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BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 16 novembre 2005

 

Action de grâce pour le salut accompli par Dieu
LecturePs 135, 13-14.23-26

1. Notre réflexion revient sur l'hymne de louange du Psaume 135, que la Liturgie des Vêpres propose en deux étapes successives, suivant une distinction spécifique que la composition offre au niveau thématique. En effet, la célébration des oeuvres du Seigneur est définie dans deux domaines, celui de l'espace et celui du temps.

Dans la première partie (cf. vv. 1-9), qui a fait l'objet de notre méditation précédente, la scène était occupée par les actes divins accomplis lors de la création:  ils ont donné origine aux merveilles de l'univers. Dans cette partie du Psaume, on proclame ainsi la foi en Dieu créateur, qui se révèle à travers ses créatures cosmiques. A présent, en revanche, le chant joyeux du Psalmiste, appelé par la tradition juive "le grand Hallel", c'est-à-dire la louange la plus haute élevée au Seigneur, nous conduit sur un horizon différent, celui de l'histoire. La première partie traite donc de la création comme reflet de la beauté de Dieu, la seconde partie parle de l'histoire et du bien que Dieu a accompli pour nous au cours du temps. Nous savons que la Révélation biblique proclame de façon répétée que la présence de Dieu sauveur se manifeste de manière particulière dans l'histoire du salut (cf. Dt 26, 5-9; Jos 24, 1-13).

2. Ainsi, défilent devant l'orant les actions libératrices du Seigneur qui ont leur coeur dans l'événement fondamental de l'exode de l'Egypte. Celui-ci est profondément lié au voyage tourmenté dans le désert du Sinaï, dont la dernière étape est la terre promise, le don divin qu'Israël continue à expérimenter dans toutes les pages de la Bible.

Le célèbre passage à travers la Mer Rouge, "divisée en deux parties", comme déchirée et domptée, telle un monstre vaincu (cf. Ps 135, 13), fait naître le peuple libre et appelé à une mission et à un destin glorieux (cf. vv. 14-15; Ex 15, 1-21), dont la relecture chrétienne sera la pleine libération du mal par la grâce baptismale (cf. 1 Co 10, 1-4). L'itinéraire du désert commence ensuite:  le Seigneur y est représenté comme un guerrier qui, poursuivant l'oeuvre de libération commencée lors de la traversée de la Mer Rouge, prend position en défense de son peuple, frappant ses adversaires. Le désert et la mer représentent alors le passage à travers le mal et l'oppression pour recevoir le don de la liberté et de la terre promise (cf. Ps 135, 16-20).

3. Dans le final, le Psaume débouche sur ce pays que la Bible exalte de manière enthousiaste comme "un heureux pays, pays de cours d'eau, de sources qui sourdent de l'abîme [...] pays de froment et d'orge, de vigne, de figuiers et de grenadiers, pays d'oliviers, d'huile et de miel, pays où le pain ne te sera pas mesuré et où tu ne manqueras de rien, pays où il y a des pierres de fer et d'où tu extrairas, dans la montagne, le bronze" (Dt 8, 7-9).

Cette célébration emphatique, qui va au-delà de la réalité de cette terre, souhaite exalter le don divin, en orientant nos attentes vers le don le plus haut de la vie éternelle avec Dieu. Un don qui permet au peuple d'être libre, un don qui naît - comme on continue à le répéter dans l'antienne qui rythme chaque verset - du hesed du Seigneur, c'est-à-dire de sa "miséricorde", de sa fidélité à l'engagement pris dans l'alliance avec Israël, de son amour qui continue à se révéler à travers le "souvenir" (cf. Ps 135, 23). Au temps de l'"humiliation", c'est-à-dire des épreuves et des oppressions successives, Israël découvrira toujours la main salvatrice du Dieu de la liberté et de l'amour. Même au temps de la faim et de la misère, le Seigneur entrera en scène pour offrir la nourriture à l'humanité tout entière, confirmant son identité de créateur (cf. v. 25).

4. Avec le Psaume 135 se rencontrent donc deux modalités de l'unique Révélation divine, la Révélation cosmique (cf. vv. 4-9) et la Révélation historique (cf. vv. 10-25). Le Seigneur est, bien sûr, transcendant en tant que créateur et arbitre de l'être; mais il est également proche de ses créatures, entrant dans l'espace et dans le temps. Il ne reste pas en dehors, dans le ciel lointain. Sa présence parmi nous atteint même son sommet dans l'Incarnation du Christ.

C'est ce que la relecture chrétienne du Psaume proclame de façon claire, comme cela est attesté par les Pères de l'Eglise, qui voient le sommet de l'histoire du salut et le signe suprême de l'amour miséricordieux du Père dans le don du Fils, en tant que sauveur et rédempteur de l'humanité (cf. Jn 3, 16).

Ainsi, saint Cyprien, un martyr du III siècle, commençant son traité sur Les oeuvres de charité et l'aumône, contemple avec émerveillement les oeuvres que Dieu a accomplies dans le Christ son Fils en faveur de son peuple, terminant ensuite par une reconnaissance passionnée de sa miséricorde. "Très chers Frères, nombreux et grands sont les bienfaits de Dieu, que la bonté généreuse et abondante de Dieu le Père et du Christ a accomplis et accomplira toujours pour notre salut; en effet, pour nous préserver, pour nous donner une vie nouvelle et pour pouvoir nous racheter, le Père a envoyé son Fils; le Fils, qui avait été envoyé, voulut être appelé également Fils de l'homme, pour nous faire devenir des fils de Dieu:  il s'humilia, pour élever le peuple qui auparavant gisait à terre, il fut blessé pour soigner nos blessures, il devint esclave pour nous conduire à la liberté, nous qui étions esclaves. Il accepta de mourir, pour pouvoir offrir l'immortalité aux mortels. Tels sont les nombreux et grands dons de la miséricorde divine (1:  Traités:  Collection de Textes patristiques, CLXXV, Rome 2004, p. 108).

Avec ces paroles, le saint Docteur de l'Eglise développe le Psaume avec une litanie des bienfaits que Dieu nous a donnés pour nous, ajoutant à ce que le Psalmiste ne connaissait pas encore, mais que déjà il attendait, le véritable don que Dieu nous a fait:  le don du Fils, le don de l'Incarnation, dans laquelle Dieu s'est donné à nous, et demeure avec nous dans l'Eucharistie et dans sa Parole, chaque jour, jusqu'à la fin de l'histoire. Notre danger est que la mémoire du mal, des maux subis, soit souvent plus forte que la mémoire du bien. Le Psaume sert à réveiller en nous également la mémoire du bien, de tout le bien que le Seigneur nous a fait, et nous fait, et que nous pouvons voir si notre coeur est attentif:  c'est vrai, la miséricorde de Dieu est éternelle, elle est présente jour après jour.

* * *

Je suis heureux d’accueillir les pèlerins francophones présents ce matin à cette audience. Que le Christ, qui appelle tous ses disciples à grandir dans la sainteté, vous donne de répondre généreusement à ses appels! À tous, j’accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique.

 

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