI: De cultu divino et praesertim de sacramentis. Caput VII: De matrimonio, can. 776-866.

[154] « Ex Christi institutione matrimonium validum inter baptizatos eo ipso est sacramentum, quo coniuges ad imaginem indefectibilis unionis Christi cum Ecclesia a Deo uniuntur gratiaque sacramentali veluti consecrantur et roborantur » (CCEO, can. 776, § 2).

[155] Cf. Commission Théologique Internationale, Communion et service : La personne humaine créée à l’image de Dieu [2004], §§ 32-33, 39.

[156] Cf. Concile Œcuménique de Trente, Vingt-quatrième session. Canons sur le sacrement du mariage, can. 7 (DH 1807).

[157] Cf. Augustin, De nuptiis et concupiscentia, I, X,11 (CSEL 42, 222-224 ; PL 40, 420).

[158] Ep. ad Diognetum, 5, 6 (Funk, 137).

[159] Ep. ad Polycarpum, 5, 2 (Funk, 107 ; FuP 1, 186).

[160] Ad Uxorem II, 8 (CCSL 1, 393 ; SCh 273, 148).

[161] Cf. Grégoire de Nazianze, Ep. 231 (PG 37, 373) ; Ambrosiaster, Comm. in Epist. I ad Cor. 7, 40 (PL 17, 225) ; Id., Comm. in Epist. I ad Tim. 3, 12 (PL 17, 470) ; Pseudo-Augustin, Quaest. Novi et Veteris Testamenti, CXXVII (CSEL 50, 400) ; Ambroise, Epist. 19 ad Vigilium trident., 7 (PL 16, 984-985) ; Predestinatus, III, 31 (PL 53, 670).

[162] Cf. Sacramentaire Reginensis, 316 (Rerum ecclesiasticarum documenta, series major, Fontes 4, ed. L.K. Mohlberg, 1447, 1449, 1453) ; Hanc igitur du Sacramentaire Veronense, 85 (Mohlberg, 1107).

[163] Cf. Sacramentaire de Hadrianum, 836 (ed. J. Deshusses); Paulin de Nole, Carmen 25, 199-232 (CSEL 30, 244-245).

[164] Cf. Jean Chrysostome, In I Tim. Cap. II, hom. IX, 2 (PG 62, 546).

[165] Cf. Grégoire de Nazianze, Ep. 193 (PG 37, 316-318).

[166] Pour plus de détails, cf. A. Raès, Le mariage, sa célébration et sa spiritualité dans les Églises d’Orient, Chevetogne 1959 ; K. Ritzer, Formen, Riten und Religiöses Brauchtum der Eheschliessung in den Christlichen Kirchen des ersten Jahrtausends, Münster 1962 ; B. Kleinheyer ; E. Von Severus ; R. Kaczynski (eds.), Gottesdienst der Kirche. Handbuch der Liturgiewissenschaft 8. Sakramentliche Feiern II, Regensburg 1984.

[167] Pierre Lombard, Summa Sententiarum IV. d. 2 et 26 (PL 192, 842 et 908) ; Concile Œcuménique de Latran II, can. 23 (DH 718) ; Concile Œcuménique de Florence, Décret pour les Arméniens (DH 1327); Concile Œcuménique de Trente, Septième session. Décret sur les sacrements. Canons sur les sacrements en général, can. 1 (DH 1601).

[168] Concile Œcuménique de Trente, Vingt-quatrième session. Canons sur la réforme du mariage : décret « Tametsi » (DH 1813-1816).

[169] M. Luther, De captivitate babylonica, De matrimonio (WA 6, 550) ; J. Calvino, Inst. christ. Lib. IV, c. 19, 34 (Corp. Reform. 32, 1121).

[170] Ordo celebrandi matrimonium, Praenotanda § 16 (Typis Polyglottis Vaticanis, 1989), en se référant à Concile Œcuménique Vatican II, Const. Sacrosanctum Concilium, 59. Même idée que les Praenotanda § 7 de 1969.

[171] Concile Œcuménique Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, 11 ; cf. ibid. 41 ; Catéchisme de l’Église Catholique, § 1641-1642.

[172] Cf. Pie XI, Enc. Casti connubii (31 décembre 1930) : AAS 22 (1930) 583.

[173] Cf. Ac 16, 15 ; 18, 8 ; Concile Œcuménique Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, 11 ; Catéchisme de l’Église Catholique, §§ 1655-1657.

[174] Cf. François, Exhort. apost. Amoris laetitia (19 mars 2016) 218 : AAS 108 (2016) 398-399.

[175] Cf. François, Exhort. apost. Gaudete et exsultate (19 mars 2018) 141.

[176] Catéchisme de l’Église Catholique, § 1601 ; qui cite littéralement CIC, can. 1055, § 1.

[177] « Quare inter baptizatos nequit matrimonialis contractus validus consistere, quin sit eo ipso sacramentum » (CIC, can. 1055, § 2).

[178] Cf. Commission Théologique Internationale, La doctrine catholique sur le sacrement du mariage [1977], § 2. 3.

[179] Commentaire: Commission Théologique Internationale, Textes et documents I (1969-1985), Cerf, Paris 2013, 195.]

[180] « Las 43 proposiciones del Synode des Évêques sobre la familia » : Ecclesia n. 2039 (18 et 25 juillet 1981) 894. La proposition 12.4 a été adoptée par 196 voix pour, 7 contre et 3 abstentions. (« Les 43 propositions du Synode des évêques su la famille » : La Documentation Catholique 1809 [7 juin 1981] 540). Voir la proposition 12 complète, qui traite directement de notre sujet.

[181] Saint Jean-Paul II, Exhort. apost. Familiaris consortio (22 novembre 1981) 13 et 68 : AAS 74 (1982) 93-96 et 163-165.

[182] Saint Jean-Paul II, Exhort. apost. Familiaris consortio (22 novembre 1981) 68 : AAS 74 (1982) 164-165.

[183] Ibid., 165.

[184] Cf. Concile Œcuménique de Trente, Septième session. Décret sur les sacrements. Canons sur les sacrements en général, can. 6 (DH 1606). Voir la note 82.

[185] Saint Jean-Paul II, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 30 janvier 2003, § 8 : AAS 95 (2003) 397. Les premières italiques sont dans l’original. Les dernières sont nôtres.

[186] Saint Jean-Paul II, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 1er février 2001 : AAS 93 (2001) 358-364.

[187] Saint Jean-Paul II, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 1er février 2001, § 8 : AAS 93 (2001) 363.

[188] Saint Jean-Paul II, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 1er février 2001, § 8: AAS 93 (2001) 364.

[189] Cf. Communicationes 9 (1977) 122.

[190] Cf. Communicationes 15 (1983) 222.

[191] Voir la note 177.

[192] Cf. sentence coram Stankiewicz, 19 avril 1991 : SRRD 83, 280-290.

[193] « Les propositions du Synode des Évêques sur l’Eucharistie » : Ecclesia n. 3284 (19 novembre 2005) 34. Souligné par nous.

[194] J. Ratzinger, «Introduzione», in Congregazione per la Dottrina della Fede, Sulla pastorale dei divorziati risposati (Documenti e Studi 17), LEV, Città del Vaticano 1998, 27-28. [Pour le passage concerné, repris dans une lettre publiée ultérieurement, la traduction française est accessible sur internet.]

[195] Benoît XVI, Discours au clergé du diocèse d’Aoste, 25 juillet 2005 : AAS 97 (2005) 856.

[196] Benoît XVI, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier 2013 : AAS 105 (2013) 168-172.

[197] Benoît XVI, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier 2013, § 1 : AAS 105 (2013) 168.

[198] Benoît XVI, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier 2013, § 2 : AAS 105 (2013) 169-170.

[199] Benoît XVI, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier 2013, § 2 : AAS 105 (2013) 170.

[200] Benoît XVI, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier 2013, § 3 : AAS 105 (2013) 171.

[201] Benoît XVI, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier 2013, § 4 : AAS 105 (2013) 172.

[202] Ibid.

[203] IIIe Assemblée Générale Extraordinaire du Synode des Évêques, Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation. Instrumentum Laboris (2014), accessible sur internet.]

[204] « Selon d’autres propositions, il faudrait aussi considérer la possibilité de mettre en relief, en fonction de la validité du sacrement du mariage, le rôle de la foi des deux personnes qui avaient demandé le mariage, en tenant compte du fait qu’entre baptisés tous les mariages valides sont sacrement » (Relatio Synodi, 48 : AAS 106 (2014) 904). [Version française accessible sur internet .]

[205] XIV Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, La vocation et la mission de la famille dans l’Église et dans le monde contemporain. Instrumentum laboris (2015), 114-115 (Ecclesia n. 3795-3796 [5 et 12 septembre2015] 1356).

[206] François, Exhort. apost. Amoris laetitia (19 mars 2016) 2 : AAS 108 (2016) 311.

[207] François, Exhort. apost. Amoris laetitia (19 mars 2016) 75 : AAS 108 (2016) 341.

[208] François, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 23 janvier 2015 : AAS 107 (2015) 182-185.

[209] Ibid., 182-183.

[210] Ibid., 183. Souligné par nous.

[211] François, Motu proprio Mitis iudex Dominus Iesus (15 août 2015) : AAS 107 (2015) 958-970.

[212] Art. 14, § 1 : AAS 107 (2015) 969.

[213] François, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 22 janvier 2016 : AAS 108 (2016) 136-139.

[214] Ibid., 138-139.

[215] Ibid., 139.

[216] Cf. Thomas d’Aquin, STh IIa-IIae, q. 4 a. 4.

[217] Cf. Thomas d’Aquin, STh Ia-IIae, q. 49-51.

[218] Cf. aussi le § 86 et le texte cité de Cyrille de Jérusalem, à propos du baptême.

[219] Concile Œcuménique de Florence, Bulle sur l’union avec les Arméniens « Exsultate Deo » (DH 1312).

[220] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, § 1623.

[221] Cf. CIC, can. 1101.

[222] Cf. Commission Théologique Internationale, Communion et service : La personne humaine créée à l’image de Dieu [2004], §§ 32-39.

[223] Cf. Benoît XVI, Discours au Tribunal de la Rote Romaine (26 janvier 2013) § 3 : AAS 105 (2013) 171.

[224] Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Const. past. Gaudium et spes, 50 ; Saint Paul VI, Enc. Humanae vitae (25 juillet 1968) en particulier 12 : AAS 60 (1968) 488-489.

[225] Cf. Commission Théologique Internationale, La doctrine catholique sur le sacrement du mariage [1977], cap. 3.

[226] Benoît XVI, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier 2013, § 1 : AAS 105 (2013) 168.

[227] Benoît XVI, Discours au Tribunal de la Rote Romaine, 26 janvier 2013, § 2 : AAS 105 (2013) 169.

[228] Ibid.

[229] Cf. Saint Jean-Paul II, Exhort. apost. Familiaris consortio (22 novembre 1981) en particulier « IV. La pastorale familiale : étapes, structures, responsables et situations » : AAS 74 (1982) 158-187 ; François, Exhort. apost. Amoris laetitia (19 mars 2016) en particulier « VI. Quelques perspectives pastorales » : AAS 108 (2016) 390-415.

[230] François, Exhort. apost. Amoris laetitia (19 mars 2016) 1 : AAS 108 (2016) 311.

[231] Pour les cas extraordinaires, cf. CIC, can. 844, § 5 et CCEO, can. 671, § 5 ; Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, Directoire pour l’application des principes et des normes sur l’œcuménisme (25 mars 1993), §§ 122-131.

[232] Missel Romain, Prière Eucharistique pour Circonstances Particulières forme IV.

[233] Cf. Augustin, De vera rel. 50, 99 (CCSL 32, 251) ; Augustin, De trin. I, 6,11 ; II, 17,29 ; IV, 3,6 (CCSL 50, 40 ; 119-120 ; 166-169) ; Enarr. in Ps. 65, 5 (CCSL 39, 842-844) ; Ep. 120, 3,15 ; 147 (PL 33, 459 ; 596-622) ; Origène, Com Rm. 2, 14 (PG 14, 913sq.) ; Hom. in Lc. 1, 4 (SCh 87, 104-106).