EVANGELII GAUDIUM - page 55

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quand subtilement ils s’enfuient d’un lieu à l’autre ou d’une tâche à l’autre, sans
créer des liens profonds et stables : «
Imaginatio locorum et mutatio multos
fefellit
».
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C’est un faux remède qui rend malade le cœur et parfois le corps. Il
est nécessaire d’aider à reconnaître que l’unique voie consiste dans le fait
d’apprendre à rencontrer les autres en adoptant le comportement juste, en les
appréciant et en les acceptant comme des compagnons de route, sans résistances
intérieures. Mieux encore, il s’agit d’apprendre à découvrir Jésus dans le visage
des autres, dans leur voix, dans leurs demandes. C’est aussi apprendre à souffrir
en embrassant Jésus crucifié quand nous subissons des agressions injustes ou
des ingratitudes, sans jamais nous lasser de choisir la fraternité
.
69
92. Il y a là la vraie guérison, du moment que notre façon d’être en relation avec
les autres, en nous guérissant réellement au lieu de nous rendre malade, est une
fraternité
mystique
, contemplative, qui sait regarder la grandeur sacrée du
prochain, découvrir Dieu en chaque être humain, qui sait supporter les
désagréments du vivre ensemble en s’accrochant à l’amour de Dieu, qui sait
ouvrir le cœur à l’amour divin pour chercher le bonheur des autres comme le fait
leur Père qui est bon. En cette époque précisément, et aussi là où se trouve un
« petit troupeau » (
Lc
12, 32), les disciples du Seigneur sont appelés à vivre
comme une communauté qui soit sel de la terre et lumière du monde (cf.
Mt
5,
68
T
HOMAS A
K
EMPIS
,
De Imitatione Christi
, Liber Primus, IX, 5 : « Plusieurs s’imaginant qu’ils seraient
meilleurs en d’autres lieux, ont été trompés par cette idée de changement ».
69
Le témoignage de sainte Thérèse de Lisieux, dans sa relation avec une consœur qui lui était particulièrement
désagréable est intéressant ; dans celui-ci une expérience intérieure a eu un impact décisif :
« Un soir d’hiver
j’accomplissais comme d’habitude mon petit office, il faisait froid, il faisait nuit… tout à coup j’entendis dans le
lointain le son harmonieux d’un instrument de musique, alors je me représentai un salon bien éclairé, tout
brillant de dorures, des jeunes filles élégamment vêtues se faisant mutuellement des compliments et des
politesses mondaines ; puis mon regard se porta sur la pauvre malade que je soutenais ; au lieu d’une mélodie
j’entendais de temps en temps ses gémissements plaintifs […] Je ne puis exprimer ce qui se passa dans mon âme,
ce que je sais c’est que le Seigneur l’illumina des rayons de la vérité qui surpassèrent tellement l’éclat ténébreux
des fêtes de la terre, que je ne pouvais croire à mon bonheur »
(
Manuscrit C
, 29 v° - 30 r°, en
Œuvres
complètes
, Paris 1992, pp. 274-275).
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