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SYNODE DES ÉVÊQUES

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XIVème ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE

 

La vocation et la mission de la famille
dans l’Église et dans le monde contemporain

 

RAPPORT FINAL DU SYNODE DES ÉVÊQUES
AU PAPE FRANÇOIS

 

Cité du Vatican

24 octobre 2015

 

SOMMAIRE

INTRODUCTION

Ière PARTIE : L’ÉGLISE À L’ÉCOUTE DE LA FAMILLE

Chapitre I - La famille et le contexte anthropologico-culturel

Le contexte socioculturel
Le contexte religieux
Le changement anthropologique
Les contradictions culturelles
Conflits et tensions sociales
Fragilité et force de la famille

Chapitre II - La famille et le contexte socio-économique

La famille, ressource irremplaçable de la société
Politiques en faveur de la famille
Solitude et précarité
Économie et équité
Pauvreté et exclusion
Écologie et famille

Chapitre III - Famille, inclusion et société

Le troisième âge
Le veuvage
La dernière saison de la vie et le deuil en famille
Personnes ayant des besoins spéciaux
Les célibataires
Migrants, réfugiés, persécutés
Quelques défis particuliers
Les enfants
La femme
L’homme
Les jeunes

Chapitre IV - Famille, affectivité et vie

L’importance de la vie affective
La formation au don de soi
Fragilité et immaturité
Technique et procréation humaine
Le défi pour la pastorale

IIème PARTIE : LA FAMILLE DANS LE PLAN DE DIEU

Chapitre I - La famille dans l’histoire du salut

La pédagogie divine
L’icône de la Trinité dans la famille
La famille dans l’Écriture Sainte
Jésus et la famille

Chapitre II - La famille dans le magistère de l’église

L’enseignement du Concile Vatican II
Paul VI
Jean-Paul II
Benoît XVI
François

Chapitre III - La famille dans la doctrine chrétienne

Le mariage dans l’ordre de la création et la plénitude sacramentelle
Indissolubilité et fécondité de l’union sponsale
Les biens de la famille
Vérité et beauté de la famille

Chapitre IV - Vers la plénitude ecclésiale de la famille

Le lien intime entre Église et famille
La grâce de la conversion et de l’accomplissement
La miséricorde au cœur de la révélation

IIIème PARTIE : LA MISSION DE LA FAMILLE

Chapitre I - La formation de la famille

La préparation au mariage
La célébration du mariage
Les premières années de la vie familiale
La formation des prêtres et d’autres agents pastoraux

Chapitre II - Famille, engendrement, éducation

La transmission de la vie
La responsabilité procréatrice
La valeur de la vie dans toutes ses phases
Adoption et placement
L’éducation des enfants

Chapitre III - Famille et accompagnement pastoral

Situations complexes
Accompagnement dans diverses situations
Discernement et intégration

Chapitre IV - Famille et évangélisation

La spiritualité familiale
La famille, sujet de la pastorale
Le rapport avec les cultures et avec les institutions
L’ouverture à la mission

CONCLUSION

Prière à la Sainte Famille


SIGLES

AA   Concile Œcuménique Vatican II, Décret Apostolicam Actuositatem (18 novembre 1965)
AG  

Concile Œcuménique Vatican II, Décret Ad Gentes (7 décembre 1965)

CCC   Catéchisme de l’Église Catholique (15 août 1997)
CiV   Benoît XVI, Lettre Encyclique Caritas in Veritate (29 juin 2009)
DCE  

Benoît XVI, Lettre Encyclique Deus Caritas Est (25 décembre 2005)

GS   Concile Œcuménique Vatican II, Constitution Pastorale Gaudium et Spes (7 décembre 1965)
EG  

François, Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium (24 novembre 2013)

EN  

Bienheureux Paul VI, Exhortation Apostolique Evangelii Nuntiandi (8 décembre 1975)

EV   Saint Jean-Paul II, Lettre Encyclique Evangelium Vitae (25 mars 1995)
FC   Saint Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Familiaris Consortio (22 novembre 1981)
LF   François, Lettre Encyclique Lumen Fidei (29 juin 2013)
LG   Concile Œcuménique Vatican II, Constitution Dogmatique Lumen Gentium (21 novembre 1964)
LS   François, Lettre Encyclique Laudato Si' (24 mai 2015)
MI   François, Lettre Apostolique Motu proprio Mitis Iudex Dominus Iesus (15 août 2015)
MV   François, Bulle Misericordiae Vultus (11 avril 2015)
NA   Concile Œcuménique Vatican II, Décret Nostra Aetate (28 octobre 1965)
RM   Saint Jean-Paul II, Lettre Encyclique Redemptoris Missio (7 décembre 1990)
VS   Saint Jean-Paul II, Lettre Encyclique Veritatis Splendor (6 août 1993)

 

INTRODUCTION

1. Nous, Pères réunis en Synode autour du Pape François, le remercions de nous avoir convoqués pour réfléchir, avec lui et sous sa conduite, à la vocation et à la mission de la famille aujourd’hui. Nous lui offrons le fruit de notre travail avec humilité, conscients des limites qu’il présente. Nous pouvons toutefois affirmer que nous avons eu constamment présentes à l’esprit les familles du monde, avec leurs joies et leurs espoirs, avec leurs tristesses et leurs angoisses. Les disciples du Christ savent qu’« il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire » (GS, 1). Nous remercions le Seigneur pour la généreuse fidélité avec laquelle tant de familles chrétiennes répondent à leur vocation et à leur mission, même devant les obstacles, les incompréhensions et les souffrances. À ces familles va l’encouragement de toute l’Église qui, unie à son Seigneur et soutenue par l’action de l’Esprit, sait qu’elle prononce une parole de vérité et d’espérance adressée à tous les hommes. Le Pape François l’a rappelé dans la célébration par laquelle il a ouvert la dernière étape de ce chemin synodal consacré à la famille : « Dieu n’a pas créé l’être humain pour vivre dans la tristesse ni pour rester seul, mais pour le bonheur, pour partager son chemin avec une autre personne qui lui soit complémentaire […]. C’est ce même dessein que Jésus […] résume par ces paroles : “ Au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux mais une seule chair ” (Mc 10, 6-8 ; cf. Gn 1, 27 ; 2, 24) ». Dieu « unit les cœurs d’un homme et d’une femme qui s’aiment et qui les unit dans l’unité et l’indissolubilité. Cela signifie que le but de la vie conjugale n’est pas seulement de vivre ensemble pour toujours, mais de s’aimer pour toujours ! Jésus rétablit ainsi l’ordre qui était à l’origine et qui est origine. […] C’est seulement à la lumière de la folie de la gratuité de l’amour pascal de Jésus que la folie de la gratuité d’un amour conjugal unique et jusqu’à la mort apparaîtra compréhensible » (Homélie de la messe d’ouverture du Synode, 4 octobre 2015).

2. Lieu intime de joies et d’épreuves, la famille est fondamentale et constitue la première « école d’humanité » (cf. GS, 52). En dépit des signaux annonciateurs de la crise que connaît l’institution familiale dans les divers milieux, le désir de famille reste vif au sein des jeunes générations. L’Église, experte en humanité et fidèle à sa mission, annonce avec une profonde conviction l’“ Évangile de la famille ”, reçu par la Révélation de Jésus-Christ et enseigné sans discontinuité par les Pères, par les Maîtres de la spiritualité et par le Magistère de l’Église. La famille revêt une importance particulière pour le cheminement de l’Église : « un amour si grand que Dieu a commencé à cheminer avec l’humanité, il a commencé à cheminer avec son peuple, jusqu’à ce qu’arrive le moment approprié et il lui a donné la preuve d’amour plus grande : Son Fils. Et Son Fils, où l’a-t-il envoyé ? Dans un palais, dans une ville, pour créer une entreprise ? Il l’a envoyé à une famille. Dieu est entré dans le monde par une famille. Et il a pu le faire parce que cette famille était une famille qui avait le cœur ouvert à l’amour, qui avait les portes ouvertes » (François, Discours à la fête des familles, Philadelphie, 27 septembre 2015). Les familles d’aujourd’hui sont envoyées comme “disciples missionnaires” (cf. EG, 120). En ce sens, il est nécessaire que la famille se redécouvre comme sujet incontournable pour l’évangélisation.

3. Le Pape a appelé le Synode des Évêques à réfléchir sur la réalité de la famille. « Le fait de convenire in unum autour de l’Évêque de Rome est déjà un événement de grâce, dans lequel la collégialité épiscopale se manifeste sur un chemin de discernement spirituel et pastoral » (François, Discours à l’occasion de la veillée de prière en préparation du Synode Extraordinaire sur la famille, 4 octobre 2014). En l’espace de deux ans se sont déroulées l’Assemblée Générale Extraordinaire (2014) et l’Assemblée Générale Ordinaire (2015), qui ont eu la tâche de discerner les signes de Dieu et de l’histoire des hommes, dans la fidélité à l’Évangile. Le fruit du premier rendez-vous synodal, auquel le Peuple de Dieu a apporté son importante contribution, a convergé dans la Relatio Synodi. Notre dialogue et notre réflexion ont été inspirés par une triple attitude : l’écoute de la réalité de la famille aujourd’hui, dans la perspective de la foi, avec la complexité de ses lumières et de ses ombres ; le regard, tourné vers le Christ, pour repenser avec une fraîcheur renouvelée et avec enthousiasme la révélation, transmise dans la foi de l’Église ; le débat dans l’Esprit Saint pour discerner les voies par lesquelles il est possible de rénover l’Église et la société dans leur engagement en faveur de la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme. L’annonce chrétienne qui concerne la famille est vraiment une bonne nouvelle. Non seulement la famille est invitée à répondre aux problématiques actuelles, mais elle est surtout appelée par Dieu à prendre toujours plus conscience de son identité missionnaire. L’Assemblée synodale a été enrichie par la présence de couples et de familles dans un débat qui les concerne directement. Tout en conservant précieusement le fruit de l’Assemblée précédente, consacrée aux défis concernant la famille, nous nous sommes penchés sur sa vocation et sa mission dans l’Église et dans le monde contemporain.


Ière PARTIE

L’ÉGLISE À L’ÉCOUTE DE LA FAMILLE

4. Le mystère de la création de la vie sur la terre nous remplit d’enchantement et de stupeur. La famille fondée sur le mariage de l’homme et de la femme est le lieu magnifique et irremplaçable de l’amour personnel qui transmet la vie. L’amour ne se réduit pas à l’illusion du moment, l’amour n’est pas une fin en soi, l’amour cherche la fiabilité d’un “tu” personnel. Dans la promesse réciproque d’amour, pour le meilleur et pour le pire, l’amour exige une continuité de vie, jusqu’à la mort. Le désir fondamental de former un réseau d’affection solide entre les générations d’une même famille apparaît comme très constant, au-delà des frontières culturelles et religieuses et des changements sociaux. C’est dans la liberté du “ oui ” échangé par l’homme et par la femme pour toute leur vie, que l’amour de Dieu s’expérimente et se fait présent. Pour la foi catholique, le mariage est un signe sacré où l’amour de Dieu pour son Église devient efficace. La famille chrétienne fait donc partie de l’Église vécue : une “Église domestique”.

Le couple et la vie dans le mariage ne sont pas des réalités abstraites, elles demeurent imparfaites et vulnérables. Voilà pourquoi il est toujours nécessaire de se convertir, de pardonner et de recommencer. En tant que pasteurs, il est de notre responsabilité de nous préoccuper de la vie des familles. Nous désirons être à l’écoute de leur réalité de vie et de leurs défis, et les accompagner avec le regard plein d’amour de l’Évangile. Nous souhaitons leur donner plus de force et les aider à saisir leur mission aujourd’hui. Nous désirons les accompagner de grand cœur dans leurs préoccupations, en leur donnant courage et espérance et en s’appuyant sur la miséricorde de Dieu.

 

Chapitre I

La famille et le contexte anthropologico-culturel

 

Le contexte socioculturel

5. Dociles à ce que l’Esprit Saint nous demande, nous nous approchons des familles d’aujourd’hui dans leur diversité, sachant que « le Christ Seigneur, nouvel Adam […] manifeste pleinement l’homme à lui-même » (GS, 22). Nous tournons notre attention vers les défis contemporains qui influent sur de multiples aspects de la vie. Nous sommes conscients de l’orientation principale des changements anthropologico-culturels, en raison desquels les individus sont moins soutenus que par le passé par les structures sociales dans leur vie affective et familiale. D’autre part, il faut également considérer les développements d’un individualisme exaspéré qui dénature les liens familiaux, en faisant prévaloir l’idée d’un sujet qui se construit selon ses désirs, en ôtant de la force à tout lien. Nous pensons aux mères et aux pères, aux grands-parents, aux frères et aux sœurs, aux parents proches ou lointains, et au lien tissé par tout mariage entre deux familles. Toutefois, nous ne devons pas oublier la réalité vécue : la solidité des liens familiaux continue partout à maintenir le monde en vie. L’énergie consacrée à protéger la dignité de toute personne – homme, femme et enfants –, des groupes ethniques et des minorités reste grande, tout comme la défense des droits de chaque être humain à grandir dans une famille. La fidélité n’est pas honorée si l’on ne réaffirme pas une conviction claire de la valeur de la vie familiale, en particulier en s’en remettant à la lumière de l’Évangile, jusque dans les diverses cultures. Nous sommes conscients des grands changements que la mutation anthropologico-culturelle actuelle entraîne dans tous les aspects de la vie et nous demeurons fermement persuadés que la famille est un don de Dieu, le lieu où il révèle la puissance de sa grâce salvifique. Aujourd’hui encore le Seigneur appelle l’homme et la femme au mariage, il les accompagne dans leur vie familiale et s’offre à eux comme un don ineffable ; c’est un des signes des temps que l’Église est appelée à scruter et à interpréter « à la lumière de l’Évangile, de telle sorte qu’elle puisse répondre, d’une manière adaptée à chaque génération, aux questions éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs relations réciproques. Il importe donc de connaître et de comprendre ce monde dans lequel nous vivons, ses attentes, ses aspirations, son caractère souvent dramatique » (GS, 4).

Le contexte religieux

6. La foi chrétienne est forte et vivante. Dans certaines religions, on observe une réduction importante de l’incidence religieuse dans l’espace social, qui influe sur la vie des familles. Ce mouvement tend à reléguer la dimension religieuse dans la sphère privée et familiale et risque d’entraver le témoignage et la mission des familles chrétienne dans le monde actuel. Dans les contextes sociaux qui jouissent d’un plus grand bien-être, les personnes risquent de mettre tous leurs espoirs dans la recherche effrénée du succès social et de la prospérité économique. Dans d’autres régions du monde, les effets négatifs d’un ordre économique mondial injuste conduisent à des formes de religiosité exposées à des extrémismes sectaires et radicaux. Il faut également mentionner les mouvements animés par le fanatisme politico-religieux, souvent hostile au christianisme. En créant l’instabilité et en semant les troubles et la violence, ils causent beaucoup de misères et de souffrances pour la vie des familles. L’Église est appelée à accompagner la religiosité vécue dans les familles pour l’orienter vers un sens évangélique.

Le changement anthropologique

7. Dans les diverses cultures, la relation et l’appartenance sont des valeurs importantes qui forgent l’identité des individus. La famille offre la possibilité à la personne de se réaliser et de contribuer à la croissance des autres dans la société au sens large. C’est l’identité même, chrétienne et ecclésiale, reçue lors du Baptême qui s’épanouit dans la beauté de la vie familiale. Dans la société contemporaine, on observe une multitude de défis qui se manifestent de façon plus ou moins grande selon les différentes parties du monde. Dans les diverses cultures, beaucoup de jeunes manifestent une résistance vis-à-vis des engagements définitifs concernant les relations affectives et choisissent souvent de vivre en concubinage avec un partenaire ou d’avoir simplement des relations occasionnelles. La diminution de la natalité est le résultat de divers facteurs, parmi lesquels l’industrialisation, la révolution sexuelle, la crainte de la surpopulation, des problèmes économiques, le développement d’une mentalité contraceptive et abortive. La société de consommation peut aussi dissuader les personnes d’avoir des enfants, simplement pour préserver leur liberté et leur mode de vie. Certains catholiques éprouvent des difficultés à mener leurs vies en accord avec les enseignements de l’Église catholique sur le mariage et la famille et à voir dans ces enseignements la bonté du projet créateur qu’a Dieu pour eux. Dans certaines parties du monde, les mariages diminuent, tandis que les séparations et les divorces ne sont pas rares.

Les contradictions culturelles

8. Les conditions culturelles qui agissent sur la famille présente un cadre contrastant dans de grandes parties du monde, notamment sous l’influence massive des médias. D’un côté, le mariage et la famille jouissent d’une grande estime et l’idée dominante, selon laquelle la famille représente le port d’attache sûr des sentiments les plus profonds et les plus gratifiants, demeure. De l’autre côté, cette image revêt parfois les traits d’attentes excessives et, en conséquence, de prétentions réciproques exagérées. Les tensions induites par une culture individualiste exacerbée, culture de la possession et de la jouissance, engendrent au sein des familles des dynamiques de souffrance et d’agressivité. On peut aussi mentionner une certaine vision du féminisme qui dénonce la maternité comme un prétexte pour l’exploitation de la femme et un obstacle à sa pleine réalisation. Par ailleurs, on enregistre une tendance croissante à considérer la conception d’un enfant comme un simple instrument de l’affirmation de soi, à obtenir par tous les moyens.

Un défi culturel de grande envergure émerge aujourd’hui avec l’idéologie du “genre” qui nie la différence et la réciprocité naturelle entre un homme et une femme. Elle laisse envisager une société sans différence de sexe et sape la base anthropologique de la famille. Cette idéologie induit des projets éducatifs et des orientations législatives qui encouragent une identité personnelle et une intimité affective radicalement coupées de la diversité biologique entre masculin et féminin. L’identité humaine est laissée à une option individualiste, qui peut même évoluer dans le temps. Dans la vision de la foi, la différence sexuelle humaine porte en elle l’image et la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26-27). « Cela nous dit que non seulement l’homme pris en soi est à l’image de Dieu, non seulement la femme prise en soi est l’image de Dieu, mais aussi que l’homme et la femme, comme couple, sont l’image de Dieu. […] Nous pouvons dire que sans l’enrichissement réciproque dans cette relation — dans la pensée et dans l’action, dans les attaches familiales et dans le travail, et également dans la foi — tous deux ne peuvent même pas comprendre pleinement ce que signifie être homme et femme. La culture moderne et contemporaine a ouvert de nouveaux espaces, de nouvelles libertés et de nouvelles profondeurs pour l’enrichissement de la compréhension de cette différence. Mais elle a introduit également de nombreux doutes et beaucoup de scepticisme. […] L’annulation de la différence […] est le problème, pas la solution » (François, Audience générale, 15 avril 2015).

Conflits et tensions sociales

9. La qualité affective et spirituelle de la vie familiale est gravement menacée par la multiplication des conflits, par l’appauvrissement des ressources et par les processus migratoires. De violentes persécutions religieuses, en particulier à l’encontre des familles chrétiennes, dévastent des régions entières de notre planète, créant ainsi des mouvements d’exode et d’immenses vagues de réfugiés qui exercent de grandes pressions sur les capacités des terres d’accueil. Les familles ainsi éprouvées, sont très souvent contraintes à un déracinement et conduites au seuil de la dissolution. La fidélité des chrétiens à leur foi, leur patience et leur attachement à leurs pays d’origine sont admirables à tout point de vue. Les efforts de tous les responsables politiques et religieux pour diffuser et protéger la culture des droits de l’homme sont encore insuffisants. Il faut encore respecter la liberté de conscience et promouvoir la coexistence harmonieuse entre tous les citoyens, fondée sur la citoyenneté, l’égalité et la justice. Le poids de politiques économiques et sociales iniques, même dans les sociétés du bien-être, a un lourd impact sur la possibilité d’élever des enfants, sur le soin des malades et des personnes âgées. La dépendance vis-à-vis de l’alcool, des drogues ou des jeux de hasard est parfois l’expression de ces contradictions sociales et du malaise qui en découle dans la vie des familles. L’accumulation de richesse entre les mains de quelques-uns et la substitution de ressources destinées au projet familial accroissent l’appauvrissement des familles dans de nombreuses régions du monde.

Fragilité et force de la famille

10. La famille, communauté humaine fondamentale, souffre grandement de son affaiblissement et de sa fragilité à cause de la crise culturelle et sociale actuelle. Elle n’en démontre pas moins sa capacité à trouver en elle le courage de faire face à l’inadéquation et aux manquements des institutions concernant la formation de la personne, la qualité du lien social et le soin apporté aux plus vulnérables. Il est donc particulièrement nécessaire d’apprécier à sa juste valeur la force de la famille, pour pouvoir soutenir sa fragilité. Une telle force réside essentiellement dans sa capacité d’aimer et d’enseigner à aimer. Aussi blessée soit-elle, une famille pourra toujours grandir en s’appuyant sur l’amour.

 

Chapitre II

La famille et le contexte socio-économique

 

La famille, ressource irremplaçable de la société

11. « La famille est en quelque sorte une école d’enrichissement humain [...] elle constitue le fondement de la société » (GS, 52). L’ensemble des rapports de parenté, au-delà du strict foyer familial, offre un précieux soutien pour l’éducation des enfants, pour la transmission des valeurs, pour la sauvegarde des liens entre les générations, pour l’enrichissement d’une spiritualité vécue. Alors que dans certaines régions du monde cette donnée est profondément ancrée dans la culture sociale dominante, ailleurs elle apparaît comme étant sujette à un certain affaiblissement. Certes, à une époque de fragmentation accentuée des situations de vie, les multiples niveaux et les différents aspects des relations entre les membres de la famille proche et la parenté constituent souvent les uniques points de liaison avec les origines et les liens familiaux. Le soutien du réseau familial est encore plus nécessaire là où la mobilité du travail, les migrations, les catastrophes et la fuite de la terre d’origine compromettent la stabilité du foyer parental.

Politiques en faveur de la famille

12. Les autorités responsables du bien commun doivent se sentir sérieusement engagées à l’égard de ce bien social primordial qu’est la famille. La préoccupation première de l’administration de la société civile doit être de permettre et de promouvoir des politiques familiales qui soutiennent et encouragent les familles et, en premier lieu, les plus défavorisées. Il est nécessaire de reconnaître plus concrètement l’action compensatoire de la famille dans le contexte des “systèmes de bien-être” modernes : elle redistribue des ressources et accomplit des services indispensables au bien commun, en contribuant à rééquilibrer les effets négatifs des inégalités sociales. « La famille mérite une attention spéciale de la part des responsables du bien commun, parce qu’elle est la cellule fondamentale de la société, qui apporte des liens solides d’union sur lesquels se fonde la vie humaine en commun et, à travers la procréation et l’éducation de ses enfants, assure l’avenir et le renouvellement de la société » (François, Discours à l’aéroport d’El Alto (Bolivie), 8 juillet 2015).

Solitude et précarité

13. Dans les contextes culturels où les relations sont rendues fragiles par des styles de vie égoïstes, la solitude devient une condition toujours plus répandue. Souvent, seul le sens de la présence de Dieu soutient les personnes face à ce vide. La sensation générale d’impuissance vis-à-vis d’une réalité socio-économique opprimante, de la pauvreté croissante et de la précarité du travail, impose toujours davantage la recherche d’un emploi loin de la famille, afin de pouvoir assurer sa subsistance. Cette nécessité entraîne de longues absences et des séparations qui affaiblissent les relations et isolent les membres de la famille les uns des autres. Il est de la responsabilité de l’État de créer les conditions en matière de législation et d’emploi pour garantir l’avenir des jeunes et les aider à réaliser leur projet de fonder une famille. La corruption, qui mine parfois les institutions publiques, nuit à la confiance et à l’espérance des nouvelles générations, et pas seulement de ces dernières. Les conséquences négatives de cette perte de confiance sont évidentes : elles vont de la crise démographique aux difficultés éducatives, de la difficulté d’accueillir la vie naissance à la façon de ressentir la présence des personnes âgées comme un poids, jusqu’à la diffusion d’un malaise affectif qui débouche parfois sur l’agressivité et sur la violence.

Économie et équité

14. Le conditionnement matériel et économique exerce une influence sur la vie familiale dans les deux sens : il peut contribuer à sa croissance et faciliter son épanouissement ou entraver son éclosion, son unité et sa cohérence. Les contraintes économiques excluent l’accès des familles à l’éducation, à la vie culturelle et à la vie sociale active. Le système économique actuel produit diverses formes d’exclusion sociale. Les familles souffrent en particulier des problèmes liés au travail. Les possibilités pour les jeunes sont peu nombreuses et l’offre de travail est très sélective et précaire. Les journées de travail sont longues et souvent alourdies de longs temps de trajet. Ceci n’aide pas les membres de la famille à se retrouver entre eux et avec leurs enfants, de façon à alimenter quotidiennement leurs relations. La « croissance dans l’équité » exige « des décisions, des programmes, des mécanismes et des processus spécifiquement orientés vers une meilleure distribution des revenus » (EG, 204) et qu’une promotion intégrale des pauvres devienne effective. Des politiques familiales appropriées sont nécessaires à la vie familiale comme condition d’un avenir vivable, harmonieux et digne.

Pauvreté et exclusion

15. Certains groupes sociaux et religieux se trouvent partout en marge de la société : migrants, gens du voyage, sans domicile fixe, réfugiés, les intouchables dans le système des castes et ceux qui sont affectés par des maladies conduisant à une stigmatisation sociale. La Sainte Famille de Nazareth a connu, elle aussi, l’amère expérience de la marginalisation et du refus (cf. Lc 2, 7 ; Mt 2, 13-15). Les paroles de Jésus sur le jugement dernier sont formelles à cet égard : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). Le système économique actuel produit de nouveaux types d’exclusion sociale, qui rendent souvent les pauvres invisibles aux yeux de la société. La culture dominante et les moyens de communication contribuent à aggraver cette invisibilité. Cela est dû au fait que : « dans ce système l’homme, la personne humaine a été ôtée du centre et a été remplacée par autre chose. Parce qu’on rend un culte idolâtre à l’argent. Parce que l’indifférence s’est mondialisée ! » (François, Discours aux participants à la rencontre mondiale des mouvements populaires, 28 octobre 2014). Dans ce cadre, la condition des enfants suscite une préoccupation particulière : ce sont des victimes innocentes de l’exclusion, qui fait d’eux de véritables “ orphelins sociaux ” et les marque tragiquement pour toute la vie. Malgré les énormes difficultés qu’elles rencontrent, de nombreuses familles pauvres et marginalisées s’efforcent de vivre dignement leur vie quotidienne, en se confiant à Dieu qui ne déçoit pas et n’abandonne personne.

Écologie et famille

16. Grâce à l’impulsion donnée par le Magistère pontifical, l’Église souhaite que l’on repense profondément l’orientation du système mondial. Dans cette perspective, elle collabore au développement d’une nouvelle culture écologique : une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité. Du moment que tout est intimement lié, comme l’affirme le Pape François dans son Encyclique Laudato si', il est nécessaire d’approfondir les aspects d’une “ écologie intégrale ” incluant non seulement les dimensions environnementales, mais aussi les dimensions humaines, sociales et économiques, pour le développement durable et la sauvegarde de la création. La famille, qui fait partie de l’écologie humaine de façon conséquente, doit être protégée de façon adéquate (cf. Jean-Paul II, Centesimus Annus, 38). C’est par la famille que nous appartenons à l’ensemble de la création, que nous contribuons spécifiquement à promouvoir l’écologie, que nous apprenons la signification de la corporéité et le langage aimant de la différence homme-femme et que nous collaborons au dessein du Créateur (cf. LS, 5, 155). La conscience de tout cela exige une véritable conversion à réaliser en famille. En elle « on cultive les premiers réflexes d’amour et de préservation de la vie, comme par exemple l’utilisation correcte des choses, l’ordre et la propreté, le respect pour l’écosystème local et la protection de tous les êtres créés. La famille est le lieu de la formation intégrale, où se déroulent les différents aspects, intimement reliés entre eux, de la maturation personnelle » (LS, 213).

 

Chapitre III

Famille, inclusion et société

 

Le troisième âge

17. Une des tâches les plus graves et urgentes de la famille chrétienne est de conserver le lien entre les générations pour la transmission de la foi et des valeurs fondamentales de la vie. La plupart des familles respectent les personnes âgées, elles les entourent d’affection et les considèrent comme une bénédiction. Ce que font les associations et les mouvements familiaux qui œuvrent en faveur des personnes âgées est particulièrement appréciable, aussi bien du point de vue spirituel que social, surtout en collaboration avec les prêtres qui sont en charge des âmes. Dans certains contextes, les personnes âgées sont perçues comme une richesse dans la mesure où elles assurent la stabilité, la continuité et la mémoire des familles et des sociétés. Dans les sociétés hautement industrialisées, où leur nombre tend à augmenter alors que la natalité décroît, elles risquent d’être perçus comme un poids. D’autre part, les soins qu’elles requièrent mettent souvent leurs proches à dure épreuve. « Les personnes âgées sont des hommes et des femmes, des pères et des mères qui sont passés avant nous sur notre même route, dans notre même maison, dans notre bataille quotidienne pour une vie digne. Ce sont des hommes et des femmes dont nous avons beaucoup reçu. La personne âgée n’est pas un extra-terrestre. La personne âgée, c’est nous, dans peu de temps, dans longtemps, mais cependant inévitablement, même si nous n’y pensons pas. Et si nous apprenons à bien traiter les personnes âgées, nous serons traités de la même manière » (François, Audience générale, 4 mars 2015).

18. La présence des grands-parents dans la famille mérite une attention particulière. Ils constituent le maillon qui unit les générations et assurent un équilibre psycho-affectif à travers la transmission de traditions et de coutumes, de valeurs et de vertus, dans lesquelles les plus jeunes peuvent reconnaître leurs racines. En outre, les grands-parents collaborent fréquemment avec leurs enfants pour les questions économiques, éducatives et pour la transmission de la foi aux petits-enfants. Beaucoup peuvent constater que c’est précisément à leurs grands-parents qu’ils doivent leur initiation à la vie chrétienne. Comme le dit le livre du Siracide : « Ne fuis pas la conversation des vieillards – eux-mêmes ont appris de leurs pères – car auprès d’eux tu acquerras l’intelligence et l’art de répondre en temps voulu » (Sir 8, 9). Nous souhaitons que dans la famille, par la succession des générations, la foi soit communiquée et conservée comme un précieux héritage pour les nouveaux foyers familiaux.

Le veuvage

19. Le veuvage est une expérience particulièrement difficile pour ceux qui ont vécu le choix du mariage et la vie familiale comme un don. Cependant, il présente au regard de la foi diverses possibilités à mettre en valeur. Au moment où ils doivent en faire l’expérience, certains parviennent à reverser leurs énergies, avec plus de dévouement encore, sur leurs enfants et petits-enfants, trouvant dans cette expression d’amour une nouvelle mission éducative. Le vide laissé par le conjoint disparu est comblé, en un certain sens, par l’affection des proches qui mettent en valeur les veufs et les veuves, leur permettant de conserver ainsi la précieuse mémoire de leur mariage. Ceux qui ne peuvent pas compter sur la présence de membres de la famille, auxquels se consacrer et dont ils peuvent recevoir affection et proximité, doivent être soutenus par la communauté chrétienne avec une attention et une disponibilité particulières, surtout s’ils se trouvent dans des conditions d’indigence. Les personnes veuves peuvent célébrer une nouvelle union sacramentelle sans rien ôter à la valeur de leur précédent mariage (cf. 1 Co 7, 39). Au début et au cours du développement de son histoire, l’Église a manifesté une attention spéciale à l’égard des veuves (cf. 1 Tm 5, 3-16), allant même jusqu’à instituer l’“ ordo viduarum ”, qui pourrait être rétabli aujourd’hui.

La dernière saison de la vie et le deuil en famille

20. La maladie, l’accident ou la vieillesse qui conduisent à la mort se répercutent sur toute la vie familiale. L’expérience du deuil devient particulièrement déchirante quand la perte concerne des enfants et des jeunes. Cette douloureuse expérience exige une attention pastorale spéciale, notamment avec l’implication de la communauté chrétienne. Valoriser la dernière phase de la vie est aujourd’hui d’autant plus nécessaire qu’on tente le plus possible de refouler par tous les moyens le moment du trépas. La fragilité et la dépendance de la personne âgée sont parfois exploitées de façon inique pour de purs avantages économiques. De nombreuses familles nous enseignent qu’il est possible d’affronter les dernières étapes de la vie en mettant en valeur le sens de l’accomplissement et de l’intégration de l’existence tout entière dans le mystère pascal. Un grand nombre de personnes âgées est accueilli dans des structures ecclésiales où elles peuvent vivre dans un milieu serein et familial sur le plan matériel et spirituel. L’euthanasie et le suicide assisté constituent de graves menaces pour les familles dans le monde entier. Leur pratique est devenue légale dans de nombreux États. L’Église, tout en s’opposant fermement à ces pratiques, ressent le devoir d’aider les familles qui prennent soin de leurs membres âgés et malades et de promouvoir de toutes les façons possibles la dignité et la valeur de la personne jusqu’au terme naturel de la vie.

Personnes ayant des besoins spéciaux

21. Un regard spécial doit être porté aux familles des personnes frappées par un handicap qui surgit dans la vie, qui engendre un défi, profond et inattendu, et bouleverse les équilibres, les désirs et les attentes. Cela provoque des émotions contrastées et des décisions difficiles à gérer et à élaborer, tout en imposant des devoirs, des actions à mener dans l’urgence et de nouvelles responsabilités. L’image familiale et l’ensemble de son cycle vital sont profondément perturbés. Les familles qui acceptent avec amour l’épreuve difficile d’un enfant handicapé méritent une grande admiration. Elles donnent à l’Église et à la société un témoignage précieux de fidélité au don de la vie. La famille pourra découvrir, avec la communauté chrétienne, de nouveaux gestes et langages, de nouvelles formes de compréhension et d’identité, dans un cheminement d’accueil et d’attention au mystère de la fragilité. Les personnes porteuses de handicap constituent pour la famille un don et une opportunité pour grandir dans l’amour, dans l’aide réciproque et dans l’unité. L’Église, famille de Dieu, désire être une maison accueillante pour les familles avec des personnes handicapées (cf. Jean-Paul II, Homélie à l’occasion du jubilé des porteurs de handicap, 3 décembre 2000). Elle contribue à les aider dans leurs relations familiales et dans leur éducation, et leur offre des moyens de participer à la vie liturgique de la communauté. Pour un certain nombre de personnes handicapées abandonnées ou demeurées seules, les institutions ecclésiales d’accueil constituent souvent l’unique famille. Le Synode exprime à ces dernières sa vive gratitude et leur dit combien elle apprécie leur action. Ce processus d’intégration apparaît plus difficile dans les sociétés où perdurent la stigmatisation et les préjugés – qui vont jusqu’à être théorisés dans une vision eugéniste. Par contre, de nombreuses familles, communautés et mouvements ecclésiaux découvrent et célèbrent les dons de Dieu dans les personnes ayant des besoins spécifiques, en particulier leur capacité à communiquer et à rassembler. Une attention spéciale doit être portée aux personnes handicapées qui survivent à leurs parents et à la famille au sens large, qui les ont soutenues tout au long de leur vie. La mort de ceux dont ils ont été aimés et qu’ils ont aimés les rend particulièrement vulnérables. La famille qui accepte, avec un regard de foi, la présence de personnes porteuses de handicap pourra reconnaître et garantir la qualité et la valeur de toute vie, avec ses besoins, ses droits et ses opportunités. Elle sollicitera des services et des soins et favorisera une présence affectueuse dans toutes les phases de la vie.

Les célibataires

22. De nombreuses personnes qui vivent sans se marier se consacrent non seulement à leur famille d’origine, mais elles rendent aussi souvent de grands services dans leur cercle d’amis, leur communauté ecclésiale et leur vie professionnelle. Il n’en reste pas moins que leur présence et leur contribution sont souvent négligées et cela leur procure un certain sentiment d’isolement. On trouve souvent chez elles de nobles motivations, qui conduisent à leur pleine implication dans les domaines artistiques, scientifiques ou pour le bien de l’humanité. Par ailleurs, beaucoup mettent leurs talents au service de la communauté chrétienne sous le signe de la charité et du bénévolat. Il existe aussi des personnes qui ne se marient pas parce qu’elles consacrent leur vie à l’amour du Christ et de leurs frères. Leur engagement est une source d’enrichissement pour la famille, que ce soit dans l’Église ou dans la société.

Migrants, réfugiés, persécutés

23. Les conséquences du phénomène migratoire sur la famille mérite une attention pastorale particulière. Cela touche, avec des modalités différentes, des populations entières dans diverses parties du monde. L’Église a exercé un rôle de premier plan dans ce domaine. La nécessité de maintenir et de développer ce témoignage évangélique (cf. Mt 25, 35) apparaît aujourd’hui plus que jamais urgente. L’histoire de l’humanité est une histoire de migrants : cette vérité est inscrite dans la vie des peuples et des familles. Notre foi aussi le réaffirme : nous sommes tous des pèlerins. Cette conviction doit susciter en nous compréhension, ouverture et responsabilité face au défi des migrations, aussi bien vécues avec souffrance que pensées comme opportunités de vie. La mobilité humaine, qui correspond au mouvement naturel historique des peuples, peut se révéler être une richesse authentique, tant pour la famille qui émigre que pour le pays qui l’accueille. Mais la migration forcée des familles est quelque chose de différent, quand elle résulte de situations de guerre, de persécution, de pauvreté, d’injustice, marquée par les aléas d’un voyage qui met souvent en danger la vie, traumatise les personnes et déstabilise les familles. L’accompagnement des migrants exige une pastorale spécifique pour les familles en migration, mais aussi pour les membres du foyer familial qui sont demeurés sur leurs lieux d’origine. Cela doit se faire dans le respect de leurs cultures, de la formation religieuse et humaine d’où ils proviennent, de la richesse spirituelle de leurs rites et de leurs traditions, notamment par le biais d’une pastorale spécifique. « Il est important de considérer les migrants non seulement en fonction de la régularité ou de l’irrégularité de leur condition, mais surtout comme des personnes qui, une fois leur dignité assurée, peuvent contribuer au bien-être et au progrès de tous, en particulier lorsqu’ils assument la responsabilité de leurs devoirs envers ceux qui les accueillent, en respectant de façon reconnaissante le patrimoine matériel et spirituel du pays hôte, en obéissant à ses lois et en contribuant à ses charges » (François, Message pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés 2016, 12 septembre 2015). Les migrations apparaissent particulièrement dramatiques et dévastatrices pour les familles et pour les individus quand elles ont lieu en dehors de la légalité et qu’elles sont soutenues par des circuits internationaux de traite des êtres humains. On peut en dire de même en ce qui concerne les femmes ou les enfants non accompagnés, contraints à des séjours prolongés dans des lieux de passage, dans des camps de réfugiés, où il est impossible d’entreprendre un parcours d’intégration. La pauvreté extrême et d’autres situations de désagrégation conduisent même parfois les familles à vendre leurs propres enfants à des réseaux de prostitution ou de trafic d’organes.

24. La rencontre avec un nouveau pays et une nouvelle culture est rendue encore plus difficile quand les conditions d’accueil et d’acceptation authentiques, dans le respect des droits de tous et d’une coexistence pacifique et solidaire, ne sont pas réunies. Ce devoir interpelle directement la communauté chrétienne : « La responsabilité d’offrir l’accueil, la solidarité et l’assistance aux réfugiés revient avant tout à l’Église locale. Celle-ci est appelée à incarner les exigences de l’Évangile en allant, sans distinctions, à la rencontre de ces personnes à un moment de besoin et de solitude » (Conseil Pontifical Cor Unum et Conseil Pontifical pour la Pastorale des migrants et des Personnes en déplacement, Les réfugiés, un défi à la solidarité, 26). Le sentiment de dépaysement, la nostalgie des racines perdues et les difficultés d’intégration montrent aujourd’hui, dans de nombreux contextes, qu’ils n’ont pas été surmontés et révèlent des souffrances nouvelles, jusque dans la deuxième et la troisième génération de familles migrantes, alimentant des phénomènes de fondamentalisme et de rejet violent de la part de la culture d’accueil. Pour dépasser ces difficultés, la rencontre entre familles est une ressource précieuse, et les femmes jouent souvent un rôle essentiel dans le processus d’intégration, à travers le partage d’expérience au sujet de la croissance des enfants. En effet, même dans leur situation de précarité, elles donnent un témoignage d’une culture de l’amour familial qui encourage d’autres familles à accueillir et à protéger la vie, en pratiquant la solidarité. Les femmes peuvent transmettre aux nouvelles générations la foi vivante dans le Christ, qui les a soutenues dans l’expérience difficile de la migration et qui en a été renforcée. Les persécutions des chrétiens, comme celles de minorités ethniques et religieuses dans diverses parties du monde, spécialement au Moyen-Orient, constituent une grande épreuve : non seulement pour l’Église, mais aussi pour la communauté internationale tout entière. Tout effort doit être soutenu pour faire en sorte que les familles et les communautés chrétiennes puissent rester sur leurs terres d’origine. Benoît XVI a affirmé : « Un Moyen-Orient sans ou avec peu de chrétiens n’est plus le Moyen-Orient, car les chrétiens participent avec les autres croyants à l’identité si particulière de la région » (Exhortation Apostolique Ecclesia in Medio Oriente, 31).

Quelques défis particuliers

25. Dans certaines sociétés subsiste encore la pratique de la polygamie, et, dans d’autres contextes, celle des mariages arrangés. Dans les pays où la présence de l’Église catholique est minoritaire, les mariages mixtes et de disparité de culte sont nombreux, avec toutes les difficultés que cela comporte concernant les aspects juridiques, le Baptême, l’éducation des enfants et le respect réciproque du point de vue de la diversité de la foi. Dans ces mariages il peut exister le danger du relativisme ou de l’indifférence, mais ils peuvent aussi être l’occasion d’encourager l’esprit œcuménique et le dialogue interreligieux, dans une coexistence harmonieuse de communautés qui vivent dans un même lieu. Dans de nombreux contextes, et pas seulement en Occident, se diffuse largement la pratique de la vie en commun avant le mariage ou même de la cohabitation sans aspirer à un lien institutionnel. S’ajoute souvent à cela une législation civile qui compromet le mariage et la famille. À cause de la sécularisation, dans de nombreuses parties du monde, la référence à Dieu a fortement diminué et la foi n’est plus un fait social partagé.

Les enfants

26. Les enfants sont une bénédiction de Dieu (cf. Gn 4,1). Ils doivent occuper la première place dans la vie familiale et sociale et constituer une priorité dans l’action pastorale de l’Église. « En effet, l’on peut juger la société à la façon dont on y traite les enfants, mais pas seulement moralement, sociologiquement aussi, si c’est une société libre ou une société esclave d’intérêts internationaux. […] Les enfants nous rappellent […] que nous sommes toujours des enfants […]. Et cela nous renvoie toujours au fait que nous ne nous sommes pas donné la vie nous-mêmes mais nous l’avons reçue » (François, Audience générale, 18 mars 2015). Toutefois, les enfants deviennent souvent objets de litige entre les parents et sont les véritables victimes des déchirements familiaux. Les droits des enfants sont négligés de multiples façons. Dans certaines régions du monde, ils sont considérés comme une véritable marchandise, traités comme des travailleurs à bas coûts, utilisés pour faire la guerre, objets de tout type de violence physique et psychologique. Les enfants migrants sont exposés à différents types de souffrance. Par ailleurs, l’exploitation sexuelle de l’enfance constitue une des réalités les plus scandaleuses et perverses de la société actuelle. Dans les sociétés traversées par la violence à cause de la guerre, du terrorisme ou de la présence du crime organisé, les situations familiales dégradées sont en augmentation. Dans les grandes métropoles et dans leurs périphéries le phénomène dit des enfants des rues s’aggrave de façon dramatique.

La femme

27. La femme joue un rôle déterminant dans la vie de la personne, de la famille et de la société. « Chaque personne humaine doit la vie à une mère, et presque toujours, elle lui doit une grande partie de son existence successive, de sa formation humaine et spirituelle » (François, Audience générale, 7 janvier 2015). La mère conserve la mémoire et le sens de la naissance pour toute la vie : « Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur » (Lc 2, 19). Il n’en reste pas moins vrai que la condition féminine dans le monde est sujette à de grandes différences qui dérivent principalement de facteurs socioculturels. La dignité de la femme a besoin d’être défendue et promue. Il ne s’agit pas simplement d’un problème de ressources économiques, mais d’une perspective culturelle autre, comme le laisse ressortir la condition difficile des femmes dans plusieurs pays ayant connu un développement récent. Encore de nos jours, dans de nombreuses situations, être une femme est cause de discrimination : le don même de la maternité, dans certaines cultures, est pénalisé au lieu d’être valorisé. D’autre part, dans certaines cultures, la stérilité pour une femme est une source de discrimination sociale. Il ne faut pas non plus oublier les phénomènes croissants de violence dont les femmes sont victimes au sein des familles. L’exploitation des femmes et la violence exercée sur leur corps sont souvent unies à l’avortement et à la stérilisation forcée. Viennent s’ajouter à cela les conséquences négatives de pratiques liées à la procréation, comme la gestation pour autrui ou le marché des gamètes et des embryons. L’émancipation féminine exige de repenser la répartition des tâches entre les époux et leur responsabilité commune envers la vie familiale. Le désir de l’enfant à tout prix n’a pas conduit à des relations familiales plus heureuses et solides. Au contraire, dans de nombreux cas, il a aggravé, de fait, l’inégalité entre les femmes et les hommes. Pour contribuer à la reconnaissance sociale de leur rôle déterminant on pourrait valoriser davantage les responsabilités des femmes dans l’Église : leur intervention dans les processus décisionnels, leur participation au gouvernement de certaines institutions, leur implication dans la formation des ministres ordonnés.

L’homme

28. L’homme revêt un rôle tout aussi décisif dans la vie de la famille, en se référant plus particulièrement à la protection et au soutien de l’épouse et des enfants. Le modèle de cette figure est saint Joseph, homme juste, qui, à l’heure du danger « dans la nuit, prit avec lui l’enfant et sa mère » (Mt 2, 14) et les conduisit en un lieu sûr. Beaucoup d’hommes sont conscients de l’importance de leur rôle dans la famille et le vivent avec les qualités spécifiques du caractère masculin. L’absence du père marque gravement la vie familiale, l’éducation des enfants et leur insertion dans la société. Son absence peut être physique, affective, cognitive et spirituelle. Cette carence prive les enfants d’un modèle de référence du comportement paternel. L’implication croissante des femmes dans le monde du travail, hors de la maison, n’a pas été compensée de manière adéquate par une implication plus importante des hommes dans la sphère domestique. Dans le contexte actuel, la sensibilité de l’homme à son devoir de protection de son épouse et des enfants contre toute forme de violence et d’avilissement s’est affaiblie. « Le mari – dit Paul – doit aimer sa femme “ comme son propre corps ” (Ep 5, 28) ; l’aimer comme le Christ “ a aimé l’Église et s’est livré pour elle ” (v. 25). Mais vous les maris […] comprenez-vous cela? Aimer votre femme comme le Christ aime l’Église ? […] L’effet de ce radicalisme du dévouement demandé à l’homme, pour l’amour et la dignité de la femme, à l’exemple du Christ, doit avoir été immense, dans la communauté chrétienne elle-même. Cette semence de la nouveauté évangélique, qui rétablit la réciprocité originelle du dévouement et du respect, a mûri lentement au cours de l’histoire, mais à la fin a prévalu » (François, Audience générale, 6 mai 2015).

Les jeunes

29. De nombreux jeunes continuent à considérer le mariage comme le grand désir de leur vie et le projet de fonder une famille comme la réalisation de leurs aspirations. Dans la pratique, ils adoptent cependant des attitudes différentes vis-à-vis du mariage. Ils sont souvent induits à repousser leur mariage pour des problèmes économiques, de travail ou d’études. Parfois aussi pour d’autres raisons, comme l’influence des idéologies qui dévaluent le mariage et la famille, l’expérience de l’échec d’autres couples qu’ils ne veulent pas risquer de vivre à leur tour, la peur de quelque chose qu’ils considèrent comme trop grand et trop sacré, les opportunités sociales et les avantages économiques qui découlent de la simple cohabitation, une conception purement émotionnelle et romantique de l’amour, la peur de perdre leur liberté et leur autonomie, le refus de quelque chose qui est conçu comme institutionnel et bureaucratique. L’Église regarde avec appréhension cette défiance de tant de jeunes vis-à-vis du mariage, et souffre de voir avec quelle précipitation tant de fidèles décident de mettre fin à leur engagement conjugal pour en instaurer un autre. Les jeunes baptisés doivent être encouragés à ne pas hésiter face à la richesse que procure à leurs projets d’amour le sacrement du mariage, car ils seront forts du soutien de la grâce du Christ et de la possibilité de participer pleinement à la vie de l’Église. Il est donc nécessaire d’identifier plus précisément les motivations profondes de leur renoncement et de leur découragement. Les jeunes peuvent prendre davantage confiance dans le choix conjugal en voyant ces familles qui, dans la communauté chrétienne, leur offrent l’exemple fiable d’un témoignage durable dans le temps.

 

Chapitre IV

Famille, affectivité et vie

 

L’importance de la vie affective

30. « Celui qui veut donner de l’amour doit lui aussi le recevoir comme un don. L’homme peut assurément, comme nous le dit le Seigneur, devenir source d’où sortent des fleuves d’eau vive (cf. Jn 7, 37-38). Mais pour devenir une telle source, il doit lui-même boire toujours à nouveau à la source première et originaire qui est Jésus Christ, du cœur transpercé duquel jaillit l’amour de Dieu (cf. Jn 19, 34) » (DCE, 7). Le besoin de prendre soin de soi, de se connaître intérieurement, de vivre de façon plus harmonieuse avec ses émotions et ses sentiments, de chercher des relations affectives de qualité, doit déboucher sur le don de l’amour pour les autres et sur le désir de construire des relations créatives, solidaires et qui responsabilisent, comme le sont celles au sein d’une famille. Le défi pour l’Église, c’est d’aider les couples pour faire mûrir la dimension émotionnelle et grandir la dimension affective en encourageant le dialogue, la vertu et la confiance en l’amour miséricordieux de Dieu. Le dévouement total requis par le mariage chrétien est un puissant antidote contre la tentation d’une existence individuelle repliée sur soi-même.

La formation au don de soi

31. Le style des relations familiales a une incidence primordiale sur la formation affective des jeunes générations. La rapidité avec laquelle s’accomplissent les mutations de la société contemporaine rend plus difficile l’accompagnement de la personne pour qu’elles mûrissent dans la formation de leur affectivité. Cela exige aussi une action pastorale appropriée, riche d’une connaissance approfondie de l’Écriture et de la doctrine catholique, et dotée d’instruments éducatifs adéquats. Une connaissance opportune de la psychologie de la famille constituera une aide pour que la vision chrétienne soit transmise de façon efficace: il faudra que cet effort éducatif débute avec la catéchèse de l’initiation chrétienne. Cette formation aura soin de mettre en valeur la vertu de chasteté, conçue comme intégration des sentiments, qui favorise le don de soi.

Fragilité et immaturité

32. Dans le monde actuel, les tendances culturelles qui visent à imposer une sexualité sans limites, dont on veut explorer toutes les facettes, même les plus complexes, ne manquent pas. La question de la fragilité affective est d’une grande actualité : une affectivité narcissique, instable et changeante, n’aide pas la personne à gagner en maturité. Il faut dénoncer avec fermeté la grande diffusion de la pornographie et de la commercialisation du corps, favorisée notamment par un mauvais usage d’internet, ainsi que la prostitution forcée et son exploitation. Dans ce contexte, les couples sont parfois incertains, hésitants et ont du mal à trouver les moyens de grandir. Nombreux sont ceux qui ont tendance à rester aux premiers stades de la vie émotionnelle et sexuelle. La crise du couple déstabilise la famille et peut avoir, avec les séparations et les divorces, de sérieuses conséquences sur les adultes, les enfants et la société, en affaiblissant l’individu et les liens sociaux. La baisse de la démographie, due à une mentalité antinataliste et encouragée par les politiques mondiales de “ santé reproductive ”, menace le lien entre les générations. Il en découle aussi un appauvrissement économique et une perte généralisée d’espérance.

Technique et procréation humaine

33. La révolution biotechnologique dans le domaine de la procréation humaine a introduit la possibilité de manipuler l’acte d’engendrer, en le rendant indépendant de la relation sexuelle entre un homme et une femme. De la sorte, la vie humaine et la parentalité sont devenus des réalités qu’il est possible de faire ou de défaire, principalement sujettes aux désirs des individus ou des couples, qui ne sont pas nécessairement hétérosexuels ou mariés. Ce phénomène s’est présenté ces dernières années comme une nouveauté absolue sur la scène de l’humanité et se diffuse de plus en plus. Tout cela a de profondes répercussions sur la dynamique des relations, sur la structure de la vie sociale et sur les normes juridiques, qui interviennent pour tenter de réglementer des pratiques déjà existantes et des situations différenciées. Dans ce contexte, l’Église ressent la nécessité de dire une parole de vérité et d’espérance. Il faut partir de la conviction que l’homme vient de Dieu et vit constamment en sa présence : « La vie humaine est sacrée parce que, dès son origine, elle comporte “ l'action créatrice de Dieu ” et demeure pour toujours dans une relation spéciale avec le Créateur, son unique fin. Dieu seul est le Maître de la vie de son commencement à son terme: personne, en aucune circonstance, ne peut revendiquer pour soi le droit de détruire directement un être humain innocent » (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction Donum vitae, Introd., 5 ; cf. Jean-Paul II, Evangelium vitae, 53).

Le défi pour la pastorale

34. Une réflexion capable de proposer à nouveau les grandes questions sur la signification de l’existence humaine trouve un terrain fertile dans les attentes les plus profondes de l’humanité. Les grandes valeurs du mariage et de la famille chrétienne correspondent à la recherche qui traverse l’existence humaine, même à notre époque caractérisée par l’individualisme et l’hédonisme. Il faut accueillir les personnes avec compréhension et délicatesse dans leur existence concrète et savoir soutenir leur quête de sens. La foi encourage le désir de Dieu et la volonté de se sentir partie intégrante de l’Église, même chez ceux qui ont fait l’expérience de l’échec ou qui se trouvent dans les situations les plus difficiles. Le message chrétien possède toujours en lui la réalité et la dynamique de la miséricorde qui convergent dans le Christ : « La vérité première de l’Église est l’amour du Christ. L’Église se fait servante et médiatrice de cet amour qui va jusqu’au pardon et au don de soi. En conséquence, là où l’Église est présente, la miséricorde du Père doit être manifeste » (MV, 12). Dans la formation à la vie conjugale et familiale, l’approche pastorale tiendra compte de la pluralité des situations concrètes. Si, d’une part, il faut encourager des parcours qui garantissent la formation des jeunes au mariage, de l’autre, il faut accompagner ceux qui vivent seuls ou qui ne forment pas de nouveau noyau familial, en restant souvent liés à leur famille d’origine. Les couples qui ne peuvent pas avoir d’enfants doivent aussi faire l’objet d’une attention pastorale particulière de la part de l’Église, pour les aider à découvrir le dessein de Dieu sur leur situation, au service de toute la communauté. Tous ont besoin d’un regard de compréhension, en tenant compte que les situations de distance par rapport à la vie ecclésiale ne sont pas toujours voulues, mais sont souvent induites et parfois même subies. Dans l’optique de la foi, personne n’est exclu : tous sont aimés de Dieu et sont au centre de l’action pastorale de l’Église.



IIème PARTIE

LA FAMILLE DANS LE PLAN DE DIEU

 

35. Discerner la vocation de la famille dans la multitude des situations que nous avons rencontrées dans la première partie demande d’une orientation sûre pour le cheminement et pour l’accompagnement. Cette boussole, c’est la Parole de Dieu dans l’histoire, qui culmine en Jésus-Christ « le Chemin, la Vérité et la Vie » pour tout homme et toute femme qui constituent une famille. Nous nous mettons donc à l’écoute de ce que l’Église enseigne sur la famille à la lumière des Saintes Écritures et de la Tradition. Nous sommes convaincus que cette Parole répond aux attentes humaines les plus profondes d’amour, de vérité et de miséricorde et réveille des capacités de don et d’accueil, même dans les cœurs brisés et humiliés. Dans cette optique, nous croyons que l’Évangile de la famille commence par la création de l’homme à l’image de Dieu qui est amour et appelle l’homme et la femme à l’amour selon sa ressemblance (cf. Gn 1, 26-27). La vocation du couple et de la famille à la communion d’amour et de vie perdure à toutes les étapes du dessein de Dieu malgré les limites et les péchés des hommes. Cette vocation est fondée depuis le commencement sur le Christ rédempteur (cf. Ep 1, 3-7). Il restaure et perfectionne l’alliance sponsale des origines (cf. Mc 10, 6), guérit le cœur humain (cf. Jn 4, 10), lui donne la capacité d’aimer comme lui aime l’Église en s’offrant pour elle (cf. Ep 5, 32).

36. Cette vocation reçoit sa forme ecclésiale et missionnaire du lien sacramentel qui consacre la relation conjugale indissoluble entre les époux. L’échange des consentements qui l’institue signifie pour les époux l’engagement de don réciproque et d’accueil, total et définitif, en « une seule chair » (Gn 2, 24). La grâce de l’Esprit Saint fait de l’union des époux un signe vivant du lien du Christ avec l’Église. Leur union devient ainsi, pendant toute leur vie, une source de grâces multiples : de fécondité et de témoignage, de guérison et de pardon. Le mariage se réalise dans la communauté de vie et d’amour, et la famille devient évangélisatrice. Les époux, devenus ses disciples, sont accompagnés par Jésus sur le chemin menant à Emmaüs, ils le reconnaissent à la fraction du pain, retournent à Jérusalem illuminés par sa résurrection (cf. Lc 24, 13-43). L’Église annonce à la famille son lien avec Jésus, en vertu de l’incarnation par laquelle il fait partie de la Sainte Famille de Nazareth. La foi reconnaît dans le lien indissoluble un reflet de l’amour de la Trinité divine, qui se révèle dans l’unité de vérité et de miséricorde proclamée par Jésus. Le Synode se fait l’interprète du témoignage de l’Église, qui adresse au peuple de Dieu une parole claire sur la vérité de la famille selon l’Évangile. Aussi éloignée soit-elle, rien n’empêche à la famille d’être touchée par cette miséricorde et soutenue par cette vérité.

 

Chapitre I

La famille dans l’histoire du salut

 

La pédagogie divine

37. Étant donné que dans l’ordre de la création tout est orienté vers le Christ, il faut distinguer sans les séparer les différents degrés à travers lesquels Dieu communique à l’humanité la grâce de l’alliance. En raison de la pédagogie divine, selon laquelle le dessein de la création se réalise dans celui de la rédemption par étapes successives, il faut comprendre la nouveauté du sacrement nuptial en continuité avec le mariage naturel des origines, fondé sur l’ordre de la création. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la façon d’agir salvifique de Dieu dans la vie chrétienne. Comme tout a été fait par le Christ et en vue de lui (cf. Col 1, 16), les chrétiens découvrent « avec joie et respect les semences du Verbe qui s’y trouvent cachées ; ils doivent en même temps être attentifs à la transformation profonde qui s’opère parmi les nations » (AG, 11). L’incorporation du croyant dans l’Église par le Baptême s’accomplit pleinement avec les autres sacrements de l’initiation chrétienne. Dans cette Église domestique qu’est sa famille, il entreprend ce «processus dynamique qui va peu à peu de l’avant grâce à l'intégration progressive des dons de Dieu » (FC, 9), à travers la conversion continuelle à l’amour qui sauve du péché et donne une plénitude de vie. Face aux défis contemporains de la société et de la culture, la foi tourne son regard vers Jésus-Christ en contemplant et en adorant son visage. Il a regardé les femmes et les hommes qu’il a rencontrés, avec amour et tendresse, accompagnant leurs pas avec vérité, patience et miséricorde, pour annoncer les exigences du Royaume de Dieu. «Chaque fois que nous revenons à la source de l’expérience chrétienne, de nouvelles routes et des possibilités impensables s’ouvrent » (François, Discours à l’occasion de la veillée de prière en préparation du Synode sur la famille, 4 octobre 2014).

L’icône de la Trinité dans la famille

38. L’Écriture et la Tradition nous ouvrent l’accès à une connaissance de la Trinité qui se révèle sous des traits familiers. La famille est l’image de Dieu qui « dans son mystère le plus intime, n’est pas solitude, mais bien une famille, étant donné qu’elle possède la paternité, la filiation et l’essence de la famille qui est l’amour » (Jean-Paul II, Homélie durant la messe au séminaire Juan de Palafox de Puebla de Los Angeles, 28 janvier 1979). Dieu est communion de personnes. Lors du Baptême, la voix du Père désigne Jésus comme son Fils bien aimé et c’est l’Esprit Saint qu’il faut reconnaître dans cet amour, (cf. Mc 1, 10-11). Jésus, qui a réconcilié toute chose en lui et qui a racheté l’homme du péché, n’a pas seulement ramené le mariage et la famille a leur forme originelle, mais il a aussi élevé le mariage au rang de signe sacramentel de son amour pour l’Église (cf. Mt 19, 1-12 ; Mc 10, 1-12 ; Ep 5, 21-32). C’est dans la famille humaine, réunie par le Christ, qu’est restituée « l’image et la ressemblance » de la Sainte Trinité (cf. Gn 1, 26), mystère d’où jaillit tout amour véritable. Par l’Église, le mariage et la famille reçoivent du Christ la grâce de l’Esprit Saint, pour témoigner de l’Évangile de l’amour de Dieu jusqu’à l’accomplissement de l’Alliance au dernier jour de la fête des noces de l’Agneau (cf. Ap 19, 9 ; Jean-Paul II, Catéchèse sur l’amour humain). L’alliance d’amour et de fidélité, dont vit la Sainte Famille de Nazareth, illumine le principe qui donne forme à toute famille et la rend capable de mieux affronter les vicissitudes de la vie et de l’histoire. Sur cette base, toute famille, malgré sa faiblesse, peut devenir une lumière dans l’obscurité du monde. « Ici nous comprenons la façon de vivre en famille. Nazareth doit nous rappeler ce qu’est la famille, ce qu’est la communion d’amour, sa beauté austère et simple, son caractère sacré et inviolable ; cela doit nous enseigner sa fonction naturelle dans l’ordre social » (Paul VI, Discours prononcé à Nazareth, 5 janvier 1964).

La famille dans l’Écriture Sainte

39. L’homme et la femme, par leur amour fécond qui engendre, poursuivent l’œuvre créatrice et collaborent avec le Créateur à l’histoire du salut à travers la succession des générations (cf. Gn 1, 28 ; 2, 4 ; 9, 1.7 ; 10 ; 17, 2.16 ; 25, 11; 28, 3 ; 35, 9.11 ; 47, 27 ; 48, 3-4). La réalité conjugale, dans sa forme exemplaire, est esquissée dans le livre de la Genèse, auquel Jésus renvoie dans sa vision de l’amour nuptial. L’homme se sent incomplet car il est privé d’une aide qui lui « corresponde », qui soit « semblable à lui » (cf. Gn 2,18.20) dans un dialogue d’égal à égal. La femme participe donc à la même réalité que l’homme, représentée symboliquement par la côte, c’est-à-dire de la même chair, comme le proclame l’homme dans son chant d’amour : « cette fois c’est vraiment la chair de ma chair et les os de mes os » (Gn 2, 23). Les deux deviennent ainsi « une seule chair » (cf. Gn 2, 24). Cette réalité qui fonde l’expérience conjugale est magnifiée dans l’évocation de l’appartenance réciproque, que l’on trouve dans la profession d’amour prononcée par la femme dans le Cantique des Cantiques. La formule reproduit celle de l’alliance entre Dieu et son peuple (cf. Lv 26,12) : « mon bien-aimé est à moi et moi je suis à lui… je suis à mon bien-aimé, mon bien-aimé est à moi » (Ct 2, 16 ; 6, 3). Dans le Cantique, l’entrelacement constant, de la sexualité, de l’éros et de l’amour, est significatif, tout comme la rencontre de la dimension corporelle et la tendresse, le sentiment, la passion, la spiritualité et le don total. Tout en étant conscient que peuvent survenir des moments sombres marqués par l’absence ou le dialogue interrompu entre lui et elle (cf. Ct 3 et 5), la certitude de la puissance de l’amour contre tout obstacle n’en demeure pas moins : « l’amour est fort comme la mort » (Ct 8, 6). La prophétie biblique, pour célébrer l’alliance d’amour entre Dieu et son peuple, ne recourt pas seulement au symbolisme nuptial (cf. Is 54 ; Jr 2, 2 ; Ez 16), mais aussi à l’expérience familiale dans son ensemble, comme l’atteste d’une façon particulièrement intense le prophète Osée. Sa dramatique expérience conjugale et familiale (cf. Os 1-3) devient le signe de la relation entre le Seigneur et Israël. Les infidélités du peuple n’effacent pas l’amour invincible de Dieu que le prophète représente comme un père, qui guide et étreint son fils « par des liens d’amour » (cf. Os 11, 1-4).

40. Dans les paroles de vie éternelle que Jésus a laissées à ses disciples, dans son enseignement sur le mariage et la famille, on peut distinguer trois étapes fondamentales dans le projet de Dieu. Au départ, il y a la famille des origines, quand Dieu créateur a institué le mariage primordial entre Adam et Ève, comme fondement solide de la famille. Dieu n’a pas seulement créé l’être humain homme et femme (cf. Gn 1, 27), mais il les a aussi bénis pour qu’ils soient féconds et se multiplient (cf. Gn 1, 28). Voilà pourquoi, «l’homme quittera son père et sa mère et s’unira à sa femme et les deux ne formeront qu’une seule chair » (Gn 2, 24). Cette union, blessée ensuite par le péché, a connu diverses oscillations dans la forme historique du mariage au sein de la tradition d’Israël : entre la monogamie et la polygamie, entre la stabilité et le divorce, entre la réciprocité et la subordination de la femme à l’homme. La concession faite par Moïse sur la possibilité de la répudiation (cf. Dt 24, 1sq), qui persistait au temps de Jésus, se comprend dans ce cadre. Enfin, avec l’avènement du Sauveur, la réconciliation du monde déchu non seulement réintègre le projet divin originel, mais conduit l’histoire du Peuple de Dieu vers un nouvel accomplissement. L’indissolubilité du mariage (cf. Mc 10, 2-9), ne doit pas être comprise avant tout comme un joug imposé aux hommes, mais bien comme un don fait aux personnes unies par le mariage.

Jésus et la famille

41. L’exemple de Jésus est un paradigme pour l’Église. Le Fils de Dieu est venu dans le monde au sein d’une famille. Au cours de ses trente années de vie cachée à Nazareth – périphérie sociale, religieuse et culturelle de l’Empire (cf. Jn 1, 46) – Jésus a vu en Marie et en Joseph la fidélité vécue dans l’amour. Il a inauguré sa vie publique sous le signe de Cana, accompli lors d’un banquet de noces (cf. Jn 2, 1-11). Il a annoncé l’Évangile du mariage comme plénitude de la révélation qui retrouve le projet originel de Dieu (cf. Mt 19, 4-6). Il a partagé des moments quotidiens d’amitié avec la famille de Lazare et de ses sœurs (cf. Lc 10, 38) et avec la famille de Pierre (cf. Mt 8, 14). Il a écouté les pleurs des parents pour leurs enfants, leur rendant la vie (cf. Mc 5, 41 ; Lc 7, 14-15) et manifestant ainsi la véritable signification de la miséricorde, qui implique la restauration de l’Alliance (cf. Jean-Paul II, Dives in Misericordia, 4). Ceci ressort clairement des rencontres avec la Samaritaine (cf. Jn 4, 1-30) et avec la femme adultère (cf. Jn 8, 1-11), chez qui la perception du péché se réveille face à l’amour gratuit de Jésus. La conversion « est une tâche ininterrompue pour toute l’Église qui “ enferme des pécheurs dans son propre sein ” et qui “ est donc à la fois sainte et appelée à se purifier, et qui poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement ” (LG 8). Cet effort de conversion n’est pas seulement une œuvre humaine. Elle est le mouvement du “ cœur contrit ” (Ps 51, 19) attiré et mû par la grâce (cf. Jn 6, 44 ; 12, 32) à répondre à l’amour miséricordieux de Dieu qui nous a aimés le premier » (CCC, 1428). Dieu offre gratuitement son pardon à ceux qui s’ouvrent à l’action de sa grâce. Ceci advient grâce au repentir, uni à l’intention d’orienter sa vie selon la volonté de Dieu, effet de sa miséricorde à travers laquelle il nous réconcilie avec lui. Dieu met dans notre cœur la capacité de pouvoir suivre la voie de l’imitation du Christ. La parole et l’attitude de Jésus montrent clairement que le Royaume de Dieu est l’horizon au sein duquel se définit toute relation (cf. Mt 6, 33). Les liens familiaux, bien que fondamentaux, « ne sont pas absolus » (CCC, 2232). D’une façon bouleversante pour ceux qui l’écoutaient, Jésus a relativisé les relations familiales à la lumière du Royaume de Dieu (cf. Mc 3, 33-35 ; Lc 14, 26 ; Mt 10, 34-37 ; 19, 29 ; 23, 9). Cette révolution des liens affectifs que Jésus introduit dans la famille humaine constitue un appel radical à la fraternité universelle. Personne ne reste exclu de la nouvelle communauté rassemblée au nom de Jésus, car tous sont appelés à faire partie de la famille de Dieu. Jésus montre que la condescendance divine accompagne le cheminement humain par sa grâce, transforme le cœur endurci par sa miséricorde (cf. Ez 36, 26) et l’oriente à son accomplissement à travers le mystère pascal.

 

Chapitre II

La Famille dans le Magistère de l’Église

 

Les enseignements du Concile Vatican II

42. Sur la base de ce qu’elle a reçu du Christ, l’Église, au cours des siècles, a développé un riche enseignement sur le mariage et la famille. Une des expressions les plus élevées de ce Magistère a été proposé par le Concile œcuménique Vatican II, dans la Constitution pastorale Gaudium et Spes, qui consacre un chapitre entier à la dignité du mariage et de la famille (cf. GS, 47-52). Le mariage et la famille sont ainsi définis : « La communauté profonde de vie et d’amour que forme le couple a été fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur ; elle est établie sur l’alliance des conjoints, c’est-à-dire sur leur consentement personnel irrévocable. Une institution, que la loi divine confirme, naît ainsi, au regard même de la société, de l’acte humain par lequel les époux se donnent et se reçoivent mutuellement» (GS, 48). L’« amour authentique entre mari et femme » (GS, 49) implique le don mutuel de soi, inclut et intègre la dimension sexuelle et l’affectivité, en correspondant au dessein divin (cf. GS, 48-49). Cela manifeste clairement que le mariage et l’amour conjugal qui l’anime « sont d’eux-mêmes ordonnés à la procréation et à l’éducation » des enfants (GS, 50). En outre, l’enracinement des époux dans le Christ est souligné : le Christ Seigneur «vient à la rencontre des époux chrétiens par le sacrement de mariage» (GS, 48) et demeure avec eux (sacramentum permanens). Il assume l’amour humain, le purifie, le porte à sa plénitude et donne aux époux, avec son Esprit, la capacité de le vivre, en imprégnant toute leur vie de foi, d’espérance et de charité. De la sorte, les époux sont comme consacrés et, à travers une grâce propre, ils édifient le Corps du Christ et constituent une Église domestique (cf. LG, 11), de sorte que l’Église, pour comprendre pleinement son mystère, regarde vers la famille chrétienne, qui le manifeste d’une façon authentique.

Paul VI

43. Le bienheureux Paul VI, dans le sillage du Concile Vatican II, a approfondi la doctrine sur le mariage et sur la famille. En particulier, par l’Encyclique Humanae Vitae, il a mis en lumière le lien intrinsèque entre l’amour conjugal et l’engendrement de la vie : «L’amour conjugal exige donc des époux une conscience de leur mission de “ paternité responsable ”, sur laquelle, à bon droit, on insiste tant aujourd’hui, et qui doit, elle aussi, être exactement comprise. […] Un exercice responsable de la paternité implique donc que les conjoints reconnaissent pleinement leurs devoirs envers Dieu, envers eux-mêmes, envers la famille et envers la société, dans une juste hiérarchie des valeurs » (HV, 10). Dans son Exhortation Apostolique Evangelii Nuntiandi, Paul VI a mis en évidence le rapport entre la famille et l’Église : « Au sein de l’apostolat évangélisateur des laïcs, il est impossible de ne pas souligner l’action évangélisatrice de la famille. Elle a bien mérité, aux différents moments de l’histoire, le beau nom d’“ Église domestique ” sanctionné par le Concile Vatican II. Cela signifie, que, en chaque famille chrétienne, devraient se retrouver les divers aspects de l’Église entière. En outre, la famille, comme l’Église, se doit d’être un espace où l’Évangile est transmis et d’où l’Évangile rayonne » (EN, 71).

Jean-Paul II

44. Saint Jean-Paul II a consacrée une attention particulière à la famille à travers ses catéchèses sur l’amour humain et sur la théologie du corps. Il a ainsi offert à l’Église une richesse de réflexions sur la signification sponsale du corps humain et sur le projet de Dieu sur le mariage et sur la famille dès le commencement de la création. En particulier, traitant de la charité conjugale, il a décrit la façon dont les époux, dans leur amour mutuel, reçoivent le don de l’Esprit du Christ et vivent leur appel à la sainteté. Dans sa Lettre aux familles Gratissimam Sane et, surtout, dans l’Exhortation Apostolique Familiaris Consortio, Jean-Paul II a désigné la famille comme la “ voie de l’Église ”, il a offert une vision sur la vocation à l’amour de l’homme et de la femme et a proposé les lignes fondamentales pour la pastorale de la famille et pour la présence de la famille dans la société. « Au sein du mariage et de la famille se tisse un ensemble de relations interpersonnelles - rapports entre conjoints, paternité-maternité, filiation, fraternité - à travers lesquelles chaque personne est introduite dans la “ famille humaine ” et dans la “ famille de Dieu”, qu’est l’Église » (FC, 15).

Benoît XVI

45. Benoît XVI, dans l’Encyclique Deus Caritas Est, a repris le thème de la vérité de l’amour entre homme et femme, qui ne s’éclaire pleinement qu’à la lumière de l’amour du Christ crucifié (cf. DCE, 2). Il réaffirme que « le mariage fondé sur un amour exclusif et définitif devient l’icône de la relation de Dieu avec son peuple et réciproquement: la façon dont Dieu aime devient la mesure de l’amour humain » (DCE, 11). En outre, dans l’Encyclique Caritas in Veritate il met en évidence l’importance de l’amour familial comme principe de vie dans la société, lieu où s’apprend l’expérience du bien commun. «Continuer à proposer aux nouvelles générations la beauté de la famille et du mariage, la correspondance de ces institutions aux exigences les plus profondes du cœur et de la dignité de la personne devient ainsi une nécessité sociale, et même économique. Dans cette perspective, les États sont appelés à mettre en œuvre des politiques qui promeuvent le caractère central et l’intégrité de la famille, fondée sur le mariage entre un homme et une femme, cellule première et vitale de la société. prenant en compte ses problèmes économiques et fiscaux, dans le respect de sa nature relationnelle » (CiV, 44).

François

46. Le Pape François, abordant le lien entre la famille et la foi, écrit ainsi dans l’Encyclique Lumen Fidei: « Le premier environnement dans lequel la foi éclaire la cité des hommes est donc la famille. Je pense surtout à l’union stable de l’homme et de la femme dans le mariage […] Promettre un amour qui soit pour toujours est possible quand on découvre un dessein plus grand que ses propres projets » (LF, 52). Dans l’Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium, le Pape rappelle le caractère central de la famille au milieu des défis culturels contemporains : « La famille traverse une crise culturelle profonde, comme toutes les communautés et les liens sociaux. Dans le cas de la famille, la fragilité des liens devient particulièrement grave parce qu’il s’agit de la cellule fondamentale de la société, du lieu où l’on apprend à vivre ensemble dans la différence et à appartenir aux autres et où les parents transmettent la foi aux enfants. Le mariage tend à être vu comme une simple forme de gratification affective qui peut se constituer de n’importe quelle façon et se modifier selon la sensibilité de chacun. Mais la contribution indispensable du mariage à la société dépasse le niveau de l’émotivité et des nécessités contingentes du couple » (EG, 66). En outre, le Pape François a dédié aux thèmes relatifs à la famille un cycle complet de catéchèses qui approfondit les sujets, les expériences et les phases de la vie.

 

Chapitre III

La famille dans la doctrine chrétienne

 

Le mariage dans l’ordre de la création et la plénitude sacramentelle

47. L’ordre de la rédemption illumine et réalise celui de la création. Le mariage naturel se comprend donc pleinement à la lumière de son accomplissement sacramentel : ce n’est qu’en fixant le regard sur le Christ que l’on connaît à fond la vérité sur les rapports humains. « En réalité, le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné. […] Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation » (GS, 22). Il apparaît particulièrement opportun de comprendre dans une optique christocentrique les propriétés naturelles du mariage, qui constituent le bien des époux (bonum coniugum), qui comportent l’unité, l’ouverture à la vie, la fidélité et l’indissolubilité. À la lumière du Nouveau Testament, selon lequel tout a été créé par le Christ et en vue du Christ (cf. Col 1, 16 ; Jn 1, 1sq), le Concile Vatican II a voulu exprimer qu’il appréciait le mariage naturel, ainsi que les éléments positifs présents dans les autres religions (cf. LG, 16; NA, 2) et dans les diverses cultures, malgré des limites et des insuffisances (cf. RM, 55). Le discernement de la présence des “ semina Verbi ” dans les autres cultures (cf. AG, 11) peut être appliqué aussi à la réalité conjugale et familiale. Outre le véritable mariage naturel, il existe des éléments positifs présents dans les formes matrimoniales d’autres traditions religieuses. Nous considérons que ces formes – fondées de toute manière sur la relation stable et vraie d’un homme et d’une femme -, sont ordonnées au sacrement. Le regard tourné vers la sagesse humaine des peuples, l’Église reconnaît aussi cette famille comme cellule de base nécessaire et féconde de la coexistence humaine.

Indissolubilité et fécondité de l’union sponsale

48. L’irrévocable fidélité de Dieu à l’alliance est le fondement de l’indissolubilité du mariage. L’amour complet et profond entre époux ne se base pas seulement sur les capacités humaines : Dieu soutient cette alliance par la force de son Esprit. Le choix que Dieu a fait pour nous se reflète d’une certaine façon dans le choix du conjoint : comme Dieu maintient sa promesse même lorsque nous chutons, de même l’amour et la fidélité conjugale valent « pour le meilleur et pour le pire ». Le mariage est don et promesse de Dieu, qui écoute la prière de ceux qui demandent son aide. La dureté de cœur de l’homme, ses limites et sa fragilité face à la tentation sont un grand défi pour la vie commune. Le témoignage de couples qui vivent fidèlement leur mariage met en lumière la valeur de cette union indissoluble et suscite le désir de renouveler continuellement l’engagement de la fidélité. L’indissolubilité correspond au désir profond d’amour réciproque et durable que le Créateur a mis dans le cœur humain, et c’est un don qu’il fait lui-même à chaque couple : « Ce que Dieu a unit, que l’homme ne le sépare pas » (Mt 19, 6 ; cf. Mc 10, 9). L’homme et la femme accueillent ce don et en prennent soin afin que leur amour puisse être pour toujours. Face à la sensibilité de notre époque et aux difficultés effectives à maintenir un engagement pour toujours, l’Église est appelée à proposer les exigences et le projet de vie de l’Évangile de la famille et du mariage chrétien. « Saint Paul, en parlant de la nouvelle vie en Christ, dit que les chrétiens - tous - sont appelés à s’aimer comme le Christ les a aimés, c’est-à-dire “soumis les uns aux autres” (Ep 5, 21), ce qui signifie au service les uns des autres. Et il introduit ici l’analogie entre le couple mari-femme et celui Christ-Église. Il est clair qu’il s’agit d’une analogie imparfaite, mais nous devons en saisir le sens spirituel qui est très élevé et révolutionnaire, et dans le même temps simple, à la portée de chaque homme et femme qui se confient à la grâce de Dieu » (François, Audience générale, 6 mai 2015). Encore une fois, il s’agit d’une annonce qui donne l’espérance !

Les biens de la famille

49. Le mariage est « une communauté de toute la vie, ordonné par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants » (CIC, can. 1055 - §1). Dans l’accueil réciproque, les mariés se promettent un don total, la fidélité et l’ouverture à la vie. Dans la foi et avec la grâce du Christ, ils reconnaissent les dons que Dieu leur offre et s’engagent en son nom devant l’Église. Dieu consacre l’amour des époux et en confirme l’indissolubilité, leur offrant sa grâce pour vivre la fidélité, l’intégration réciproque et l’ouverture à la vie. Nous rendons grâce à Dieu pour le mariage car, à travers la communauté de vie et d’amour, les conjoints chrétiens connaissent le bonheur et font l’expérience que Dieu les aime personnellement, avec passion et tendresse. L’homme et la femme, individuellement et comme couple – a rappelé le Pape François – « sont image de Dieu ». Leur différence «ne vise pas l’opposition, ou la subordination, mais la communion, l’engendrement, toujours à l’image et ressemblance de Dieu » (Audience générale, 15 avril 2015). L’objectif d’union du mariage est un rappel constant à faire grandir et à approfondir cet amour. Dans leur union d’amour, les époux expérimentent la beauté de la paternité et de la maternité ; ils partagent les projets et les difficultés, les désirs et les préoccupations ; ils apprennent à prendre soin l’un de l’autre et à se pardonner réciproquement. Dans cet amour, ils célèbrent leurs moments heureux et se soutiennent dans les passages difficiles de leur vie.

50. La fécondité des époux, au sens plénier du terme, est spirituelle : ils sont des signes sacramentaux vivants, des sources de vie pour la communauté chrétienne et pour le monde. L’acte de génération, qui manifeste le « lien indissociable » entre union et procréation – mis en évidence par le bienheureux Paul VI (cf. HV, 12) – doit être compris dans l’optique de la responsabilité des parents pour le soin et l’éducation chrétienne des enfants. C’est le fruit le plus précieux de l’amour conjugal. À partir du moment où l’enfant est une personne, il transcende ceux qui l’ont engendré. « Être fils et fille, en effet, selon le dessein de Dieu, signifie porter en soi la mémoire et l’espérance d’un amour qu’il a réalisé lui-même en allumant la vie d’un autre être humain, original et neuf. Et pour les parents, chaque enfant est lui-même, il est différent, il est autre » (François, Audience générale, 11 février 2015). La beauté du don réciproque et gratuit, la joie pour la vie qui naît et l’attention pleine d’amour de tous les membres, des plus petits aux plus âgés, sont quelques-uns des fruits qui confèrent au choix de la vocation familiale son caractère unique et irremplaçable. Les relations familiales concourent de façon décisive à la construction solidaire et fraternelle de la société humaine, qui ne se réduit pas à la coexistence des habitants d’un territoire ou des citoyens d’un État.

Vérité et beauté de la famille

51. C’est avec une joie intime et une profonde consolation que l’Église regarde les familles qui sont fidèles aux enseignements de l’Évangile, en les remerciant et en les encourageant pour le témoignage qu’elles offrent. Grâce à elles, la beauté du mariage indissoluble et fidèle pour toujours est rendue crédible. C’est au sein de la famille que mûrit la première expérience ecclésiale de la communion entre les personnes, où se reflète, par grâce, le mystère d’amour de la Sainte Trinité. « C’est ici que l’on apprend l’endurance et la joie du travail, l’amour fraternel, le pardon généreux, même réitéré, et surtout le culte divin par la prière et l’offrande de sa vie » (CCC, 1657). L’Évangile de la famille nourrit également les semences qui attendent encore de mûrir et doit soigner les arbres qui se sont desséchés qui ne doivent pas être laissés à l’abandon (cf. Lc 13, 6-9). L’Église, maîtresse sûre et mère attentionnée, tout en reconnaissant que parmi les baptisés il n’y a pas d’autre lien nuptial que le lien sacramentel, et que toute rupture de ce dernier va à l’encontre de la volonté de Dieu, est également consciente de la fragilité de nombre de ses enfants qui peinent sur le chemin de la foi. « Par conséquent, sans diminuer la valeur de l’idéal évangélique, il faut accompagner avec miséricorde et patience les étapes possibles de croissance des personnes qui se construisent jour après jour. […] Un petit pas, au milieu de grandes limites humaines, peut être plus apprécié de Dieu que la vie extérieurement correcte de celui qui passe ses jours sans avoir à affronter d’importantes difficultés. La consolation et l’aiguillon de l’amour salvifique de Dieu, qui œuvre mystérieusement en toute personne, au-delà de ses défauts et de ses chutes, doivent rejoindre chacun » (EG, 44). Cette vérité et cette beauté doivent être protégées. Face aux situations difficiles et aux familles blessées, il faut toujours rappeler un principe général : « Les pasteurs doivent savoir que, par amour de la vérité, ils ont l'obligation de bien discerner les diverses situations » (FC, 84). Le degré de responsabilité n’est pas le même dans tous les cas et il peut exister des facteurs qui limitent la capacité de décision. C’est pourquoi, tout en exprimant clairement la doctrine, il faut éviter des jugements qui ne tiendraient pas compte de la complexité des diverses situations ; il est également nécessaire d’être attentif à la façon dont les personnes vivent et souffrent à cause de leur condition.

 

Chapitre IV

Vers la plénitude ecclésiale de la famille

 

Le lien intime entre Église et famille

52. La bénédiction et la responsabilité d’une nouvelle famille, scellée dans le sacrement ecclésial, comporte la disponibilité à devenir des soutiens et des promoteurs, au sein de la communauté chrétienne, de l’alliance fondamentale entre l’homme et la femme. Cette disponibilité, dans le contexte du lien social, de l’engendrement des enfants, de la protection des plus faibles, de la vie en commun, comporte une responsabilité qui a le droit d’être soutenue, reconnue et appréciée. En vertu du sacrement du mariage, chaque famille devient à tous les effets un bien pour l’Église. Dans cette perspective, ce sera certainement un don précieux, pour l’Église d’aujourd’hui, de considérer également la réciprocité entre famille et Église: l’Église est un bien pour la famille, la famille est un bien pour l’Église. Il revient non seulement à la cellule familiale, mais à la communauté chrétienne tout entière de veiller au don sacramentel du Seigneur. Lorsque la difficulté, même grave, de conserver l’union conjugale survient, le discernement de ce que chacun a fait de bon et de ses erreurs devra être approfondi par le couple avec l’aide des pasteurs et de la communauté.

La grâce de la conversion et de l’accomplissement

53. L’Église demeure proche des époux dont le lien s’est tellement affaibli qu’un risque de séparation se présente. Au cas où une douloureuse fin de la relation survient, l’Église ressent le devoir d’accompagner ce moment de souffrance, afin d’empêcher le plus possible que ne surgissent d’oppositions désastreuses entre les conjoints. Une attention particulière doit surtout être accordée aux enfants, premiers touchés par la séparation, afin qu’ils en souffrent le moins possible : « Quand papa et maman se font du mal, l’âme des enfants souffre beaucoup » (François, Audience générale, 24 juin 2015). Le regard du Christ, dont la lumière éclaire tout homme (cf. Jn 1, 9 ; GS, 22), inspire la pastorale de l’Église à l’égard des fidèles qui vivent en concubinage ou qui ont simplement contracté un mariage civil ou encore qui sont des divorcés remariés. Dans la perspective de la pédagogie divine, l’Église se tourne avec amour vers ceux qui participent à sa vie de façon imparfaite : elle invoque avec eux la grâce de la conversion, les encourage à accomplir le bien, à prendre soin l’un de l’autre avec amour et à se mettre au service de la communauté dans laquelle ils vivent et travaillent. Dans les diocèses, il est souhaitable de mettre en place des parcours de discernement et de participation de ces personnes, pour les aider et les encourager dans la maturation d’un choix conscient et cohérent. Les couples doivent être informés sur la possibilité de recourir au procès de déclaration de nullité du mariage.

54. Quand l’union atteint une stabilité visible à travers un lien public – et qu’elle est caractérisée par une profonde affection, par une responsabilité vis-à-vis des enfants, par la capacité de surmonter les épreuves – elle peut être considérée comme une occasion d’accompagner vers le sacrement du mariage, lorsque cela est possible. La situation est tout autre dans le cas où la vie commune n’est pas établie en vue d’un éventuel futur mariage, mais bien sans intention d’établir un rapport institutionnel. La réalité des mariages civils entre un homme et une femme, des mariages traditionnels et, en tenant dûment compte des différences, de la vie en commun sans lien institutionnel, est un phénomène que l’on constate dans de nombreux pays. En outre, la situation de fidèles qui ont établi une nouvelle union requiert une attention pastorale spéciale : « Au cours des dernières décennies […] s’est beaucoup accrue la conscience de la nécessité d’un accueil fraternel et attentif, dans l’amour et la vérité, à l’égard des baptisés qui ont établi une nouvelle vie commune après l’échec du mariage sacramentel ; en effet, ces personnes ne sont nullement excommuniées » (François, Audience générale, 5 août 2015).

La miséricorde au cœur de la révélation

55. L’Église part des situations concrètes des familles d’aujourd’hui, qui ont toutes besoin de miséricorde, à commencer par celles qui souffrent le plus. Avec le cœur miséricordieux de Jésus, l’Église doit accompagner ses enfants les plus fragiles, marqués par un amour blessé et perdu, en leur redonnant confiance et espérance, comme la lumière du phare d’un port ou d’un flambeau porté au milieu des gens pour illuminer ceux qui ont perdu leur cap ou qui se trouvent au milieu de la tempête. La miséricorde est « le centre de la révélation de Jésus-Christ » (MV, 25). En elle resplendit la souveraineté de Dieu, par laquelle il est toujours fidèle à ce qu’il est, c’est-à-dire à l’amour (cf. 1 Jn 4, 8), et à son alliance. « C’est précisément dans sa miséricorde que Dieu manifeste sa toute-puissance » (saint Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, II-II, q. 30, art. 4 ; cf. Missel romain, Collecte du XXVIème dimanche du temps ordinaire). Annoncer la vérité avec amour est en soi un acte de miséricorde. Dans la Bulle Misericordiae Vultus, le Pape François affirme : « La miséricorde n’est pas contraire à la justice, mais illustre le comportement de Dieu envers le pécheur ». Et il ajoute : « Dieu ne refuse pas la justice. Il l’intègre et la dépasse dans un événement plus grand dans lequel on fait l’expérience de l’amour, fondement d’une vraie justice» (MV, 21). Jésus est le visage de la miséricorde de Dieu le Père : « Dieu a tant aimé le monde […] pour que, par lui [le Fils], le monde soit sauvé » (Jn 3, 16.17).


IIIème PARTIE

LA MISSION DE LA FAMILLE

 

56. Dès le commencement de l’histoire, Dieu a prodigué son amour envers ses enfants (cf. LG, 2), de sorte que ceux-ci ont pu jouir de la plénitude de vie en Jésus-Christ (cf. Jn 10, 10). À travers les sacrements de l’initiation chrétienne, Dieu invite les familles à entrer dans cette vie, à la proclamer et à la communiquer aux autres (cf. LG, 41). Comme nous le rappelle avec force le Pape François, la mission de la famille s’étend toujours au dehors, au service de nos frères et sœurs. Telle est la mission de l’Église à laquelle chaque famille est appelée à participer de façon unique et privilégiée. « En vertu du Baptême reçu, chaque membre du Peuple de Dieu est devenu disciple missionnaire » (EG, 120). Dans le monde entier, nous pouvons voir dans la situation des familles beaucoup de bonheur et de joie, mais aussi beaucoup de souffrances et d’angoisses. Nous voulons regarder ces situations avec les mêmes yeux que le Christ quand il cheminait parmi les hommes de son temps. Nous voulons avoir une attitude de compréhension pleine d’humilité. Notre désir est d’accompagner toutes les familles et chacune d’elles afin qu’elles découvrent la meilleure voie pour surmonter les difficultés qu’elles rencontrent sur leur route. L’Évangile est aussi, toujours, un signe de contradiction. L’Église n’oublie jamais que le mystère pascal est central dans la Bonne Nouvelle que nous annonçons. Elle désire aider les familles à reconnaître et à accueillir la croix quand elle se présente à eux, afin qu’elles puissent la porter avec le Christ sur le chemin qui mène à la joie de la résurrection. Ce travail requiert «une conversion pastorale et missionnaire, qui ne peut laisser les choses comme elles sont » (EG, 25). La conversion touche profondément aussi le style et le langage. Il est nécessaire d’adopter un langage significatif. L’annonce doit permettre d’expérimenter que l’Évangile de la famille est une réponse aux attentes les plus profondes de la personne humaine : à sa dignité et à sa pleine réalisation dans la réciprocité, dans la communion et dans la fécondité. Il ne s’agit pas seulement de présenter des normes, mais bien d’annoncer la grâce qui donne la capacité de vivre les biens de la famille. La transmission de la foi rend nécessaire, aujourd’hui plus que jamais, un langage qui soit en mesure d’atteindre tout le monde, spécialement les jeunes, pour communiquer la beauté de l’amour familial, la fidélité, la fécondité, la procréation. Le besoin d’un langage nouveau et plus approprié se fait surtout sentir au moment d’introduire le thème de la sexualité pour les enfants et les adolescents. Beaucoup de parents et de nombreuses personnes qui sont engagés dans la pastorale ont des difficultés à trouver un langage à la fois approprié et respectueux, qui conjugue la nature de la sexualité biologique et la complémentarité du couple qui s’enrichit réciproquement avec l’amitié, avec l’amour et avec le don de l’homme et de la femme.

 

Chapitre I

La formation de la famille

 

La préparation au mariage

57. Le mariage chrétien ne peut pas se réduire à une tradition culturelle ou à une simple convention juridique : c’est un véritable appel de Dieu qui exige un discernement attentif, une prière constante et une maturation adéquate. Voilà pourquoi il faut mettre en place des parcours de formation qui accompagnent la personne et le couple afin d’unir, à la communication des contenus de la foi, l’expérience de vie fournie par la communauté ecclésiale tout entière. L’efficacité de cette aide requiert aussi l’amélioration de la pastorale préconjugale – dont le contenu est parfois assez pauvre – qui fait partie intégrante de la pastorale ordinaire. La pastorale des futurs époux doit s’insérer aussi dans l’engagement général de la communauté chrétienne à présenter de façon adéquate et convaincante le message évangélique concernant la dignité de la personne, sa liberté et le respect de ses droits. Les trois étapes indiquées par Familiaris Consortio (cf. 66) doivent demeurer bien présentes à l’esprit : la préparation préalable, qui passe à travers la transmission de la foi et des valeurs chrétiennes au sein de sa famille, la préparation proche, qui coïncide avec les itinéraires de catéchèse et les expériences de formation vécues au sein de la communauté ecclésiale, la préparation immédiate au mariage, qui fait partie d’un parcours plus vaste et qualifié par la dimension vocationnelle.

58. Dans le changement culturel en cours, ce sont souvent des modèles en décalage par rapport à la vision chrétienne de la famille qui sont présentés. La sexualité est souvent déconnectée d’un projet d’amour authentique. Dans certains pays, les autorités publiques imposent même des projets de formation qui proposent des contenus en opposition avec la vision humaine et chrétienne : sur ces projets, l’Église affirme avec force la liberté qui est la sienne d’enseigner sa propre doctrine et le droit à l’objection de conscience des éducateurs. D’autre part, la famille, tout en demeurant le premier lieu d’éducation (cf. Gravissimum Educationis, 3), ne peut être le seul lieu de formation à la sexualité. Pour cela, il convient d’organiser de véritables parcours pastoraux, spécifiques, dédiés soit aux célibataires soit aux couples, avec une attention particulière au moment de la puberté et de l’adolescence, dans lesquels on aidera à découvrir la beauté de la sexualité dans l’amour. Le christianisme proclame que Dieu a créé l’homme, comme homme et femme, et il les a bénis pour qu’ils forment une seule chair et transmettent la vie (cf. Gn 1, 27-28 ; 2, 24). Leur différence, dans leur égale dignité personnelle, est le sceau de la bonté de la création de Dieu. Selon le principe chrétien, âme et corps, tout comme le sexe biologique (sex) et le rôle socioculturel du sexe (gender), peuvent être distingués, mais non séparés.

Il apparaît donc nécessaire de développer les sujets de formation dans les parcours préconjugaux, de sorte qu’ils deviennent des parcours d’éducation à la foi et à l’amour, intégrés au cheminement de l’initiation chrétienne. Dans cette optique, il est nécessaire de rappeler l’importance des vertus, parmi lesquelles la chasteté, condition précieuse pour la croissance authentique de l’amour interpersonnel. Ce parcours de formation devrait revêtir l’aspect d’un cheminement orienté vers le discernement de la vocation personnelle et de celle du couple, en favorisant une meilleure synergie entre les différents domaines pastoraux. Les parcours de préparation au mariage doivent également être proposés par des couples mariés en mesure d’accompagner les futurs époux avant les noces et durant les premières années de vie conjugale, en mettant en valeur ainsi la ministérialité conjugale. La mise en valeur pastorale des relations personnelles favorisera l’ouverture progressive des esprits et des cœurs à la plénitude du plan de Dieu.

La célébration du mariage

59. La liturgie nuptiale est un événement unique, qui se vit dans le contexte familial et social d’une fête. Le premier signe de Jésus se produit au banquet des noces de Cana : le bon vin du miracle du Seigneur, qui égaye la naissance d’une nouvelle famille, est le vin nouveau de l’Alliance du Christ avec les hommes et les femmes de tout temps. La préparation des noces occupe pendant une longue période l’attention des futurs mariés. Elle constitue un temps précieux pour eux, pour leurs familles et leurs amis, qui doit s’enrichir de sa dimension spécifiquement spirituelle et ecclésiale. La célébration nuptiale est l’occasion propice d’inviter de nombreuses personnes à la célébration des sacrements de la Réconciliation et de l’Eucharistie. La communauté chrétienne, à travers une participation cordiale et joyeuse, accueillera en son sein la nouvelle famille, afin que comme Église domestique, elle se sente comme faisant partie de la grande famille ecclésiale. La liturgie nuptiale devrait être préparée par une catéchèse mystagogique qui fasse percevoir au couple que la célébration de leur alliance s’accomplit “ dans le Seigneur ”. Fréquemment, le célébrant a l’opportunité de s’adresser à une assemblée composée de personnes qui participent peu à la vie ecclésiale ou qui appartiennent à une autre confession chrétienne ou à une autre communauté religieuse. Il s’agit là d’une occasion précieuse d’annoncer l’Évangile du Christ, qui peut susciter, chez les familles présentes, la redécouverte de la foi et de l’amour qui viennent de Dieu.

Les premières années de la vie familiale

60. Les premières années de mariage sont une période vitale et délicate durant laquelle les couples développent la conscience de leur vocation et de leur mission. D’où l’exigence d’un accompagnement pastoral qui se poursuive après la célébration du sacrement. La paroisse est le lieu où des couples plus expérimentés peuvent être mis à la disposition des couples plus jeunes, avec le concours éventuel d’associations, de mouvements ecclésiaux et de communautés nouvelles. Il faut encourager les époux à adopter une attitude fondamentale d’accueil du grand don que sont les enfants. Il faut souligner l’importance de la spiritualité familiale, de la prière et de la participation à l’Eucharistie dominicale, en invitant les couples à se réunir régulièrement pour favoriser la croissance de la vie spirituelle et la solidarité dans les exigences concrètes de la vie. La rencontre personnelle avec le Christ à travers la lecture de la Parole de Dieu, au sein de la communauté ou chez soi, spécialement sous la forme de la “ lectio divina ”, constitue une source d’inspiration pour l’action quotidienne. Les liturgies, les pratiques dévotionnelles et les Eucharisties célébrées pour les familles, surtout pour les anniversaires de mariage, nourrissent la vie spirituelle et le témoignage missionnaire de la famille. Il n’est pas rare, lors des premières années de vie conjugale, qu’une certaine introversion ait lieu au sein du couple et conduise à un certain isolement par rapport à la communauté. La consolidation du réseau relationnel entre les couples et la création de liens forts sont nécessaires pour la maturation de la vie chrétienne de la famille. Les mouvements et les groupes ecclésiaux garantissent souvent ces moments de croissance et de formation. L’Église locale, en intégrant ces différents apports, assume la coordination de la pastorale des jeunes familles. Dans la phase initiale de la vie conjugale, la frustration du désir d’avoir des enfants procure un découragement particulier. Cette situation est souvent à l’origine de crises qui débouchent rapidement sur une séparation. C’est pour cette raison aussi, qu’il est particulièrement important que la communauté soit proche des jeunes époux, par le soutien affectueux et discret des familles fiables.

La formation des prêtres et d’autres agents pastoraux

61. Un renouveau de la pastorale à la lumière de l’Évangile de la famille et de l’enseignement du Magistère est nécessaire. Voilà pourquoi il faut pourvoir à une formation plus adéquate des prêtres, des diacres, des religieux et des religieuses, des catéchistes et des autres agents pastoraux, qui doivent promouvoir l’intégration des familles dans la communauté paroissiale, surtout à l’occasion des parcours de formation à la vie chrétienne en vue des sacrements. Les séminaires, en particulier, dans leurs parcours de formation humaine, spirituelle, intellectuelle et pastorale, doivent préparer les futurs prêtres à devenir des apôtres de la famille. Dans la formation au ministère ordonné, on ne peut pas négliger le développement affectif et psychologique, notamment en participant directement à des parcours appropriés. Des parcours et des cours de formation destinés spécifiquement aux agents pastoraux doivent rendre ceux-ci capables de bien intégrer ce parcours de préparation au mariage dans la dynamique plus vaste de la vie ecclésiale. Durant la période de formation, les candidats au presbytérat doivent vivre des périodes appropriées avec leur famille et doivent être guidés à faire des expériences de pastorale familiale pour acquérir une bonne connaissance de la situation actuelle des familles. La présence des laïcs et des familles, en particulier la présence féminine, dans la formation sacerdotale, permet de mieux apprécier la diversité et la complémentarité des diverses vocations dans l’Église. L’engagement propre de ce précieux ministère pourra recevoir une vitalité et un caractère concret par une alliance renouvelée entre les deux principales formes de vocation à l’amour: celle du mariage, qui débouche sur la famille chrétienne, basée sur l’amour d’élection, et celle de la vie consacrée, image de la communion du Royaume, qui part de l’accueil inconditionnel de l’autre, comme don de Dieu. C’est dans la communion des vocations que se réalise un échange fécond de dons, qui ravive et enrichit la communauté ecclésiale (cf. Ac 18, 2). La direction spirituelle de la famille peut être considérée comme un des ministères paroissiaux. Nous suggérons que le service diocésain pour la famille et les autres services pastoraux puissent intensifier leur collaboration en ce domaine. Dans la formation permanente du clergé et des agents pastoraux, il est souhaitable de continuer à s’occuper avec des instruments appropriés de la maturation de la dimension affective et psychologique, qui leur sera indispensable pour l’accompagnement pastoral des familles, notamment en vue des situations particulières d’urgence liées à des cas de violence domestique et d’abus sexuel.

 

Chapitre II

Famille, engendrement, éducation

 

La transmission de la vie

62. La présence des familles nombreuses dans l’Église est une bénédiction pour la communauté chrétienne et pour la société, car l’ouverture à la vie est une exigence intrinsèque de l’amour conjugal. Dans cette optique, l’Église exprime sa vive gratitude aux familles qui accueillent, éduquent, entourent d’affection et transmettent la foi à leurs enfants, en particulier aux plus fragiles et à ceux qui sont marqués par un handicap. Ces enfants, nés avec des besoins spécifiques, attirent l’amour du Christ et demandent à l’Église de veiller sur eux comme une bénédiction. Hélas, une mentalité largement répandue réduit le fait de donner la vie à la seule gratification individuelle ou de couple. Les facteurs d’ordre économique, culturel et éducatif exercent un poids parfois déterminant en contribuant à la forte baisse de la natalité qui affaiblit le tissu social, compromet le rapport entre les générations et rend plus incertaine la vision du futur. Dans ce domaine aussi, il faut partir de l’écoute des personnes et motiver la beauté et la vérité d’une ouverture inconditionnelle à la vie comme ce dont l’amour humain a besoin pour être vécu en plénitude. On saisit ici la nécessité de divulguer toujours davantage les documents du Magistère de l’Église qui soutiennent la culture de la vie. La pastorale familiale devrait davantage impliquer les spécialistes catholiques en matière biomédicale dans les parcours de préparation au mariage et dans l’accompagnement des époux.

La responsabilité procréatrice

63. Selon l’ordre de la création, l’amour conjugal entre un homme et une femme et la transmission de la vie sont ordonnés l’un à l’autre (cf. Gn 1,27-28). De cette façon, le Créateur a voulu que l’homme et la femme participent à l’œuvre de sa création et il en a fait en même temps des instruments de son amour, leur confiant la responsabilité de l’avenir de l’humanité à travers la transmission de la vie humaine. Les époux s’ouvriront à la vie en se formant « un jugement droit : ils prendront en considération à la fois et leur bien et celui des enfants déjà nés ou à naître ; ils discerneront les conditions aussi bien matérielles que spirituelles de leur époque et de leur situation ; ils tiendront compte enfin du bien de la communauté familiale, des besoins de la société temporelle et de l’Église elle-même » (GS, 50 ; cf. VS, 54-64). Conformément au caractère personnel et humainement complet de l’amour conjugal, la bonne voie pour la planification familiale est celle d’un dialogue consensuel entre les époux, du respect des rythmes et de la considération de la dignité du partenaire. En ce sens, l’Encyclique Humanae Vitae (cf. 10-14) et l’Exhortation Apostolique Familiaris Consortio (cf. 14 ; 28-35) doivent être redécouvertes afin de réveiller la disponibilité à procréer, par opposition à une mentalité souvent hostile à la vie. Il faut exhorter sans relâche les jeunes couples à donner la vie. De cette façon, l’ouverture à la vie dans la famille, dans l’Église et dans la société pourra grandir. À travers ses nombreuses institutions pour enfants, l’Église peut contribuer à créer une société, mais aussi une communauté de foi, qui soient davantage à dimension d’enfant. Le courage de transmettre la vie est d’autant plus renforcé que se crée une atmosphère adaptée aux petits et où l’on offre une aide et un accompagnement dans l’œuvre d’éducation des enfants (coopération entre paroisses, parents et familles).

Le choix responsable de devenir parents présuppose la formation de la conscience, qui est « le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre » (GS, 16). Plus les époux cherchent à écouter Dieu et ses commandements dans leur conscience (cf. Rm 2,15) et se font accompagner spirituellement, plus leur décision sera intimement libre vis-à-vis d’un arbitre subjectif et de l’alignement sur les comportements de leur environnement. Par amour de cette dignité de la conscience, l’Église rejette de toutes ses forces les interventions coercitives de l’État en faveur de la contraception, de la stérilisation ou même de l’avortement. Le recours aux méthodes fondées sur les « rythmes naturels de fécondité » (HV, 11) devra être encouragé. On mettra en lumière que « ces méthodes respectent le corps des époux, encouragent la tendresse entre eux et favorisent l’éducation d’une liberté authentique » (CCC, 2370). Il faut toujours mettre en évidence le fait que les enfants sont un don merveilleux de Dieu, une joie pour les parents et pour l’Église. À travers eux, le Seigneur renouvelle le monde.

La valeur de la vie dans toutes ses phases

64. La vie est un don de Dieu et un mystère qui nous transcende. Voilà pourquoi on ne doit en aucune manière en éliminer son commencement et sa phase terminale. Au contraire, il est nécessaire d’accorder à ces phases une attention spéciale. Aujourd’hui, trop facilement « on considère l’être humain en lui-même comme un bien de consommation, qu’on peut utiliser et ensuite jeter. Nous avons mis en route la culture du “déchet” qui est même promue » (EG, 53). À cet égard, la famille, soutenue par la société tout entière, a le devoir d’accueillir la vie naissante et de prendre soin de sa phase finale. Concernant le drame de l’avortement, l’Église affirme avant tout le caractère sacré et inviolable de la vie humaine et s’engage concrètement en sa faveur (cf. EV, 58). Grâce à ses institutions, elle offre ses conseils aux femmes enceintes, soutient les filles-mères, offre son assistance aux enfants abandonnés et est proche de ceux qui ont souffert d’un avortement. À ceux qui travaillent dans les structures de santé, on rappelle leur obligation morale à l’objection de conscience. De même, l’Église ressent non seulement l’urgence d’affirmer le droit à la mort naturelle, en évitant l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie, mais elle prend soin des personnes âgées, protège les personnes porteuses de handicap, assiste les malades en phase terminale, réconforte les mourants et rejette fermement la peine de mort (cf. CCC, 2258).

Adoption et placement

65. L’adoption d’enfants, orphelins et abandonnés, accueillis comme ses propres enfants, dans l’esprit de la foi, revêt la forme d’un authentique apostolat familial (cf. AA, 11), plusieurs fois rappelé et encouragé par le Magistère (cf. FC, 41; EV, 93). Le choix de l’adoption et du placement exprime une fécondité particulière de l’expérience conjugale, au-delà des cas où elle est douloureusement marquée par la stérilité. Ce choix est un signe éloquent de l’accueil de la procréation, un témoignage de foi et un accomplissement de l’amour. Il rend une dignité réciproque à un lien interrompu : aux époux qui n’ont pas d’enfants et aux enfants qui n’ont pas de parents. Toutes les initiatives visant à faciliter les procédures d’adoption doivent donc être soutenues. Le trafic d’enfants entre pays et continents doit être empêché par des opportunes interventions législatives et par des contrôles des États. La continuité entre les relations générative et éducative a pour nécessaire fondement la différence sexuelle de l’homme et de la femme, tout comme la procréation. Face aux situations où l’enfant est prétendu à tout prix, comme un droit à une réalisation personnelle, l’adoption et le placement correctement compris manifestent un aspect important du caractère parental et du caractère filial, dans la mesure où ils aident à reconnaître que les enfants, naturels ou adoptifs ou confiés, sont des êtres autres que soi et qu’il faut les accueillir, les aimer, en prendre soin et pas seulement les mettre au monde. L’intérêt supérieur de l’enfant devrait toujours inspirer les décisions sur l’adoption et le placement. Comme l’a rappelé le Pape François, « les enfants ont le droit de grandir dans une famille, avec un papa et une maman » (Audience aux participants au Colloque international sur la complémentarité entre l’homme et la femme, organisée par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, 17 novembre 2014). Néanmoins, l’Église doit proclamer que, là où c’est possible, les enfants ont le droit de grandir dans leur famille d’origine avec tout le soutien possible.

L’éducation des enfants

66. Un des défis fondamentaux, parmi ceux posés aux familles aujourd’hui, est assurément celui de l’éducation, devenu plus exigeant et complexe par la situation culturelle actuelle et par la grande influence des médias. Il faut tenir pleinement compte des exigences et des attentes de familles capables d’être, dans la vie quotidienne, des lieux de croissance, de transmission concrète et fondamentale de la foi, de la spiritualité et des vertus qui donnent forme à l’existence. La famille d’origine est souvent le berceau de la vocation au sacerdoce et à la vie consacrée : par conséquent, nous exhortons les parents à demander au Seigneur le don inestimable de la vocation pour certains de leurs enfants. Dans le domaine éducatif, il faut protéger le droit des parents à choisir librement le type d’éducation à donner à leurs enfants selon leurs convictions et dans des conditions accessibles et de qualité. Il faut aider à vivre l’affectivité, dans la relation conjugale aussi, comme un chemin de maturation, dans l’accueil toujours plus profond de l’autre et dans un don toujours plus entier. Il faut réaffirmer en ce sens la nécessité d’offrir des parcours de formation qui nourrissent la vie conjugale et l’importance d’un laïcat qui offre un accompagnement fait de témoignage vivant. L’exemple d’un amour fidèle et profond est d’une grande aide. Il est fait de tendresse, de respect, est capable de grandir dans le temps et, par son ouverture concrète à la génération de la vie, fait l’expérience d’un mystère qui nous transcende.

67. Dans les diverses cultures, les adultes de la famille conservent une fonction éducative irremplaçable. Toutefois, dans de nombreux contextes, nous assistons à un affaiblissement progressif du rôle des parents, à cause d’une présence envahissante des médias au sein de la sphère familiale, ainsi que la tendance à déléguer ou à réserver cette tâche à d’autres sujets. D’autre part, les médias (en particulier les réseaux sociaux) unissent les membres de la famille, même à distance. L’utilisation des mails/courriels et d’autres réseaux sociaux permet de maintenir dans le temps l’unité entre les membres d’une famille. Et par-dessus tout, les médias peuvent être une occasion pour l’évangélisation des jeunes. Nous demandons que l’Église encourage et soutienne les familles dans leur œuvre de participation vigilante et responsable vis-à-vis des programmes scolaires et éducatifs qui concernent leurs enfants. Il existe un consensus unanime pour réaffirmer que la première école d’éducation est la famille et que la communauté chrétienne se positionne comme soutien et intégration de cette mission irremplaçable de formation. Nous estimons qu’il est nécessaire d’identifier des espaces et des temps de rencontre pour encourager la formation des parents et le partage d’expériences entre les familles. Il est important que les parents soient impliqués activement dans les parcours de préparation aux sacrements de l’initiation chrétienne, en qualité de premiers éducateurs et témoins de la foi pour leurs enfants.

68. Les écoles catholiques remplissent une fonction vitale pour aider les parents dans leur devoir d’éducation de leurs enfants. L’éducation catholique favorise le rôle de la famille : elle assure une bonne préparation, elle éduque aux vertus et aux valeurs, elle forme aux enseignements de l’Église. Les écoles catholiques devrait être encouragées dans leur mission d’aider les élèves à grandir comme adultes mûrs, capables de voir le monde à travers le regard d’amour de Jésus et comprenant la vie comme un appel à servir Dieu. De même, les écoles catholiques apparaissent comme étant très importantes pour la mission évangélisatrice de l’Église. Dans de nombreuses régions, les écoles catholiques sont les seules à garantir d’authentiques occasions pour les enfants de familles pauvres, spécialement pour les jeunes, en leur offrant une alternative à la pauvreté et une voie pour donner une véritable contribution à la vie de la société. Les écoles catholiques devraient être encouragées à mener à bien leur action dans les communautés les plus pauvres, en servant les membres les moins fortunés et les plus vulnérables de notre société.

 

Chapitre III

Famille et accompagnement pastoral

 

Situations complexes

69. Le sacrement du mariage, comme union fidèle et indissoluble entre un homme et une femme appelés à se recevoir réciproquement et à accueillir la vie, est une grande grâce pour la famille humaine. L’Église a la joie et le devoir d’annoncer cette grâce à tous et partout. Elle ressent aujourd’hui, d’une façon encore plus urgente, la responsabilité de faire redécouvrir aux baptisés combien la grâce de Dieu est à l’œuvre dans leur vie - même dans les situations les plus difficiles - pour les conduire à la plénitude du sacrement. Le Synode, tout en appréciant et en encourageant les familles qui honorent la beauté du mariage chrétien, entend promouvoir le discernement pastoral pour les situations dans lesquelles l’accueil de ce don peine à être reconnu, ou est, à des degrés divers, compromis. C’est une grave responsabilité que de maintenir vivant le dialogue pastoral avec ces fidèles, pour leur permettre de mûrir une ouverture cohérente à l’Évangile du mariage et de la famille dans sa plénitude. Les pasteurs doivent identifier les éléments qui peuvent favoriser l’évangélisation et la croissance humaine et spirituelle de ceux qui sont confiés à leur soin par le Seigneur.

70. La pastorale propose clairement le message évangélique et saisit les éléments positifs présents dans les situations qui ne lui correspondent pas encore ou qui ne lui correspondent plus. Dans de nombreux pays, un nombre grandissant de couples vivent ensemble sans être mariés, ni religieusement ni civilement. Dans certains pays, une forme traditionnelle de mariage existe, arrangé entre les familles et souvent célébré par étapes. Dans d’autres pays, en revanche, on constate une augmentation du nombre de ceux qui, après vécu ensemble pendant longtemps, demandent la célébration du mariage à l’église. La simple vie en commun est souvent choisie du fait de la mentalité dominante contraire aux institutions et aux engagements définitifs, mais aussi en raison de l’attente d’une sécurité existentielle (travail et salaire fixe). Enfin, dans d’autres pays, les unions de fait sont de plus en plus nombreuses, non seulement à cause du rejet des valeurs de la famille et du mariage, mais également parce que se marier est perçu comme un luxe : des conditions sociales difficiles marquées par la misère matérielle poussent à vivre des unions de fait. Toutes ces situations doivent être affrontées d’une manière constructive, en cherchant à les transformer en opportunités de chemin de conversion vers la plénitude du mariage et de la famille à la lumière de l’Évangile.

71. Le choix du mariage civil ou, dans différents cas, de la simple vie en commun, n’est dans la plupart des cas pas motivé par des préjugés ou des résistances à l’égard de l’union sacramentelle, mais par des raisons culturelles ou contingentes. Dans beaucoup de cas, la décision de vivre ensemble est le signe d’une relation qui veut réellement s’orienter vers une perspective de stabilité. Cette volonté, qui se traduit par un lien durable, fiable et ouvert à la vie, peut être considérée comme un engagement sur lequel il est possible de greffer un cheminement menant au sacrement nuptial, découvert comme étant le dessein de Dieu sur sa propre vie. Le chemin de croissance qui peut conduire au mariage sacramentel sera encouragé par la reconnaissance des traits spécifiques à l’amour généreux et durable : le désir de chercher le bien de l’autre avant le sien, l’expérience du pardon requis et donné, l’aspiration à constituer une famille non refermée sur elle-même mais ouverte au bien de la communauté ecclésiale et de la société tout entière. Tout au long de ce parcours, il sera possible de mettre en valeur ces signes d’amour qui correspondent au reflet de l’amour de Dieu dans un authentique projet conjugal.

72. Les problématiques relatives aux mariages mixtes requièrent une attention spécifique. Les mariages entre catholiques et d’autres baptisés « présentent, tout en ayant une physionomie particulière, de nombreux éléments qu'il est bon de valoriser et de développer, soit pour leur valeur intrinsèque, soit pour la contribution qu'ils peuvent apporter au mouvement œcuménique ». À cette fin, « on recherchera […] une cordiale collaboration entre le ministre catholique et le ministre non catholique, dès le moment de la préparation au mariage et des noces » (FC, 78). Au sujet du partage eucharistique, nous rappelons que « la décision d'admettre ou non la partie non-catholique du mariage à la communion eucharistique, est à prendre en accord avec les normes générales existant en la matière, tant pour les chrétiens orientaux que pour les autres chrétiens, et en tenant compte de cette situation particulière de la réception du sacrement de mariage chrétien par deux chrétiens baptisés. Bien que les époux d'un mariage mixte aient en commun les sacrements du baptême et du mariage, le partage eucharistique ne peut être qu'exceptionnel et l'on doit, en chaque cas, observer les normes indiquées » (Conseil Pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens, Directoire pour l’Application des Principes et des Normes pour l’Œcuménisme, 25 mars 1993, 159-160).

73. Les mariages avec disparité de culte constituent un lieu privilégié de dialogue interreligieux dans la vie quotidienne et peuvent être un signe d’espérance pour les communautés religieuses, spécialement là où il existe des situations de tensions. Les membres du couple partagent leurs expériences spirituelles respectives, ou bien une démarche de recherche religieuse si l’un des deux n’est pas croyant (cf. 1 Co 7, 14). Les mariages avec disparité de culte comportent des difficultés particulières, tant à l’égard de l’identité chrétienne de la famille que de l’éducation religieuse des enfants. Les époux sont appelés à transformer toujours davantage le sentiment initial d’attraction en désir sincère du bien de l’autre. Cette ouverture transforme également l’appartenance religieuse différente en une opportunité d’enrichissement de la qualité spirituelle des relations. Le nombre de familles composées d’unions conjugales avec disparité de culte, en augmentation dans les territoires de mission mais aussi dans les pays de longue tradition chrétienne, rend urgent de pourvoir à la mise en œuvre d’une pastorale différenciée selon les différents contextes sociaux et culturels. Dans certains pays, où la liberté de religion n’existe pas, le conjoint chrétien est obligé de changer de religion pour pouvoir se marier et ne peut pas célébrer un mariage canonique en disparité de culte ni baptiser les enfants. Nous devons donc réaffirmer la nécessité que la liberté religieuse soit respectée à l’égard de tous.

74. Les mariages mixtes et les mariages avec disparité de culte présentent des aspects de potentialités fécondes mais aussi de multiples situations critiques difficiles à résoudre, davantage au niveau pastoral qu’au niveau normatif, comme l’éducation religieuse des enfants, la participation à la vie liturgique du conjoint et le partage de l’expérience spirituelle. Pour aborder de façon constructive les diversités en matière de foi, il faut apporter une attention particulière aux personnes qui s’unissent dans de tels mariages, et pas seulement durant la période précédant les noces. Les couples et les familles dans lesquels l’un des époux est catholique et l’autre est non-croyant affrontent des défis particuliers. Dans de tels cas, il est nécessaire de témoigner de la capacité de l’Évangile à pénétrer dans ces situations, afin de rendre possible l’éducation des enfants à la foi chrétienne.

75. Une difficulté particulière existe pour l’accès au baptême des personnes qui se trouvent dans une situation matrimoniale complexe. Il s’agit de personnes qui ont contracté une union conjugale stable à un moment où au moins l’une d’elles ne connaissait pas encore la foi chrétienne. Dans ces cas là, les évêques sont appelés à exercer un discernement pastoral adapté à leur bien spirituel.

76. L’Église calque son attitude sur celle du Seigneur Jésus qui, dans un amour sans limite, s’est offert pour chaque personne sans exceptions (cf. MV, 12). À l’égard des familles qui vivent l’expérience d’avoir en leur sein des personnes présentant une tendance homosexuelle, l’Église réaffirme que chaque personne, indépendamment de sa tendance sexuelle, doit être respectée dans sa dignité et accueillie avec respect, avec le soin d’éviter « toute marque de discrimination injuste » (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Considérations à propos des projets de reconnaissance légale des unions entre personnes homosexuelles, 4). Il faut aussi réserver une attention spécifique à l’accompagnement des familles dans lesquelles vivent des personnes ayant une tendance homosexuelle. Quant au projet d’assimiler au mariage les unions entre personnes homosexuelles, « il n’y a aucun fondement pour assimiler ou établir des analogies, même lointaines, entre les unions homosexuelles et le dessein de Dieu sur le mariage et la famille » (Ibidem). Le Synode considère en tout cas totalement inacceptable que les Églises locales subissent des pressions en ce domaine et que les organismes internationaux conditionnent les aides financières aux pays pauvres à l’introduction de lois qui instituent le “ mariage ” entre des personnes de même sexe.

Accompagnement dans diverses situations

77. L’Église fait siennes, en un partage affectueux, les joies et les espoirs, les douleurs et les angoisses de chaque famille. Être proche de la famille comme compagnon de route signifie, pour l’Église, assumer une attitude savamment différenciée : parfois il est nécessaire de demeurer à côté d’elle et d’écouter en silence ; dans d’autres cas, il faut précéder pour indiquer le chemin à parcourir ; dans d’autres encore, il est opportun de suivre, de soutenir et d’encourager. « L’Église devra initier ses membres – prêtres, personnes consacrées et laïcs – à cet “ art de l’accompagnement ”, pour que tous apprennent toujours à ôter leurs sandales devant la terre sacrée de l’autre (cf. Ex 3, 5). Nous devons donner à notre chemin le rythme salutaire de la proximité, avec un regard respectueux et plein de compassion mais qui en même temps guérit, libère et encourage à mûrir dans la vie chrétienne » (EG, 169). C’est la paroisse qui offre la contribution principale à la pastorale familiale. Elle est une famille de familles, où les apports de petites communautés, associations et mouvements ecclésiaux s’harmonisent. L’accompagnement requiert des prêtres spécifiquement préparés et l’institution de centres spécialisés où prêtres, religieux et laïcs apprennent à prendre soin de chaque famille, avec une attention particulière pour celles qui sont en difficulté.

78. Il apparaît particulièrement urgent de mettre en place un ministère dédié à ceux dont la relation conjugale s’est brisée. Le drame de la séparation arrive souvent au terme de longues périodes de conflits, qui font retomber sur les enfants les plus grandes souffrances. La solitude du conjoint abandonné ou qui a été contraint d’interrompre une vie commune caractérisée par des mauvais traitements de façon grave et continue, nécessite un soin particulier de la part de la communauté chrétienne. La prévention et l’attention dans les cas de violence familiale requièrent une collaboration étroite avec la justice pour agir contre ceux qui en sont responsables et pour protéger comme il faut les victimes. En outre, il est important de promouvoir la protection des mineurs contre les abus sexuels. Dans ces cas-là, c’est la tolérance zéro qui doit être maintenue dans l’Église, conjointement à un accompagnement des familles. Par ailleurs, il semblerait opportun de bien prendre en considération les familles dont certains membres accomplissent des activités qui comportent des exigences particulières, comme les militaires, qui se trouvent dans un état de séparation matérielle et d’éloignement physique prolongée de la famille, avec toutes les conséquences que cela comporte. Rentrés de terrains de guerre, il n’est pas rare qu’ils soient atteints par des syndromes post-traumatiques et perturbés par leur conscience qui leur pose de graves questions morales. Une attention pastorale particulière est ici nécessaire.

79. L’expérience de l’échec conjugal est toujours douloureuse pour tous. D’autre part, l’échec lui-même peut devenir une occasion de réflexion, de conversion et de confiance en Dieu : après avoir pris conscience de ses propres responsabilités, chacun peut retrouver en Lui confiance et espérance. « Du cœur de la Trinité, du plus profond du mystère de Dieu, jaillit et coule sans cesse le grand fleuve de la miséricorde. Cette source ne sera jamais épuisée pour tous ceux qui s’en approcheront. Chaque fois qu’on en aura besoin, on pourra y accéder, parce que la miséricorde de Dieu est sans fin » (MV, 25). Le pardon pour l’injustice subie n’est pas facile, mais c’est un chemin que la grâce rend possible. D’où la nécessité d’une pastorale de la conversion et de la réconciliation, notamment par le biais de centres d’écoute et de médiation spécialisés, à mettre en place dans les diocèses. Il faut quoi qu’il en soit promouvoir la justice envers toutes les parties touchées par l’échec du mariage (époux et enfants). La communauté chrétienne et ses pasteurs ont le devoir de demander aux conjoints séparés et divorcés de se traiter avec respect et miséricorde, surtout pour le bien des enfants, auxquels il ne faut pas infliger davantage de souffrances. Les enfants ne sauraient être des objets qu’on se dispute et il faut rechercher les meilleurs moyens pour leur permettre de surmonter le traumatisme de la scission familiale et de grandir de la manière la plus sereine possible. En tous les cas, l’Église devra toujours mettre en évidence l’injustice qui dérive très souvent de la situation de divorce.

80. Les familles monoparentales ont des origines diverses : mères ou pères biologiques qui n’ont jamais voulu s’intégrer dans la vie familiale, situations de violence qu’un des parents à dû fuir avec les enfants, décès d’un des parents, abandon de la famille de la part d’un des parents, et autres situations. Quelle que soit la cause, le parent qui habite avec l’enfant doit trouver soutien et réconfort auprès des autres familles qui forment la communauté chrétienne, ainsi qu’auprès des organismes pastoraux paroissiaux. Souvent, ces familles sont affligées à nouveau par la gravité des problèmes économiques, par l’incertitude liée à un travail précaire, par la difficulté de subvenir aux besoins des enfants, par le manque de logement. La sollicitude pastorale devra être manifestée à l’égard des personnes veuves, des filles-mères et de leurs enfants.

81. Quand les époux éprouvent des problèmes dans leurs relations, ils doivent pouvoir compter sur l’aide et sur l’accompagnement de l’Église. L’expérience montre qu’avec une aide appropriée et avec l’action de réconciliation de la grâce de l’Esprit Saint un grand pourcentage de crises conjugales est surmonté d’une manière satisfaisante. Savoir pardonner et se sentir pardonné est une expérience fondamentale dans la vie familiale. Le pardon entre les époux permet de redécouvrir la vérité d’un amour qui est pour toujours et ne passera jamais (cf. 1 Co 13, 8). Dans le cadre des relations familiales, la nécessité de la réconciliation est quasi quotidienne. Les incompréhensions dues aux relations avec les familles d’origine, le conflit entre des habitudes culturelles et religieuses différentes, les divergences à propos de l’éducation des enfants, l’angoisse face aux difficultés économiques, la tension qui surgit à la suite de situations de dépendance et de la perte d’un travail. Voilà quelques-uns des motifs récurrents de tensions et de conflits. L’art difficile de la réconciliation, qui nécessite le soutien de la grâce, a besoin de la généreuse collaboration de parents et d’amis, et parfois même d’une aide externe et professionnelle. Dans les cas les plus douloureux, comme celui de l’infidélité conjugale, une véritable œuvre de réparation est nécessaire, pour laquelle il faut se rendre disponible. Une alliance blessée peut être guérie : c’est à cet espérance qu’il faut se former dès la préparation au mariage. L’action de l’Esprit Saint est fondamentale dans l’attention accordée aux personnes et aux familles blessées, dans la réception du sacrement de la Réconciliation et dans la nécessité de cheminements spirituels accompagnés par des ministres expérimentés.

82. Pour de nombreux fidèles qui ont vécu une expérience conjugale malheureuse, la vérification de la validité du mariage constitue une voie à parcourir. Les récents Motu Proprio Mitis Iudex Dominus Iesus et Mitis et Misericors Iesus ont conduit à une simplification des procédures pour la déclaration éventuelle de nullité matrimoniale. Par ces textes, le Saint-Père a également voulu « mettre en évidence que l'évêque lui-même dans son Église, dont il est constitué pasteur et chef, est par cela-même, juge des fidèles qui lui confiés » (MI, préambule, III). La mise en œuvre de ces documents constitue donc une grande responsabilité pour les Ordinaires diocésains, appelés à juger eux-mêmes certaines causes et, en tout cas, à assurer un accès plus facile des fidèles à la justice. Cela implique la préparation d’un personnel suffisant, composé de clercs et de laïcs, qui se consacre en priorité à ce service ecclésial. Il sera donc nécessaire de mettre à la disposition des personnes séparées ou des couples en crise, un service d’information, de conseil et de médiation, lié à la pastorale familiale, qui pourra également accueillir les personnes en vue de l’enquête préliminaire au procès matrimonial (cf. MI, Art. 2-3).

83. Le témoignage de ceux qui, même dans des conditions difficiles, n’entreprennent pas une nouvelle union, demeurant fidèles au lien sacramentel, mérite d’être apprécié et soutenu par l’Église. Celle-ci veut leur montrer le visage d’un Dieu fidèle à son amour et toujours capable de redonner force et espérance. Les personnes séparées ou divorcées mais non remariés, qui sont souvent témoins de la fidélité conjugale, doivent être encouragées à trouver dans l’Eucharistie la nourriture qui les soutienne dans leur situation.

Discernement et intégration

84. Les baptisés divorcés et remariés civilement doivent être davantage intégrés dans les communautés chrétiennes selon les diverses façons possibles, en évitant toute occasion de scandale. La logique de l’intégration est la clef de leur accompagnement pastoral, afin que non seulement ils sachent qu’ils appartiennent au Corps du Christ qu’est l’Église, mais qu’ils puissent en avoir une joyeuse et féconde expérience. Ce sont des baptisés, ce sont des frères et des sœurs, l’Esprit Saint déverse en eux des dons et des charismes pour le bien de tous. Leur participation peut s’exprimer dans divers services ecclésiaux : il convient donc de discerner quelles sont, parmi les diverses formes d’exclusion actuellement pratiquées dans les domaines liturgique, pastoral, éducatif et institutionnel, celles qui peuvent être dépassées. Non seulement ils ne doivent pas se sentir excommuniés, mais ils peuvent vivre et mûrir comme membres vivants de l’Église, la sentant comme une mère qui les accueille toujours, qui s’occupe d’eux avec beaucoup d’affection et qui les encourage sur le chemin de la vie et de l’Évangile. Cette intégration est nécessaire également pour le soin et l’éducation chrétienne de leurs enfants, qui doivent être considérés comme les plus importants. Pour la communauté chrétienne, prendre soin de ces personnes n’est pas un affaiblissement de sa foi, ni du témoignage concernant l’indissolubilité du mariage : au contraire, par cette attention justement, l’Église exprime sa charité.

85. Saint Jean-Paul II a offert un critère général qui demeure fondamental pour l’évaluation de ces situations : « Les pasteurs doivent savoir que, par amour de la vérité, ils ont l'obligation de bien discerner les diverses situations. Il y a en effet une différence entre ceux qui se sont efforcés avec sincérité de sauver un premier mariage et ont été injustement abandonnés, et ceux qui par une faute grave ont détruit un mariage canoniquement valide. Il y a enfin le cas de ceux qui ont contracté une seconde union en vue de l'éducation de leurs enfants, et qui ont parfois, en conscience, la certitude subjective que le mariage précédent, irrémédiablement détruit, n'avait jamais été valide » (FC, 84). Il est donc du devoir des prêtres d’accompagner les personnes intéressées sur la voie du discernement selon l’enseignement de l’Église et les orientations de l’évêque. Dans ce processus, il sera utile de faire un examen de conscience, grâce à des moments de réflexion et de repentir. Les divorcés remariés devraient se demander comment ils se sont comportés envers leurs enfants quand l’union conjugale est entrée en crise ; s’il y a eu des tentatives de réconciliation ; quelle est la situation du partenaire abandonné ; quelles conséquences a la nouvelle relation sur le reste de la famille et sur la communauté des fidèles ; quel exemple elle offre aux jeunes qui doivent se préparer au mariage. Une réflexion sincère peut renforcer la confiance en la miséricorde de Dieu, qui n’est refusée à personne.

En outre, on ne peut nier que, dans certaines circonstances, « l’imputabilité et la responsabilité d’une action peuvent être diminuées voire supprimées » (CCC, 1735) à cause de divers conditionnements. En conséquence, le jugement sur une situation objective ne doit pas porter à un jugement sur l’« imputabilité subjective » (Conseil Pontifical pour les textes législatifs, Déclaration du 24 juin 2000, 2a). Dans des circonstances déterminées, les personnes ont beaucoup de mal à agir différemment. Par conséquent, tout en soutenant une norme générale, il est nécessaire de reconnaître que la responsabilité quant à certaines actions ou décisions n’est pas la même dans tous les cas. Le discernement pastoral, tout en tenant compte de la conscience correctement formée des personnes, doit prendre en charge ces situations. Il est en de même pour les conséquences des actes accomplis ne sont pas nécessairement les mêmes dans tous les cas.

86. Le parcours d’accompagnement et de discernement oriente ces fidèles à la prise de conscience de leur situation devant Dieu. Le colloque avec le prêtre, dans le for interne, concourt à la formation d’un jugement correct sur ce qui entrave la possibilité d’une participation plus entière à la vie de l’Église et sur les étapes à accomplir pour la favoriser et la faire grandir. Étant donné que, dans la loi elle-même, il n’y a pas de gradualité (cf. FC, 34), ce discernement ne pourra jamais s’exonérer des exigences de vérité et de charité de l’Évangile proposées par l’Église. Pour qu’il en soit ainsi, il faut garantir les conditions nécessaires d’humilité, de discrétion, d’amour de l’Église et de son enseignement, dans la recherche sincère de la volonté de Dieu et avec le désir de parvenir à y répondre de façon plus parfaite.

 

Chapitre IV

Famille et évangélisation

 

La spiritualité familiale

87. La famille, dans sa vocation et sa mission, est vraiment un trésor de l’Église. Toutefois, comme l’affirme saint Paul à l’égard de l’Évangile, « ce trésor, nous le portons comme dans des vases d’argile » (2 Co 4, 7). Sur la porte d’entrée de la vie de famille, affirme le Pape François, « trois mots sont écrits […] : “ s’il te plaît ? ”, “ merci ”, “ pardon ”. En effet, ces mots ouvrent la voie pour bien vivre en famille, pour vivre en paix. Ce sont des mots simples, mais pas si simples à mettre en pratique! Ils contiennent une grande force: la force de protéger la maison, également à travers mille difficultés et épreuves; en revanche leur absence, peu à peu, ouvre des failles qui peuvent aller jusqu’à son effondrement » (François, Audience générale, 13 mai 2015). L’enseignement des Papes nous invite à approfondir la dimension spirituelle de la vie familiale à partir de la redécouverte de la prière en famille et de l’écoute en commun de la Parole de Dieu, d’où jaillit l’engagement de la charité. Aliment principal de la vie spirituelle de la famille, l’Eucharistie, en particulier le jour du Seigneur, est le signe de son profond enracinement dans la communauté ecclésiale (cf. Jean-Paul II, Dies Domini, 52 ; 66). La prière domestique, la participation à la liturgie et la pratique des dévotions populaires et mariales sont des moyens efficaces de rencontre avec Jésus-Christ et d’évangélisation de la famille. Cela mettra en évidence la vocation spéciale des époux à réaliser, avec la grâce de l’Esprit Saint, leur sainteté à travers la vie conjugale, en participant aussi au mystère de la croix du Christ, qui transforme les difficultés et les souffrances en offrande d’amour.

88. En famille, la tendresse est le lien qui unit les parents entre eux et ceux-ci à leurs enfants. Tendresse veut dire donner avec joie et susciter en l’autre la joie de se sentir aimé. Elle s’exprime en particulier en se tournant avec une attention exquise vers les limites de l’autre, spécialement quand elles apparaissent de façon évidente. Traiter avec délicatesse et respect signifie panser les blessures et redonner l’espérance, de façon à raviver en l’autre la confiance. La tendresse dans les rapports familiaux est la vertu quotidienne qui aide à surmonter les conflits intérieurs et relationnels. À cet égard, le Pape François nous invite à réfléchir : « Avons-nous le courage d’accueillir avec tendresse les situations difficiles et les problèmes de celui qui est à côté de nous, ou bien préférons-nous les solutions impersonnelles, peut-être efficaces mais dépourvues de la chaleur de l’Évangile ? Combien le monde a besoin de tendresse aujourd’hui ! Patience de Dieu, proximité de Dieu, tendresse de Dieu » (Homélie à l’occasion de la messe de la nuit de la Solennité du Seigneur, 24 décembre 2014).

La famille, sujet de la pastorale

89. Si la famille chrétienne veut être fidèle à sa mission, elle devra bien comprendre quelle est sa source : elle ne peut évangéliser sans être évangélisée. La mission de la famille englobe l’union féconde des époux, l’éducation des enfants, le témoignage du sacrement, la préparation d’autres couples au mariage et l’accompagnement amical des couples ou familles qui rencontrent des difficultés. D’où l’importance d’un effort évangélisateur et catéchétique au sein de la famille. À cet égard, il faut veiller à valoriser les couples, les mères et les pères, comme sujets actifs de la catéchèse, spécialement à l’égard de leurs enfants, en collaboration avec des prêtres, des diacres, des personnes consacrées et des catéchistes. Cet effort commence dès les premières fréquentations sérieuses du couple. La catéchèse familiale est d’une grande aide, en tant que méthode efficace pour former les jeunes parents et pour les rendre conscients de leur mission comme évangélisateurs de leur propre famille. En outre, il est très important de souligner le lien entre expérience familiale et initiation chrétienne. La communauté chrétienne tout entière doit devenir le lieu où les familles naissent, se rencontrent et se confrontent ensemble, en cheminant dans la foi et en partageant des parcours de croissance et de d’échange réciproque.

90. L’Église doit insuffler dans les familles un sens d’appartenance ecclésiale, un sens du « nous » dans lequel aucun membre n’est oublié. Tous doivent être encouragés à développer leurs propres capacités et à réaliser leur projet de vie au service du Royaume de Dieu. Chaque famille, insérée dans le cadre ecclésial, redécouvre la joie de la communion avec d’autres familles pour servir le bien commun de la société, en promouvant une politique, une économie et une culture au service de la famille, notamment grâce à l’utilisation des réseaux sociaux et des médias. Nous souhaitons que soit offerte la possibilité de créer des petites communautés de familles qui soient les témoins vivants des valeurs évangéliques. Nous ressentons le besoin de préparer, de former et de responsabiliser quelques familles qui puissent en accompagner d’autres à vivre chrétiennement. Il faut égaler mentionner et encourager les familles qui manifestent leur disponibilité à vivre la mission “ ad gentes ”. Enfin, signalons l’importance de relier la pastorale des jeunes à la pastorale familiale.

Le rapport avec les cultures et avec les institutions

91. L’Église « qui a connu au cours des temps des conditions d’existence variées, a utilisé les ressources des diverses cultures pour répandre et exposer par sa prédication le message du Christ à toutes les nations, pour mieux le découvrir et mieux l’approfondir, pour l’exprimer plus parfaitement dans la célébration liturgique comme dans la vie multiforme de la communauté des fidèles » (GS 58). Il est donc important de tenir compte de ces cultures et de respecter chacune d’elles selon ses particularités. Il convient aussi de rappeler ce qu’écrivait le bienheureux Paul VI : « La rupture entre Évangile et culture est sans doute le drame de notre époque, comme ce fut aussi celui d’autres époques. Aussi faut-il faire tous les efforts en vue d’une généreuse évangélisation de la culture, plus exactement des cultures» (EN, 20). La pastorale du mariage et de la famille demande de reconnaître les éléments positifs que l’on rencontre dans les diverses expériences religieuses et culturelles, qui représentent une “praeparatio evangelica”. Dans la rencontre avec les cultures, toutefois, une évangélisation attentive aux exigences de la promotion humaine de la famille ne pourra pas échapper à la dénonciation sans équivoque des conditionnements culturels, sociaux, politiques et économiques. L’hégémonie croissante de la logique de marché, qui mortifie les espaces et le temps à consacrer à une authentique vie familiale, concourent aussi à aggraver les discriminations, la pauvreté, les exclusions et la violence. Parmi les diverses familles qui basculent dans l’indigence économique, à cause du chômage ou de la précarité du travail ou à cause du manque d’assistance sanitaire et sociale. Il n’est pas rare que certaines, ne pouvant pas avoir accès au crédit bancaire, deviennent victimes de taux d’intérêt usuriers et se voient contraintes de quitter leurs maisons et parfois même leurs enfants. À cet égard, il est suggéré de créer des structures économiques offrant un soutien adapté pour aider ces familles ou favorisant la solidarité familiale et sociale.

92. La famille est « la cellule première et vitale de la société » (AA, 11). Elle doit redécouvrir sa vocation qui est de soutenir la vie sociale dans toutes ses dimensions. Il est indispensable que les familles, à travers leurs associations, trouvent les modalités d’interagir avec les institutions politiques, économiques et culturelles, afin d’édifier une société plus juste. C’est pourquoi il faut développer le dialogue et la coopération avec les structures sociales et qu’il faut encourager et soutenir les laïcs engagés, comme chrétiens, dans le milieu culturel et sociopolitique. La politique doit respecter en particulier le principe de subsidiarité et ne pas limiter les droits des familles. Il est important, à ce propos, de se référer à la “ Charte des droits de la famille ” (cf. Conseil Pontifical pour la Famille, 22 octobre 1983) et à la “ Déclaration universelle des droits de l’homme ” (10 décembre 1948). Pour les chrétiens qui œuvrent en politique, l’engagement pour la vie et la famille doit être une priorité, car une société qui néglige la famille a perdu son ouverture sur l’avenir. Les associations familiales impliquées dans le travail commun avec des groupes d’autres traditions chrétiennes, ont parmi leurs objectifs principaux, entre autres, la promotion et la défense de la vie et de la famille, de la liberté d’éducation et de la liberté religieuse, d’un équilibre entre temps de travail et temps consacré à la famille, la défense des femmes dans le monde du travail, la protection du droit à l’objection de conscience.

L’ouverture à la mission

93. La famille des baptisés est par nature missionnaire et fait grandir sa foi en la donnant aux autres, en tout premier lieu à ses propres enfants. Le fait même de vivre la communion familiale est sa première forme d’annonce. En effet, l’évangélisation commence par la famille, dans laquelle ce n’est pas seulement la vie physique qui est transmise, mais aussi la vie spirituelle. Le rôle des grands-parents dans la transmission de la foi et des pratiques religieuses ne doit pas être oublié : ils sont les témoins du lien entre les générations, les gardiens des traditions pétries de sagesse, de prière et de bon exemple. La famille se constitue ainsi comme sujet de l’action pastorale à travers l’annonce explicite de l’Évangile et l’héritage de multiples formes de témoignage : la solidarité envers les pauvres, l’ouverture à la diversité des personnes, la sauvegarde de la création, la solidarité morale et matérielle envers les autres familles surtout les plus nécessiteuses, l’engagement pour la promotion du bien commun, notamment par la transformation des structures sociales injustes, à partir du territoire où elle vit, en pratiquant les œuvres de miséricorde corporelle et spirituelle.

 

CONCLUSION

 

94. Au cours de cette Assemblée, nous, les Pères synodaux, réunis autour du Pape François, nous avons fait l’expérience de la tendresse et de la prière de toute l’Église ; nous avons cheminé comme les disciples d’Emmaüs et reconnu la présence du Christ dans le pain rompu à la table eucharistique, dans la communion fraternelle, dans le partage des expériences pastorales. Nous souhaitons que le fruit de ce travail, maintenant remis entre les mains du Successeur de Pierre, apporte espérance et joie à de nombreuses familles dans le monde, une orientation pour les pasteurs et les agents pastoraux et un stimulant pour l’œuvre d’évangélisation. En conclusion de ce Rapport, nous demandons humblement au Saint-Père qu’il réfléchisse à l’opportunité d’offrir un document sur la famille, afin que le Christ, lumière du monde, resplendisse toujours davantage dans cette Église domestique.

 

Prière à la Sainte Famille

Jésus, Marie et Joseph
en vous nous contemplons
la splendeur de l’amour véritable,
à vous nous nous adressons avec confiance.

Sainte Famille de Nazareth,
fais aussi de nos familles
des lieux de communion et des cénacles de prière,
des écoles authentiques de l’Évangile
et des petites Églises domestiques.

Sainte Famille de Nazareth,
que jamais plus dans les familles on fasse l’expérience
de la violence, de la fermeture et de la division:
que quiconque a été blessé ou scandalisé
connaisse rapidement consolation et guérison.

Sainte Famille de Nazareth,
que le prochain Synode des Évêques
puisse réveiller en tous la conscience
du caractère sacré et inviolable de la famille,
sa beauté dans le projet de Dieu.

Jésus, Marie et Joseph
écoutez-nous, exaucez notre prière.

Amen.